Le travail du métal, de l’art au mythe
Selon Mircea Eliade, après une mythologie de la pierre, l’avènement de l’âge des métaux engendre l’émergence d’une nouvelle mythologie. De l’utilisation du fer météorite jusqu’à la technologie aboutie de la métallurgie du cuivre, du bronze et du fer, un nouvel imaginaire collectif se développe. La hache cérémonielle en métal supplante la hache votive néolithique en pierre polie. Armes et panoplies guerrières voient le jour…
1. Du néolithique à l’âge des métaux, un héritage culturel qui remonte à la préhistoire – De la pierre au métal, du chasseur au guerrier… 2. Avec l’avènement de l’âge des métaux et de la métallurgie, la palette culturelle s’enrichit– Le travail du métal, de l’art au mythe…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière révision février 2023 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Néolithique – : vers 8000/6000 – 1900 avjc. Chalcolithique (métallurgie du cuivre) : IIIe-IIe millénaires avjc. Âge du Bronze : vers 1900/1800 – 750 avjc. Âge du Fer : vers 750 – 52 avjc. Chronologie néolithique-âge du Bronze
UNE MYTHOLOGIE DE LA MÉTALLURGIE
De l’âge du cuivre (chalcolithique) à l’âge du Bronze et du Fer, les anciennes haches néolithiques polies dans la pierre, à usage votif ou rituel, sont supplantées par des créations en métal. Ainsi que d’autres pièces, à l’origine façonnées en céramique, tels des services à boire en bronze…

Des objets cultuels et de prestige
Auprès des pièces en céramique, dont l’invention remonte au néolithique, la vaisselle métallique s’invite dans les banquets funéraires des âges du Bronze et du Fer. Comme avec des services à boire funéraires en bronze pour le vin ou l’hydromel (alcool à base de miel et “boisson des dieux”). Divers objets cultuels ou de prestige sont désormais fondus dans le bronze ou forgés grâce à la métallurgie du fer.
Le fer météorite, un métal céleste
Longtemps avant de découvrir et d’exploiter le minerai de fer, les peuples anciens travaillent le fer météorite. Comme pour la pierre, ils transforment des matériaux bruts en outils. En Mésopotamie, le vocable sumérien an-bar, le fer, se construit sur les signes « ciel » et « feu ». Ce terme se traduit par “métal céleste” ou “métal étoile”.

En Égypte et en Anatolie, les Égyptiens et les Hittites connaissent aussi le fer météorique, le fer noir venu du ciel. Ce métal rare est aussi précieux que l’or. Considéré comme sacré et céleste, on le destine plus particulièrement à un usage rituel. Les objets en fer de l’âge du bronze sont réalisés à partir de météorites…
Les minerais possèdent une sacralité tellurique
Thèmes mythiques universels, la caverne et la mine symbolisent la matrice. Ainsi, le labeur d’extraction du minerai (cuivre, fer…) est assimilé à une mise au jour avant terme. Les minerais croissent dans les entrailles de la terre comme des embryons.
Les minerais sont donc empreints d’une sacralité tellurique qui provient de la terre souterraine. Dans diverses traditions, actes cultuels, pureté rituelle, méditation, jeûne, prières, initiation… s’associent aux travaux de la mine et de la métallurgie.



D’après hache au nom du roi Untash-Napirisha, cuivre et argent, XIVe siècle avjc, temple de la déesse Kiririsha, royaume élamite, Iran ancien ; une hache naviforme, cuivre, IIIe-IIe millénaires avjc, chalcolithique-âge du Bronze ; et des haches polies, jadéite, objets votifs, période néolithique. (Marsailly/Blogostelle)
Le minerai mûrit lentement au sein de la Terre
Selon la pensée mythologique et symbolique, au cœur des ténèbres telluriques, le métal croît en fonction du rythme géologique et mûrit lentement pour finalement devenir parfait, tel l’or. Évocation solaire, l’or symbolise aussi la souveraineté et la royauté.
La délicate opération d’extraction du sein de la Terre-Mère explique les rites et les précautions pratiquées par les mineurs et les forgerons des anciennes civilisations un peu partout dans le monde…

