Tadmor, cité des Palmiers
L’art de Palmyre marie techniques et motifs gréco-romains, touches orientales, influences iraniennes Parthes… Palmyre et ses habitants sont mentionnés pour la première fois dans les archives cunéiformes de Mari, en Syrie, au début du IIe millénaire avjc. L’oasis de Tadmor, la “cité des palmiers”, offre une halte pour les caravanes qui traversent le désert syrien… Les vestiges de cette ville antique sont détruits en 2015.
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Publié en février 2020 –
(archive, nouvelle version)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES… 41 avjc mention de Palmyre dans les textes grecs et romains. En 19 apjc la cité s’intègre à l’Empire romain. En 34 on inaugure le temple de Bêl. En 130 l’empereur romain Hadrien fait embellir le temple de Baalshamîn. En 211 l’empereur Caracalla donne à Palmyre le titre de colonie romaine. En 272 l’empereur Aurélien reprend Palmyre et les provinces orientales contrôlées par la reine Zénobie… IVe-VII siècle : période byzantine…
PALMYRE À L’ÉPOQUE ROMAINE
Située au carrefour du monde occidental et oriental, Palmyre, importante cité marchande se déploie sur plusieurs centaines d’hectares et accumule les richesses à l’époque romaine. La vie culturelle et artistique est alors florissante et le mélange des inspirations contribue à donner au style de Palmyrénien son caractère unique…

Cité caravanière, Palmyre relie l’Orient à l’Occident romain
Entre les Ier et IIIe siècles, à l’époque romaine, Palmyre engrange soie de Chine, perles du Golfe, verre de Phénicie, parfums et ivoires d’Orient, épices en provenance de l’Indus… Toutes ces précieuses denrées parviennent ainsi jusqu’à Rome et se diffusent dans les régions de l’empire romain…
Palmyre mentionnée sur La Table de Peutinger
Si l’ensemble des vestiges de Palmyre s’apparente à ceux de l’antiquité méditerranéenne, la palette artistique locale allie techniques gréco-romaines, touches orientales et influences iraniennes Parthes. La cité de Palmyre est mentionnée sur le document dit La Table de Peutinger, un manuscrit médiéval reproduisant une carte antique d’Agrippa, copiée au IIIe-IVe siècle.



D’après La Table de Peutinger, mention de Palmyre, manuscrit médiéval, vers 1265, copie d’une carte romaine, vers 350, reproduisant la carte d’Agrippa, vers 12 apjc, (portique d’Agrippa) Rome ; et les vestiges antiques palmyréniens, arc et colonnade, Ier-IIIe siècle, Syrie (Marsailly/Blogostelle)
2015 destructions des vestiges de Palmyre : l’EI détruit les temples de Baal et de Baalshamin, l’arc de la colonnade, des tours-tombeaux… : Palmyre incarne dans sa pierre tout ce que les extrémistes ont en horreur : la diversité culturelle, le dialogue des cultures, la rencontre des peuples de toutes les origines dans cette cité caravanière entre l’Europe et l’Asie…, explique Irina Bokova, la Directrice générale de l’UNESCO (source fr.unesco.org)

L’originalité unique de l’art de Palmyre
Située le long des routes caravanières, Palmyre relie le Proche-Orient des Parthes aux ports méditerranéens contrôlés par les Romains. La cité devient particulièrement prospère dès le premier siècle de notre ère sous l’égide des Romains qui cultivent, par ailleurs, La Pax Romana, comme aussi en Gaule…

Les Palmyréniens adoptent les coutumes et les modes vestimentaires du monde iranien Parthe, à l’Est, et celles de l’univers gréco-romain, à l’Ouest. Ce mariage de motifs orientaux et occidentaux caractérise l’originalité unique de l’art de Palmyre. Malgré différentes influences, que les artistes se réapproprient, la cité dite “des palmiers” préserve son autonomie et sa culture…
Palmyre selon Pline l’Ancien…
“Palmyre, ville célèbre par sa situation, par la richesse de son sol et ses eaux agréables, a son territoire entouré par une vaste ceinture de sables ; séparée, pour ainsi dire, du reste de la terre par la nature, elle jouit de l’indépendance entre deux empires très puissants, les Romains et les Parthes, attirant, en cas de discorde, la première pensée des uns et des autres…
… Elle est éloignée de Séleucie des Parthes (VI, 30), dite sur le Tigre, de 337000 pas, de la côte Syrienne la plus voisine, de 203000, et de Damas de 176000.” Histoire naturelle, Livre V, chapitre XXI, de l’auteur romain Pline l’Ancien (30-79 apjc)



D’après les vestiges de Palmyre, l’amphithéâtre romain et le tétrapyle, cité antique de Palmyre, Ier-IIIe siècle, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Rivalité entres Romains et Parthes
Par ailleurs, les Romains, friands des luxueux produits provenant de l’Orient et de l’Extrême-Orient, développent des échanges avec l’Inde et la Chine. Mais, sous l’empereur Trajan (53-117), la guerre reprend entre Romains et Parthes. Les caravanes sont alors obligées d’éviter Palmyre et empruntent les routes maritimes du Golfe Persique…
Puis l’empereur romain Hadrien (117-138) réorganise Palmyre et fixe des taxes marchandes en 137 apjc. Il ouvre alors la cité à une ère de prospérité nouvelle. Ainsi, les reliefs et les bustes funéraires de cette cité antique illustrent l’élégance vestimentaire et la richesse des palmyréniens du IIe siècle…
LES “DEMEURES ÉTERNELLES” DE PALMYRE
Palmyre abrite de nombreux monuments funéraires, dont les stèles et les bustes sculptés témoignent de la vie des Palmyréniens. On rencontre quatre sortes de sépulture à Palmyre : tombeaux-tours, hypogées creusées dans le sol, tombeaux-maisons et tombes individuelles. Ces “demeures éternelles” sont érigées principalement entre le Ier siècle avjc et le IIe siècle apjc…

À l’époque antique, à Palmyre comme ailleurs, on organise des repas funéraires dans les tombeaux, des processions et des banquets sacrés dans les sanctuaires…
Tours-tombeaux et hypogées accueillent les défunts
Les voûtes des espaces funéraires de Palmyre, dont certains sont souterrains (hypogées), possèdent des murs intérieurs construits de manière à former des compartiments pour accueillir les dépouilles des morts, installés là de tout leur long.
Les effigies sculptées permettent de fermer les niches funéraires (loculus, pluriel loculi) qui renferment les dépouille des des défunts.



D’après des dalles et bustes funéraires, tombes de Palmyre ; une tour-tombeau ; et l’hypogée des Trois Frères, Ier-IIIe siècle, antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Les reliefs et les bustes funéraires travaillés dans le calcaire représentent la personnalité des défunts. Ces œuvres, telles des pierres tombales, immortalisent les personnes décédées et leur généalogie.
Des inscriptions en araméen et en palmyrénien
Les dalles tombales portent souvent une inscription en araméen ou en palmyrénien (dialecte qui dérive de l’araméen) précisant les noms et les lignages des défunts. Comme sur la sculpture funéraire du couple Zabdibôl et Haggai, sur laquelle il est écrit : Zabdibôl fils de Salmân. Hélas ! Haggai fille de Haddûdân. Hélas!

Des portraits funéraires idéalisés
Les artistes palmyréniens, qui sculptent aussi des divinités, réalisent de nombreuses plaques funéraires en haut-relief, dont les personnages prennent la forme de bustes-portraits, souvent plus ou moins idéalisés.
Palmyréniens et Palmyréniennes sont revêtus de toges à la mode romaine, de robes inspirées des modèles grecs, d’habits iraniens et d’éléments vestimentaires orientaux (voile, bandeau frontal, turban…) Il portent souvent des bijoux et des fibules (broches).



D’après un buste funéraire féminin, avec des heurtoirs-lions, symbolisant l’entrée dans l’Autre Monde, calcaire, 120, IIe siècle ; un portrait idéalisé d’une Palmyrénienne, buste funéraire, calcaire, IIe siècle ; et les tours-tombeaux, Ier-IIIe siècle ; antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Des tours-tombeaux émergent des sables de Palmyre
L’originalité de Palmyre s’exprime en particulier dans la construction de tombeaux en forme de tours, dont les espaces funéraires familiaux peuvent accueillir plusieurs défunts. Ces tours-tombeaux semblent émerger des sables…

Le banquet de Zabdibôl et ses enfants
Une sculpture funéraire en haut-relief représente un personnage nommé Zabdibôl, son fils et ses deux filles. Cette pierre tombale a sans doute scellé l’ouverture de la niche d’une sépulture familiale. L’iconographie évoque une scène de banquet…
Plusieurs reliefs funéraires de Palmyre représentent des scènes de banquet… Les artistes transposent avec soin les détails des vêtements et des parures, rappelant ainsi le style parthe figuratif. Par contre, les attitudes, la gestuelle et le traitement des volumes se rapprochent du style des reliefs gréco-romains…

Coupe, grappe de dattes, raisins…
Pour la scène du banquet de Zabdibôl et ses enfants, le sculpteur présente le personnage principal étendu sur un canapé richement décoré… Zabdibôl tient dans les mains une grappe de dattes et une coupe. Ses deux filles sont parées de voiles, de colliers et de boucles d’oreilles. Son fils, portant bijou et ceinture, tient des raisins et porte un oiseau.
Cette scène de banquet porte une inscription araméenne palmyrène qui précise le nom de chacun des défunts, ainsi que les cinq générations de leurs ancêtres paternels. Ailleurs, sur le buste funéraire de dame Aqmat, fille de Hagagu, descendant de Zebida, descendant de Ma’an, on retrouve l’importance de la généalogie.

Une cité prospère dès l’époque de l’empereur Auguste
Peu de bijoux palmyréniens sont parvenus jusqu’à nous… Un soulèvement contre l’empereur romain Aurélien, en 273, entraîne le saccage de Palmyre. Cet épisode provoque le départ des riches familles de marchands, qui emportent leurs biens et abandonnent leurs tombes au pilleurs…
Cependant, de nombreuses sculptures funéraires de Palmyre témoignent du style vestimentaire et des richesses des Palmyréniens fortunés… La prospérité de la cité remonte à l’époque de l’empereur Auguste (63 avjc-14 apjc), qui se montre conciliant avec les Parthes et fait de Palmyre une halte commerciale incontournable, carrefour entre les deux empires rivaux.


D’après Habba, fille de Oga (fils de) Yarhai, portant un enfant, buste funéraire, calcaire, IIIe siècle ; et le portrait funéraire d’une palmyrénienne, vers 170-190, calcaire, IIe siècle ; antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Sur sa dalle sculptée funéraire, dame Habba, très élégante, se fait portraiturer couverte de ses bijoux… Les Palmyréniennes, coiffées d’un bandeau frontal et d’un voile, agrafent leurs drapés à l’aide de grandes broches ou fibules…
Ummayat, une dame et ses atours…
Le buste d’Ummayat se détache devant un voile tendu entre deux feuilles de palme, tel une porte symbolique, passage entre le Monde des Vivants et l’Au-delà… La jeune femme, au fin et beau visage, porte un bandeau frontal oriental et un voile qu’elle retient de sa main, couvrant le haut de sa tête et ses bras.
Ummayat, enveloppée dans un manteau, porte une tunique qui rappelle le chiton grec, un modèle en vogue à Palmyre au début du IIe siècle. Ummayat porte aussi ses parures précieuses : collier de perles, boucles d’oreilles romaines, bague, broche.

Comme d’autres Palmyrénienne, Ummayat arbore également un bandeau frontal oriental. Ce type de bandeau est attesté à Palmyre dès le Ier siècle. Lisse à l’origine, cet ornement s’enrichit, au IIe siècle, de motifs décoratifs (végétaux et géométriques) composant ainsi une frise…
Modestes épitaphes ou longues dédicaces
Palmyre abrite de multiples inscriptions funéraires, parmi lesquelles de simples épitaphes ou de longues dédicaces pour immortaliser les défunts. D’autres écrits se rapportent à la concession de tombeaux collectifs ou constituent des textes de fondation.
D’autres inscriptions encore attribuent des monuments de la cité de Palmyre à des bienfaiteurs ou à des mécènes… La plupart des écrits qui remontent à l’époque romaine, entre le Ier siècle et le III siècle, sont rédigés en araméen, en palmyrénien et en grec.

Les prêtres sont représentés avec un vase à libation et une boîte à encens…
Les “demeures éternelles” des Palmyréniens
Sur la dalle funéraire du Palmyrénien Ogilu il est écrit… Au mois de Nisan de l’an 368, cette demeure éternelle est celle de ‘Ogîlù, fils de ‘Aùs ai, fils de Kohîlù, Palmyrénien du clan des Benê Mithê, qu’il a faite pour lui, de son vivant, comme sa demeure éternelle, pour son honneur et pour l’honneur de ses enfants et de ses frères, comme demeure éternelle…



D’après une stèle-buste funéraire, avec inscription, calcaire, première moitié du IIIe siècle ; une dédicace funéraire, Palmyrénien, tombe de Zabdibôl, pour lui et ses enfant, 4 avjc, calcaire, Ier siècle avjc ; et l’inscription funéraire d’Ogilu, dalle funéraire, 57, Ier siècle, calcaire ; antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
L’inscription dédicace de Zabdibôl précise : Ce tombeau est celui de Zabdibôl, fils de …’Ataraùri des Benê Komrê qu'(il a fait) pour lui et pour ses enfants.
Certaines inscriptions, plus rares, remontent aux prémices de la période byzantine (IVe – VIIe siècle). Ces textes se rapportent à la vie administrative de de la cité, à l’organisation militaire, au statut des notables ou encore au commerce caravanier…
Une vaste agora, une colonnade et des statues
La Palmyre antique englobe un théâtre romain inachevé, un espace dit camp de Dioclétien, une agora (vaste place publique et cœur de la cité), une avenue principale bordée d’une longue colonnade, ornée, à l’origine, de podiums et de statues en bronze des illustres personnages de la cité.

L’axe principal de Palmyre mène au grand temple de Baal…
Le tétrapyle de Palmyre, monument quadrangulaire à quatre piles, à l’origine à 4 baies, évoque l’esprit d’un arc de triomphe. L’axe principal de la ville, bordé de colonnes sur 1100 mètres de long, mène les Palmyréniens et les voyageurs jusqu’au grand temple de Baal…
LE PANTHÉON DE PALMYRE
Le panthéon de Palmyre résulte d’influences diverses, réunissant dieux locaux et divinités d’origines multiples. Bêl-Baal, “maître”, “seigneur”, dont le nom originel est “Bôl”, s’impose comme le grand dieu de Palmyre, avec aussi Baalshamîn, dieu de la fertilité. Dans les temples, se mêlent esthétiques orientale et romaine…

Les temples de Palmyre abritent diverses divinités
Parmi les divinités majeures des Palmyréniens figure Bêl-Baal, grand dieu de l’oasis, connu aussi sous l’épithète Bôlastor, ainsi que le dieu d’origine syrienne Baalshamîn, “maître des cieux”, dispensateur de pluie et de fertilité.
Parfois, Bêl et Baalshamîn s’identifient au Zeus-Jupiter gréco-romain. Baalshamîn est qualifié de Zeus Hypsistos, “Maître du monde”… Si les détails des rituels sont méconnus, les Palmyréniens organisent des processions et des banquets sacrés.
Dans les principaux sanctuaires de Palmyre, on honore Bêl-Baal et Baalshamîn, mais encore de nombreuses autres divinités, locales ou secondaires, ne possédant pas leur propre lieu de culte. Tel le dieu guerrier local Arsu, assimilé au dieu grec de la guerre, Arès…



D’après le temple de Baal, la façade et ses gigantesques colonnes ; un décor floral, plafond sculpté et le vaste sanctuaire de Baal ; Ier-IIIe siècle, antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Des tessères par milliers (jetons en terre cuite ou en métal, faisant office de billets d’entrée), ornés de l’effigie d’un dieu ou de ses symboles, témoignent de l’importance des activités et des agapes sacrées auxquelles les Palmyréniens assistent, sans doute sur invitation…
Le vaste temple de Bêl ou Baal
Le très vaste temple de Baal, ou Bêl, qui signifie Seigneur en babylonien, impose sa monumentalité parmi les vestiges de Palmyre. L’édifice est érigé au début du Ier siècle, grâce à une donation de l’empereur Tibère.

Souvent remanié, ce sanctuaire s’élèverait sur un lieu sacré beaucoup plus ancien, comme cela est souvent attesté dans les anciennes civilisations…
Par ailleurs, des inscriptions provenant du temple de Baal précisent que des statues de Tibère, de son frère Drusus et de Germanicus, fils adoptif de Tibère, fils de Drusus et d’Antonia, elle-même nièce d’Auguste, se sont trouvées à l’origine dans le sanctuaire de Baal.
Bêl-Baal, symbolisé par un aigle, règne sur l’Univers…
La belle architecture du temple de Baal est magnifiée par une très haute colonnade de style romain. Le toit-terrasse de ce vaste sanctuaire reçoit un décor de merlons en triangle. On élève, à l’extérieur, un autel sacrificiel et une rampe pour acheminer les animaux destinés aux sacrifices.



D’après le linteau aux Aigles, pierre, Malakbêl, messager ou ange de Baal, et le dieu- Lune Aglibôl, temple de Baalshamin, Ier-IIIe siècle, antique Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Dans une niche du temple de Bêl-Baal, apparaissent alors les sept planètes connues à l’époque antique. Six bustes représentent les divinités planétaires. Un septième, plus grand et central, représente Zeus-Jupiter, équivalent gréco-romain de Bêl-Baal, dont l’un des symboles est l’aigle…
L’Aigle céleste de Baal
L’ensemble est entouré par les signes du zodiaque. Symbole cosmique, le zodiaque symbolise le règne de Bêl sur l’univers. Aux quatre angles, plane l’aigle aux ailes déployées…
On retrouve le motif de l’aigle, symbole céleste et solaire, dans le sanctuaire de temple de Baalshamîn. À Palmyre et dans l’ensemble de l’Orient ancien, l’aigle symbolise la puissance des dieux célestes de l’orage, guerriers et souverains, tels Bêl-Baal, Baalshamîn et, en Mésopotamie, le dieu Ningirsu.

Yarhibôl dieu-Soleil et Aglibôl dieu-Lune
Sur un relief cultuel du temple de Bêl-Baal dédié à Yarhibôl, dieu-Soleil, et à Aglibôl, dieu-Lune, deux autels sont couverts d’offrandes. Ils sont encadrés par un arbre (de vie?) et par un pilier-colonne, évocations du centre du Monde et de l’axe de l’Univers. Motifs d’architecture, le pilier et la colonne symbolisent aussi le temple lui-même, lieu hautement sacré.

Yarhibôl porte une auréole solaire et Aglibôl est reconnaissable à son auréole solaire associée à un croissant de lune. Ils sont tous les deux en tenue militaire romaine. Le goût de la symétrie et certains motifs iconographiques – arbre et pilier axial – se rattachent à la lointaine tradition de l’art sumérien des sceaux et à l’art mésopotamien. Le traitement des drapés rappelle l’art Grec antique.
Malakbêl, “L’Ange de Bêl”
Les grands dieux palmyréniens Bêl-Baal et Baalshamîn sont souvent accompagnés par leurs acolytes, Yarhibôl, dieu-Soleil de la source Efqa, et Aglibôl, dieu-Lune. Auprès d’eux se trouve également Malakbêl, divinité céleste solaire et de la végétation, désigné comme le “Messager de Baal” ou “L’Ange de Bêl” ou encore “L’Ange du Seigneur d’En-Haut”…

La triade cosmique Baalshamîn, Malakbêl, Aglibôl
Par ailleurs, le sanctuaire de Baal abrite la triade palmyrénienne : Baalshamîn, Malakbêl (ou Yarhibôl) et Aglibôl. Les dieux palmyréniens, figurés dans une attitude assez hiératique, sont revêtus d’une cuirasse romaine à lamelles et d’une cape retenue sur l’épaule par une fibule.
Comme sur le relief cultuel de la triade divine, Baalshamîn, Aglibôl et Malakbêl, qui remonterait au Ier siècle (musée du Louvre, à Paris), les dieux palmyréniens portent des armes – lance et glaive – et parfois aussi un sceptre…



Baalshamîn, grand dieu de l’oasis de Palmyre et de la fertilité porte une coiffe et des rubans à la mode orientale parthe. En outre, ces deux rubans flottants rappellent le motif des flots jaillissant d’Ea, dieu mésopotamien des Eaux et de la Sagesse.
Une assemblée cosmopolite des divinités palmyréniennes
Si la triade de Palmyre associe le dieu suprême de l’oasis à deux anciennes divinités de la tradition sacrée palmyrénienne, Aglibôl, dieu-Lune, et Malakbêl, divinité solaire (ou Yarhibôl, dieu-Soleil), un autre relief représente une assemblée cosmopolite de dieux palmyréniens…
Au centre, se trouve Baalshamîn ou Bêl-Baal, entouré de Malakbêl ou Yarhibôl et d’Aglibôl. Aux extrémités de cette composition se trouvent deux figures féminines.
Il pourrait s’agir de la déesse Allât, assimilée à Athéna-Minerve, avec casque et bouclier, déesse gréco-romaine de la sagesse et de l’art militaire. Et de la déesse syrienne Astarté, déité de la Fécondité et de la Guerre, sœur et épouse de Baal, dieu souverain de l’Orage.



D’après une scène cultuelle, Malakbêl, autel, grenades et pommes de pin, sanctuaire de Malakbel et Aglibôl, temple de Baal ; une assemblée des dieux palmyréniens, relief cultuel, calcaire, IIe siècle ; et le temple de Bêl-Baal ; cité antique de Palmyre, Ier-IIIe siècle, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Le thème iconographique de l’Assemblée ou de l’épiphanie des dieux apparaît déjà en Mésopotamie à l’époque sumérienne (à la fin du IVe millénaire et au IIIe millénaire avjc), le plus souvent en relation avec le renouveau de la végétation…
Baalshamîn et Bêl – Baal : fertilité et souveraineté
Baalshamîn possède le temple le plus important après celui de Bêl-Baal. Bêl ou Baal est à l’origine une divinité ouranienne (céleste) associée à l’orage et à la fertilité. Son symbole est le foudre, comme pour Zeus-Jupiter. En Mésopotamie et en Babylonie, Baal et Marduk incarnent la souveraineté divine suprême.



D’après les vestiges de Palmyre, le temple de Bêl-Baal et le sanctuaire de Baalshamîn, cité antique de Palmyre, Ier-IIIe siècle, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Selon les cas, dans la culture gréco-romaine, Bêl et Baalshamîn sont assimilés à l’Apollon grec, dieu solaire, et à Zeus- Jupiter, souverain de l’Olympe… À Palmyre, Baalshamîn et Bêl-Baal incarnent la souveraineté céleste et la puissance fertilisante…
L’assemblée divine Bêl-Baal, Baalshamîn, Yarhibôl et Aglibôl
Sur un relief cultuel provenant du temple de Baalshamîn, Bêl-Baal grand dieu de l’Orage, accompagné du taureau, son animal-symbole, porte un Foudre. De l’autre côté, trône Baalshamîn, déité de la fécondité, accompagné d’un animal ailé. Debout, au centre, se tiennent les divinités cosmiques Yarhibôl-Soleil et Aglibôl-Lune.
Ce relief porte une dédicace en palmyrénien… Ces images figurées pour Bêl, Ba’alsâmin, Yarhibôl et Aglibôl a faites Ba’alay, fils de Yedi’bel, fils de Ba’alay, au mois de Tebet…

Très honorés dans le culte palmynérien, Bêl-Baal et Baalshamîn sont cependant peu souvent représentés ensemble. Sur ce relief cultuel, ils sont revêtus d’un habit militaire de style romain et portent un sceptre, symbole de souveraineté.
Allât, grande déesse palmyrénienne…
La divinité féminine arabe Allât, très vénérée à Palmyre, dont le nom, al-Lat, signifie « la déesse”, s’impose comme la grande déesse palmyrénienne…
À Palmyre, dans son sanctuaire, Allât prend les traits d’Athéna (la Minerve romaine), déesse grecque de la Sagesse et de la stratégie militaire. Allât s’identifie également à Atargatis, divinité syrienne de la fertilité et protectrice de la Vie.



