L’art en Gaule, un panthéon gaulois et romain en Gaule (1)

D'après le panthéon gaulois, ouverture, Cernnunos. (Marsailly/Blogostelle)

Cernunnos, Taranis, Mercure, Rosmerta…

Qui sont les dieux gaulois?… Leurs cultes nous sont connus grâce à des auteurs latins, à des monuments, à des sculptures et à des inscriptions d’époque romaine… En Gaule, l’interdiction du druidisme par Rome provoque la disparition des collèges de druides. Pourtant, à côté du culte officiel impérial, l’héritage spirituel celtique et la tradition gauloise perdurent et se marient aux apports romains… Et la Gaule conserve sa personnalité culturelle…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour décembre 2017 –

D'après la déesse Rosmerta, parèdre gauloise de Mercure, IIe -IIIe siècle apjc, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Rosmerta, parèdre gauloise de Mercure, IIe -IIIe siècle apjc, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Bloc-notes+ Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue, Arles à l’époque de la Gaule romaine…

MYTHOLOGIES ET DIVINITÉS EN GAULE ROMAINE, UN MONDE DE MIXITÉ

À l’époque de la Gaule romaine, les dieux gaulois Cernunnos, Ésus, Sucellus, le dieu dit de Bourey, la déesse Épona, Rosmerta, le Mercure de Lezoux… ou encore les déités du Pilier des Nautes sont à l’honneur. Et certains dieux romains deviennent très populaires, comme Mercure, Apollon, Vénus, Jupiter…

Ramure de cerf et serpent-bélier pour Cernunnos
À la fin du Ier siècle avjc et au cours du Ier siècle apjc, les statuettes des dieux se multiplient en Gaule Romaine, en pierre ou en bronze, en ronde bosse ou sur des reliefs sculptés… Parmi ces représentations, on rencontre des dieux gaulois qui ne sont pas assimilés à des dieux romains… C’est le cas des divinités du pilier des Nautes (voir article suivant), dont le nom est inscrit au-dessus de leur image.

D'après le dieu celte cornu du chaudron de Gundestrup, Ier siècle avjc, âge du Fer ; et  le Cernunnos gaulois entre Apollon et Mercure, Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu celte cornu du chaudron de Gundestrup, Ier siècle avjc, âge du Fer ; et le Cernunnos gaulois entre Apollon et Mercure, Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Parmi les dieux gaulois les plus fréquemment représentés, on rencontre Cernunnos. Les artistes présentent ce dieu cornu de la fertilité et de l’abondance assis en tailleur, dans une posture rituelle, et paré d’un torque. Il est parfois associé au serpent à tête de bélier, un symbole chthonien (souterrain), et porte des cornes ou une ramure de cerf …

Sur certaines représentations, Cernunnos possède 3 visages, ce qui évoque différentes facettes de sa puissance divine et ses multiples pouvoirs. Les attributs particuliers à Cernunnos relèvent de la tradition gauloise et celtique. Le serpent comme le cerf évoquent une symbolique de la fertilité… Il semble que le torque, emblème de pouvoir, renvoie à la divinité ou à une force héroïque ou magique.

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
– Époque gallo-romaine, 52 avjc – début du IVe siècle apjc – Conquête de César en 52 avjc (défaite d’Alésia) – La Pax Romana IIe -IIIe siècle apjc – Édit de Milan de l’empereur Constantin en 313 apjc (liberté religieuse et développement du Christianisme) – Fin de l’Antiquité et invasions barbares : fin du IVe siècle apjc et Ve siècle apjc – VIe siècle apjc : les débuts du Haut Moyen Âge…

D’après l’iconographie celtique du Casque d’Agris et ses serpents à tête de bélier (sur le protège joue), fer, bronze, or et corail, IVe siècle avjc, La Tène (deuxième âge du Fer), Charente, France. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème du personnage sacré, maître des animaux…
Le motif des cornes ou de la ramure de cerf renvoie à l’iconographie du chaudron de Gundestrup, qui remonte à l’âge du Fer… On rencontre le thème du personnage mythique ou sacré associé à des animaux en Inde ancienne, dans l’Orient antique où l’on parle de Maître des Animaux, et dans l’univers celtique…

Il s’agit peut-être d’un lointain souvenir de la préhistoire, quand être humain et animaux ou chasseur et gibier expriment dans les images paléolithiques une forme d’union mystique ou de relation sacrée…

