Le symbolisme du Feu. 3. Feu cosmique, rituel et spirituel, salamandre et phénix…

D'après le symbolisme du feu, mythes, traditions, Histoire du Sacré. (Marsailly/Blogostelle)

Le feu illumine l’esprit

Dans l’Inde ancienne, le culte du feu s’exprime selon diverses qualités divines. La tradition hindoue met en lumière le feu cosmique, le feu rituel et le feu de l’ascèse. Sur le plan spirituel, le symbolisme du feu se rapporte encore au cœur et à l’esprit, ainsi qu’à la subtilité du feu intérieur. La salamandre et le phénix renvoient au feu qui consume mais ne brûle pas…

MINI-SOMMAIRE. Le symbolisme du Feu : 1.  Les déités précolombiennes du feu et du soleil. 2. Culte du feu, culte solaire, manifestation divine… 3. Feu cosmique, rituel et spirituel, salamandre et phénix… 

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Publié le 25 janvier 2023 –

D’après le motif de la salamandre, symbole alchimique du feu qui ne brûle pas. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le motif de la salamandre, symbole alchimique du feu qui ne brûle pas. (Marsailly/Blogostelle)

FEU COSMIQUE ET FEU RITUEL

Le feu est un concept essentiel aux rituels et aux sacrifices védiques et hindouistes. Dans l’Inde ancienne, le feu se rapporte à plusieurs divinités : Sûrya, dieu Soleil ; Agni, dieu du Feu ; Indra, dieu du Tonnerre et Shiva, dont le feu engendre destruction et récréation cosmique… 

Le feu de Shiva, destructeur et créateur

Dans l’hindouisme, Shiva incarne l’une des formes les plus élevées de la divinité. Shiva forme une trinité au côté de Vishnu, dieu préservateur et salvateur, et de Brahmâ, divinité suprême à quatre visages. 

D'après la danse cosmique du dieu Shiva Natarâja dans sa roue de feu, art Chola, X-XIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Bogostelle)
D’après la danse cosmique du dieu Shiva Natarâja dans sa roue de feu, art Chola, X-XIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Bogostelle)

Pour engendrer une destruction avant une régénération du monde, le dieu Shiva Natarâja effectue sa danse cosmique dans sa roue de feu… Ainsi, le feu de Shiva détruit et rénove cycliquement les mondes : la doctrine hindoue nomme un cycle cosmique “Kalpa”…

Shiva s’identifie au linga de feu 

Par ailleurs, le dieu Shiva émane du linga de feu auquel il s’identifie. Symbole phallique, cette colonne de feu manifeste la force virile et vitale de Shiva, sa puissance créatrice et spirituelle. Pour les Shivaïtes, Shiva est le dieu souverain.

D'après le dieu Shiva émanant du Linga de Feu, art Chola, XIIe-XIIIe siècle, Tamil Nadu, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Shiva émanant du Linga de Feu, art Chola, XIIe-XIIIe siècle, Tamil Nadu, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

À propos de Shiva, voir aussi l’article  Arts de l’Inde : le talent précurseur des sculpteurs de Mathurâ

La puissance divine agit par le feu et par l’eau…

En vertu des correspondances entre le macrocosme (l’univers cosmique) et le microcosme (l’être humain considéré comme le cosmos en réduction), les purifications par le feu et par l’eau sont complémentaires.

Le feu et l’eau sont des symboles intimement liés dans les traditions initiatiques, pour lesquelles le monde spirituel surpasse le monde profane…

D’après le prophète Elie et les prêtres de Baal, feux de sacrifice à la divinité, Lucas Cranach Le Jeune, 1545, Dresde, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le prophète Elie et les prêtres de Baal, feux de sacrifice à la divinité, Lucas Cranach Le Jeune, 1545, Dresde, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Dans les mythes universels, on retrouve une alternance de déluges ou d’inondations, d’incendie ou de sécheresse. Ces phénomènes manifestent une puissance céleste ou divine qui agit par l’eau ou par le feu pour détruire et renouveler le monde ou l’humanité. 

