Pierre, bois, torchis et palissades néolithiques
Au cours du néolithique, pierre, bois, torchis et palissades permettent de construire de grands villages, qui parfois sont protégés par des enceintes en pierre. Non loin des habitations, on édifie des sépultures collectives, avec des dépôts funéraires ou votifs auprès des défunts…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2021 –

Lames de silex, haches polies en jadéite, élément de parure en or, dent percée de sanglier…, un dépôt funéraire ou votif sous la forme d’un trésor.
REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Néolithique ancien : Ve et début IVe millénaire avjc. Néolithique moyen : IVe millénaire avjc. – Néolithique final : vers 2500 avjc – 1900 avjc. Chronologie générale Néolithique-Âge du Bronze
LES GRANDS VILLAGES NÉOLITHIQUES
Entre le IVe et le IIIe millénaire avjc, une poussée démographique pousse les populations néolithiques à une exploitation plus vaste des troupeaux et des terroirs. L’habitat se diversifie et des villages véritablement organisés font leur apparition. Les communautés néolithiques s’installent les pieds dans l’eau ou dans des hameaux délimités par un enclos…

Des villages protégés…
Fortifications naturelles, palissades et fossés protègent les villages. Les peuples néolithiques vivent dans des villages lacustres, comme dans la région alpine et dans le Jura, ou dans des villages entourés d’un enclos.
Les villageois implantent leurs habitations de préférence sur des hauteurs ou au bord des lacs ou des rivières. Des palissades peuvent s’ajouter à des fortifications naturelles.
Situé sur une hauteur, le grand village de Chassey en Bourgogne, en France, est naturellement fortifié. Il a donné son nom à la culture chasséenne. Ses maisons sont regroupées au sein d’une vaste enceinte protégée par des fossés et des palissades.

Les villageois partagent enclos, silos et fours
Installés le plus souvent dans les vallées fertiles, les villages néolithiques possèdent des structures à usage communautaire. Ainsi, enclos à bestiaux, silos et fours collectifs profitent à tous.
On construit le four collectif en creusant une fosse dans laquelle on installe des galets chauffés ou des pierres brûlantes. Ce four commun permet de cuire des aliments à côté de celui du foyer familial et domestique…



D’après des maquettes de maisons type Charavines, Rhône-Alpes ; un grand four collectif néolithique, Sud-Ouest ; et une palissade en roseau et torchis ; France, néolithique. (Marsailly/Blogostelle)
On élève des bâtisses de 10 à 15 mètres de long
Le site de Charavine en Isère, en France, a conservé les traces d’un village néolithique occupé au IIIe millénaire avjc. Les cultivateurs s’installent dans des maisons au bord du lac Paladru.
Les villageois utilisent des pieux et des grosses poutres en sapin pour construire l’ossature de leurs grandes maisons et des matières végétales pour les parois et les toits de chaume. Le torchis constitue un mortier de terre et d’argile mélangées avec de la paille hachée ou du foin coupé.

À Charavine, six à sept grandes bâtisses mesurent de 10 mètres à 15 mètres de long sur 3 à 4 mètres de large. Chaque maison possède son foyer central haussé sur une nappe d’argile. Quelques constructions plus petites sont peut-être des greniers. Le village est protégé, côté terre, par des palissades.
On va chercher des matières premières au loin…
En France, le mobilier local retrouvé par les archéologues indique l’existence de contacts avec des régions plus lointaines. On se procure du silex venu de Touraine, de l’ambre provenant de la Baltique, du cuivre originaire du Languedoc…



D’après une maquette, village néolithique, Yvelines, France ; une maison en torchis, bois et chaume et sa toiture, détail, Saint-Just, Bretagne, France ; néolithique. (Marsailly-Blogostelle)
Meules en pierre, couteaux en silex…
Parmi les ustensiles quotidiens, on utilise des meules en pierre pour écraser le grain et des couteaux à lame de silex. Des artisans fabriquent des poignards en taillant du silex provenant du Grand-Pressigny, en Indre-et-Loire. Ils réalisent les manches grâce à des enroulements d’osier ou utilisent du bois, de hêtre ou de sapin.

