De la fertilité à une réalité absolue…
Si l’Arbre m’était conté (3)… Presque toutes les traditions du monde nous racontent l’histoire de l’Arbre de Vie qui réunit en lui les quatre éléments. La Terre le nourrit, l’Eau circule dans sa sève, l’Air et la lumière du Soleil alimentent ses feuilles, son bois frotté fait jaillir le feu et alimente le feu. L’arbre cristallise l’essence vitale et finit par devenir un pur symbole…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2022 –

Voilée par l’apparente impermanence des êtres et des choses, l’Éternité se cache ou se révèle…
MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion
L’ARBRE, COSMOS VIVANT ET MICROCOSME
Dans de nombreuses cultures, l’arbre symbolise le cosmos vivant qui se régénère perpétuellement… soit sous une forme concrète et rituelle, soit sous une forme mythique, cosmologique ou symbolique…

Les offrandes de Pharaon au dieu Amon-Rê, coiffé de ses deux hautes plumes, auprès de l’Arbre de Vie, un acacia majestueusement gigantesque…
Pierre, eau, arbre… un cosmos en miniature
Pour se représenter le monde, nous explique Mircea Eliade, les plus anciens peuples de l’humanité créent les premiers espaces sacrés sous la forme d’un microcosme (un petit monde)… Ce cosmos en miniature se résume souvent à un lieu sacré composé de pierres, d’eau et d’arbres, en étroite relation avec la forêt…
Il n’est pas rare que la forêt soit investie d’une présence magique ou divine, à l’image d’un temple naturel. Pénétrer dans la forêt, c’est pénétrer dans un univers sacré… En Europe, à l’époque des mégalithes, on érige des dalles de roche monumentales dans les forêts ou des forêts de pierres dressées en pleine nature…

La pierre représente la durée et l’indestructibilité, les eaux évoquent les germes de la vie et la purification, et l’arbre symbolise une puissance sacrée de renouvellement de la nature et de la vie… En Australie, les anciens aborigènes érigent souvent leur centre totémique dans un espace sacré composé d’arbres et de pierres…
Arbre sacré ou plante sacrée, sève, fruit, extrait, élixir ou breuvage jouent le même rôle. L’essence même du végétal s’identifie à une vertu d’immortalité…
L’Arbre de vie ou la plante sacrée
L’Avesta est le livre sacré de l’Iran ancien… René Guénon mentionne deux arbres de la tradition avestique : l’arbre Haoma blanc, paradisiaque, et l’arbre haoma jaune, arbre de Vie… La liqueur extraite de cet arbre sacré se nomme également haoma. C’est un breuvage d’immortalité comparable au soma ou amrita dans la doctrine védique de l’Inde ancienne.

L’arbre ou certaines plantes symbolisent une puissance bénéfique, fertile et sacrée. Souvent l’efficacité des plantes magiques ou médicinales se rattache à des conceptions mythiques.
Dans les cultures mésoaméricaines, c’est le pulque, Octli en langue Nahuatl, qui apparaît comme un nectar enivrant et sacré. C’est le jus de l’agave qui permet de concocter ce breuvage mythique, boisson rituelle et sacrificielle. Son origine sacrée est liée à Mayahuel, la déesse précolombienne de l’Agave, une plante nommée maguey au Mexique.
Mayahuel, l’arbre à deux branches et l’agave
Au Mexique, le pulque est une boisson alcoolisée obtenue grâce à la fermentation du fruit et de la sève de l’agave… Un mythe mésoaméricain raconte comment l’agave naît d’un arbre et des restes de Mayahuel, divinité tuée par ses aïeux…

Le dieu du Vent Ehecatl enlève la déesse vierge Mayahuel à sa grand-mère tzitzimitl, déité associée aux étoiles. Le couple s’unit et se transforme en arbre à deux branches… Mais l’arbre est brisé : Tzitzimitl et ses sœurs mettent en pièce Mayahuel et la dévorent… Ehecatl reprend sa forme et enterre les os de Mayahuel d’où jaillit l’agave…
Le culte des Yakshas et des Yakshîs, divinités des arbres
En Inde et en Asie du Sud-Est, on rencontre la trinité arbre-autel-pierre… Pour honorer le culte des Yakshas et des Yakshîs, on érige des sanctuaires composés d’arbres, de pierres, d’autels …
Les Yakshas et les Yakshîs sont des déités ancestrales de la végétation et des arbres, masculines et féminines, et des divinités de la fertilité. Leur culte dans l’Inde ancienne semble remonter à la lointaine époque néolithique…

