Thessalie et Cyclades
La civilisation égéenne, dite préhellénique, précède celle de la Grèce antique hellénique. En Thessalie, émergent les cultures néolithiques de Sesklo et de Dimini. Au IIIe millénaire avjc, à l’âge du Bronze ancien, l’art des Cyclades se distingue avec ses statuettes en marbre dites “idoles” cycladiques. Le groupe de figures sculptées le plus important, aux bras croisés, relève de la variété de Spédos…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Publié le 24 février 2024 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. LE MONDE ÉGÉEN. Ve-IVe millénaire avjc, néolithique récent : 4750-3500 avjc. IIIe millénaire avjc, civilisation cycladique du Bronze ancien : 3200-2000 avjc. Chronologie Grèce Antique
LES PREMIÈRES CULTURES ÉGÉENNES
À partir du VIe millénaire avjc, les populations égéennes se sédentarisent et adoptent un mode de vie néolithique transmis par l’Orient. Des témoignages d’urbanisation apparaissent au IVe millénaire avjc en Thessalie sur les sites de Sesklo et Dimini. Les artisans façonnent des terres cuites et des statuettes féminines en argile et en pierre.

Les cultures préhelléniques de la mer Égée
La civilisation égéenne dite préhellénique précède la civilisation de la Grèce antique hellénique. Les premiers Grecs, les Mycéniens, seraient les descendants d’envahisseurs indo-européens apparus dans les régions continentales vers 2000-1950 avjc qui se seraient mêlés aux populations autochtones en Attique, dans le Péloponnèse…
Un monde encore sans écriture
Le monde égéen ancien, dénommé “quadrilatère égéen”, correspond à un ensemble beaucoup plus vaste que la Grèce actuelle. La civilisation préhellénique relève d’une approche préhistorique (période sans écriture). La création de l’alphabet grec, qui dérive du phénicien (actuel Liban), remonte à 900-800 ans avjc, au début de l’époque Géométrique (âge du Fer).

Littoral, îles et archipels
La civilisation égéenne préhellénique englobe le littoral et les îles de la mer Égée. Au Nord, se trouvent la Thrace et la Macédoine, au Sud, la Crète. La côte Ouest (face à la côte Est de l’Asie mineure) comprend la Thessalie, la Boétie (Thèbes), l’Argolide (Péloponnèse) et l’Attique (Athènes).
Du Nord au Sud, les îles principales sont Thasos, Samothrace, Imbros, Lemnos, Lesbos (Mytilène), Skyros, Chios, Andros, Tinos, Mykonos, Samos, Paros, Naxos, Ios, Milo (ou Mélos), Théra (Santorin)…, puis Rhodes, la Crète et Chypre (au Sud de la Turquie, face à la Syrie). Au centre de la mer Égée se trouve l’archipel des Cyclades.

Des franges continentales aux îles de la mer Égée, les cultures de la civilisation égéenne préhellénique ont en commun d’être tournées vers la mer…
Thessalie, Cyclades, Crète
L’Orient, foyer des premières civilisations urbaines, devance le monde égéen de plusieurs millénaires. Dès les IXe et VIIIe millénaire avjc, les peuples du Levant adoptent un mode de vie néolithique et sont les bâtisseurs des premières cités de l’histoire de l’Humanité. Les influences orientales civilisatrices sont très variables selon les contrées du monde égéen.

Voir aussi l’article Des peuples néolithiques du Levant… au génie de Sumer
Si la Thessalie continentale, au Nord-Ouest de la mer Égée, devient un foyer de développement néolithique, le centre de la civilisation égéenne se déplace vers les Cyclades à partir du IVe millénaire et au IIIe millénaire avjc. Les îles des Cyclades sont proches les unes des autres facilitant la navigation et le cabotage (transport à courte distance).
Apparition de la métallurgie
Par ailleurs, vers 3200 avjc, apparaît la métallurgie et le traitement des minerais à Kéos (Kephala), une île des Cyclades. Le gisement des mines de Laurion (Attique) contient des minerais de cuivre et de plomb argentifère. Par ailleurs, un outillage en obsidienne est découvert sur l’île de Mélos (Milo). Malgré l’apparition du métal, des outils en obsidienne perdurent…

Transmission des savoir-faire
Les Cyclades forment une chaîne Est-Ouest qui permet la transmission des connaissances et des techniques, comme la métallurgie provenant de l’Anatolie (site archéologique de Troie en Troade, actuelle Turquie).
Au IIIe millénaire avjc, les Cyclades abritent ainsi une riche civilisation qui prospère au cours du Bronze ancien grâce au commerce du marbre et de l’obsidienne entre l’Anatolie et l’Europe, avant de décliner à la fin du IIIe millénaire avjc.