On exploite les ressources de la forêt
Habiles, les artisans néolithiques utilisent beaucoup le bois qu’ils façonnent avec des silex, des haches en pierre polie et des ciseaux en os. Leur savoir-faire leur permet d’exploiter différentes essences de bois selon la fonction qu’ils destinent aux objets qu’ils réalisent.
Pour leurs outils, les mineurs utilisent des pics en bois de cerf, et les cultivateurs des emmanchements en bois. Les forêts environnantes sont denses et fournissent aux villageois des ressources alimentaires, des matières végétales et du bois en quantité.

Échanges et diffusion des techniques
Au IVe millénaire avjc, les contacts entre les populations néolithiques favorisent la diffusion des techniques et des idéaux.
En France, une importante exploitation des mines de silex dans le Nord développe l’exportation et les échanges. En Bretagne, on mise sur les filons de dolérite, une roche dure de couleur verte.
Fortifications et nécropoles
La démographie augmente grâce aux progrès de l’agriculture. Mais des affrontements ne sont pas à exclure, ce qui expliquerait l’apparition de fortifications. Sous la forme de fosses à inhumations, on édifie également les premières nécropoles qui sont des sépultures collectives.

Au néolithique moyen, des communautés construisent des villages fortifiés avec fossés, palissades et éperons barrés. Les éperons barrés forment des plateaux en hauteur et en avancée.
SÉPULTURES COLLECTIVES NÉOLITHIQUES
Les hypogées mégalithiques sont des constructions funéraires souterraines. Ces nécropoles consacrent l’unité d’une communauté, et symbolisent la pérennité…

On sacralise des cimetières collectifs
Prolongement du phénomène mégalithique, les sépultures collectives néolithiques se multiplient sous la forme d’hypogées. Ces constructions funéraires souterraines sont renforcées à l’aide de dalles et de pierres de très grandes dimensions.
Presque partout en France, les communautés néolithiques inhument leurs morts dans des sépultures collectives. Souvent implantées en hauteur, ces nécropoles peuvent également marquer un territoire.
Parfois les sépultures s’intègrent en de vastes lieux, où pourraient se tenir des réunions collectives ou cérémonielles. On peut imaginer des manifestations associées au culte des morts et des ancêtres…

Plusieurs dizaines de défunts dans les hypogées
En France, en Champagne, les hommes creusent des galeries dans la craie pour enterrer des dizaines et des dizaines de défunts. Dans la moitié Sud de la France, on rencontre également des grottes transformées en nécropoles.
Dans la Somme, la sépulture sous mégalithes de La-Chaussée-Tirancourt remonte au IIIe millénaire avjc. On fréquente les lieux pendant au moins 500 ans.
Trois groupes d’individus, qui semblent avoir des liens familiaux ou de parenté, reposent là. L’étude des squelettes a révélé la prédominance des femmes et peu d’enfants. Peut-être s’agit-il d’un choix délibéré…

On creusent des cavités funéraires
La pratique de creuser des cavités pour inhumer les défunts existe déjà vers 5500 ans avjc, au VIe millénaire avjc. Cette coutume se répand dans une grande partie de l’Europe occidentale et perdure pendant presque trois millénaires.
À côté de l’existence probable de tombeaux construits en matériaux périssables comme le bois, aujourd’hui disparus, les hommes du néolithique creusent des cavités funéraires aux formes variées.
Ils aménagent aussi des grottes naturelles ou des sous-sols faciles à tailler pour ensevelir leurs morts dans des hypogées.

Jusqu’à 300 squelettes sous allées couvertes
Au néolithique final, entre 2500 avjc et 1900 avjc, dans le Nord de la France et en Bretagne, des groupes néolithiques construisent des nécropoles sous forme d’allées couvertes.
Ils creusent une grande tranchée dans le sol, avant de consolider les parois avec des pierres. Le tout est encore recouvert de pierres. Parfois des rondins de bois se mêlent aux roches.
L’entrée de la tombe est bouchée par une dalle mégalithique. Ces allées couvertes peuvent renfermer jusqu’à 300 squelettes…