Le pipal : de l’arbre sacré à l’arbre de la Boddhi
Par la suite, l’ancestrale association arbre et pierre va perdurer dans l’hindouisme et dans le bouddhisme… Ces très anciennes pratiques des populations autochtones des premières civilisations de l’Inde vont continuer à faire partie de la vie culturelle…
Les Yakshîs et les Yakshas sont reconnus et intégrés dans l’hindouisme comme dans le bouddhisme, et ce tout au long des évolutions doctrinales ou philosophiques de ces courants spirituels…. Dans l’ancestrale civilisation de Mohenjo-Daro (actuel Pakistan), le lieu sacré se compose d’une enceinte construite autour d’un arbre…

L’image de l’arbre pipal ou de la feuille de pipal apparaît déjà dans les motifs décoratifs des anciennes civilisations de l’Indus, aux IIIe et IIe millénaires avjc… Beaucoup plus tard, Buddha ira méditer sous l’arbre pipal, nommé aussi arbre de la Bodhi, qui signifie arbre de l’Éveil…
L’arbre exprime une théophanie
Dans le monde entier, on rencontre le thème mythique de l’arbre ou du végétal sacré… On imagine le microcosme (petit monde) à l’image du macrocosme (le Grand monde, l’Univers)…
Et l’arbre sacré représente le centre du monde qui soutient l’univers… Ce thème remonte très loin dans le temps… Depuis des âges très reculés, il semble que l’arbre exprime une théophanie, c’est-à-dire une apparition ou une manifestation divine ou cosmique…

La symbolique de l’Arbre : de la Fertilité à une Réalité Absolue
L’histoire du Sacré montre que l’arbre peut être un symbole de Vie et de Fécondité, qu’il peut se rattacher au culte d’une grande déesse, qu’il renvoie parfois au symbolisme aquatique…
Mais l’Arbre de Vie et l’Arbre Cosmique, qui souvent se confondent, se rattachent aussi à la source de l’Immortalité… Et l’image de l’Arbre, sans perdre ses significations premières, atteint son accomplissement comme symbole d’un Principe métaphysique (l’être en tant qu’être, cause première) ou d’une réalité absolue…
L’arbre résume le cosmos
Au cours des âges, des liens mystiques entre les êtres humains et les arbres fondent des pratiques cultuelles ou rituelles. L’espace sacré constitue un microcosme : il forme une image du cosmos à l’échelle humaine… c’est une évocation du Tout.

L’arbre peut être considéré comme le réceptacle de l’âme des ancêtres. On procède parfois à des mariages avec des arbres pour favoriser la fertilité. Ou encore l’arbre peut s’associer à des cérémonies d’initiation…
Au fil du temps, le paysage sacré se résume peu à peu à un seul élément essentiel : l’arbre ou le pilier sacré… Finalement c’est l’arbre seul, sans pierre ni autel, qui représente le Cosmos et s’identifie à lui… L’arbre apparaît comme un symbole universel du cosmos vivant…
Une résurrection cyclique et perpétuelle
Si l’arbre à feuillage persistant évoque la pérennité de la vie, l’arbre à feuilles caduques renvoie au printemps et au renouveau de la végétation. L’arbre évoque une résurrection cyclique et perpétuelle…

L’arbre se rapporte à la régénération de la nature, comme l’exprime la fête du Mai dans le folklore populaire européen… Et la symbolique de l’arbre se rattache également à l’avènement de l’année nouvelle comme le suggère encore le sapin de Noël. Rappelons que le sapin est un arbre toujours vert…
L’ARBRE SACRÉ UN PUR SYMBOLE
Parfois l’arbre fait l’objet d’un culte pour lui-même, parfois, les pratiques rituelles ou religieuses à son égard s’adressent en réalité à une déité où au principe divin qu’il incarne…

L’arbre meurt, ressuscite, se régénère…
L’arbre pousse en un élan vertical, il croît, se couvre de feuilles… Quand il perd son feuillage l’hiver, il le recouvre au printemps. L’arbre meurt, ressuscite, se régénère… ou bien certains arbres conservent leur frondaison de manière permanente (conifères, chêne vert…). L’arbre inspire la mythologie…
Le palmier dattier stylisé et symbolique
En Mésopotamie aux IIIe et IIe millénaire avjc, plus qu’un objet de culte, l’arbre sacré apparaît comme un pur symbole. On ne représente pas le palmier dattier à l’image d’un arbre réel, on le dessine ou on le sculpte sous la forme d’un arbre imaginé, souvent très stylisé, quelquefois même presque abstrait…