La civilisation cycladique précède la civilisation minoenne en Crète. Grâce aux progrès de la navigation, c’est la Crète qui domine le monde égéen du IIe millénaire avjc. Il existe alors un axe privilégié Chypre-Rhodes-Crète reliant la Crète aux ports du Proche-Orient.
LA THESSALIE NÉOLITHIQUE
C’est en Thessalie que la culture égéenne néolithique, issue des influences orientales, trouve sa source. En témoigne les sites archéologiques de Sesklo et de Dimini, avec des premières traces d’urbanisation et des artefacts remontant aux Ve et IVe millénaire avjc, du néolithique récent (4750-3500 avjc) au début de l’âge du bronze.

Figurines néolithiques en argile
La Thessalie est habitée tout au long de la période néolithique, entre 6500 ans avjc environ et 3300 avjc. Dès le Néolithique moyen (vers 5750-4750 avjc), les installations humaines abritent des figurines en argile nombreuses et variées, façonnées à l’aide de colombins (boudins de pâte molle) avant cuisson. Le tour de potier n’existe pas à cette époque.
Les formes plantureuses des figurines féminines néolithiques évoquent sans doute la fertilité et la procréation, une préoccupation prédominante dans les cultures méditerranéennes antiques.


D’après le village de Sesklo, vue d’artiste, VIe -IVe millénaire avjc ; une figurine féminine, argile, Sesklo, 5800-5300 avjc ; Thessalie, Grèce, néolithique égéen. (Marsailly/Blogostelle)
Les villages de Sesklo et Dimini
Le bourg néolithique de Sesklo abrite des maisons quadrangulaires reposant sur des fondations en pierre. Les murs (disparus) sont faits de matériaux périssables : paille, boue séchée, cailloux… Parfois, des poteaux en bois en façade supportent un toit.
Des enceintes en pierre
Une enceinte en pierre entoure Sesklo. Si le village de Dimini englobe le même type d’habitations, il est en revanche pourvu d’enceintes multiples lui donnant un aspect fortifié. Le principe quadrangulaire des édifices s’inspire de l’Orient, comme à Troie en Anatolie. On retrouve ce schéma plus tard dans le plan des temples grecs.


D’après une jarre, terre cuite, Sesklo, 5300 avjc ; le village de Dimini, vue d’artiste ; Thessalie, Grèce, VIe -IVe millénaire avjc néolithique égéen. (Marsailly/Blogostelle)
Voir aussi l’article Le néolithique. Villages, enceintes et sépultures collectives
Des poteries à motifs géométriques
En Thessalie néolithique, comme pour la construction des habitats, les poteries du IVe millénaire avjc reflètent aussi une influence orientale. Avec des motifs géométriques, des spirales et des damiers sur les terres cuites de Sesklo et Dimini.



D’après un vase, terre cuite peinte, motifs géométriques et spirale, Dimini ; une poterie, à anse, terre cuite peinte, motifs chevrons, Sesklo ; une céramique, motifs damier, terre cuite peinte, Sesklo ; Thessalie, Grèce, Ve -IVe millénaire avjc, néolithique égéen. (Marsailly/Blogostelle)
Statuaire néolithique en terre cuite
Par ailleurs, de possibles idoles cultuelles féminines, en argile, parfois assises et enceintes, évoquent la fécondité associée à la fertilité de la Terre. Une statuette féminine de Sesklo, en terre cuite peinte, représente une femme ou une idole assise sur un tabouret, tenant un enfant dans les bras.

Une mère allaitant son enfant
La mère semble se préparer à allaiter le nourrisson, dont le visage est blotti dans son sein. L’artiste exprime l’intimité d’une tendre étreinte grâce à la disposition en spirale des bras de la mère qui enveloppent l’enfant.
La composition de ce groupe statuaire en ronde bosse (en trois dimensions) met en lumière la maternité. Une insistance renforcée par le décor peint avec des cercles concentriques dans la région du ventre de la femme évoquant la procréation.