Le feu rituel, véhicule ou messager 

Offrandes et sacrifices

Dans diverses cultures anciennes, les crémations rituelles répondent à l’idée que le feu est un véhicule ou un messager entre le monde des vivants et celui des morts. C’est également par le feu que l’on transmet les offrandes aux défunts et aux ancêtres, les sacrifices et les prières aux dieux…

D’après un feu sacrificiel, le roi Dasaratha et l'ascète Rishyashringa, Ramayana, Divinités indiennes, miniature, aquarelle, 1720-1730,  Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un feu sacrificiel, le roi Dasaratha et l’ascète Rishyashringa, Ramayana, Divinités indiennes, miniature, aquarelle, 1720-1730,  Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Parmi les croyances traditionnelles, certaines significations du feu se rapportent au monde surnaturel, comme avec les feux follets qui hantent les forêts, les marécages et les cimetières, ou les âmes errantes… 

Le feu de l’ascèse et Prajâpati

Dans les doctrines spirituelles de l’Inde ancienne, le feu s’identifie encore à l’esprit divin suprême, Brahmâ. Le feu renvoie également à l’ascèse et au tapas, l’échauffement spirituel. 

Dans le  brahmanisme, par son ascèse, la divinité cosmique Prajâpati produit une intense chaleur et une puissante énergie créatrice. Il crée ainsi l’univers par émanation de lui-même, ainsi que Brahman et l’Atman (l’âme universelle), les dieux et les êtres vivants…

D’après Prajapati émergeant du feu du sacrifice pour exaucer la prière du roi Daçaratha, Ramayana, Divinités indiennes, miniature, aquarelle, 1720-1730,  Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Prajapati émergeant du feu du sacrifice pour exaucer la prière du roi Dasaratha, Ramayana, Divinités indiennes, miniature, aquarelle, 1720-1730,  Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article Le Sacré en Inde, Prajâpati, Brâhman et Atman

Les dieux védiques Agni, Indra et Sûrya

Le feu est un concept essentiel aux rituels et aux sacrifices védiques et hindouistes. Il se rattache à différentes manifestations d’Agni, dieu du Feu. Dans l’Inde ancienne, la tradition évoque différentes facettes du symbolisme du feu.

Les divinités Agni, Indra et Sûrya, respectivement dieu du feu, de la foudre et du Soleil, correspondent à différents aspects du feu. Agni se rattache au monde terrestre ; Indra au monde intermédiaire et Sûrya au monde céleste.

D’après Surya, dieu Soleil védique et hindou, temple de Konarak, dynastie Ganga, XIIIe siècle, Orissa ; Agni, dieu védique et hindou du Feu, haut relief, pierre, XIe-XIIe siècle, Uttar Pradesh, et le dieu Agni, école de Mathurâ, terre cuite, IIIe siècle, dynastie Kushâna, Uttar Pradesh ; Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)    

Voir aussi l’article Les dieux Indra et Agni illuminent le Ciel Védique

Les facette du dieu Agni

L’hindouisme reconnaît également deux autres aspects du feu : Vaishvanara, feu qui pénètre et absorbe toute chose, et le feu de destruction qui se rattache à l’un des aspects d’Agni.

D'après Agni, dieu védique et hindou du Feu, école de Mathurâ, Ier-IIe siècle, Uttar Pradesh, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Agni, dieu védique et hindou du Feu, école de Mathurâ, Ier-IIe siècle, Uttar Pradesh, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Par ailleurs, Agni, en tant que ”feu rituel” se décline également sous cinq formes, comme aussi le “feu spirituel”. Le feu sacrificiel du dieu védique Agni véhicule les prières et les intentions des officiants… 

LE FEU SPIRITUEL

En sanskrit, “pur” et “feu” sont un même mot pour exprimer le feu spirituel. Cette nature de feu renvoie à la fois au Soleil et ses rayons, aux rites d’incinération, à l’élévation et à la sublimation. Feu et Soleil symbolisent la clarté, la lumière, la purification, la fécondité et l’illumination. 