Des divinités gauloises de la forêt
Beaucoup de cultes gaulois locaux sont reliés à des éléments de la Nature… et le thème du cerf nous rappelle l’univers de la forêt. Les Gaulois vénèrent aussi des déités forestières que l’on représente en habits gaulois, avec un manteau à capuchon, un torque, parfois une coiffe qui ressemble au pétase de Mercure, ou avec des cornes… Il semble que ces divinités s’identifient pour les Gaulois au Mercure qu’ils ont adopté. Il existe aussi des déesses gauloises associées à la forêt et à l’abondance…

D’après la statuette d’une déesse cornue avec vase ou fruit d’abondance, bronze, Clermont-Ferrand ; et des ex-votos, sanctuaire de la forêt d’Halatte, Picardie ; Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sucellus, dieu forestier et nourricier…
Sucellus, le dieu au maillet, se manifeste comme le gardien des forêts, une déité qui préside à l’abondance de la nourriture (bois, gibier, agriculture, récolte, vin…). Typiquement gaulois, ce personnage d’âge mûr, chevelu et barbu est accompagné d’un chien. Il porte un vase cultuel, peut-être un vase à libation (offrande au dieu sous forme de boisson, vin, lait, huile…)

Contrairement aux dieux ou aux héros romains imberbes, les dieux gaulois sont présentés le plus souvent chevelus et barbus… Le dieu Sucellus de la fertilité est aussi Dispater… ces pouvoirs s’étendent ainsi au royaume souterrain des Enfers et au cycle mort et renaissance, dont le terreau symbolique se rapporte au cycle végétal…

D’après le dieu gaulois Sucellus du Pilier des Nautes, Ier siècle apjc, Lutèce (Paris) ; et Sucellus, chien et tonneau, IIe-IIIe siècle, Bourgogne ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

… Sucellus, dieu frappeur et psychopompe
Le chien est un animal psychopompe (qui guide les morts)… Sucellus est aussi le passeur qui conduit les défunts dans l’au-delà…, comme pour Mercure à qui il est parfois assimilé.

Ce dieu bon frappeur est aussi comparé à Jupiter dans les commentaires de César, qui présente Sucellus comme le Père de la nation gauloise... On le représente à l’occasion sous les traits du maître de l’Olympe. La puissance de frappe du maillet trouve une correspondance avec celle du Foudre de Jupiter…

Sucellus présente un vase qui évoque les libations rituelles, mais aussi une nourriture abondante, comme l’amphore ou le tonneau parfois déposés près de lui. Ces détails iconographiques rappellent le thème du chaudron magique ou divin, toujours plein… On lui attribue aussi une parèdre, une déesse de la fécondité liée aux rivières…

D’après Sucellus avec amphore et maillet, Ier-IIIe siècle apjc ; le Sucellus Gaulois sous les traits de Jupiter ; et  une sculpture du dieu gaulois Sucellus, sanctuaire près de Lyon, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La tradition gauloise ne possède pas d’écrits
Les arts se développent dans les provinces romaines sous l’égide de Rome… En Gaule, les artistes expriment la continuité des thèmes sacrés gaulois. Et leurs interprétations artistiques prolongent souvent l’esprit et le style celtique…

Les Gaulois, en devenant gallo-romains, n’abandonnent pas leurs traditions propres, même si le mode de vie et les arts s’enrichissent aussi des modèles romains… Contrairement aux mythologies mésopotamienne, égyptienne ou grecque, nous connaissons les thèmes mythiques des Celtes, des Germains, des Baltes ou des Slaves uniquement de manière indirecte…

Faute d’écriture, proscrite dans le druidisme où seule la parole vivante peut transmettre les choses sacrées, les communautés celtiques de l’Ouest et du Nord de l’Europe ne possèdent pas de textes qui témoignent de leur tradition ancestrale…

D'après Silvanus-Sucellus, dieu forestier, statue grandeur nature en grès, Ier-IIIe siècle apjc, Izère, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Silvanus-Sucellus, dieu forestier, statue grandeur nature en grès, Ier-IIIe siècle apjc, Izère, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La disparition du druidisme
La vie spirituelle et religieuse des Gaulois se transforme au contact de la culture romaine… À Rome, on soupçonne les druides, très influents sur les populations, d’encourager les Gaulois à la résistance ou à la rébellion. Claude, qui règne sur l’empire romain entre 41 apjc et 54 apjc, interdit le druidisme…