D’après les déesses Allât et Némésis, relief calcaire, fin IIe – début IIIe siècle ; et Allât sous les traits d’Athéna, lance et bouclier disparus, sanctuaire de la déesse Allât, Ier – IIIe siècle, vestiges antiques de Palmyre, Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
Allât est une déesse comparable aux autres déités féminines de l’Orient ancien, telles Inanna, Astarté, Ishtar…, ainsi qu’à la déesse égyptienne Isis. Toutes incarnent la figure de la grande déesse ou déesse-mère…
Des divinités plus lointaines…
On honore encore à Palmyre diverses divinités venues de pays voisins, voire de contrées plus lointaines… Telle Atargatis, grande déesse de Syrie du Nord et maîtresse des animaux ; les dieux solaires mésopotamiens Shamash et Nergal (dieu-Soleil et Soleil-Brûlant) et Nabû (dieu-scribe) ; …
… le dieu Égyptien Baal-Hammon, le dieu Phénicien guérisseur Shadrafa ; ou encore certaines divinités grecques, comme Arès (dieu de la Guerre) ; Héraclès (le héros Hercule) ; Némésis (la Justice Divine) ; Tyché, la Tutela romaine (bonne fortune, prospérité, protectrice des cités)…

Les Palmyréniens s’adressent aux dieux pour leur »Salut »
Un autel cultuel représentant les dieux Aglibôl (à droite) et Malakbêl (à gauche). Il est voué à ces divinités par Caios Aurelios Heliodoros Adrianos, fils d’Antiochos, pour son salut, celui de son épouse ainsi que celui de ses enfants… Aglibôl Malakbêl
Le sanctuaire de Nabû, scribe des dieux
Un autre sanctuaire surélevé et trapézoïdal, construit entre le Ier et le IIe siècle avjc, consacre le dieu mésopotamien Nabû, scribe des dieux. Ce jeune dieu est le fils du grand dieu créateur babylonien Marduk, originellement déité de la végétation.
Au moment du Nouvel An, Nabû se charge d’inscrire l’avenir de l’humanité selon le bon vouloir de l’Assemblée des dieux. Nabû connaît et consigne les décisions divines. Ce patron des scribes préside donc aussi à la destinée des êtres humains. Ses pouvoirs et qualités rappellent celles du dieu égyptien Thot, lui aussi scribe des dieux.

On rattache aussi Nabû, maître des Sciences, au dieu d’origine sumérienne Ea, divinité des eaux, de la connaissance et de la sagesse. Parfois le jeune dieu Nabû s’identifie à Apollon, dieu grec de la beauté, des arts et de la poésie…
Shadrafa, dieu guérisseur
À Palmyre, le serpent et le scorpion sont associés à Shadrafa. Ces animaux chtoniens (souterrains) et dangereux représentent sans doute, comme ailleurs dans d’autres traditions, des forces destructrices qu’il faut combattre pour sauver le monde.

Cependant, le serpent et le scorpion sont aussi des emblèmes de la fertilité et du pouvoir de guérir, comme sur la stèle dédiée au dieu phénicien guérisseur Shadrafa…
La dédicace palmyrénienne précise : cette stèle fut érigée par Atenatan, fils de Zabdateh, descendu de Toshabeb à Shadrafa, le bon dieu, de sorte que peut devenir patron dans son sanctuaire pour lui et les membres de son ménage, tous…
Par ailleurs, le serpent et le scorpion se rattachent à la mythologie du dieu perse Mithra, divinité salvatrice, dont le culte venu de Perse a particulièrement séduit les soldats romains.
Voir aussi les articles : La mosaïque culturelle de l’Orient antique et Les Mystères de Mithra, dieu Salvateur (I et II)