D'après Agni, dieu védique du Feu sur son véhicule, le bélier, miniature, Divinités indiennes, aquarelle, 1720-1730, Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Agni, dieu védique du Feu sur son véhicule, le bélier, miniature, Divinités indiennes, aquarelle, 1720-1730, Sud Andhra Pradesh, XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La subtilité du feu intérieur

Dans les doctrines sacrées de l’Inde, la condition de l’être, plongé dans le rêve, l’illusion, ou encore à l’état subtil relève aussi du feu. L’état subtil s’acquiert grâce à la combustion symbolique de l’enveloppe grossière de l’être humain. L’hindouisme évoque le feu sacrificiel, la chaleur créatrice de l’ascèse divine et la lumière.

Feu, souffle, esprit, cœur…

Associé au cœur, le feu peut évoquer les passions, tels l’amour ou la colère, ou l’esprit. Pour le peuple Bambara, en Afrique, le feu chthonien (souterrain) représente la sagesse humaine et le feu céleste la sagesse divine. 

En Chine, selon le Yi-King (Livre des Transformations), le feu correspond au Sud, à l’été, à la couleur rouge et au cœur. Le feu de l’esprit, figuré par le trigramme chinois “Li”, est aussi le “souffle”. La nature de ce feu-souffle renvoie, dans les doctrines de l’Inde, à la connaissance intuitive évoquée dans la Bhagavad-Gîtâ (« Chant du Seigneur »).

D’après Bouddha et le dragon du feu, Recherches sur les superstitions en Chine, tome XV Henri Doré, Chang-hai, Imprimerie de la Mission catholique, 1911-1929. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Bouddha et le dragon du feu, Recherches sur les superstitions en Chine, tome XV Henri Doré, Chang-hai, Imprimerie de la Mission catholique, 1911-1929. (Marsailly/Blogostelle)

Le feu illumine

De son côté, le bouddhisme insiste sur l’importance du feu intérieur, à la fois connaissance et illumination. Le feu intérieur renvoie également aux Upanishad, à la Kundalini du Yoga et au Tantrisme tibétain, pour qui le feu correspond au cœur.

Le bouddhisme chinois a par ailleurs intégré la figure du dragon, à l’origine animal mythique céleste et impérial, pour symboliser l’éclaircissement et l’illumination…

La déité bouddhique Fudō Myōō – Acala

Dans le bouddhisme japonais, la déité Fudō Myōō – Acala (qui signifie « Immuable”), dite aussi Myōō ou Rois de la Luminosité est une émanation directe du Bouddha Dainichi Nyorai, le principal bouddha du bouddhisme ésotérique. 

D’après Fudō Myōō - Acala et deux parèdres, peinture sur soie dite Le Fudo bleu,  XIe siècle, époque de Heian, temple bouddhiste Shoren-in, Tokyo, Japon ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Fudō Myōō – Acala et deux parèdres, peinture sur soie dite Le Fudo bleu,  XIe siècle, époque de Heian, temple bouddhiste Shoren-in, Tokyo, Japon ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Fudō utilise son épée pour fendre “l’ignorance” et son lasso pour régner sur ceux qui bloqueraient le chemin de la connaissance et de l’illumination.  Fudō Myōō – Acala est  l’un des cinq rois du savoir, associé au feu et au courroux. Enveloppé dans son aura de feu, Fudō incarne une détermination inébranlable et l’immuabilité.