L’invention du fourneau enrichit l’imagination
Dans le prolongement de la métallurgie du cuivre et du bronze, la métallurgie du fer donne naissance à une riche mythologie. Le minerai de fer est abondant. Grâce à la mise au point de la technologie de la fonte, le fer se prête à une exploitation et à une production importante.
La mise au point du labeur de la forge
Les artisans peuvent fabriquer des objets en série. L’invention du fourneau développe les productions de céramiques et l’art du feu permet de travailler le cuivre et le bronze (alliage de cuivre et d’étain). Ces expériences aboutissent à la mise au point du labeur de la forge et à la maîtrise de l’exploitation du minerai de fer.

Avec métallurgie du fer, les artisans mettent au point le processus de durcissement du métal, chauffé au rouge et au blanc dans la forge. Le labeur des forgerons alimente lui aussi l’imagination mythique et spirituelle…
L’ART DES MAÎTRES DU FEU
L’apparition de la poterie puis de la métallurgie inspire une symbolique qui sacralise le travail de création des potiers, des métallurgistes et des forgerons. Le métallurgiste et le forgeron, comme avant eux le potier, sont des maîtres du feu…

Les mystères du monde souterrain et ses dangers
Les artisans du métal possèdent souvent une aura inquiétante : leur labeur se rattache aux puissances souterraines…
En pénétrant dans les entrailles de la terre, les mineurs cheminent dans un domaine sacré. Ils évoluent, non sans risques, dans le monde inviolable des profondeurs. Dans les mythes, cet univers, fertile mais inquiétant, se rattache à la mine, mais aussi à la caverne et à la montagne.

Nains, gnomes, êtres telluriques…
Les peuples légendaires de fées, de génies, de gnomes, de nains, d’elfes, d’esprits…, sont les épiphanies d’une présence sacrée en divers lieux. On craint leurs manifestations ou leurs apparitions.
Dans la mine, rencontrer des êtres telluriques sans précautions rituelles peut s’avérer dangereux. Dans la mythologie scandinave, ce sont les nains Eitri et Brokk qui forgent le marteau Mjöllnir de Thor, dieu nordique de la foudre, du tonnerre et de la fertilité…


D’après les frères nains Eitri et Brokk forgeant le marteau de Thor, Mjöllnir , Le troisième cadeau – un énorme marteau, illustration Elmer Boyd Smith, 1902, livre de contes nordiques d’Abbie Farwell Brown ; et Thor et son marteau Mjöllnir, le dieu nordique abat le géant Thrym, illustration Viktor Rydberg (Mythologie Teutonique Vol. II.) 1906, Suède. (Marsailly/Blogostelle)
Fusion des métaux, tabous et rituels
Les mineurs avec leurs pioches, comme les métallurgistes avec leurs fourneaux, pratiquent donc une opération délicate qui n’est pas sans conséquences. Le travail de fusion du métal permet d’achever le processus de gestation du minerai extrait de la mine. La matière passe d’un état à un autre.


D’après un fourneau à mélanges de médecines, bronze, dynastie Song, Xe-XIIIe siècle, Chine ancienne ; le délicat travail de la fusion s’accompagne de tabous et de rituels. (Marsailly/Blogostelle)
Le fourneau est assimilé à une matrice artisanale. Le métallurgiste se substitue à la Terre-Mère pour accélérer et parfaire la croissance du métal. C’est pourquoi, dans différentes cultures anciennes et traditionnelles, des tabous et des rituels accompagnent les opérations de fusion.
Un pouvoir sur le feu et le métal
Par ailleurs, les fondeurs et les forgerons détiennent un pouvoir sur le feu et le métal qui leur permet de façonner des armes redoutables ou empreintes d’un pouvoir magique ou sacré. Chez les peuples ancestraux, les fondeurs et les forgerons sont réputés comme peuvent l’être les chamans, les hommes – médecines, les magiciens ou les sorciers…