D’après un vase à motif de palmiers, vers 2700–2350 avjc, art de l’orient ancien ; et la Déesse-Mère allaitant auprès de l’Arbre de Vie et de fertilité, relief, VIIIe siècle avjc, Kartepe Hill, Izmit, Turquie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle). (Marsailly/Blogostelle)
La verticalité de l’arbre et du bétyle
Les anciennes civilisations du Proche et du Moyen-Orient ou celles de la Grèce antique allient l’arbre et la pierre dans l’espace sacré. Ces deux éléments essentiels forment le support des pratiques cultuelles. Chez les peuples sémites, on érige des sanctuaires avec un arbre et un bétyle.

Le bétyle est une pierre levée qui symbolise la divinité. Le bétyle est peut-être à l’origine des stèles de fondation et de commémoration des temples ou des cités … que l’on rencontre souvent chez les peuples du Levant, de la Mésopotamie et d’Assyrie… Le bétyle ou le poteau qui se dresse vers le Ciel renforce la verticalité et la sacralité de l’arbre…
Un Arbre de Vie assyrien très stylisé, dont le tracé symbolique se fonde sur la symétrie, évoque un axe central qui, avec ses branches, rappelle la structure de l’échelle. Ailleurs, les hampes devant un personnage royal à Plumes évoquent l’architecture d’un temple…

L’Arbre ou le poteau symbolisent l’Axe du monde
Mircea Eliade mentionne un bas-relief connu sous le nom de La figure aux plumes. Sur ce monument sumérien, le roi-prêtre coiffé du serre-tête royal, arbore deux grandes hampes qui évoquent la fondation du temple ou qui symbolisent le temple lui-même…
Une inscription précise le nom du sanctuaire et de son dieu. Elle raconte aussi comment : Ennamaz posa les briques… la demeure princière faite, il plaça près d’elle un grand arbre, près de l’arbre il planta un poteau… L’Arbre comme le poteau évoquent l’Axe du Monde… et renvoie au Cosmos.

Le génie ailé, l’arbre et L’oiseau
Parmi les différentes mises en scènes composées par les artistes mésopotamiens, on rencontre souvent un oiseau posé sur un arbre entouré de capridés, ou un oiseau émergeant d’un arbre, ou un arbre et des poissons (peut-être des costumes rituels?), ou encore l’Arbre de Vie, le disque solaire et le croissant de Lune, ou bien l’arbre, le Soleil et des personnages ailés…
Les volatiles comme les personnages ou les temples ailés de la mythologie mésopotamienne évoquent la présence de puissances célestes ou l’élévation vers le Ciel… comme dans la légende d‘Etana de Kish...

L’arbre Kishanu, arbre sacré en Mésopotamie
Une incantation babylonienne évoque l’arbre sacré Kishanu et raconte: dans Eridu a poussé un Kishanu noir… Cet arbre cosmique se situe en un lieu sacré nommé Eridu, un centre du Monde. Son éclat est celui du lapis-lazuli brillant, symbole de l’univers céleste…
L’arbre Kishanu s’étend (se déploie ?) vers l’Apsu… Et l’Apsu est l’océan qui encercle et soutient le monde… On peut imaginer un arbre inversé, comme c’est souvent le cas pour les arbres cosmiques…

L’arbre sacré, demeure de la divinité
Les récits mythiques présentent aussi l’arbre Kishanu comme le lieu du repos de la mère du dieu Ea, la déesse Bau, déité de l’abondance, de l’agriculture et des troupeaux… C’est également dans l’arbre Kishanu que réside le dieu de la fertilité, une divinité qui préside aussi aux sciences civilisatrices : agriculture, arts, écriture…
La symbolique cosmologique de l’arbre
L’arbre sacré est un thème fréquent dans l’iconographie de l’Orient Ancien. Le plus souvent, les emblèmes, les symboles et les motifs héraldiques qui l’entourent sur les œuvres d’art confirment sa signification et sa dimension cosmique…
En Mésopotamie, des astres et des animaux, en particulier des capridés, des serpents et des oiseaux, accompagnent souvent l’arbre sacré et les divinités du panthéon mésopotamien. La présence des astres accentue la symbolique cosmologique de l’arbre, comme on peut le voir sur des cylindres mésopotamiens du IIe millénaire avjc…


