Préhistoire : certains récits mythiques pourraient remonter aux lointaines cultures paléolithiques…

D'après l'art paléolithique, le sacré, mythologie, préhistoire. (Marsailly/Blogostelle)

Une cosmogonie préhistorique ?

Il n’est pas impossible que les cultures paléolithiques possèdent déjà des mythes cosmogoniques. La structure archaïque de certains thèmes mythiques et universels pourrait trouver sa source dans l’héritage de la préhistoire. Les mythologies ne jaillissent pas ex nihilo (à partir de rien), sans expériences ni croyances préalables, sans une longue maturation de la pensée…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Publication octobre 2022 –

D'après la grotte de Lascaux, animaux, peintures rupestres, 18 000 avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la grotte de Lascaux, animaux, peintures rupestres, 18 000 avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. – Paléolithique inférieur, des origines à 100 000 avjc. – Paléolithique moyen, de 100 000 à 40 000 – 35 000 avjc. – Paléolithique supérieur, entre 35 000 et 10 000 avjc. Chronologie Préhistoire

PHÉNOMÈNES CÉLESTES, FEU, CENTRE DU MONDE…

Grâce à l’observation des dernières sociétés de chasseurs ayant conservé leurs cultures ancestrales, il est possible d’appréhender, selon Mircea Eliade, certains des thèmes mythiques ayant inspiré l’art paléolithique. Tels l’origine du monde et des animaux…

D’après des graphismes, peintures rupestres, grotte d'El Castillo, 40 800 avjc, Puente Viesgo, Espagne, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des graphismes, peintures rupestres, grotte d’El Castillo, 40 800 avjc, Puente Viesgo, Espagne, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

La sacralité du Ciel et des phénomènes célestes

La sacralité du Ciel et des phénomènes célestes et atmosphériques remonte probablement, selon Mircea Eliade, aux expérimentations originelles de l’humanité préhistorique.

L’observation du Ciel ?

Sur une composition des grottes des Mains, en Patagonie, un motif circulaire pourrait évoquer le soleil ou un astre, et une ligne de zigzags, les éclairs de l’orage…

Une composition de points, au plafond de la grotte de Pech-Merle, en France, évoque-t-elle une représentation du Ciel ? Un système d’orientation ? Par ailleurs à Pech-Merle, des ponctuations s’associent à des images d’animaux, tels un fauve et des chevaux…

D’après des animaux et ponctuations ; et au plafond une composition de ponctuations ; grotte du Pech-Merle, Lot, vers 25 000 avjc, gravettien, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Les graphismes de Pech-Merle pourraient aussi correspondre à un programme de notations de l’espace ou du temps, à un code signifiant. Il est probable que l’héritage culturel et spirituel paléolithique comporte déjà une conception complexe du monde et de l’univers que nous ne pouvons pas connaître…

L’observation du Ciel, des astres, de l’orage, de la foudre, de la pluie… invite à la transcendance. Le dieu de l’orage domine d’ailleurs le panthéon des premières civilisations, jusque dans l’antiquité gréco-romaine…

Une délivrance de la pesanteur

La sacralité céleste s’exprime encore dans le symbolisme chamanique de l’ascension extatique. Le plus souvent, l’imaginaire universel voit dans l’expérience de l’envol une délivrance de la pesanteur, fondée sur la sacralisation de l’espace céleste.

D’après un cheval renversé et la Vache qui saute, grotte de Lascaux, vers 18 000 avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Ainsi, le Ciel ou le monde céleste devient par excellence la source et la demeure des êtres surnaturels, des esprits, des héros civilisateurs, des divinités… Dans l’art paléolithique, on rencontre des figurations d’oiseaux, et le rendu de certains animaux peints sur les parois rocheuses, comme en apesanteur, évoque un monde quasi surnaturel…

Des animaux et des dieux…

L’imaginaire mystérieux des chasseurs-cueilleurs paléolithiques nous montre des chevaux, des cerfs ou des taureaux qui semblent flotter sur les parois peintes. La mise en scène des animaux domine l’art paléolithique et les figures humaines sont rares.