Le feu intérieur et spirituel 

Sur le plan spirituel, le feu symbolise la puissance des rituels, la foi, la lumière et la connaissance. Le feu, comme le soleil, symbolise la clarté, la purification, la fécondité de l’esprit et la transmutation qui mène à l’illumination…  

D’après la salamandre de François Ier, Claude de Seyssel, évêque de Marseille, 1515, La Grant Monarchie de France, parchemin, détail, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre de François Ier, Claude de Seyssel, évêque de Marseille, 1515, La Grant Monarchie de France, parchemin, détail, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Dans différentes traditions et doctrines, le feu spirituel consume mais ne brûle pas, comme le symbolise la salamandre alchimique en occident : l’alchimiste réalise l’élixir d’immortalité et la pierre philosophale au feu de son fourneau et de son creuset intérieur…

LA SALAMANDRE ET LE PHÉNIX

Emblèmes symboliques, la salamandre et le phénix se rattachent au thème du feu “qui ne brûle pas”. La salamandre vit dans le feu, qu’elle peut aussi éteindre. De son côté, le phénix renaît de ses cendres…

D’après le phénix renaissant de ses cendres, bestiaire, vers 1450, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)  
D’après le phénix renaissant de ses cendres, bestiaire, vers 1450, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)  

Le feu “qui ne brûle pas”

En Chine, le plexus solaire et le manipura-chakra du Yoga sont considérés sous le signe du feu, une image du creuset intérieur. C’est en brûlant de ce feu intérieur que l’être se purifie et se régénère. Les Taoïstes entrent dans le feu sans se brûler pour se libérer de leur condition humaine. 

La quête de l’immortalité passe par le feu

En Occident, la quête de l’immortalité passe par le feu du fourneau alchimique, l’athanor. On retrouve ce “feu qui ne brûle pas”, symbolisé par la salamandre, dans le vocabulaire de l’hermétisme occidental pour évoquer l’ablution et la purification alchimique. Le phénix, symbole de transmutation et de résurrection, renaît de ses cendres…

D’après l'Eau et le Feu, manuscrit Voynich-MS408, attribué à l'origine au moine anglais Roger Bacon, XIIIe siècle, édition, 1404 -1438, art médiéval.  (Marsailly/Blogostelle)  
D’après l’Eau et le Feu, manuscrit Voynich-MS408, attribué à l’origine au moine anglais Roger Bacon, XIIIe siècle, édition, 1404 -1438, art médiéval.  (Marsailly/Blogostelle)  

Le “feu secret” des alchimistes

La philosophie alchimique repose sur l’union des contraires, symbolisés par l’Eau et le Feu, pour réaliser la “transmutation des métaux” et découvrir la “panacée universelle”. L’alchimie spirituelle, dite spéculative, cherche à purifier et à parfaire la matière en accélérant les opérations de la nature, à transformer le plomb en or à l’aide du “feu secret” de l’athanor…  

D’après l'athanor alchimique, Pretiosa margarita novella ("Nouvelle perle précieuse"), de Petrus Bonus, 1330, édité par Janus Lacinius, 1546, XVIe siècle, Venise. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’athanor alchimique, Pretiosa margarita novella (« Nouvelle perle précieuse »), de Petrus Bonus, 1330, édité par Janus Lacinius, 1546, XVIe siècle, Venise. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article  Le Sacré : fer et métaux, une gestation symbolique

Les quatre éléments

Par ailleurs, l’alchimie de laboratoire dite spagyrie, fondée sur l’empirisme, est pratiquée par des “chimistes” qualifiés par les alchimistes de  “souffleurs” : leur unique but étant d’obtenir or et richesse. 

D'après l'as de Bâton, symbole de l'élément Feu dans le Tarot de Marseille. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’as de Bâton, symbole de l’élément Feu dans le Tarot de Marseille. (Marsailly/Blogostelle)

Comme dans la symbolique alchimique, le Tarot de Marseille évoque les quatre éléments : Feu, Air, Terre, Eau. Le bâton et ses flammes symbolisent le feu : feu de l’énergie vitale, feu créateur et feu de l’action. 