D’après une statuette, femme et enfant, terre cuite peinte, Sesklo, 4800-4500 avjc, Thessalie, Grèce, Ve millénaire avjc, néolithique égéen. (Marsailly/Blogostelle)
Terre-Mère et Déesse-Mère
D’autres figurines de Sesklo et Dimini représentent des corps de femmes dont les attributs féminins sont soulignés par des rondeurs et des évocations schématiques. Certaines figures stylisées, dans une recherche de sobriété essentielle, annoncent déjà les futures idoles épurées de l’âge du Bronze, notamment dans les Cyclades.
Pour les peuples néolithiques soumis aux caprices de la nature, les cultes se tournent vers la fertilité de la Terre qui permet de se nourrir. La fécondité féminine symbolise la reproduction mais aussi le lait maternel nourrissant. Ainsi, la femme s’identifie à la Terre-Mère et à la Déesse-Mère.

De la préhistoire au néolithique
Le thème iconographique des figurines féminines remonte à la préhistoire avec les “Vénus paléolithiques”. Par ailleurs, une mythologie liée à la Terre nourricière s’exprime dans les représentations féminines de diverses civilisations néolithiques.
Certaines figurines féminines du début du néolithique retrouvées en Thessalie, telles des femmes enceintes assises, présentent une schématisation extrême des formes comme auparavant certaines Vénus paléolithiques.
Voir aussi les articles L’art paléolithique consacre la féminité et le monde animal ; Dans l’art paléolithique, la représentation humaine évoque une présence abstraite et Au néolithique, les premiers cultivateurs sacralisent la végétation


D’après une figurine, femme enceinte assise aux formes schématisées, argile, 6500-5800 avjc, Thessalie, néolithique ; une figure féminine, marbre, 2900 – 2700 avjc, Cyclades, début IIIe millénaire avjc, Grèce, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Du néolithique au Bronze ancien dans les Cyclades
Dans les Cyclades, au début de l’âge du bronze, des statuettes stylisées continuent d’incarner la procréation et la fertilité. Le traitement du visage et du nez d’une idole du début du IIIe millénaire avjc, assise avec bras et jambes superposés, inaugure les recherches plastiques des idoles cycladiques du Bronze ancien.
LA CIVILISATION CYCLADIQUE
La civilisation cycladique du Bronze ancien se distingue par ses nombreuses figures féminines sculptées dans le marbre, qualifiées par les spécialistes “d’idoles”, attribution hypothétique. Ces figurines et statuettes proviennent en grande majorité des tombes, retrouvées là placées sur le dos…

L’archipel des Cyclades
Au centre de la mer Égée, 2 200 îles et îlots rocheux composent l’archipel des Cyclades. Leur nom de “Cyclades” évoque le fait qu’elles forment un cercle, kuklos en grec, autour de l’île de Délos. Délos est par ailleurs un centre spirituel très important du monde grec.
Parmi les îles principales des Cyclades : au centre, Paros, Antiparos et Naxos, la plus grande ; à l’Ouest, Milo et Sifnos ; au Nord, Syros, Mykonos et Délos ; à l’Est, Donoussa, Kéros, Amorgos, Iraklia… Les Cyclades elles-mêmes s’apparentent à des blocs de marbre posés sur la mer Égée…

Du cuivre au bronze
Vers 3200 avjc, le passage du néolithique à l’âge du Bronze est progressif. La technique du métal semble avoir été introduite dans le monde égéen par des populations migrantes venues de l’Est. Dans les Cyclades, les artisans exploitent le cuivre avant de découvrir l’importance de l’alliage du cuivre et de l’étain pour obtenir du bronze.
Dans le monde égéen, le travail du métal transforme le mode de vie, permettant de créer outils, armes et éléments de parure. Cependant, les créations les plus originales du Bronze ancien apparaissent dans les Cyclades. Cette période correspond au Cycladique ancien, riche en innovations artisanales et artistiques.

L’âge du Bronze dans la Grèce antique, vers 3200 avjc – 1100 avjc, est qualifié par les archéologues de Cycladique dans les Cyclades, de Minoen en Crète et de Helladique en Grèce continentale.
Nécropoles cycladiques
Les tombes cycladiques regroupées dans des nécropoles sont couvertes par une grande et lourde dalle. Constituées de murs en pierres sèches, leurs formes sont variables : rectangulaires, circulaires ou parfois irrégulières comprenant deux niveaux superposés.