D'après des cerfs, un cheval, signes et taureaux, grotte de Lascaux, 18 000 avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des cerfs, un cheval, signes et taureaux, grotte de Lascaux, 18 000 avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Sur une composition de la grotte de Lascaux, en France, un groupe de cerfs et un cheval se distinguent de deux immenses taureaux. Cette différence de proportion, sans doute volontaire, implique peut-être une notion de distance, voire une hiérarchie signifiante au sein du monde animal…

Par ailleurs, le taureau sacré ou mythique est attesté dès le néolithique dans l’Orient ancien, comme au Levant, à Çatal Höyük, en Anatolie. On le retrouve dans le monde antique crétois et grec. Dans l’Egypte ancienne, de nombreuses divinités prennent des formes animales ou arborent des têtes d’animaux, en Mésopotamie, les divinités portent des tiares à cornes…

D'après un grand taureau, grotte de Lascaux, 18 000 ans avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un grand taureau, grotte de Lascaux, 18 000 ans avjc, Magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

L’origine du monde…

Sur une gravure sur os du magdalénien, un animal – taureau ou cervidé – semble accompagner ou protéger une femme enceinte, peut-être prête à accoucher.

Ce symbole d’une naissance à venir pourrait se rattacher à la thématique de l’origine du monde et de la vie. Par ailleurs, les artistes paléolithiques façonnent de nombreuses figurines féminines évoquant la procréation… 

D’après une femme enceinte et cervidé ou taureau, gravure sur os, Magdalénien, Laugerie-Basse, Eyzies-de-Tayac, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une femme enceinte et cervidé ou taureau, gravure sur os, Magdalénien, Laugerie-Basse, Eyzies-de-Tayac, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi les articles L’art paléolithique consacre la féminité et le monde animal et L’être humain paléolithique sacralise la mort, la vie et la procréation

Le thème des eaux primordiales d’où émerge le monde est fréquent dans les cosmogonies anciennes. Souvent, une divinité créatrice, anthropomorphe (forme humaine) ou thériomorphe (forme animale), amène le monde et la vie à l’existence. Parfois, un animal aquatique descend au fond de l’océan et ramène la matière nécessaire à la création du monde…

Dans la cosmogonie égyptienne, Le Noun, à la fois principe aquatique primordial et divinité originelle, prend la forme du serpent Atoum-Rê… Voir l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le dieu Rê crée le Premier Jour

Terre et centre du monde

Parmi les expériences fondamentales de la conscience humaine, le thème universel d’un « centre du monde » alimente diverses créations spirituelles : montagne cosmique, nombril de la Terre, fleuve partageant le monde en quatre directions… Des images et des signes préhistoriques sont interprétés en ce sens.

L’humanité préhistorique se fait-elle déjà une idée de l’organisation du cosmos? Par ailleurs, des représentations rupestres paléolithiques laissent penser que les éruptions volcaniques étaient connues. Simple observation ? Ces images de volcan possèdent-elles une signification sacrée ou symbolique ?

D’après de possibles tracés volcaniques : gerbe et mégacéros, éruption dite panneau du Sacré-Cœur et dessin au doigt, grotte Chauvet, 36 000 avjc, Aurignacien, Pont d’Arc, Ardèche, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Entre Terre et Ciel…

Il est possible que les humains paléolithiques cherchent déjà à se situer « entre Terre et Ciel ». Les thèmes de la “sacralisation de l’espace”, d’un “centre du monde” ou d’un “axe du monde” alimentent les architectures dès leurs commencements : du simple tipi ou de la yourte mongole aux premières maisons-sanctuaires, jusqu’aux temples antiques les plus grandioses et aux cathédrales…

D'après la reconstitution d’un campement néandertalien : lieu délimité de repos et d'activités, l'habitat paléolithique organise déjà un espace de vie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la reconstitution d’un campement néandertalien : lieu délimité de repos et d’activités, l’habitat paléolithique organise déjà un espace de vie. (Marsailly/Blogostelle)

Voir les articles Dès le néolithique, l’avènement du labeur agricole induit une évolution culturelle et mythologique et  L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant

Des compositions picturales élaborées

Dans les grottes des Mains, en Argentine, une peinture rupestre représente des mains humaines traitées au pochoir, des scènes de chasse et des animaux. Cette savante composition paléolithique pourrait illustrer une conception du monde déjà très élaborée : la terre, les animaux, les humains, les eaux, le ciel…

D'après une composition rupestre, grotte des Mains, animaux, empreintes de mains et graphismes, 13 000 - 9 500 avjc, Cueva de las Manos, Patagonie, Santa Cruz, Argentine, fin paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une composition rupestre, grotte des Mains, animaux, empreintes de mains et graphismes, 13 000 – 9 500 avjc, Cueva de las Manos, Patagonie, Santa Cruz, Argentine, fin paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

D’un côté, une ligne en zigzag évoque peut-être le cours d’une rivière ou l’apparition des éclairs dans le ciel lors de l’orage. De l’autre, un motif circulaire pourrait signifier le Soleil ou une étoile.

Le motif de cercles concentriques rappelle aussi le phénomène des ronds dans l’eau. S’agit-il d’une évocation aquatique, de l’éclat d’un astre, de l’image d’un centre symbolique ou d’un « nombril de la Terre »… ?

D’après une composition rupestre, grotte des Mains, animaux, empreintes de mains et graphismes, 13 000 – 9 500 avjc, Cueva de las Manos, Patagonie, Santa Cruz, Argentine, fin paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Ascension au Ciel et « Vol magique »…

De même, sur tous les continents, il subsiste des mythes, des légendes ou des rites qui racontent une « ascension au Ciel » ou un « Vol magique ». Ces récits mythiques seraient étroitement liés aux expériences oniriques et extatiques spécifiques au chamanisme.

D’autres thèmes mythiques ou symboliques sont aussi très répandus dans le monde. Comme ceux de « l’arc en Ciel » et du « pont » qui donnent accès à un « autre monde » ou à un « au-delà » dans les croyances ancestrales.

D'après une figure à cornes dite Le chaman, ocre rouge sur calcaire, grotte de Fumane, 40 000-35 500 avjc, Aurignacien, Vérone, Italie, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une figure à cornes dite Le chaman, ocre rouge sur calcaire, grotte de Fumane, 40 000-35 500 avjc, Aurignacien, Vérone, Italie, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Les représentations paléolithiques laissent imaginer une relation mystique entre le chasseur et le gibier, une mythologie de la chasse, ainsi que l’existence mythique d’un « Maître des Fauves » ou d’un « Maître des animaux ». 

Voir les articles : Chasseur paléolithique et gibier et La préhistoire : des rites et des traditions dès le paléolithique ?

Feu, sexualité, lumière…

Dans les cultures archaïques, les mythes relatifs à l’origine du Feu mettent le plus souvent en évidence l’activité sexuelle. Le principe originel du frottement répétitif permet de faire jaillir l’étincelle. Pour allumer le feu, les paléolithiques frottent deux silex l’un contre l’autre ou font tourner une baguette sur elle-même provoquant un frottement…

Le feu, thème mythique universel, se rattache à la foudre et au soleil venant du ciel ; et une représentation sexuelle, gravure sur bloc, pénis et vulve, 37 000 avjc, Aurignacien, abri-sous-roche de Castanet, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Comme la pluie qui se rattache à l’orage et aux nuages, le feu se rapporte à la foudre et au soleil venant du ciel. Ces deux thèmes nourrissent la vie mythique des premiers peuples de l’humanité : culte du Feu, culte du Soleil… Quelquefois dangereux voire dévastateur, le feu apporte aussi lumière, chaleur et protection…

L’expérimentation originelle du jour et de la nuit a pu inspirer le mythique combat entre la lumière et les ténèbres. (Marsailly/Blogostelle)
L’expérimentation originelle du jour et de la nuit a pu inspirer le mythique combat entre la lumière et les ténèbres. (Marsailly/Blogostelle)

L’obscurité est inquiétante…

La nuit est également une expérience originelle forte qui inspire l’imaginaire de l’être humain. Les ténèbres sont associées au danger, à la mort (du gibier ou à celle d’un membre de la tribu), aux crises de folies, à la férocité, au meurtre, aux catastrophes naturelles et cosmiques… L’obscurité est inquiétante, comme aussi les sombres lieux souterrains (grottes, cavernes, mines…)