Le feu de la salamandre

Le feu et la glace

Selon la tradition des anciens, la salamandre est capable de supporter le feu sans être consumée. Manifestation vivante du feu, la salamandre s’identifie au feu, qualifiée aussi « d’Esprit du feu”… 

D’après la salamandre, Esprit du feu, miniature, Der Naturen Bloeme, Jacob van Maerlant, 1340 -1350, manuscrit enluminé, XIVe siècle, Utrecht, Pays-Bas. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre, Esprit du feu, miniature, Der Naturen Bloeme, Jacob van Maerlant, 1340 -1350, manuscrit enluminé, XIVe siècle, Utrecht, Pays-Bas. (Marsailly/Blogostelle)

A contrario, la salamandre est également réputée pour éteindre le feu. Grâce à son extrême froideur, la salamandre possède le pouvoir de générer un “feu glacé”. Dans l’Égypte ancienne, le hiéroglyphe de la salamandre désigne “l’homme mort de froid”. 

La salamandre “se nourrit du feu”

Dans la philosophie alchimiste, la salamandre qui “se nourrit du feu” est le symbole de la “pierre fixée au rouge”, du “soufre incombustible”, comme aussi le phénix qui renaît de ses cendres. Salamandre et phénix, symboles hautement spirituels, évoquent la transmutation, la résurrection, l’immortalité…  

D’après la salamandre alchimique, illustrations des Atalanta Fugiens de Michael Maier, 1618, gravure, édition Hieronymus Galler, Allemagne, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre alchimique, illustrations des Atalanta Fugiens de Michael Maier, 1618, gravure, édition Hieronymus Galler, Allemagne, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

« Comme la salamandre la pierre vit dans le feu »

Der Naturen Bloeme

Dans l’iconographie médiévale et chrétienne, la salamandre symbolise le feu de la foi ; elle évoque le “juste” qui ne perd pas sa confiance en Dieu ni la paix de son âme au cœur des tribulations et des aléas de la vie. 

19 D’après la salamandre alchimique : illustrations des « Atalanta Fugiens » de Michael Maier, 1618, gravure, édition Hieronymus Galler, Allemagne, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

D’après la salamandre alchimique, illustrations des Atalanta Fugiens de Michael Maier, 1618, gravure, édition Hieronymus Galler, Allemagne, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre alchimique, illustrations des Atalanta Fugiens de Michael Maier, 1618, gravure, édition Hieronymus Galler, Allemagne, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

La salamandre de François Ier

En France, la salamandre apparaît sur une médaille de François d’Angoulême, âgé alors de dix ans, en 1504. Sa mère, Louise de Savoie, choisit de reprendre l’emblème familial. Le précepteur du futur roi de France, François Demoulins, en compose la devise :

“Je me nourris du bon feu et éteins le mauvais” (Nutrisco al buono stingo el reo), qui deviendra “je nourris et j’éteins” (Nutrisco et extinguo) et aussi “ J’y vis et je l’éteins ”. Il existe une copie de la médaille de 1504 avec ces mots : « La mort est vie » .

D’après la salamandre, médaille de François d'Angoulême, argent, 1504, emblème familial de Louise de Savoie, France, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre, médaille de François d’Angoulême, argent, 1504, emblème familial de Louise de Savoie, France, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Les armoiries du roi de France

On retrouve la thématique de la salamandre dans les flammes dans les armoiries du roi de France François Ier, dans les décors de ses châteaux, sur des manuscrits enluminés… 

Une grande salamandre, symbole royal, trône sur l’image d’un parchemin (La Grant Monarchie), alors que deux anges (en haut) portent les armes du royaume de France… Le phylactère resté vierge était sans doute destiné à accueillir la devise royale de François Ier.

D’après la salamandre dans les flammes, emblème de de François Ier, vers 1515, parchemin, Claude de Seyssel, évêque de Marseille, La Grant Monarchie, France, XVIe siècle.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salamandre dans les flammes, emblème de de François Ier, vers 1515, parchemin, Claude de Seyssel, évêque de Marseille, La Grant Monarchie, France, XVIe siècle.  (Marsailly/Blogostelle)

Le nœud de la salamandre

Comme sur la médaille d’argent de 1504, la queue de la salamandre forme le huit de la cordelière de Louise de Savoie, mère de François Ier.