D’après le dieu nordique Thor et son marteau Mjöllnir avec lequel il crée la foudre, bronze, Xe siècle, Reykjavik, Islande ; des haches de cérémonie, or, objets cultuels, 2000-1600 avjc, temple aux Obélisques, Byblos, âge du Bronze, art phénicien, Liban, Orient ancien ; et une hache d’apparat Viking, fer incrusté d’or et d’argent, Mammen, Jutland, Xe siècle, Danemark. (Marsailly/Blogostelle)
Des forgerons respectés et redoutés
Le métal est chargé d’une puissance à la fois sacrée et démoniaque. Ce caractère ambivalent se transmet aux métallurgistes. Dans certains cas, l’activité de la forge est considérée comme méprisable. Mais le plus souvent, les forgerons sont à la fois respectés et redoutés.
Ces artisans du feu et du métal s’installent souvent à l’écart des villages, notamment dans l’Afrique traditionnelle. Provoquant la crainte, les forgerons s’éloignent de la communauté, ou bien ils s’isolent volontairement pour préserver leur labeur secret…

Voir aussi l’article Le Sacré. Forge et métallurgie, un labeur mythique
La maîtrise du temps, de la matière et du feu
Pour créer et perfectionner la matière, l’artiste qui travaille le métal se substitue à la nature et à ses rythmes. Il s’agit d’accélérer la purification et le mûrissement du minerai grâce au feu du fourneau.
Plus tard, on retrouve cette conception chez les alchimistes. Selon eux, le plomb et les métaux, si on leur en donne le temps, deviennent finalement de l’or pur une fois leur cycle de gestation accompli au sein de la matrice souterraine.

Comme pour les premiers métallurgistes, l’art de l’alchimiste repose sur la maîtrise du temps, de la matière et du feu…
Voir aussi l’article Le Sacré. Fer et métaux, une gestation symbolique
MÉTALLURGIE, ARMES ET OBJETS VOTIFS
Dès le néolithique, certains dépôts de flèches, d’outils en os, de haches taillées et de ramures de rennes permettent d’imaginer un acte volontaire de rassembler des objets votifs. De l’époque néolithique à l’âge des métaux, lieux sacrés et pratiques rituelles semblent se perpétuer…

Des figures guerrières de l’âge du Bronze
En Suède, près de 10 000 gravures avec des embarcations ornent les rochers du Bohüslan. La taille des bateaux varie, le plus grand mesure 4,5 mètres de long. Les gravures rupestres scandinaves représentent des personnages, dieux ou guerriers, armés de lances et de haches. En France, des scènes rupestres de la Vallée des Merveilles, représentent également des personnages guerriers et diverses armes…
D’après des scènes rupestres : bateaux et guerriers, gravures scandinaves, Tanum, rochers du Bohüslan, Suède, âge du Bronze ; la stèle dite du Chef de tribu, avec poignards, mont Bégo, Vallée des Merveilles, Alpes Maritimes, fin IIIe-début IIe millénaire avjc, France, chalcolithique-âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)



Et une cape, feuille d’or massif, décor de bossettes, trésor funéraire, tumulus de Mold, 1900-1600 avjc, Flintshire, Pays de Galle, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Lacs, rivières et sépultures abritent des trésors votifs
Aux âges du Bronze et du Fer, en Europe occidentale, des lacs et des rivières sont l’objet de dépôts d’offrandes et d’ex-voto. Ainsi, objets précieux, armes et parures constituent des trésors dédiés à des divinités. Par ailleurs, les riches tombeaux d’une aristocratie guerrière possèdent aussi de luxueux dépôts. L’or et le bronze illustrent la richesse des élites…
Des bateaux, des guerriers et des armes
À l’âge du Bronze, les gravures rupestres scandinaves (peintes en rouge pour les rendre visibles) – comme en Suède, au Danemark ou en Norvège – représentent des silhouettes de danseurs et de guerriers armés de haches et de lances, des bateaux, des chevaux, des bovidés, des oiseaux et même quelques baleines et phoques.