DES RÉCITS MYTHIQUES QUI REMONTERAIENT AU PALÉOLITHIQUE

Selon Julien d’Huy (docteur en histoire, Institut des mondes africains), des récits mythiques auraient traversé le temps en conservant leur forme quasi originelle. Certains d’entre eux remonteraient au paléolithique supérieur…

D'après l'animal fabuleux dit La Licorne, grotte de Lascaux, 18 000 avjc, magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’animal fabuleux dit La Licorne, grotte de Lascaux, 18 000 avjc, magdalénien, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Mythes, parenté, filiation

Une souche commune

Julien d’Huy démontre que certains récits mythiques, apparemment sans lien les uns aux autres, se rattachent en fait à une souche commune, dont la source remonterait à la lointaine préhistoire. L’auteur évoque divers thèmes mythiques, tels « Polyphème », « La femme-oiseau », « La ménagère mystérieuse », « Le plongeon cosmogonique », « Le Soleil volé »… 

Pour étudier l’évolution des mythes universels, Julien d’Huy emprunte aux biologistes de l’évolution leurs méthodes statistiques de classification des espèces du vivant sous forme d’arbres phylogénétiques. 

D’après la statuette dite Le Polichinelle, stéatite, 27 000 avjc, Gravettien, grottes de Grimaldi, Italie ; et un homme-bison, grotte des Trois-Frères, croquis de l’abbé Breuil, Magdalénien, Ariège, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Des « arbres phylogénétiques »

La phylogénétique (étude de l’évolution des organismes vivants) s’intéresse à la formation et au développement des espèces au cours des temps et aux relations de filiation qui unissent les êtres vivants. 

La parenté entre les espèces est représentée sous la forme d’un « arbre phylogénétique ». Charles Darwin considérait que la phylogénie pouvait être représentée sous la forme d’arbres évolutifs. 

Le chemin des premières migrations

Ainsi, Julien d’Huy travaille sur des récits mythiques recueillis par les ethnologues à l’époque moderne. Des récits dont la pérennité permet d’appliquer des algorithmes phylogénétiques. L’auteur réalise ainsi des arbres schématiques montrant les liens de parenté entre divers groupes de mythes.

D'après des empreintes de mains et ponctuations, grotte Chauvet, Pont d'Arc, 36 000 avjc, Aurignacien, Ardèche, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après des empreintes de mains et ponctuations, grotte Chauvet, Pont d’Arc, 36 000 avjc, Aurignacien, Ardèche, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle) 

Les arbres phylogénétiques ainsi obtenus semblent correspondre au chemin des premières migrations humaines. Cela permettrait de faire remonter certains mythes au paléolithique supérieur.

« Les premiers hommes ayant quitté l’Afrique devaient avoir suffisamment foi dans la puissance explicative de leurs mythes pour braver les dangers et s’aventurer au-delà des sentiers battus. La peur de l’inconnu était pour eux moins forte que le pouvoir dont ils investissaient les mythes de l’expliquer », Julien d’Huy, La préhistoire des mythes.

D'après une figure féminine sculptée, dite La Vénus à la corne de bison, relief, Laussel, 25 000 avjc, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une figure féminine sculptée, dite La Vénus à la corne de bison, relief, Laussel, 25 000 avjc, Dordogne, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Perpétuation d’une génération à l’autre

La modélisation de l’évolution de ces récits mythiques tend à mettre en lumière un héritage se perpétuant d’une génération à l’autre, en accord avec les données ethnologiques. 

Par ailleurs, des récits mythiques resteraient stables durant une très longue période, avant de connaître de rapides et d’importantes évolutions. Par exemple, à l’occasion de migrations ou de tensions entre des groupes humains dans certaines contrées.