La cordelière est une corde à trois nœuds portée en ceinture (à l’origine, symboles des trois vœux des religieux de Saint-François : pauvreté, chasteté, obéissance). Le nœud symbolise par ailleurs un engagement, un serment, mais aussi une puissance magique ou divine qui peut lier et délier…

D’après la salamandre de François Ier, 1515-1547, bas-relief, Château Royal de Chambord, Loir et Cher, Renaissance ; et la salamandre du roi François Ier, Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye ; France, (Marsailly/Blogostelle)

Le feu du phénix

Le feu d’une régénérescence

Oiseau fabuleux et magnifique, le phénix a le pouvoir de renaître de ses cendres trois jours après s’être consumé dans son nid-bûcher. Le symbolisme du phénix renvoie à la résurgence cyclique, à la longévité, à la résurrection et à l’immortalité.

Le phénix est l’emblème du Feu, de la couleur rouge, de l’été, du Sud… Comme le Soleil qui disparaît dans les ténèbres de la nuit avant de réapparaître à l’aube, le phénix se consume et s’éteint avant de renaître de ses cendres.

D'après le thème du phénix qui renaît de ses cendres, un symbole d'immortalité. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le thème du phénix qui renaît de ses cendres, un symbole d’immortalité. (Marsailly/Blogostelle)

Ce magnifique oiseau évoque un feu à la fois destructeur et créateur, comme le feu de Shiva qui permet de régénérer le monde. Comme le soleil, le feu est l’agent d’une action fécondante : en consumant, il purifie et permet la régénérescence…

Le phénix égyptien, l’oiseau Benou

Dans l’Égypte ancienne, le phénix – ou oiseau Benou (héron cendré ou pourpré) – se rapporte au cycle quotidien du Soleil, qui renaît chaque matin, et au cycle annuel de la crue du Nil qui régénère la fertilité et la vie. Oiseau fabuleux, le phénix se lève avec l’aurore sur les eaux du Nil, tel le dieu Soleil Ré.

Le phénix égyptien, qualifié de “ba de Rê” (âme de Rê), symbolise aussi la résurrection des défunts après l’épreuve réussie de “la pesée du cœur”. Le phénix est un symbole solaire associé à la ville d’Héliopolis. Il est possible, cependant, que cette cité “du Soleil” ne soit pas égyptienne à l’origine, mais renvoie à la “terre solaire” primordiale, la Syrie d’Homère. 

D’après un oiseau Benou, phénix égyptien, œuf scarabée du cœur, pâte de verre lapis lazuli et or, Nouvel empire, Egypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après un oiseau Benou, phénix égyptien, œuf scarabée du cœur, pâte de verre lapis lazuli et or, Nouvel empire, Egypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle) 

Le phénix égyptien symbolise encore “l’âme universelle d’Osiris” qui se créera sans fin d’elle-même, tant que dureront le temps et l’éternité (Livre des morts). Phénix est le nom grec de l’oiseau Benou…

Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le culte solaire nourrit la symbolique funéraire

Le phénix construit son nid-bûcher

Selon l’auteur grec, Hérodote (Ve siècle avjc), et le penseur latin, Plutarque (Ier-IIe siècle), le phénix, d’origine éthiopienne, est un oiseau mythique d’une splendeur inégalée. Il possède une longévité extraordinaire et a le pouvoir de renaître de ses cendres.

D'après le phénix faisant son nid, pour s’y consumer avant de renaître, bestiaire de Northumberland, 1250-1260, parchemin enluminé, encre et lavis, XIIIe siècle, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après le phénix faisant son nid, pour s’y consumer avant de renaître, bestiaire de Northumberland, 1250-1260, parchemin enluminé, encre et lavis, XIIIe siècle, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 

Quand son heure approche, le phénix construit son nid-bûcher avec des brindilles parfumées avant de s’y consumer de sa propre chaleur… Dans la tradition arabe, le phénix ne peut se poser que sur la montagne Qâf, pôle et centre du monde. 