D’après le dieu Ea ou Enki, avec astres et poissons, vers 2300 avjc, période d’Akkad ; et Arbre ou Pilier Sacré, astre, poissons-carpes et oiseau, IIe millénaire avjc ; empreintes de sceau, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
Dans les cultures de l’Orient Ancien, Lune, Soleil, Étoile, poissons ou oiseaux sont des motifs fréquents que l’on retrouvent associés aux divinités et à l’arbre-pilier Sacré…
Des autels et des arbres pour Astarté
Chez les peuples sémites, l’arbre ou bien l’ashera (un tronc dont on a enlevé l’écorce), se retrouve seul près de l’autel… Dans la bible, le prophète Jérémie évoque les lieux d’offrandes aux dieux des cananéens et des hébreux. Ces sanctuaires sont aménagés sur des collines et sous des arbres…
Jérémie mentionne les autels et les images d’Astarté qui sont érigés sur des hauteurs, auprès des arbres verdoyants… La grande déesse Astarté forme un couple avec le grand dieu mésopotamien Baal… On peut la comparer, en Mésopotamie, à la déesse babylonienne Ishtar et la divinité sumérienne Inanna…


D’après le schéma d’une scène cultuelle avec palmiers-dattiers, ivoire gravé, Assur, Irak ; et la Maîtresse des animaux qui brandit des palmes, sans doute la grande déesse Astarté, XIIIe siècle avjc, Ugarit, Syrie ; Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
L’arbre-pilier et le serpent
Parmi les nombreuses représentations de l’arbre de Vie de l’Orient ancien, on rencontre souvent le motif du serpent. Ce thème iconographique semble très ancien. Sur une pierre gravée datée d’environ 9000 ans avjc (Turquie), le serpent se dresse à la verticale le long d’un arbre.
Les artistes babyloniens et sumériens mettent en scène le motif du serpent sur divers objets d’art, comme des vases ou des sceaux-cylindres…
Le galet néolithique de Gobleki Tepe résume peut-être le monde à lui tout seul : le règne minéral (le galet), le règne végétal (l’arbre), le règne animal (le serpent) et le règne humain (la silhouette). Ce duo arbre-serpent serait-il un prototype du thème biblique d’Adam et Ève, l’arbre et le serpent ?


D’après une adoratrice et son dieu, Arbre Sacré et serpent, sceau sumérien (dit d’Adam et Ève au XIXe siècle), vers 2200 – 2100 avjc ; et le motif du serpent associé à un arbre, pierre gravée, Göbekli Tepe, vers 9000 ans avjc, néolithique, Turquie ; Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
On retrouve le motif du serpent et celui de l’Arbre de Vie sur une empreinte de sceau sumérien qui représente une adoratrice et son dieu, sceau dit « d’Adam et Ève au XIXe siècle ». Ailleurs, sur un vase à libation, le motif du double serpent s’associe à un axe-pilier et à des créatures célestes.
En Mésopotamie, le serpent symbolise la fertilité des sols… comme le scorpion, il se rattache aux puissances chtoniennes (souterraines) fertilisantes, terreau fécond du cycle végétal… L’arbre renvoie aussi au thème sacré de la Végétation…

Le serpent biblique
Dans la tradition biblique, le serpent apparaît comme le Tentateur qui entraîne Adam et Ève à commettre l’orgueilleux péché originel…
Du point de vue du symbole, le serpent n’invite-t-il pas l’être humain à choisir la Connaissance et la Conscience ? Il provoque la génération, l’incarnation dans la matière… Et finalement, il ouvre peut-être la porte de la Rédemption, soit de la pensée éclairée, du retour conscient à l’intégrité spirituelle de l’être humain…

L’arbre sacré, modèle cosmique et primordial
Dans toutes ces images de l’Orient Ancien, l’arbre sacré ne semble pas se rattacher seulement à un culte de l’arbre, il apparaît comme un pur symbole de la vie et du Cosmos… Pour les mésopotamiens, comme pour tous les peuples ancestraux, la Nature représente beaucoup plus que le monde biologique qui nous entoure.
Pour les peuples de ces cultures traditionnelles, aucun être ni aucune action ne peut être efficace ou valide si cet être ou cette action ne réactualise pas un modèle primordial, divin ou céleste…
YGGDRASIL, L’ARBRE COSMIQUE DU MONDE NORDIQUE
Dans la mythologie scandinave et nordique, le cosmos s’identifie à Yggdrasil, un chêne ou un frêne gigantesque, toujours vert… Cet arbre mythique et cosmique se rattache à une symbolique prophétique…