Né à Lugdunum, capitale des Trois Gaule, Claude est le seul empereur né hors d’Italie. Il est célèbre pour son plaidoyer en faveur des élites gauloises à qui il veut octroyer la citoyenneté romaine. Son discours est retranscrit sur des tables de bronze dite Tables de Claude. La vie culturelle des Gaulois évolue…

Un culte officiel romain en Gaule
Dans les grandes cités, pour honorer l’empereur et sa famille, on se rend au temple dédié au culte impérial, situé au cœur ou à proximité du forum. Mais il existe aussi à l’intérieur ou à la lisière des villes des sanctuaires consacrés aux traditions gauloises, les fana (singulier fanum)…

D'après une statue de Jupiter, Ier siècle apjc, bronze coulé à la cire perdue, patine verte, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue de Jupiter, Ier siècle apjc, bronze coulé à la cire perdue, patine verte, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des enclos et des monuments sacrés
On rencontre en Gaule des enclos et des monuments sacrés… comme le pilier des Nautes ou le pilier du Pont-au-Change (à Lutèce, Paris) qui réunissent divinités gauloises traditionnelles et dieux romains (voir article suivant). Mais aussi, on se réfère souvent à l’empereur, garant de la paix et figure symbolique que l’on se doit d’honorer. Des temples, des inscriptions et des dédicaces sont dédiés en Gaule au culte impérial et à Jupiter…

Jupiter, le dieu olympien du Ciel
Si les Gaulois restent fidèles à leur héritage spirituel et cultuel, ils semblent s’adapter en même temps à la pratique de nouvelles formes de cultes… Les artistes représentent Mercure, Apollon, Minerve, Vénus et bien sûr Jupiter armé de son Foudre, dieu du Ciel, et souverain de l’Olympe dans la mythologie gréco-romaine…

D’après une statuette en bronze du souverain de l’Olympe, et Jupiter et son foudre, argent ; Ier-IIIe siècle apjc,   Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des témoignages indirects
Des Historiens de l’antiquité comme Hérodote (Ve siècle avjc), Tite-Live (IIe siècle avjc- début Ier siècle apjc) ou Tacite (Ier-IIe siècle apjc), des chefs militaires comme Jules César (100 avjc – 44 avjc), des géographes et naturalistes comme Pline l’Ancien (Ier siècle apjc) …

… et d’autres auteurs Grecs et Romains, sont nos principaux informateurs sur les Celtes et les Germains, peuples qualifiés de barbares, c’est-à-dire ne parlant ni grec ni latin. Mais ces précieux témoignages reflètent les points de vue de leurs auteurs, et ne sont pas forcément tout à fait objectifs…

Des récits médiévaux…
En dehors des trouvailles archéologiques et de l’épigraphie (des textes de dédicace adressés à un dieu), d’autres sources nous fournissent quelques informations : les traces de la mythologie celtique dans les récits légendaires irlandais et gallois de l’époque médiévale. Mais là encore, les choses ont pu être déformées après la christianisation de ces contrées…

D’après une figurine de Mercure en bronze, Vaison-la-Romaine, Vaucluse ; et Rosmerta et Mercure en costume gaulois, stèle sculptée, début du IVe siècle apjc, Bas-Rhin, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Apollon et Mercure chez les gaulois…
On rencontre des fana (temples gaulois) à Autun, en Bourgogne, autour du temple dit de Janus, au Mans, dans les Pays de la Loire, ou encore à Saintes ou à Barzan, en Charente Maritime… À côté des déités gauloises traditionnelles, on rend aussi un culte en Gaule à Apollon et à Mercure, deux divinités romaines très populaires chez les Gaulois…

Rosmerta et Mercure…
De son côté, la déesse gauloise Rosmerta est souvent associée à Mercure, un couple en relation avec les sciences médicinales… et sans doute aussi avec des connaissances traditionnelles… Certaines qualités de Mercure, notamment sa science en matière de médecine, son grand savoir et son habileté légendaire, rappellent peut-être aux Gaulois les compétences des dieux celtes Lug ou Dagda, qualifiés de dieux polytechniciens et savants…