Phénix médiéval et pélican

Le phénix est doté d’une longévité miraculeuse : cinq cents ans ou plus, selon certains auteurs. Si à l’origine le phénix renvoie à l’apparition et à la disparition cycliques du Soleil, cet oiseau mythique devient un symbole de résurrection. Le phénix incarne l’âme ou l’immortalité.

D’après le phénix renaissant de ses cendres, Bestiaire d'Aberdeen, parchemin enluminé vers 1200, Ecosse, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après le phénix renaissant de ses cendres, Bestiaire d’Aberdeen, parchemin enluminé vers 1200, Ecosse, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 

À l’époque médiévale, le phénix symbolise la résurrection du Christ et parfois sa nature divine, alors que le pélican symbolise sa nature humaine, avec l’image de l’oiseau sacrifiant sa propre chair pour nourrir ses enfants de son sang… 

Les chrétiens réinterprètent le symbole du phénix, oiseau sacré d’une irréfragable volonté de survie. Le phénix chrétien symbolise le triomphe de la vie sur la mort. De nombreuses sources littéraires profanes et chrétiennes évoquent la légende du phénix. 

D’après le pélican, symbole du sacrifice du Christ sauveur, bestiaire, vers 1450, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après le pélican, symbole du sacrifice du Christ sauveur, bestiaire, vers 1450, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 

Un oiseau légendaire

Originaire de l’Inde, cet oiseau vit 500 ans. Il se rend dans la forêt du Liban. Les ailes chargées d’aromates, il gagne la ville d’Héliopolis en Égypte et là il se brûle sur l’autel des sacrifices. Le lendemain le prêtre trouve dans les cendres un ver auquel il pousse des ailes et le troisième jour l’oiseau ressuscité regagne son pays d’origine. 

Hérodote dans son Histoire (2,73), Ovide dans ses Métamorphoses (15,392), Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle (10,2,2) et Tacite dans ses Annales (6,28) orchestrent cette légende.

D'après le phénix dans son nid, Bestiaire d'Aberdeen, parchemin enluminé, vers 1200, Ecosse, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après le phénix dans son nid, Bestiaire d’Aberdeen, parchemin enluminé, vers 1200, Ecosse, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle) 

L’allégorie du phénix d’inspiration stoïcienne évoque le feu éternel qui détruit tout et fait tout renaître. Ainsi le phénix figure le monde qui meurt et revit. Dans la tradition alchimique, dont le labeur repose sur le feu, le phénix symbolise “l’œuvre au rouge”, ultime étape après  “l’œuvre au noir” (putréfaction) et  “l’œuvre au blanc” (purification). 

D'après la renaissance du phénix dans le feu, manuscrit arabe, époque médiévale, C.G. Jung, L'Homme et ses symboles. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après la renaissance du phénix dans le feu, manuscrit arabe, époque médiévale, C.G. Jung, L’Homme et ses symboles. (Marsailly/Blogostelle) 

Le phénix chinois est l’emblème de Niu-Koua

Dans la mythologie chinoise, le phénix (fenghuang), est l’emblème de Niu-Koua, l’héroïne qui combat le Déluge, répare le monde et invente le cheng, un instrument de musique qui reproduit le chant fabuleux du phénix. Le phénix et Niu-Koua évoquent la régénération…   

Divinité créatrice et cosmogonique chinoise, Niu-Koua répare le Ciel azuré, dresse quatre piliers aux quatre pôles, tue le dragon noir Konkong pour sauver le monde. Niu-Koua accumule des cendres de roseau pour faire cesser le débordement des eaux, façonne les être humains avec de la terre jaune et de la boue…

D'après un phénix à neuf têtes, illustration du Classique des montagnes et des mers, Shanhai jing (entre IIIe-IVe siècle avjc et IIIe- IVe siècle apjc), estampe de la dynastie Qing, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un phénix à neuf têtes, illustration du Classique des montagnes et des mers, Shanhai jing (entre IIIe-IVe siècle avjc et IIIe- IVe siècle apjc), estampe de la dynastie Qing, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Niu-Koua et Fou-hi, un couple mythique  

L’union de Niu-Koua et de son frère Fou-hi donne naissance à une nouvelle humanité. Fou-hi, héros civilisateur, détermine les mutations des cinq éléments fondamentaux de la nature (métal, bois, eau, feu, terre), crée les premiers huit trigrammes et fonde la médecine traditionnelle chinoise. 