« Il existe un frêne qu’on appelle Yggdrasil«
Dans la mythologie scandinave et nordique, le dieu Odin (Odhin) réveille de son profond sommeil la prophétesse nommée la Völva… Odin (ou Wotan) veut qu’elle révèle aux dieux les commencements et la fin du monde.
Dans Völuspâ (prophéties), la Völva évoque l’immense arbre cosmique (cité par Mircea Eliade) : …Je me souviens des géants nés à l’aurore des temps, de ceux qui jadis m’ont donné naissance ; Je connais neuf mondes, neuf domaines couvert par l’arbre ; Cet arbre sagement édifié qui plonge jusqu’au sein de la terre…
… Je sais qu’il existe un frêne qu’on appelle Yggdrasil ; La cime de l’arbre est baignée dans de blanches vapeurs d’eau ; De là découlent des gouttes de rosée qui tombent dans la vallée ; Il se dresse éternellement vert au-dessus de la fontaine d’Urd…

Yggdrasil, l’Aigle en haut, la Vipère en bas, sous les racines, et des animaux auprès de l’Arbre Cosmique…
Yggdrasil et les fontaines Mimir et Urd
Les racines de cet arbre cosmique gigantesque plongent dans le royaume des géants et des Enfers… Près de l’arbre Yggdrasil coule la fontaine miraculeuse Mimir, source de sagesse, dont le nom se rapporte à la méditation et au souvenir…
Le dieu Odin laisse un œil en gage dans la fontaine Mimir auprès de laquelle il revient souvent se ressourcer, se rafraîchir et augmenter sa sagesse… Non loin de là se situe également la fontaine Urd…, c’est là que les dieux tiennent conseil tous les jours et dispensent la justice…
Le combat de l’aigle et de la vipère…
Les Nornes, qui incarnent Passé, Présent et Avenir, tissent le fil de la Destinée au pied de l’arbre sacré… Elles puisent l’eau de la fontaine Urd pour arroser Yggdrasil et lui assurer ainsi jeunesse et vigueur…
Plusieurs animaux évoluent dans les branches d’Yggdrasil : la chèvre Heidrùn, un aigle, un cerf et un écureuil… Au niveau des racines de l’arbre se love la vipère Nidhögg… qui menace de l’abattre… Tous les jours, l’aigle combat la vipère pour la sauvegarde de l’arbre cosmique…
… Yggdrasil et la menace du cataclysme
Yggdrasil renvoie à un thème cosmologique que l’on rencontre ailleurs dans les différentes mythologies du monde. Dans les récits mythiques de l’Inde ancienne, c’est l’oiseau Garuda qui combat le reptile. Dans la tradition nordique, cet épisode symbolise la lutte de la lumière contre les ténèbres. Deux principes, solaire et souterrain (chthonien), s’affrontent…
Dans le cataclysme annoncé par la Völupsa, l’univers va trembler jusque dans ses fondements… Mais cette fin du monde annoncée est nécessaire pour instaurer une ère nouvelle… qualifiée de paradisiaque… Malgré la violence apocalyptique du cataclysme, Yggdrasil ne sera pas abattu et le cosmos ne sera pas désintégré…
L’Arbre cosmique Maya
L’arbre cosmique accompagné d’animaux, d’oiseaux, de chevaux, de tigres…, selon les cultures, se confond souvent avec l’arbre de vie… Chez les mayas aussi on rencontre l’arbre cosmique associé à un animal mythique.