D’après une figurine dite La Vénus de Gagarino, ivoire, 26 000 - 20 000 avjc, gravettien, Ukraine, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une figurine dite La Vénus de Gagarino, ivoire, 26 000 – 20 000 avjc, gravettien, Ukraine, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Des proto-mythes dès la préhistoire

Julien d’Huy applique une méthode phylogénétique pour étudier divers grands types de mythes. Tels « Pygmalion » : un créateur devient amoureux d’une image qu’il a lui-même créée et qui prend vie… 

… « Polyphème » : un homme, piégé dans une grotte, échappe à un monstre et libère des animaux. « La chasse cosmique » : un animal pourchassé parvient à s’enfuir jusqu’au ciel, où il se transforme en constellation.

D’après une pendeloque, bison et silhouettes humaines, os gravé, 18 000 -10 000 avjc, Dordogne, magdalénien ; un cheval et empreinte de main, grotte du Pech Merle, 20 000 avjc, Gravettien, Lot ; France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Selon Julien d’Huy, les récits de « Polyphème » et de « La chasse cosmique » remonteraient au paléolithique supérieur. D’un point de vue statistique, la méthode permettrait de reconstruire des proto-mythes, ou l’une des premières versions du récit mythique étudié. 

La proximité de l’être humain et de l’animal

Ce travail permettrait ainsi de reconstituer certaines croyances des êtres humains de l’époque paléolithique. Par ailleurs, l’art paléolithique suggère une proximité symbolique ou mystique entre l’être humain et l’animal. 

Ainsi, la main humaine s’associe aux représentations des animaux. D’étranges personnages marient l’humain et l’animal. Ou encore on retrouve la position du fœtus des défunts dans l’image d’un bison couché dans une attitude similaire…

26 D’après un bison couché, position du fœtus, grotte d’Altamira, solutréen et magdalénien, Espagne ; et une sépulture magdalénienne, position du fœtus, 18 000 -10 000 avjc, Gironde, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

« Polyphème », le cyclope de l’Odyssée d’Homère

Le proto-mythe de « Polyphème (statistiquement reconstruit) évoquerait, grâce à l’intervention d’un individu, la libération du gibier concentré en un seul lieu. Ainsi, un personnage pénètre dans une grotte où se trouvent des animaux. Piégé par un monstre dans la caverne, il parvient à s’enfuir en se cachant sous le ventre d’un animal …

« Polyphème » est le nom du cyclope dans l’Odyssée d’Homère. Le géant capture Ulysse qui, pour s’évader, l’enivre et utilise un astucieux stratagème : le héros et ses compagnons s’évadent en s’agrippant aux moutons du géant après lui avoir crevé son unique œil.

D'après Ulysse s'enfuyant de la grotte du cyclope Polyphème, mythologie grecque, L'Odyssée d'Homère, gravure, 1880. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ulysse s’enfuyant de la grotte du cyclope Polyphème, mythologie grecque, L’Odyssée d’Homère, gravure, 1880. (Marsailly/Blogostelle)

Le cyclope est souvent considéré comme un « maître des animaux », et l’évasion du héros est interprétée comme leur libération dans la nature. On retrouve de nombreuses variantes de ce mythe dans différentes cultures.

« La chasse cosmique« 

De son côté, la première version reconstruite de « La chasse cosmique » évoque un grand herbivore cornu (tel un élan) traqué par un chasseur. L’animal court jusqu’au ciel où il se métamorphose en un amas d’étoiles. Ce récit mythique expliquerait l’apparition de la constellation de la Grande Ourse.

« Le plongeon cosmogonique« 

Julien d’Huy mentionne encore le mythe du « plongeon cosmogonique » qui raconte la création de la Terre. Au commencement n’existent que les Eaux. Une divinité ordonne à un animal amphibie de lui rapporter un morceau des fonds aquatiques afin de créer le monde…

D'après un propulseur de sagaie, dit Faon à l'oiseau, bois de renne, Magdalénien, 18000-10000 avjc, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un propulseur de sagaie, dit Faon à l’oiseau, bois de renne, Magdalénien, 18000-10000 avjc, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème de « La femme-oiseau »

L’auteur étudie encore le mythe du « Soleil caché » dont il fait remonter l’origine au paléolithique supérieur et la mythologie de la “matriarchie primitive” (situation où les mères et par extension les femmes – ou les femelles chez les animaux – détiennent l’autorité et le pouvoir).