D’après une procession en bateau, danse rituelle ou joueurs de lurs (trompettes), Tanum, rochers du Bohüslan, et des char et animaux marins (baleines, phoques), tombe de Kivik, tumulus, Scanie ; scènes rupestres, Suède, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Des haches rituelles
Des haches rituelles en terre cuite recouverte de bronze, découvertes en Suède, avaient été jetées dans l’eau comme offrande. Des scènes rupestres représentant des hommes brandissant des haches pourraient évoquer ce type de rituel.


D’après un guerrier ou divinité armé d’une hache, scène rupestre, Vastergötland, Suède, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle) ; et une hache d’argile recouverte de bronze, objet rituel, offrande, Göteborg, Suède, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Voir aussi l’article Le Sacré. La hache symbolise la fertilité, la force, le pouvoir et la délivrance
À l’âge de métaux, les panoplies guerrières se multiplient
Les outils et les armes se multiplient grâce aux progrès techniques de la métallurgie. Les arts du métal sont l’affaire d’artistes hautement spécialisés.
Dans les sanctuaires de l’âge du Fer, des animaux sont sacrifiés et on expose des trophées de guerre. Dans beaucoup de sociétés ancestrales, on retrouve la distinction entre les cultivateurs sédentaires et les chasseurs-guerriers…


D’après une statue-menhir, personnage avec poignard, IIIe millénaire avjc, Lunigiana, Italie, chalcolithique ; et une statue-menhir, épée, Filitosa, Corse, IIe -Ier millénaire avjc, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
L’apparition de l’épée à l’âge du bronze
Des épées sur des stèles sculptées
Après les monuments mégalithiques néolithiques, les statues-menhirs en pierre, dès le IIIe millénaire avjc, perpétuent le travail de la taille et peut-être aussi une symbolique de la pierre dont les racines pourraient remonter jusqu’à nos aïeux paléolithiques. À l’âge du Bronze, l’épée apparaît sur ces stèles sculptées fichées en terre…
Du poignard à l’épée
Les premiers métallurgistes de l’âge du Bronze s’inspirent du poignard pour innover et concevoir une arme de guerre plus longue et plus lourde, l’épée. Telle l’épée de Plougrescant (66,5 cm de long), en Bretagne, fondue au début de l’âge du Bronze moyen. Dépourvue de poignée, non fonctionnelle, cette grande lame en bronze est un objet rituel ou de prestige.

Voir aussi l’article Le Sacré. L’épée et les armes illustrent une symbolique à double tranchant
FORGERONS MYTHIQUES
Dans les récits mythologiques, on rencontre des forgerons divins qui créent des armes pour les dieux ou les héros. L’art de la forge permet de vaincre des monstres, des géants, des dragons et divers adversaires…

Des dieux, des héros et des armes…
Les forgerons mythiques interviennent pour asseoir la souveraineté d’un dieu ou rendre victorieux un héros. Souvent, ils permettent de rétablir la stabilité face à des forces du chaos…
Les récits mythiques védiques de l’Inde ancienne évoquent le forgeron divin Tvastr qui façonne les armes du dieu de l’Orage Indra. Divinité guerrière, Indra terrasse ainsi le monstrueux dragon-serpent Vrtra et libère les eaux primordiales emprisonnées dans une montagne.
Tvastr le charron (artisan spécialiste du bois et du métal) est l’inventeur des arts et des techniques. Il forge le foudre d’Indra, le vajra. Le foudre, objet à faisceau de dards et parfois trident, est l’attribut par excellence des dieux souverains de l’orage …
Voir aussi l’article Le Sacré en Inde, les dieux Indra et Agni illuminent le Ciel védique
Héphaïstos forge le bouclier d’Achille
Dans la mythologie gréco-romaine, Héphaïstos-Vulcain forge le bouclier d’Achille et un filet pour piéger Aphrodite (Vénus) et son amant Arès (Mars).