L’oiseau Quetzal trône sur l’Arbre de vie…
Dans les cultures mésoaméricaines ancestrales, l’ensemble des représentations symboliques se rattache au dieu Soleil, déité suprême… L’animal peut être l’emblème ou le symbole d’une puissante divinité, comme le jaguar, l’oiseau Quetzal, le serpent à plumes… Sur la dalle funéraire du roi maya Pakal, c’est l’oiseau Quetzal qui surmonte l’arbre de Vie…
DES ARBRES DE L’ÉDEN À CEUX DE LA JÉRUSALEM CÉLESTE
Dans la tradition biblique, c’est le fruit de l’arbre du paradis qui apporte la nourriture d’immortalité… Dans le monde des symboles, le paradis incarne un lieu mythique et un centre du monde…

Arbre de vie et cité céleste
Selon René Guénon, on retrouve le symbolisme végétal du paradis terrestre sous la forme d’un arbre à douze fruits dans la description de la Jérusalem Céleste… Ce même auteur évoque l’arbre de Vie de la cité divine, dont le symbolisme est surtout fondé sur le monde minéral.
Douze fruits – douze soleils
René Guénon mentionne l’arbre de la Jérusalem Céleste, dont les douze fruits sont douze soleils. Le nombre douze renvoie à l’idée de cycle et de régénération… On retrouve cette idée dans le thème iconographique de l’arbre de Vie et de Mort…

Si le Soleil peut s’identifier à la mort, tourné vers le monde d’en-bas, il est aussi la porte de l’immortalité, tourné vers le monde d’en-haut… On peut comparer les douze fruits-soleils de l’arbre de Vie de la Jérusalem céleste aux douze Adityas du panthéon de l’Inde ancienne.
Selon les Vedas, les Adityas sont les fils de la déesse Aditi, déesse de la Terre ou de l’Étendue et mère des Devas, les dieux. Dans l’Hindouisme, les Adityas symbolisent les douze mois de l’année et manifestent douze formes du dieu Soleil…
Ainsi, le symbolisme de l’arbre se rattache au Soleil et aux douze stations du Soleil… Selon les cultures, on peut aussi rencontrer des images symboliques qui représentent le Soleil reposant sur l’Arbre de Vie à la fin d’un cycle cosmique…

Les deux facettes d’un même mystère
L’arbre comme le Soleil nous mène vers un au-delà supra-cosmique… Le symbolisme du paradis terrestre renvoie donc à la fois au monde terrestre et à l’accès à un principe au-delà du cosmos…
Pour l’être qui parvient au Centre du Monde (symbolisé par le Paradis), le fruit de l’arbre donne l’immortalité… C’est le même symbolisme qui habite et relie l’image du paradis terrestre et celle de la Jérusalem Céleste…

Comme les deux facettes d’un même mystère, d’une même réalité spirituelle, au commencement et à la fin d’un cycle cosmique… Cette idée du double mystère est peut-être évoquée aussi par la présence de deux arbres sur certaines représentations chrétiennes…
De l’or et des pierres précieuses…
La végétation, l’arbre ou le jardin sont souvent des symboles de fertilité spirituelle ou d’épanouissement spirituel… Par ailleurs, l’or et les pierres précieuses renvoient à la pureté, à la lumière et à l’illumination… Ainsi, sur une illustration de Jean Colombe, la Jérusalem Céleste brille par son luxe d’or, de jaspe et de pierres précieuses…


D’après la Dame à la Licorne et son coffre à bijoux, vers 1500, À Mon Seul Désir, art médiéval ; et la Jérusalem Céleste, or et pierres précieuses illuminent la cité divine, de Jean Colombe, XVe siècle, art français.(Marsailly/Blogostelle)
On retrouve le thème des précieux bijoux sur la sixième tapisserie de la Dame à la Licorne (art médiéval, 1500, France)… L’or, symbole solaire, et les pierres précieuses renvoient à la pureté, à la perfection achevée et à l’immortalité…
L’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin
Dans l’Apocalypse, Saint Jean décrit la Jérusalem future… Cette cité idéale du royaume de dieu possède douze portes qui sont ouvertes aux douze tribus d’Israël… Les douze tribus d’Israël correspondent aux douze fils du patriarche biblique Jacob et à leur descendance…


D’après la Tenture de l’Apocalypse, ange, végétation et cité céleste, fin XIVe siècle, Angers, France ; et la Jérusalem Céleste, fresque, XIIe siècle, église Saint-Chef (XIe siècle), Isère, France ; art médiéval . (Marsailly/Blogostelle)
Selon la tradition chrétienne, le Christ incarne l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin… Et comme l’Église, la Jérusalem Céleste (ou Nouvelle Jérusalem) est présentée comme l’Épouse du Christ…
Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une épouse qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis, venant du trône, une voix forte qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes… Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni cri, ni deuil, ni souffrance, car le monde ancien a disparu.(Apocalypse de Saint Jean, Nouveau Testament)