… et la déesse Abondance
L’iconographie de Rosmerta la relie parfois à Maïa, mère de Mercure, ou à la divinité Félicité qui porte la corne d’abondance et le caducée. Quant à la déesse Abondance, elle arbore patère (coupe rituelle), corbeille de fruits et porte parfois elle aussi une corne d’abondance… On représente Abondance à l’image d’une déesse romaine, drapée dans une longue robe qui laisse deviner les formes de son corps de déesse…

D'après la déesse Abondance, argent, trésor de Vaise, Lyon, Ier avjc-IVe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Abondance, argent, trésor de Vaise, Lyon, Ier avjc-IVe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sirona et Apollon…
En Gaule Romaine, certaines divinités forment des couples divins… On aperçoit souvent sur ces groupes le serpent et la corne d’abondance, des attributs qui se rapportent à la nourriture, à la fertilité et à la médecine… Ainsi, Sirona, déesse gauloise des sources, de la santé et de la prospérité se retrouve au côté d’Apollon, honoré par les Gaulois surtout pour ses pouvoirs guérisseurs.

Des dédicaces à Apollon
Apollon, protecteur des Arts et dieu de la Beauté à Rome, se manifeste comme une divinité solaire. En Gaule, on l’identifie parfois à Borvo, dieu gaulois des sources et guérisseur, et on lui dédie des inscriptions… En Picardie, les archéologues ont retrouvé au fond de deux puits des ex-votos en bois sculptés et une dédicace à Apollon gravée sur un mortier en céramique.

Ces objets votifs remontent aux IIe et IIIe siècles apjc, et proviennent d’un fanum, sanctuaire gaulois de l’époque romaine, situé non loin de là… La dédicace gravée sur le mortier précise : “Au dieu Apollon, Vatumarus, Iunianus, fils de Lunus a fait l’offrande à ses frais”

D’après Sirona et Apollon, groupe en bronze et argent, IIe siècle apjc, Dijon, Bourgogne ; Sirona et Apollon, figurines en bronze et dédicace, IIe – IIIe siècles apjc, Mâlain, Bourgogne ; et une dédicace à Apollon, céramique, IIe – IIIe siècles apjc, Picardie ; et Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des groupes-figurines en bronze
On rencontre aussi une inscription consacrée à Apollon sur un groupe en bronze qui figure le dieu guérisseur accompagné de Thirona ou Sirona, divinité gauloise de la santé, des sources et des fontaines… Apollon arbore souvent une longue chevelure et porte la Lyre, un instrument de musique inventé et offert par Mercure au dieu des Arts, en échange du pouvoir de divination…

« EN TÊTE DES DIEUX ILS (LES GAULOIS) HONORENT MERCURE… »

Les romains appréhendent les dieux étrangers rencontrés au cours de leurs conquêtes à la mesure des divinités de leur propre panthéon… Et on a coutume d’employer en Gaule des doubles dénominations sur les dédicaces, avec nom latin et nom gaulois… César nous raconte que les représentations de Mercure sont les plus nombreuses…

D'après une statuette en bronze de Mercure et sa bourse, Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statuette en bronze de Mercure et sa bourse, Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Chaussé de sandales ailées, le dieu romain Mercure porte ici une cape et un chapeau gaulois à la place du Pétase, sa coiffe ailée…

Apollo Grannus, Mars Caturix, Mercure…
Apollo Grannus, dieu rattaché à une source et guérisseur ou Mars Caturix, dieu guerrier qualifié de roi des combats sont affublés d’un double nom, une sorte de surnom… En Gaule, après la conquête romaine, on assimile ainsi plusieurs divinités gauloises à des dieux du panthéon romain… La description de César dans ses commentaires illustre bien ce phénomène…

En tête des dieux, ils honorent Mercure; ses représentations sont les plus nombreuses ; ils le tiennent pour l’inventeur de tous les arts, le chef des routes et des voyages, le grand maître des gains et du commerce. Puis Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. Ils pensent de ceux-ci à peu près la même chose que les autres peuples : Apollon chasse les maladies, Minerve transmet les principes des arts et des métiers, Jupiter règne sur les cieux, Mars préside aux guerres… (César, La Guerre des Gaules)

D’après un autel votif dédié à Mercure, dédicace Publius Geminus, Ier-IIIe siècle apjc, Bordeaux ;  un Mercure inspiré du style romain, IIIe siècle apjc, Auxerre, Bourgogne ; et un Mercure en bel éphèbe, Ier-IIIe siècle apjc ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

De nombreuses figurines en bronze de Mercure
On rencontre en Gaule de nombreuses figurines de Mercure en bronze, le dieu romain le plus vénéré en Gaule selon César… Les artistes le représentent à la romaine, nu et imberbe, avec son caducée et coiffé de son pétase ailé.