Niu-Koua et Fou-hi forment un couple primordial et mythique. Ces déités sont représentées avec des queues de serpent ou de dragon enlacées.

D’après Niu-Koua et Fou-hi, milieu VIIIe siècle, dynastie Tang, peinture sur soie, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Niu-Koua et Fou-hi, milieu VIIIe siècle, dynastie Tang, peinture sur soie, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Sur une peinture de la dynastie Tang, Niu-Koua tient une boussole (ou diviseur) et Fou-hi une louche à encre et une équerre. Au-dessus du couple brille le Soleil, dessous apparaît la Lune. Des cercles évoquent les étoiles et constellations.

Le phénix fenghuang, mâle et femelle

Par ailleurs, le phénix mâle est symbole de félicité. Le phénix femelle, emblème de la reine, s’associe au dragon impérial emblématique de l’empereur de Chine. Les phénix chinois mâle, Feng, et femelle, Huang, formant le nom de fenghuang, symbolisent l’union et le mariage heureux. On rencontre également le phénix dans l’art japonais…

D’après un phénix en vol portant une jeune femme, estampe japonaise, Nishiki-e, style de Harunobu, XVIIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)  
D’après un phénix en vol portant une jeune femme, estampe japonaise, Nishiki-e, style de Harunobu, XVIIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)  

Le phénix, une monture des Immortels

Sur une estampe japonaise (BNF), une jeune femme tenant un instrument de musique chevauche dans les airs portée par un phénix. Cette image serait inspirée de la représentation de l’immortel chinois Fei Zhangfang assis sur une grue en vol.

Par ailleurs, cette iconographie rappelle la mythique Niu-Koua, dont le phénix est l’emblème, tenant le cheng qu’elle a inventé. Le phénix est encore l’une des montures des Immortels dans le taoïsme. 

Les Taoïstes chinois dénomment le phénix “oiseau de cinabre”, le cinabre correspondant au sulfure rouge de mercure.

D’après Xiao Li volant sur un phénix et Wang Ziqiao sur une grue, deux figures d’immortels dans le taoïsme, porcelaine bleue sous couverte et émaux, bol, règne de l’empereur Wanli, 1573-1620, dynastie Ming, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Xiao Li volant sur un phénix et Wang Ziqiao sur une grue, deux figures d’immortels dans le taoïsme, porcelaine bleue sous couverte et émaux, bol, règne de l’empereur Wanli, 1573-1620, dynastie Ming, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le symbolisme du feu – comme pour son principe opposé, l’eau –  se rattache à une renaissance, à la recréation ou au renouvellement du monde ou de l’être humain. Le symbolisme du feu englobe en outre des notions de compréhension et d’intelligence,  de lumière et de vérité. Sur le plan spirituel, si l’eau purifie le cœur et sublime les désirs en compréhension et en bonté, le feu illumine l’esprit…

MINI-SOMMAIRE. Le symbolisme du Feu : 1.  Les déités précolombiennes du feu et du soleil. 2. Culte du feu, culte solaire, manifestation divine… 3. Feu cosmique, rituel et spirituel, salamandre et phénix… 

Manuscrit médiéval enluminé, Bestiaire, miniatures : La Haye, MMW, 10 B 25 : manuscripts.kb.nl/show/images_text/10+B+25/page/13 – Koninklijke Bibliotheek Bibliothèque nationale des Pays-Bas

Publié par Maryse Marsailly

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