Le mythe de la « femme-oiseau » évoque l’union d’une femme oiseau avec un humain après que celui-ci lui a dérobé ses plumes. Jusqu’à ce que la femme-oiseau parvienne à récupérer ses plumes et à s’enfuir. 

Il s’agirait d’une croyance paléolithique croisant une “hypogamie” et une “hypergamie”  (hypogamie : différence de lignée avec statut inférieur –  hypergamie : différence de lignée avec statut supérieur).

D’après un homme-cerf, grotte des Trois-Frères, croquis de l’abbé Breuil, Magdalénien, Ariège ; et une rondelle, os gravé, personnage masculin avec museau, Mas-d’Azil, Ariège ; Magdalénien, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

La métamorphose d’un animal en humain

Le mythe de « La ménagère mystérieuse » relate l’histoire d’un chasseur qui rentre chez lui. Ce personnage solitaire découvre que tout est rangé et que le repas est prêt. La ménagère est en fait un animal qui se transforme en enlevant son pelage. Le chasseur dérobe le pelage et épouse la ménagère. Mais celle-ci finit par s’enfuir après avoir retrouvé son pelage…

Au fil des temps et des pérégrinations des groupes humains, des récits mythiques hérités de la lointaine préhistoire ont connu des évolutions, des altérations, des emprunts et des oublis. Ainsi, Julien d’Huy retrace la généalogie de quelques grandes familles de mythes qui se sont diffusées et perpétuées depuis des temps immémoriaux…

D'après La Dame à la capuche dite Vénus de Brassempouy, ivoire de mammouth, vers 22 000 avjc, Landes, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Dame à la capuche dite Vénus de Brassempouy, ivoire de mammouth, vers 22 000 avjc, Landes, France, paléolithique supérieur. (Marsailly/Blogostelle)

L’art des paléolithiques, majestueux et d’une rare qualité, semble disparaître avec eux… Au cours du mésolithique et du néolithique, les communautés ne réalisent plus de grandioses compositions picturales. Le néolithique se distingue par la découverte de l’agriculture et l’élévation des mégalithes. Émerge alors une mythologie de la végétation et une sacralisation de la pierre…

Voir les articles Dès le néolithique, l’avènement du labeur agricole induit une évolution culturelle et mythologique et Mythes : de la pierre au métal, du chasseur au guerrier…

FIN DU CHAPITRE PRÉHISTOIRE

Sommaire Préhistoire

Cosmogonies – La préhistoire des mythes, de Julien d’Huy (docteur en histoire). De Mircea Eliade (spécialiste de l’histoire des religions), Histoire des croyances et des idées religieuses – De l’âge de la pierre aux mystères d’Eleusis et Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase.

Colloque Archéologie des migrations, INRAP (12-13 novembre 2015) : Les migrations et la Préhistoire de l’humanité (www.) inrap.fr/les-migrations-et-la-prehistoire-de-l-humanite-9690 (Source Inrap.fr). Un roman? La Guerre du Feu, de J.H. Rosny Aîné, et le film La Guerre du Feu, de Jean-Jacques Annaud. 

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

2 commentaires sur « Préhistoire : certains récits mythiques pourraient remonter aux lointaines cultures paléolithiques… »

  1. Très intéressant Article. Très bien fait aussi.
    L’essentiel des productions techniques ou artistiques proviennent de H. sapiens. Cependant, d’autres humanités ont précédé ou ont cohabité avec nous. Parmi eux, Néanderthal avait un niveau de technologie lithique qui a été longtemps similaire ou meilleur que bien des sapiens qui étaient leurs contemporains. Les productions artistiques de Néandertal sont rares, comme d’ailleurs leurs restes, mais leurs traditions dans les (rares et sommaires) sépultures montrent des préoccupations ou rituels similaires aux nôtres.
    Une autre forme d’humanité qui a peut-être été -aussi- à l’origine des premières formes de mythes dont nous nous nourrissons encore.
    Contribuer à réhabiliter cet ancien cousin était une préoccupation d’une note dans laquelle j’ai recommandé votre Article en commentaires.

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