D’après des statuettes féminines, type de Spédos, marbre de Syros ; 2700-2400 avjc, Grèce, IIIe millénaire avjc, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Défunts en position fœtale et mobilier funéraire
Dans ces sépultures de dimension réduite, les défunts reposent couchés sur le côté en position fœtale. Cette attitude renvoie à l’espérance d’une renaissance au sein de la Terre-Mère. Idoles, objets en marbre et en terre cuite accompagnent les défunts.
Par ailleurs, l’orientation Est – Ouest des sépultures évoque la course du soleil et de probables considérations cosmiques. Les dépôts d’idoles féminines pourraient se rattacher à une croyance en une nouvelle naissance au sein de la Terre-Mère ou dans l’au-delà…

Idole et vaisselle en marbre
Un mobilier funéraire retrouvé sur la petite île d’Iraklia, entre Naxos et Ios, comprend une statuette cycladique du type de Spédos, des coupelles en marbre dont l’une peinte en rouge, une cruche à bec en terre cuite, deux ciseaux et une hache en bronze.
L’idole d’Iraklia a conservé des traces de polychromie : pigments noir pour les yeux et les sourcils, pigments rouge sur le front, les joues, le cou et le dos. Ces dessins précisent des détails du visage et évoquent aussi des peintures corporelles.


D’après une statuette féminine, marbre, traces de polychromie, type de Spédos, mobilier funéraire, Iraklia, 2700-2400 avjc, Cyclades, Grèce, IIIe millénaire avjc, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Des rituels sacrés et funéraires
D’autres statuettes cycladiques sont présentes dans des habitats ou sanctuaires. Les énigmatiques idoles des Cyclades semblent posséder une signification complexe, pouvant s’intégrer à divers rituels sacrés, funéraires, domestiques et collectifs, telles des processions…

Boîte à bijoux ou coffret à offrandes
Provenant de l’île de Milo (ou Mélos) dans les Cyclades, un coffret, pyxide à multiples godets ou Kernos, est pourvu de sept récipients cylindriques et d’un espace central pour ranger cosmétiques et bijoux ou recevoir des offrandes.
Ce coffret, relevant peut-être d’un usage cultuel, orné d’un fronton et de spirales continues, évoque un modèle réduit de temple ou de maison-sanctuaire. Le motif de la spirale, symbole universel, est par ailleurs fréquent dans les civilisations anciennes…

Voir aussi les articles La spirale, symbole cosmique et initiatique et Le symbolisme de la spirale et de la « divine proportion » relève du Sacré
DES STATUETTES QUALIFIÉES D’IDOLES
Vers 2800-2700 ans avjc, puis tout au long du troisième millénaire avjc, les artistes des Cyclades sculptent dans le marbre des figurines et des statuettes très variées. Les idoles cycladiques relèvent de différents groupes stylistiques, des plus frustes aux plus complexes…

Les sculpteurs cherchent l’abstraction des formes
Les œuvres les plus originales de la civilisation des Cyclades sont de nombreuses statuettes en marbre, en grande majorité féminines. Des évolutions et des filiations dans la statuaire cycladique permettent d’établir une chronologie relative pour différents groupes de figures, des plus frustes aux plus complexes.
Une statuaire aux antipodes du naturalisme
Les artistes cycladiques misent sur l’abstraction des formes. Les sculpteurs ne cherchent pas à créer une illusion de ressemblance avec une réalité anatomique. La statuaire cycladique apparaît aux antipodes de tout naturalisme.

Naturalisme qui bien plus tard provoquera l’admiration pour des sculpteurs grecs tels Phidias (Ve siècle avjc) et Praxitèle (IVe siècle avjc), avec la perfection d’une musculature ou le rendu d’un membre au repos…
Des silhouettes en forme de violon
La plus grande collection d’art cycladique se trouve au musée d’Athènes avec notamment la collection Goulandris. Cette collection conserve des modèles parmi les plus anciens et les plus frustes, avec des silhouettes très schématisées dont certaines rappellent la forme du violon.
L’une de ces statuettes cycladiques comporte des perforations et une ligne de bris : on suppose que cette idole a été brisée puis réparée dès l’antiquité, au cours d’un usage assez long. Les perforations sont peut-être destinées à recevoir un lien pour porter la figurine comme une parure ou une amulette…


D’après des figurines en forme de violon, l’une de Paros avec perforations ; marbre, 3000 avjc et 3200-2800 avjc, Grèce, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Divers styles d’idoles cycladiques
Les spécialistes ont étudié différents types de statuettes cycladiques pour établir des groupes (types et variétés), des filiations et une chronologie relative : Cycladique ancien I : 3200-2800 (culture Grotta-Pelos) Cycladique moyen II : 2800-2300, apogée de la statuaire cycladique (culture Kéros-Syros). Cycladique ancien III : 2300-2000 avjc (culture Phylakopi, Milo-Mélos).
Femmes enceintes ou accouchées
La majorité des idoles cycladiques représentent des femmes nues, pourvues de seins ronds et pleins. Des triangles incisés indiquent le pubis. Le ventre parfois gonflé de ces effigies évoque la fécondité maternelle ou des séries de stries évoquent les plis après accouchement.

Procréation et fertilité
Comme ailleurs dans diverses civilisations néolithiques, ces statuettes de femmes enceintes ou accouchées, idoles ou déesses, continuent d’incarner la procréation et la fertilité au cours de l’âge du bronze ancien…
Voir aussi les articles Dès le néolithique, l’avènement du labeur agricole induit une évolution culturelle et mythologique et Les mégalithes néolithiques cristallisent une présence spirituelle
LES IDOLES AUX BRAS CROISÉS
Le groupe de statuettes dites “aux bras croisés”, relève des variétés de Spédos et de Dokathismata. Ces figures illustrent l’apogée de la statuaire cycladique entre 2800 et 2300 avjc, au cours du Bronze ancien. La réalisation de ces figures en marbre poli respecte une conception fondée sur des modules et des proportions précises.

Une civilisation du Bronze ancien
À toutes les époques du Cycladique ancien, on retrouve en nombre des idoles en marbre façonnées plus ou moins grossièrement. Le groupe de statuettes le plus important, dites “aux bras croisés”, relève des variétés de Spédos, un cimetière de l’île de Naxos (en grec Náxos), et de Dokathismata, une nécropole sur l’île d’Amorgos.
Certaines idoles cycladiques ont été retrouvées jusqu’au Portugal et à l’embouchure du Danube, attestant du dynamisme prospère de cette civilisation du Bronze ancien.

Usage funéraire et signification rituelle
La question se pose de la fonction de ces figurines à usage peut être exclusivement funéraire. Si on en retrouve beaucoup dans les tombes, certaines proviennent cependant de zones d’habitations. Elles avaient sans doute aussi une signification rituelle dans le monde des vivants.
Le canon de Spédos
Les plus grossières des idoles cycladiques ne font que quelques centimètres de haut. Les plus belles et les plus complexes peuvent dépasser le mètre de haut. Une grande idole provenant d’Amorgos mesure 1, 48 mètre de haut (musée d’Athènes).

Une grande idole d’Amorgos
La silhouette s’inscrivant dans un quadrilatère, la tête ébauchée mais un long nez sculpté, cette statue d’Amorgos présente une grande idole féminine debout, les bras croisés sur le torse. Les détails des yeux et de la bouche, peints à l’origine, ont disparu.
Cette idole d’Amorgos a été retrouvée brisée en 9 fragments avant d’être reconstituée. Elle illustre l’apogée de la création cycladique et correspond à une variété particulière nommée le groupe des idoles “aux bras croisés”.


D’après une grande idole, tête et bras croisés, marbre, variété de Spédos, 2800-2300 avjc, Amorgos, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Une tête en forme de lyre et un long nez
Au sein de ce groupe, un type particulier de sculptures est qualifié de “variété de Spédos”, nom d’une nécropole de Naxos. L’idole d’Amorgos représente une femme debout sur la pointe des pieds, les jambes légèrement fléchies, avec un interstice évidé des genoux aux chevilles.
Silhouette inscrite dans un rectangle
La variété de Spédos se distingue par ses particularités : une silhouette s’inscrivant dans un rectangle, des jambes jointes plus ou moins séparées au niveau des mollets, des bras croisés sous la poitrine, un long cou, une tête légèrement inclinée au contour en forme de lyre et dont le rendu plastique se limite à un très long nez.

Des traces de polychromie
Une statuette féminine, dite L’idole de Munich, illustre le style de Spédos : avec un long cou conique supportant une tête en forme de lyre, un grand nez sculpté, des bras croisés sous la poitrine, quelques lignes incisées évoquant des détails anatomiques. Des résidus de pigments et des traces d’altération indiquent une polychromie à l’origine.
Un corps proportionné en quatre modules
Par ailleurs, la réalisation de ces statuettes en marbre poli répond à une conception qui respecte des modules et des proportions précises.
L’étude des figures de la variété de Spédos, du nom d’une nécropole sur l’île de Naxos, met en évidence des proportions respectées dans l’ensemble des œuvres. La ligne des statuettes définit quatre parties égales pour proportionner les corps.

L’élaboration d’un canon corporel
Il existe pour ces sculptures des rapports dans le plan ainsi que des rapports angulaires qui indiquent une compréhension et une conception de l’œuvre dans un espace à trois dimensions, en ronde bosse (sculpture non rattachée à un fond).
Les statuettes de la variété de Spédos répondent à un canon fondé sur un module de proportion appliqué à quatre parties du corps : le premier module relie le sommet de la tête à la base du cou, le deuxième la base du cou au bas du ventre, le troisième la base du ventre aux genoux et le quatrième les genoux à l’extrémité des pieds.


D’après une statuette féminine, variété de Spédos, marbre, 2700 -2300 avjc, groupe de Syros, Grèce, IIIe millénaire avjc, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
Par ailleurs, la largeur du tronc correspond à la moitié de ce module que l’on retrouve quatre fois dans la hauteur du corps. La base du nez apparaît au centre de la ligne allant du sommet de la tête jusqu’à la base du cou.
Compas ou rapporteur rudimentaire
Les proportions appliquées aux sculptures cycladiques supposent un découpage préliminaire du bloc de marbre. Ces figurines et statues sont réalisées dès les débuts de l’âge du métal, avec la possibilité d’utiliser des outils métalliques, tels des ciseaux.

Les artistes cycladiques utilisent peut-être aussi une sorte de compas ou de rapporteur rudimentaire. Ce que laisse supposer le traitement en arc de cercle du sommet de la tête et la ligne des extrémités des orteils des figures sculptées.
Un rapport longueur-largeur de 8/5e
Les spécialistes ont étudié près de 500 figurines cycladiques et constaté la présence d’angles modulaires. Un angle peut être formé par la pointe du pubis, par la ligne de l’épaule, par la ligne reliant l’épaule au coude opposé…

L’ensemble des angles se retrouvent, en tout ou en partie, dans une figure géométrique simple : le rectangle. Le rapport longueur – largeur de ce rectangle à la particularité d’établir un rapport de proportion de 8 sur 5 (8/5e) .
La finesse du marbre de Paros
L’artiste cycladique ne crée pas au hasard et utilise les matériaux à sa disposition dans les îles : marbre, obsidienne, pierre ponce, émeri (roche d’une grande dureté). L’émeri permet d’abraser, l’obsidienne d’inciser et d’égaliser les aspérités, la pierre ponce d’affiner le polissage du marbre. On extrait de l’obsidienne dans l’île de Milo.


D’après une statuette féminine, nécropole de Chalandriani, Syros, marbre de Paros, 2300-2200 avjc, Grèce, IIIe millénaire avjc, civilisation Cycladique. (Marsailly/Blogostelle)
La statuette d’une jeune accouchée
Les carrières de l’île de Paros permettent d’extraire du marbre de grande qualité. Le marbre de Paros se distingue par un grain très fin, une blancheur pure et une belle transparence. Une statuette en marbre de Paros provenant de Syros représente une jeune accouchée des plis sur le ventre, reposant allongée, les bras croisés sous la poitrine…

Les idoles cycladiques, peintes à l’origine, présentent des volumes simples, des lignes épurées et des proportions étudiées. Comme pour la statuaire et les objets taillés dans le marbre, les poteries cycladiques jouent sur des formes sobres, galbées et harmonieuses, avec parfois des compositions complexes…
Dans la civilisation cycladique, les sculpteurs élaborent des proportions dans la statuaire
MONDE ÉGÉEN – GRÈCE ANTIQUE. Néolithique : vers 6500 avjc – 3200 avjc. Néolithique ancien : 6500 avjc – 5750 avjc. Néolithique moyen : 5750 – 4750 avjc. Néolithique récent : 4750 – 3500 avjc. ART CYCLADIQUE : 3200 – 2000 avjc
Cycladique ancien I : 3200-2800 avjc (culture Grotta-Pelos) Cycladique moyen II : 2800-2300 avjc, apogée (culture Kéros-Syros). Cycladique ancien III : 2300-2000 avjc (culture Phylakopi, Mélos) –
Cyclades Art – Œuvres des Cyclades : site donsmaps.com/cyclades.html. (photos du Archäologische Staatssammlung München, Munich, Allemagne)
Zervos et l’art des Cyclades, musée Zervos, Christian Zervos (1889-1970) éditeur et fondateur des Cahiers d’art, auteur de L’art des Cyclades, du début à la fin de l’âge du bronze, 2500-1100 avant notre ère (paru 1957) rppublics.files.wordpress.com/2011/05/dp-zervos-et-lart-des-cyclades1.pdf