D’après une nécropole, avec chambres funéraires sous tertres de pierres, Deux-Sèvres, Poitou ; et une sépulture collective, Yonne ; France, néolithique. (Marsailly/Blogostelle)
Un tombeau collectif protégé par un tumulus
Le tombeau est protégée par un tumulus formé par un tertre de pierres. La sépulture collective s’intègre dans une fosse, au fond de laquelle on aménage l’espace avec du bois, des pierres sèches ou des blocs mégalithiques. Comme sur le site de la Chaussée-Tirancourt.
À côté de la chambre funéraire se trouve un espace réservé dont la fonction est inconnue. Et un étroit passage, au-delà de la tombe, donne accès à une cavité creusée dans la craie.
Ce plan laisse imaginer un espace de circulation, peut-être un passage symbolique entre le domaine des morts et le monde des vivants…

On dépose des objets auprès des défunts
Des offrandes et des dépôts accompagnent les morts dans leur dernière demeure : haches polies, arcs, flèches plates et tranchantes, flèches pointues et perçantes, parures, colliers de perles en pierres, parures en coquillages ou en terre cuite, pendeloques de pièces percées…
Outre le mobilier funéraire, la nécropole peut également être enrichie de représentations significatives, parmi lesquelles des haches, des rouelles, des serpents, des méandres…,

Les haches en jadéite, matériau précieux, sont des objets de prestige destinés aux offrandes et aux dépôts votifs…
Voir aussi l’article le symbolisme de la Hache
Famille, clan ou élite sur plusieurs générations
Dans la Marne, en France, des chambres creusées dans la roche peuvent renfermer jusqu’à 150 squelettes. Les hypogées se composent en général d’un couloir, d’une salle intermédiaire et d’une chambre funéraire.

Chaque chambre abrite une vingtaine de défunts en moyenne, jusqu’à 70 individus. Regroupées en nécropoles, les hypogées sont utilisées par plusieurs générations durant plusieurs siècles.
Il semble que ces sépultures collectives sont réservées à des groupes privilégiés, des familles, des clans ou peut-être à une élite.
Un véritable monument funéraire
En France, la nécropole de la Chaussée-Tirancourt, dans la Somme, est édifiée entre 3000 et 2500 avjc, vers la fin du néolithique.
Ce monument funéraire se compose de grandes dalles dressées à 1,70 mètres de profondeur au fond d’une fosse. La chambre funéraire mesure 9 mètres sur 3 mètres. Les défunts reposent en position repliée dans des cellules, sur deux couches d’inhumations.

Une salle monumentale creusée dans la craie
Parmi les restes humains de la nécropole de la Chaussée-Tirancourt, quatre crânes humains portent la trace d’une trépanation, une pratique courante au néolithique semble-t-il…
Depuis la chambre des morts, des accès étroits mènent le visiteur à une salle d’aspect monumental et à un espace d’1,50 mètre creusé dans la craie.
Ces lieux réservés sont peut-être destinés à des activités religieuses ou rituelles…? Vers 2000 avjc, la nécropole de la Chaussée-Tirancourt est abandonnée, enfouie dans le sol…

Gobelet, hache coquillages…
Depuis la chambre funéraire de la Chaussée-Tirancourt, un seuil de pierres plates conduit vers un petit espace quasi sans ossements et sans doute destiné à un autre usage.
Déposés au niveau du seuil, un gobelet et une hache dans sa gaine en bois de cerf reposent au côté d’ossements de femme. Il s’agit peut-être d’un mobilier funéraire collectif.
Ce dépôt comprendrait également quelques autres objets retrouvés hors des tombes : un coquillage percé, un deuxième gobelet et une hache-pendeloque…

Les défunts reposent dans la position repliée du fœtus, comme déjà à l’époque paléolithique.
Voir aussi l’article Histoire du sacré, le Paléolithique.
Quelques panoplies funéraires personnelles
Au néolithique, certains défunts possèdent un mobilier funéraire individuel. Ainsi, éléments de parure, lames de couteaux ou de poignards, débris de poteries, haches polies, poinçons, perles de cuivre, épingle, rondelle, coquillages… accompagnent alors les dépouilles.
En France, une sépulture féminine remontant à 4500 avjc environ, découverte à Cys-la-Commune, dans l’Aisne, contient des bijoux, parmi lesquelles des bracelets en pierre (calcaire et grès), des colliers de rondelles de calcaire et des grandes perle en coquillage…