Les palmes de la tradition chrétienne
Dans beaucoup de traditions, le symbolisme végétal, arbre ou plante, exprime l’idée de régénération ou d’immortalité… Comme le Rameau d’Or des Mystères antiques, que l’on retrouve sous la forme de la branche d’acacia dans les rituels d’initiation de la franc-maçonnerie, ou les palmes associées à l’épisode de l’entrée de Jésus à Jérusalem…
Sur des fresques de Giotto ou de Pietro Lorenzetti, Jésus entre dans Jérusalem acclamé par des personnages de la foule qui brandissent des palmes…

Les arbres toujours verts qui produisent des gommes ou des résines imputrescibles relèvent du même principe symbolique que celui des palmes… C’est une image de la vie éternelle…
Le palmier-dattier de Marie
Dans la tradition chrétienne, les palmes signent l’entrée de Jésus dans Jérusalem et la fête des Rameaux. Cette célébration, avant les fêtes de Pâques, commémore la mort du Christ sur la croix… mais les palmes verdoyantes annoncent également sa résurrection future…

Selon le Coran, la mère de Jésus, Marie, se serait reposée sous un palmier dattier avant de lui donner naissance… De la naissance à la Passion de Jésus, le symbole de la palme exprime la vitalité et le renouveau spirituel… et La mort ne sera plus…
L’ARBRE, UN SYMBOLE QUI TRAVERSE LE TEMPS…
L’arbre, la pierre, le centre du monde… L’élévation de l’autel, du temple, et parfois du monument funéraire ou du palais s’inspirent de l’ancestral sanctuaire et de l’arbre sacré… Ce sont à la fois des images du Cosmos (imago mundi) et du centre du Monde…
Au début du XXe siècle, des peintres comme Paul Signac, Piet Mondrian, André Derain ou Maurice de Vlaminck s’inspirent de la thématique de l’Arbre…
L’arbre-symbole
Pour l’observateur ancestral, l’arbre répète le renouvellement cyclique de la végétation… Pour lui, c’est une évidence concrète et palpable… La présence même de l’arbre évoque la puissance du principe de régénération de la nature et du Cosmos tout entier… Pour la pensée magique ou dite archaïque, l’arbre EST le Cosmos lui-même, l’arbre répète et résume le Cosmos…



D’après L’Arbre rouge, 1909, L’Arbre gris, 1912, et Le Pommier en fleurs, 1912, Piet Mondrian, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
L’arbre, ce fragment de la Nature et du Cosmos, reflète et cristallise le Un et le Tout… Symbole universel, il exprime une réalité absolue…
L’arbre devient une idée, un concept…
Ensuite, la pensée humaine évolue… L’arbre n’est plus uniquement un objet concret de culte, il devient une idée, un concept, un pur idéal… L’arbre s’identifie à un principe cosmique.
L’arbre devient un symbole de l’univers, qu’importe l’essence de l’arbre choisi… Souvent, le thème mythique de l’arbre prend une forme complètement stylisée voire abstraite dès les premières civilisations…



D’après Les Châtaigniers, Vincent Van Gogh, 1890, XIXe siècle ; Les Arbres, André Derain, 1906, début XXe siècle ; et L’Arbre vu par Jean Dobritz, dessin contemporain, courtoisie de l’artiste Jean Dobritz, pour Blogostelle ; France. (Marsailly/Blogostelle)
L’arbre et la pierre expriment une réalité absolue
Le symbolisme du Centre de l’Univers, lieu sacré et réceptacle divin, se rattache à l’idée d’une réalité absolue. Pour exprimer cette réalité absolue ou le monde des dieux, les tous premiers sanctuaires de l’humanité se fondent sur l’arbre, un puissant concentré d’énergie vitale et spirituelle… auquel on associe la pierre, pérenne et indestructible…
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme; Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant…
Aux arbres, Victor Hugo (extrait)


D’après L’arbre Mûrier, Vincent Van Gogh, 1889, XIXe siècle ; et Le Pin, Paul Signac, Saint-Tropez, 1909, début XXe siècle ; France. (Marsailly/Blogostelle)
Quand l’Arbre nous évoque les racines célestes de la Sagesse… L’Arbre, ce symbole universel et sacré très très ancien traverse les temps… Quelles que soient nos croyances, nos convictions, nos doutes, l’image de l’arbre nous fascine encore par sa simple présence… et continue à vivifier notre pensée…
MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion