Le Sacré en Mésopotamie : la grande déesse aux Épis et le puissant dieu-Soleil

D'après le dieu-flammes et la déesse aux épis, période Akkad, ouverture Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les graveurs d’Agadé racontent les aventures des dieux dans un paysage mythique

En Mésopotamie, c’est dans un paysage fabuleux que les graveurs d’Agadé mettent en scène les divinités, parmi lesquelles la grande Déesse aux Épis et le puissant Dieu-Soleil. Ces deux déités dominent le panthéon mésopotamien, auprès d’Ea, dieu des Eaux Douces. Tous manifestent leur pouvoir sur la Végétation… Ainsi, la grande déesse de la fertilité brandit ses rameaux et le dieu Soleil flamboyant émerge de la montagne…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière révision octobre 2017 –

D’après la déesse aux Épis ailée et le lion, sous son aspect guerrier, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse aux Épis ailée et le lion, sous son aspect guerrier, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Une image de la déesse aux Épis accompagnée du lion et de l’étoile, les mêmes attributs que ceux de la grande déesse mésopotamienne et babylonienne Inanna-Ishtar, vénérée aussi en Assyrie…

LA GRANDE DÉESSE VEILLE AU GRAIN

Avant l’époque d’Agadé, on rencontre déjà une grande déesse sumérienne de la Végétation dont l’emblème principal sont des tiges en boutons qui émanent de ses épaules… On rencontre aussi la déesse de la fertilité Inanna qui protège les troupeaux…

Les épis de blé de la déesse
En Mésopotamie, à l’époque du royaume d’Agadé, les artistes illustrent le répertoire mythique sumérien sur les sceaux-cylindres… Nous sommes à la fin du IIIe millénaire avjc, entre 2340 avjc et 2200 avjc, sous la dynastie d’Akkad fondée par le roi Sargon.

Le répertoire mythologique d’Agadé puise dans cet héritage… Mais il s’enrichit des différentes facettes de la divinité originelle de la Végétation en lui associant de nouveaux symboles comme le Vase Jaillissant, des tiges qui ressemblent à des armes, des flammes, ou encore des étoiles…

D’après la déesse aux épis armée, sur un trône, et combats, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse aux épis armée, sur un trône, et combats, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Sur une bulle d’argile, dont le sceau marque une propriété comptable, l’artiste représente une grande déesse dont le corps porte des épis de blé. À l’origine, la grande divinité féminine veille semble-t-il à la fertilité des terres et des troupeaux. Mais elle possède déjà une dimension universelle et cosmique… À l’époque d’Agadé, elle se manifeste sous différentes formes, parfois armée ou parée d’étoiles…

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Le royaume d’Agadé et la dynastie d’Akkad fondés par Sargon, qui règne entre 2340 avjc et 2200 avjc. L’époque néo-sumérienne : vers 2150 avjc – 2100 avjc. – Entre 2150 avjc et 2130 avjc, prince de Lagash – Règne du prince Gudea entre 2130 et 2100 avjc. – Règne de Narâm-Sîn entre 2254 et 2218 ans avjc.

Le symbole du Vase Jaillissant
Sur la bulle d’argile de Tello, l’inscription précise O Divin Narâm-Sîn, dieu d’Agadé… le cuisinier du…( roi ?)… est ton serviteur… Honorée par un orant et une autre divinité revêtue du kaunakès, la déesse aux Épis trône et brandit un vase d’eau jaillissante…

D’après une scène de Libation à la Déesse, relief votif, vers 2500 avjc ; et une image de la Déesse de la Végétation, épis et vase jaillissant, bulle de l’antique Girsu, vers 2250 avjc, époque de Naram-Sîn, période d’Agadé ; Girsu-Tello, Irak actuel, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le Vase Jaillissant renvoie à l’iconographie du dieu des Flots Ea (Enki sumérien)… L’Eau favorise la croissance de la végétation. Il est possible que la grande déesse possède diverses facettes, et s’associe ainsi à d’autres dieux importants avec qui elle forme alors un couple divin…

Derrière la déesse porteuse du vase, une divinité plus petite et coiffée elle aussi de la tiare à cornes des divinités porte des rameaux, installée sur un rocher ou un piédestal… Cette image renforce encore l’importance de la déesse de la Végétation, et la mythologie héritée des périodes précédentes. Comme dans d’autres contrées du monde, la puissance de la Végétation renvoie à la Terre Nourricière…

D’après la déesse aux Épis en majesté et un dieu de la Végétation aux Rameaux, vers 2300 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse aux Épis en majesté et un dieu de la Végétation aux Rameaux, vers 2300 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La Déesse aux Épis et le dieu aux Rameaux…
Dans l’ancestrale tradition, la déesse Nisaba du Grain porte des rameaux… Sur un sceau d’Agadé, la déesse tend l’un de ses épis vers un dieu qui porte lui aussi des rameaux…

Face à la déesse, se trouve donc une autre déité de la Végétation, masculine, possible parèdre (compagnon ou époux) de la déesse… Mais ce dieu semble jouer un rôle mineur dans le paysage mythologique d’Agadé. Son corps produit des plantes et rappelle le personnage de Dumuzi, dieu de la Végétation dans le mythe d’Ishtar et époux de la déesse…

La divinité aux Épis peut se montrer guerrière
Parfois guerrière et conquérante, la déesse aux Épis ailée peut se manifester avec des armes, comme la hache, la masse d’arme ou encore la hallebarde courte…

Il semble aussi que la déesse aux Épis participe à des duos, auprès du dieu Ea des Flots ou de Shamash, le dieu-flammes. L’association au dieu solaire renforce alors la dimension flamboyante et guerrière de la déesse aux Épis… Auprès de divers protagonistes, il arrive souvent que la déesse assiste à des combats mythiques…

D’après la déesse aux Épis avec un anneau, détail ; la déesse auprès du Dieu-Soleil incendiaire, et combat, sceau-cylindre ; et la déesse ailée et armée victorieuse, sceau du scribe Zagganita, vers 2340 avjc – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie.(Marsailly/Blogostelle)

Dans la tradition mésopotamienne, l’anneau et la baguette sont les insignes de la royauté conférée au souverain par les divinités…

Le thème de la déesse-mère
Plus rarement, la déesse apparaît sous son aspect maternel, un enfant (un jeune dieu?) sur les genoux… Ainsi, sur l’empreinte d’un cylindre d’Agadé, l’artiste représente une attendrissante maternité divine gravée dans du schiste gris-vert…

Des orants viennent honorer la déesse revêtue du kaunakès, longue robe traditionnelle sumérienne à mèches… Son inscription mentionne Shu-ilishu, l’interprète du (… pays de) Meluhha. Il est possible que l’enfant symbolise les force du renouveau de la nature et de la végétation… La grande déesse se rattache au thème de la fertilité et de la fécondité…

D’après la Déesse à l’Enfant et des orants, cylindre, deuxième moitié du IIIe millénaire avjc, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Déesse à l’Enfant et des orants, cylindre, deuxième moitié du IIIe millénaire avjc, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Dieu Soleil, dieu Lune et l’Étoile d’Inanna-Ishtar
Dans le domaine spirituel, l’héritage sumérien perdure à l’époque d’Agadé dans la mythologie akkadienne… On retrouve la même triade suprême Anu, le dieu du Ciel ; En-lil, le dieu de l’Atmosphère et de l’Orage ; et Ea, le Enki sumérien, dieu des Abîmes, des Eaux Douces et de la Sagesse.

La grande triade astrale se perpétue aussi… formée par La Lune, le dieu Nanna ou Sîn (sumérien suen) ; le Soleil, le dieu Shamash ; et la déesse sumérienne Inanna-Ishtar, symbolisée par l’Étoile de Vénus, vénérée en Mésopotamie, puis encore aux époques babylonienne et assyrienne…

D’après le monde céleste des dieux, Enki-Ea et Ningursag, Nammu et Enlil, empreinte de sceau, Mari, Syrie, III millénaire avjc ; et le monde céleste et la roue solaire, sceau-cylindre, IVe-IIIe millénaire, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Déjà au IVe et IIIe millénaire avjc, la civilisation de Sumer possède une mythologie très élaborée… Les divinités semblent étroitement associées au cycle de la végétation. On représente le monde céleste des dieux, les astres et la roue solaire qui évoque sans doute le cycle du Soleil… 

Inanna-Ishtar préside à l’Amour, à la Guerre et à la Fertilité
La grande déesse mésopotamienne Inanna favorise à l’origine la fécondité et veille à la fertilité des troupeaux… Inanna est particulièrement vénérée à Uruk, vers 3500-3000 avjc, associée au dieu du Ciel Anu (Anou)…

Inanna-Ishtar préside à l’Amour, à la Guerre, à la sexualité et à la Fertilité… Son symbole est l’Étoile du Matin (la planète Vénus) et son animal attribut est le Lion. Dynamique ou combattante, on la rencontre aussi dans une attitude plus passive, comme sur une scène où le puissant dieu soleil se montre très dominateur, accompagné du dieu Feu Gibil…

D’après la déesse aux Épis, le dieu Soleil Nergal incendiaire et le Feu Gibil, vers 2340 – 2200 avjc ; la déesse aux Épis parée de flammes, temple ailé et bovidé, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Parfois parée de flammes, la déesse apparaît encore accompagnée du motif du temple ailé et du bovidé… 

À Suse, on vénère Narundi
On retrouve la grande déesse Inanna-Ishtar sous les trait de la divine Anat ou Astarté cananéenne, déesse de la Fécondité et de la Guerre, sœur et épouse de Baal, dieu de l’Orage… En Égypte, on peut la comparer à la grande déesse magicienne Isis, sœur et épouse d’Osiris, dont la mythologie se rattache à la royauté mythique…

En Iran Ancien, à Suse, on vénère la déesse Narundi, dont l’une des statues de culte illustre l’influence stylistique mésopotamienne. Narundi trône encadrée par des lions… Sous les pieds de la déesse reposent encore deux lions. En Mésopotamie, le lion est l’animal attribut de la déesse Inanna –Ishtar

SHAMASH, DIEU-SOLEIL BIENFAITEUR OU DÉVASTATEUR

Des flammes jaillissent du corps du dieu-Soleil… Cette divinité apparaît parfois accompagnée d’assistants et de fauves qui jouent sans doute le rôle de gardiens. Des piliers-portes sur les sceaux évoquent un lieu sanctuarisé et un passage. Ces images symbolisent peut-être la sortie ou la libération du dieu auparavant caché ou disparu. Dans l’iconographie d’Agadé, le dieu Soleil peut se manifester de différentes manières…

D’après des personnages qui mènent un orant auprès du dieu solaire Shamash sortant de sa montagne, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des personnages qui mènent un orant auprès du dieu solaire Shamash sortant de sa montagne, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le Dieu-Flammes émerge de la Montagne
Sur les scènes mythologiques des sceaux d’Agadé, souvent, le Dieu Soleil  franchit la Montagne. Shamash porte ses attributs, les flammes et le couteau-scie. Des éléments d’architecture suggèrent la délimitation d’un espace sacré.

Le dieu est assisté par deux acolytes divins, porteurs eux aussi de la tiare à cornes, symbole des divinités en Mésopotamie. Un personnage (prêtre ou roi ?), qui lui ne porte pas de tiare à cornes, semble venir l’honorer…

Le Dieu Soleil émerge de la Montagne elle-même, prisonnier ou reposant auparavant en son sein. Ou bien Shamash se trouve caché derrière elle, la franchissant tel un obstacle…

D’après le Dieu-flamme sortant de la montagne entre deux piliers, et des orants ; le dieu Solaire qui franchit la montagne, sceau-cylindre ; et Shamash armé de son couteau-scie, détail, sceau du scribe Adda, vers 2340-2200 avjc époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Un horizon inaccessible et mythique
Cette imposante montagne à deux sommets jaillit dans un paysage sacré, qui évoque les confins d’un horizon inaccessible et mythique… Le dieu solaire utilise sans doute son couteau à dents de scie pour se libérer ou combattre des ennemis… La sortie de la montagne, comme le symbole des portes ou des piliers, évoque une libération, une renaissance, une réapparition du Soleil enfermé jusque-là dans la Terre…

Un acte de fécondation de la Terre…
L’enfermement dans la Montagne peut signifier une mort symbolique ou la disparition momentanée du dieu du Soleil. Sa sortie de la Montagne évoque encore une percée dans le sol ou un acte de fécondation de la Terre… Une action divine sans doute favorable à la croissance de la végétation ou à sa renaissance… Parmi ses facettes sacrées, le plus souvent, le monde souterrain renvoie au terreau fertile, source d’une croissance nouvelle…

D’après Shamash qui émerge de la Montagne, étoiles, temple et lion de la déesse, et détail, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie.

Le Centre du Monde et l’Arbre mythique
On aperçoit parfois des arbres dans les scènes mythiques d’Agadé. La présence de l’arbre auprès de la montagne peut symboliser l’éveil de la Végétation et son épanouissement au moment où émerge la divinité solaire… Le dieu Soleil franchit toujours l’obstacle en conquérant victorieux…

Si le dieu qui émerge de la montagne est parfois représenté sans ses flammes, symbole de chaleur et de lumière, il émane de lui le plus souvent une force et une vigueur imposante…

Par ailleurs, dans l’univers des symboles et du Sacré, la montagne représente le point le plus haut de la Terre, donc le plus proche du monde céleste… La Montagne sacrée, c’est aussi l’Axe ou le Centre du Monde... comme aussi l’Arbre mythique

D’après le dieu solaire, la Montagne et l’Arbre, détail, bulle de Tello, sceau de Lugal-ushumgal dédié à Sharkalisharri ; et Shamash, la Montagne et l’Arbre, détail, bulle de Tello, sceau de Lugal-Ushumgal au divin Narâm Sîn, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Des Taureaux-Montagne
Sur certains sceaux d’Agadé d’autres personnages se rattachent semble-t-il au thème de la montagne qu’ils peuvent personnifier… Ces êtres mythiques sont des taureaux à tête humaine (androcéphale) que l’on rencontre, par deux, en lieu et place de la montagne à deux sommets d’où émerge le dieu solaire…

Les palmes qui émanent de la tête des créatures -taureaux évoquent une poussée de la Végétation. Bienfaisants et pacifiques, ils incarnent probablement aussi la Terre fertile… Sur certaines scènes, un arbre s’épanouit sur la montagne ou auprès d’elle, ou bien encore des palmes poussent sur les piliers qui encadrent la montagne…

D’après le dieu Flamme monté sur des Taureaux à tête humaine, sceau, vers 2300 avjc ; et  une scène de combat, Taureaux androcéphales et héros, détail, Tello ;  vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Si le Dieu-Soleil émerge de la Montagne ou de derrière la Montagne, la Terre ne semble pas pour autant définir son domaine spécifique, céleste et plus vaste. Ce sont plutôt les Taureaux à tête humaine qui semblent matérialiser la Montagne et la Terre… On les retrouve à époque néo-sumérienne, sous le règne de Gudea

D’après une figure de taureau à tête humaine, vers 2150-2100 avjc ; époque néo-sumerienne, Mésopotamie ; et une statuette de taureau androcéphale, vouée par Gudea, vers 2120 avjc, antique Girsu-Tello ;  vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les Taureaux mythiques et l’Aigle à tête de lion
Ces Taureaux mythiques existent déjà dans la tradition sumérienne avant l’époque d’Agadé, où ils apparaissent pacifiques et plutôt passifs… Ils sont parfois les victimes de combats, impuissants face à un Aigle à tête de lion (léontocéphale).

Ce puissant volatile rappelle Imdugud (Im-dugud), personnification de la Nuée de l’Orage, attribut et assistant de Ningirsu, grand dieu guerrier de l’Orage de Lagash. À l’époque Assyrienne, on retrouve la puissante divinité solaire associée au disque du Soleil et à la figure de l’Aigle…

D’après une scène de combat, Taureaux à tête humaine et héros, cylindre marbre, Tello, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie ; et le dieu Soleil Shamash, et disque solaire ailé, bas-relief assyrien, Nimrud, vers 865-860 avjc, IXe siècle avjc, période de l’empire Assyrien.  (Marsailly/Blogostelle)

Dans l’épopée de Gilgamesh, le roi légendaire et son ami Enkidu affrontent et tuent le Taureau Céleste envoyé par Ishtar, furieuse que le héros refuse de l’épouser… Ainsi, certaines scènes, qui montrent le combat entre un héros et un taureau sont interprétées par certains comme une illustration de cet épisode… Mais sans aucune certitude…

Si le Taureau d’Ishtar représente un danger, les Taureaux-Montagnes apparaissent plutôt comme la manifestation d’une puissance bénéfique féconde, et reliée à la Terre…

Combats héroïques et duels des dieux
Dans l’iconographie akkadienne, les taureaux androcéphales sont vaincus par des héros mythiques et guerriers… Le Taureau androcéphale semble perdre son indépendance et jouer le rôle d’animal-attribut du dieu Shamash peu avant l’époque babylonienne… Les combats des héros mythiques et les duels ou s’affrontent des divinités évoquent probablement les forces à l’œuvre dans la Nature et dans le monde céleste et cosmique…

D’après le Dieu-Soleil et duels de divinités, sceau de Eshpum, prince de Lagash, Suse, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Dieu-Soleil et duels de divinités, sceau de Eshpum, prince de Lagash, Suse, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Shamash, grand dieu conquérant…
Sur les sceaux des graveurs d’Akkad, le dieu-flammes se manifeste souvent comme un Dieu-guerrier, qui peut se montrer dévastateur… Le Dieu solaire apparaît triomphant, parfois la jambe fléchie dans l’attitude d’un vainqueur qui piétine son ennemi. Au-dessus de la tiare du dieu victorieux brille parfois une étoile ou un disque solaire…

Sur les images sculptées ou gravées, on retrouve la même posture de vainqueur des dieux chez les souverains mésopotamiens, parfois eux-mêmes divinisés…

D’après le dieu solaire trônant et triomphant, disque solaire et petit dieu de la Végétation, Girsu-Tello ; une stèle de Victoire, Girsu-Tello ; et la stèle de Naram-Sîn, roi d’Akkad, vers -2250 ans avjc, détail, symboles célestes, vers 2340 – 2150 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le brasier dévastateur du Dieu-Flammes
D’autres fois, Shamash se manifeste accompagné d’un assistant porteur de torche, identifié comme la déité ou la personnification du Feu, Gibil… Le dieu solaire au corps flamboyant, armé d’une torche comme Gibil, se tient devant un brasier dans lequel un personnage vaincu, (son arme est brisée) devient la proie des flammes. Le dieu Soleil se manifeste ici sous son aspect incendiaire, redoutable et destructeur. Ses flammes ressemblent à des rameaux desséchés…

Dans le royaume d’Agadé, on le nomme Nergal, Soleil Brûlant de l’Été, puissante divinité guerrière et protecteur de la monarchie d’Akkad… Les scènes de combat peuvent évoquer la victoire sur un ennemi ou renvoyer à une symbolique de la puissance solaire, dont les rayons brûlants peuvent anéantir la végétation et la vie… Une inscription mentionne un certain Puzurum ou Puzrum, le Berger

D’après le Soleil Nergal incendiaire, le Feu Gibil, et la déesse aux Épis, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Soleil Nergal incendiaire, le Feu Gibil, et la déesse aux Épis, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Si les dieux Nergal et Gibil passent à l’action, la déesse aux Épis, représentée de face, un anneau dans les mains, apparaît passive et impuissante face au spectacle du feu destructeur…

D'après le Dieu Flamme incendiaire, vaincu dans le brasier, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Dieu Flamme incendiaire, vaincu dans le brasier, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Shamash, puissance solaire et cosmique
Les graveurs d’Agadé représentent aussi Shamash avec des ondulations qui émergent de son corps, aux extrémités desquelles apparaissent des étoiles… Ces astres symbolisent la dimension solaire et cosmique du dieu flamboyant…

Mais la divinité solaire doit se libérer de la montagne pour devenir efficient… Sur plusieurs sceaux-cylindres, le dieu apparaît très enfoncé dans la Montagne. Il tient son arme à la main, mais il ne paraît pas posséder encore la force de la brandir. Sur des piliers-portes poussent des palmes…

Un drôle d’Oiseau…
Sur l’une de ces images, deux gardiens, sans la tiare à cornes des divinités, encadrent un Homme-Oiseau, soit pour l’aider soit pour le surveiller, dans l’attente peut-être de la manifestation du dieu-Soleil ou annonçant sa disparition momentanée…

D’après l’Homme-Oiseau et Shamash dans la montagne entre deux piliers, vers 2300 avjc ; et le dieu des Flots Ea, son vizir Ushmu, et l’Homme-Oiseau, vers 2300 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie (Marsailly/Blogostelle)

Face à la porte, l’un des personnages se tourne vers le dieu dans l’attitude d’un orant (un prêtre ? un roi ?). Ses mains sont jointes en signe de prière, de supplication, d’invocation ou d’hommage. L’autre personnage, vêtu lui aussi d’un pagne, regarde dans la direction opposée, comme l’Homme-Oiseau.