On peut imaginer les mêmes pratiques de dépôts funéraires à l’intérieur des allées couvertes mégalithiques ou dans les dolmens, dont le mobilier individuel ou collectif a aujourd’hui disparu…
ENCEINTES NÉOLITHIQUES
Des enceintes néolithiques en pierres font leur apparition. Ces fortifications semblent se rattacher à la fois à l’habitat, à un système défensif et à des sépultures. Dans les « camps néolithiques », vivants et défunts partagent les lieux…

La mise en œuvre de grands travaux collectifs…
Symboles du grand ouvrage des communautés sociales et culturelles néolithiques, les constructions mégalithiques et les vastes enceintes de pierres résultent d’une expression collective.
En France, on retrouve des enceintes sur plusieurs sites néolithiques, comme à Boury-en-Vexin, en Picardie, ou à Champ-Durand, en Vendée, en bordure nord du Marais Poitevin.
Ces constructions exigent la mise en œuvre de grands travaux. Leur portée symbolique mobilise et anime sans doute l’ensemble de la communauté.

Des fosses sont comblées d’ossements d’animaux et laisse imaginer de possibles sacrifices. On installe les habitations à l’arrière du camp, qui possède plusieurs ouvertures, dont certaines sont pourvues d’un imposant portail de bois.
Champs-Durand, camp néolithique fortifié
Les vestiges de Champs-Durand remontent à la deuxième moitié du IVe millénaire avjc. Les constructeurs néolithiques prévoient 3 enceintes à fossés qui se déploient sur une aire de 250 mètres de diamètre intérieur.
Ils creusent le fossé extérieur du camp moins large et moins profond que le fossé intermédiaire, lui-même de moindre dimension que le fossé intérieur.


D’après les vestiges du village fortifié de Champ-Durand, avec ses enceintes en pierres, Nieul-sur-l’Autise, Vendée, France, néolithique. (Marsailly/Blogostelle)
Le fossé intérieur est le plus imposant et peut mesurer jusqu’à 5 à 7 mètres de large au niveau des ouvertures, pour une profondeur de 2,30 à 2,60 mètres. Les fossés sont interrompus par endroit pour dégager des accès.
Ossements d’animaux et objets entassés dans un fossé
Le fossé intérieur du camp de Champs-Durand est comblé d’ossements d’animaux. On a déposé là des porcs, des moutons, des bœuf, des chèvres, des chiens et quelques bêtes sauvages… On y a entassé aussi des tessons de poterie, des outils, du silex et des coquillages.

Une muraille, avant de s’ébouler, borde à l’origine le côté interne du fossé. Elle mesurait 5 mètres de large et pouvait atteindre 2,50 à 3 mètres de haut. Il est possible aussi qu’une palissade de bois ait surmonté la muraille.
Au tout début de l’âge du Bronze, vers 2000 avjc, le fossé de Champs-Durand est presque complètement rempli.
Un village fortifié et son cimetière
Avec ses fossés et ses murailles, le camp de Champs-Durand ressemble à un site fortifié et défensif. La découverte de sépultures simples ou doubles, aménagées dans la muraille intermédiaire ou dans les parois du fossé, révèle que Champs-Durand fait aussi fonction de nécropole.

Mais l’habitat, les sépultures et les fortifications n’appartiennent pas forcément à une même période d’occupation. Il est probable que l’aspect défensif de ce camp de villageois ne soit pas la vocation première des lieux, qui semblent réunir avant tout les vivants et les morts…
Pour les peuples de cultivateurs néolithiques, les travaux agricoles relèvent du Sacré. Le cycle végétal met en lumière la puissance nourricière de la Terre-Mère et le renouvellement cyclique de la nature. Dans les cultures traditionnelles, l’origine mythique de la végétation se rattache souvent à un don céleste ou au sacrifice originel d’une divinité…
Voir l’article Les cultivateurs néolithiques sacralisent la Végétation
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