D’après Mars et Vénus piégés par le filet forgé par Vulcain, de Alexandre Charles Guillemot, 1827, huile sur toile, mythologie grecque ; et La forge d’Héphaïstos-Vulcain, Velázquez, 1630 huile sur toile XVIIe siècle, Espagne ; et Achille, sa mère Thétis et le bouclier forgé par Héphaïstos, hydrie, 575-550 avjc, céramique attique à figures noires, période archaïque, Grèce antique. (Marsailly/Blogostelle)
Sur une céramique attique, Thétis donne à son fils Achille, héros de la guerre de Troie, le bouclier et les armes forgés pour le héros par Héphaïstos, le dieu forgeron. La forge du dieu forgeron Héphaïstos-Vulcain se rattache à la mythologie de la mine et de la caverne…
Koshar-wa-hasis forge les gourdins de Baal
Les dieux forgerons sont les maîtres du feu et de la métallurgie. Ainsi, dans la mythologie cananéenne d’Ugarit, Koshar-wa-Hasis – dont le nom signifie “adroit”, “astucieux”, »habile », « expert »… – façonne les gourdins de Baal.

Baal, grand dieu oriental de l’Orage
Baal, dieu guerrier cananéen et hittite, est une divinité de l’Orage. Maître de la pluie et de la fertilité, il est le fils d’El, déité souveraine du panthéon mésopotamien. Baal détrône son père et triomphe du dragon aquatique Yam, seigneur des mers et des eaux souterraines, grâce aux gourdins divins forgés par Kôshar-wa-hasi.
Le dieu forgeron Kôshar-wa-hasis est aussi l’architecte et l’artisan des dieux. Il est le maître d’œuvre de la construction du palais de Baal et de l’édification de sanctuaires dédiés à d’autres divinités.

Les stèles de Baal à Ugarit
La stèle du Baal au foudre a été mise au jour sur l’acropole de la cité antique d’Ougarit (ou Ugarit, tell de Ras Shamra, Syrie), en contrebas du temple de Baal.
Se dresse là, à l’origine, un sanctuaire construit soit après la destruction du temple de Baal après le séisme de 1250 avjc, soit après la destruction d’Ougarit en 1185 avjc. Le site abrite encore les probables vestiges d’un autel devant la stèle du Baal au foudre et autres stèles découvertes au même endroit.


D’après La stèle dite du Baal au foudre, le dieu de l’Orage armé de son foudre et de son gourdin protège le roi d’Ougarit, stèle calcaire, milieu IIe millénaire avjc, Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
Sur la stèle d’Ougarit, dite La stèle du Baal au foudre (musée du Louvre), apparaît le grand dieu de l’Orage, divinité guerrière commune aux pays du Levant. Baal, protecteur de la cité d’Ougarit et de la royauté, tient un gourdin dans sa main levée et un foudre à trois dents dans l’autre main.
Koshar-wa-Hasis, forgeron divin
Koshar-wa-Hasis ou Kothar, dieu-artisan et forgeron divin, est également l’initiateur de la pêche et de la navigation. Dans les textes d’Ugarit, Kothar s’identifie à Enki-Éa, grand dieu mésopotamien de l’Abîme, des Eaux Douces et de la Sagesse (Enki sumérien ou Ea akkadien). 4