Parfois, on interprète aussi le dieu des voyageurs, des voleurs et des commerçants à la gauloise et barbu. Ou encore, on le présente accompagné de sa parèdre Rosmerta, comme un dieu qui préside à la santé et à la médecine. Outre sa coiffe et ses sandales ailées, Mercure possède aussi une bourse et deux emblèmes, le coq et le bouc ou le bélier…

D'après Mercure au caducée et serpents, bronze, Ier siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mercure au caducée et serpents, bronze, Ier siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

De Lug à Mercure…, dieux habiles et savants
Grâce aux récits mythologiques irlandais, on peut tenter de retrouver le nom des principaux dieux cités par César… Ainsi le dieu Mercure, inventeur de tous les arts, s’identifie sans doute à Lug Sam-il-danach, Lugus le Polytechnicien.

Divinité suprême du panthéon celtique, Lug préside à la communauté des peuples de la déesse Dana (la Tribu de Dana) dans les récits de La bataille de Moyturra. On retrouve aussi le vocable Lug dans le nom de nombreux lieux, comme Lyon-Lugdunum, Loudun, Leyde…

D’après des statuettes de Mercure avec son caducée et sa bourse, bronze, IIe siècle apjc ; et une statue votive du dieu Mercure, style romain, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Statues, figurines, stèles dédicacée ou encore objets d’art… les effigies de Mercure, un dieu interprété à la gauloise ou représenté à la romaine, sont pléthore en Gaule…

Apollon aux noms multiples
L’Apollon guérisseur cité par César porte lui aussi différents noms en Gaule… On le nomme parfois Belenus, Grannus, Borvo ou encore Bormo ou Boruo (d’où Bourbonne, Bourbon). Boruo évoquerait le bouillonnement de la source thermale.

La multiplicité des noms qui se rattache à Apollon s’explique peut-être par le souvenir de plusieurs divinités originelles gauloises, associées à des lieux sacrés naturels, comme les bois ou les sources… et à différentes sortes de pouvoirs surnaturels ou divins.

D’après une statue d’Apollon, IIe siècle apjc, Vienne, Isère. France ; et Mars, Mercure, Apollon, dit dieu de Coligny, fin Ier siècle apjc, Lyon ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le Mars gaulois, un dieu guerrier à l’image de Toutatis
Selon César, le dieu de la Guerre, Mars, bénéficie d’un très grand nombre d’épithètes gaulois qui évoquent son pouvoir divin et ses nombreuses qualités. Cela laisse imaginer comment chaque tribu gauloise cherche à s’approprier le dieu de la Guerre, à le différencier en lui donnant un nom pour se doter ainsi de son dieu tutélaire…

Le plus souvent, on représente Mars à l’image du dieu romain de la Guerre, armé, casqué et cuirassé… Si ses différentes effigies l’assimilent à des dieux guerriers tribaux, on a aussi rapproché le dieu Mars du terrible Toutatis, le Teutatès assoiffé de sacrifices humains décrit par le poète latin Lucain (Ier siècle apjc).

Teutatès (Toutatis) est une épithète que l’on peut traduire par le dieu de la tribu. Et César mentionne le sacrifice des Gaulois au dieu Mars de tous les êtres vivants pris à la guerre…

D’après Mars vêtu à la gauloise, figurine en bronze, IIe IIIe siècle apjc, Lyon, Gaule romaine ; le dieu gaulois Teutatès ou Toutatis, avec faucille et serpents, relief, Reims, Gaule Romaine ; et un dieu barbu celtique, chaudron de Gundestrup, détail, or et argent, Ier siècle avjc, âge du Fer, Danemark, art celte. (Marsailly/Blogostelle)

Mars, dieu romain de la Guerre, trouve une correspondance avec le Toutatès-Toutatis gaulois, déité tutélaire qui protège le clan, désigné par des noms différents selon les diverses tribus celtiques.