On rencontre parfois cet Homme-Oiseau mythique traité semble-t-il en prisonnier, comme sur le sceau d’Ea trônant… Parfois l’Homme-Oiseau, qui symbolise peut-être une manifestation atmosphérique comme le souffle, le vent ou la tempête, prend son envol. Il vole auprès des Dieux-Foudre, divinités de l’Orage dont l’étoile indique là encore le caractère céleste…

D'après les Dieux-Foudre de l’Orage, dragons et Homme-Oiseau, vers 2300 avjc, période d’Agadé. Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les Dieux-Foudre de l’Orage, dragons et Homme-Oiseau, vers 2300 avjc, période d’Agadé. Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le rôle de cet Homme-Oiseau dans le panthéon mésopotamien semble changer selon les moments ou les situations, peut-être en fonction du rythme des saisons, du cycle solaire et de la Lumière… Ou bien encore, obéit-il à la volonté des dieux… Par ailleurs, dans la légende du roi Etana de Kish, l’aigle mythique emporte le héros vers le Ciel…

L’Eau et le Feu, sources de la Vie…
Les sceaux d’Agadé présentent un dieu suprême céleste qui s’identifie avec le Soleil, qui renaît en sortant de la montagne, qui peut favoriser la croissance de la Végétation. C’est aussi un maître du Feu qui peut détruire… Le dieu des Flots Ea et le dieu-flammes solaire évoquent les deux principes de l’Eau et du Feu, sources de la Vie…

D’après Shamash et son couteau-scie, Ea et ses Flots, vers 2340 - 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Shamash et son couteau-scie, Ea et ses Flots, vers 2340 – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

En Mésopotamie, comme dans d’autres traditions dans le monde, les principes de l’Eau et du Feu et l’importance de la Végétation, renvoient au rythme naturel et au cycle annuel. La Végétation meurt et renaît chaque année au printemps… Comme, peut-être, la divinité solaire cachée dans la montagne et qui en ressort chaque fois victorieuse… pour rétablir l’équilibre du monde vivant…

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Publié par Maryse Marsailly

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3 commentaires sur « Le Sacré en Mésopotamie : la grande déesse aux Épis et le puissant dieu-Soleil »

  1. Magnifique et très intéressant ! C’est un très beau voyage dans le temps!
    Une question si vous me le permettez Maryse :
    Les photographies de toutes ces œuvres comme Le relief du Vase Jaillissant d’Irak, vous les avez prises au cours de vos voyages ou dans des musées?

    Aimé par 1 personne

    1. Merci à vous… Je crée complètement mes propres illustrations à partir de modèles de ma doc personnelle (voyages, musées, livres, expos…) ou à partir de reproductions libres, toutes ces oeuvres relevant du domaine public, on a tous le droit de les reproduire (selon la loi, contournée par certaines institutions culturelles malheureusement…). Ainsi mes images deviennent des créations personnelles élaborées selon mes inspirations et mon imagination, cela prend du temps… Mais je préfère cela à des mauvaises reproductions (pas toujours faciles à obtenir en plus) et surtout je me sens vraiment libre pour illustrer mes sujets et composer mes images numériques… J’apprécie votre blog et je le mentionne dans mes « coups de coeur » (si cela ne vous dérange pas) sur ma page sites et blogs experts dédiée à l’art et à la culture… :))

      Aimé par 1 personne

      1. Merci Maryse pour votre réponse… Vos illustrations sont très originales, et toutes ces tablettes d’argiles suscitent évidement curiosité de ma part car cette approche archéologique est totalement fascinante. L’art a la faculté de nous rassembler et nous permet d’échanger! Merci beaucoup pour le coup coeur! Très belle journée!

        Aimé par 1 personne

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