Voir aussi l’article La puissance orageuse de Ningirsu, dieu sumérien de Lagash
Par ailleurs, Kothar wa-Khasis est assimilé au dieu grec Héphaïstos et à Zeus Meilichios (« doux comme du miel », dieu bienveillant qui apaise et adoucit et dieu chtonien qui accueille les sacrifices expiatoires). “Keserty” est la forme égyptienne du dieu ougaritique Kouthar (dieu artisan, forgeron divin).
Ptah, patron des métallurgistes et des forgerons
En Égypte ancienne, le dieu Ptah forge les armes d’Horus, premier pharaon mythique, fils d’Osiris et vainqueur de Seth le maître du désordre. Ptah crée les arts : il est le patron des métallurgistes, des forgerons, des architectes, des sculpteurs, des artisans… Ptah sera assimilé au dieu Héphaïstos par les Grecs et à Vulcain par les Romains.

Le verbe créateur du dieu Ptah
Ptah, nommé aussi Ta-tenen (“la terre qui se soulève”) est le grand dieu de Memphis, capitale de l’Égypte unifiée sous l’Ancien Empire. Ptah forme une triade avec son épouse, la déesse lionne Sekhmet, et leur fils, le jeune dieu nénufar, Nefertoum.
Ptah pense le monde dans son cœur et le réalise par le verbe. Il est considéré comme un dieu originel, créateur par la pensée et par la parole. Ainsi, Ptah le démiurge conçoit et crée l’univers, façonne les dieux et l’humanité. Par ailleurs, dans les mythes égyptiens, le taureau Apis se manifeste comme l’image (ou la réplique) vivante de Ptah sur la Terre…


D’après le dieu Ptah, scène d’adoration, bas-relief en creux, 1295 -1069 , stèle calcaire, Deir el-Medina, Thèbes, époque ramesside, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Ptah “donne toute connaissance”
Dans les représentations, le dieu Ptah se présente sous forme humaine, le corps enveloppé dans une gaine et la tête coiffé d’un bonnet. Dans un texte gravé sous la XXVe dynastie (l’original remonterait à la Ve dynastie), Ptah “le très ancien” est celui “qui donne toute connaissance, c’est la langue qui répète ce que le cœur a pensé.”
Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, Hathor, Sekhmet, Ptah, Amon, Mout…
Par ailleurs dans la mythologie égyptienne, Khnoum-Rê, dieu potier, façonne l’œuf cosmique, les êtres vivants et donne leur forme aux enfants à naître. Il existe une correspondance symbolique entre le potier et le forgeron, dont l’art de travailler la terre ou le métal réactualise la création du grand dieu démiurge…


D’après Khnoum, dieu potier, façonnant les êtres vivants sur son tour, temple d’Hathor, Pépi Ier- époque Ptolémaïque, Dendérah ; et Khnoum façonnant l’œuf cosmique sur son tour de potier, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Forgerons musiciens, poètes, guérisseurs, magiciens…
Dans certaines cultures, la métallurgie se rattache aussi à la musique, au chant, à la danse, à la poésie. Forgerons et chaudronniers sont parfois également musiciens, poètes, guérisseurs et magiciens. Une intimité mythique existe entre les sciences de la métallurgie et les sciences dites “secrètes”, telles la magie, l’art de guérir, le chamanisme, l’alchimie…
Dans un monde de plus en plus attaché aux valeurs guerrières, l’âge du fer parachèvera des conceptions culturelles de l’âge du Bronze. Le char rituel ou de combat et la panoplie de guerre accompagnent les défunts dans les tombeaux. L’art celte cultive l’imagination et les jeux de lumière…
FIN DU CHAPITRE NÉOLITHIQUE – ÂGE DU BRONZE
Sommaire néolithique-âge du Bronze
Un auteur ? Mircea Eliade (spécialiste de l’histoire des religions), Histoire des croyances et des idées religieuses – De l’âge de la pierre aux mystères d’Eleusis, et Forgerons et alchimistes.
HAL Open sciences (archives ouvertes). Dictionnaire des noms de divinités, Michel Mathieu-Colas (2014 – halshs-00794125v4) shs.hal.science/file/index/docid/1032169/filename/Ndivin.pdf