Les sources légendaires irlandaises
Si on regarde du côté de la littérature mythique irlandaise, on rencontre plutôt des divinités féminines pour présider à la guerre, comme la Morrigan, la Bodb. Ces figures divines se manifestent sous la forme de grands corbeaux qui volent au-dessus des champs de batailles…

La déesse irlandaise Brigide ou Brigitte, protectrice des arts et des poètes, pourrait correspondre à la Minerve citée par César… qui transmet les principes des arts et des métiers.

De Jupiter… à Taranis
Le Jupiter des commentaires de César rappelle le Taranis (ou Taranus) gaulois à qui l’on dédie des inscriptions en Gaule. Taranis est le dieu du Tonnerre et, selon Lucain, on lui sacrifie des hommes par le feu, dans une cuve de bois…

Cela rappelle une scène sur le chaudron de Gundestrup, avec un homme plongé dans une cuve… Mais cette image peut aussi évoquer une initiation, un rituel de purification, une sorte de baptême ou encore un rite guerrier ou funéraire…

D’après le chaudron de Gundestrup, divinités celtiques et détail, scène de guerriers, or et argent, Ier siècle avjc, âge du Fer, Danemark, art celte. (Marsailly/Blogostelle)

Un grand personnage plonge un individu dans un haut chaudron : sacrifice, rite d’initiation, ou rituel de passage ?

Des sacrifices humains?
La pratique du sacrifice est mentionnée également par César… Selon les spécialistes et les archéologues, des sacrifices humains ne sont pas exclus à l’époque de l’âge du Fer, mais si cela est le cas, ils sont probablement très rares en réalité. Les romains interdisent cette pratique cultuelle qu’ils associent à tort ou à raison au druidisme…

Les Gaulois s’approprient des divinités romaines
Mercure, Apollon, Minerve, Jupiter… appartiennent à la culture mythologique romaine. Mais des inscriptions précisent que ces dieux romains s’identifient pour les Gaulois à d’anciennes divinités celtiques. Ils sont souvent désignés eux-aussi par leur nom latin auquel s’ajoute une épithète gauloise…

D'après Taranis-Jupiter, bronze, Ier siècle apjc, Haute Marne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Taranis-Jupiter, bronze, Ier siècle apjc, Haute Marne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Taranis et ses attributs, le Foudre (le Feu et l’Orage), la Roue (symbole solaire) et la Corde (puissance magique), dieu du Ciel et du Tonnerre comme Jupiter…

Souvenirs des croyances ancestrales
Grâce aux épithètes que les Gaulois donnent à certaines divinités romaines, ils réactualisent sans doute des significations originelles. Les peuples de la Gaule entretiennent ainsi leurs croyances ancestrales et celtiques… Jupiter s’identifie à Taranis, qui possèdent des attributs spécifiques : massue, corde et roue…

Pour les divinités romaines dépourvues de références traditionnelles pour les gaulois, on les adopte telles qu’elles. Minerve, Diane ou Hercule connaissent un certain succès…

En Gaule, on rencontre des lieux de culte dédiés à Hercule, en particulier auprès des sources sacrées… Comme à Glanum en Provence, dont le nom renvoie au dieu protecteur Glan, ou à Nîmes dans le Gard… Apollon, Minerve, Vénus, Diane, le dieu Pan, Hercule… sont honorés en Gaule.

D’après une gracieuse Vénus, villa de Vieux-la-Romaine, IIe-IIIe siècle apjc, Normandie, un autel consacré à Hercule, Glanum, Provence ; et le dieu Pan, décor en ivoire sculpté d’un canif, Ier avjc-IVe siècle apjc ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les traits brossés du dieu Pan rappellent le style des statuettes traditionnelles gauloises sculptées dans le bois… Voir aussi l’article Cultes et sanctuaires en Gaule Romaine (1)

Hercule et sa légende gauloise
Célèbre dans la mythologie gréco-romaine, Hercule se manifeste en Gaule comme un héros civilisateur et divinisé… On rencontre ce demi-dieu sur bon nombre de piliers sculptés, notamment en Moselle et dans les régions du Rhin…

… Les artistes représentent le plus souvent un personnage d’âge mûr, barbu, armé de sa massue, et qui porte une dépouille de lion… Les Gaulois le nomment parfois Hercule Saxanus ou Saxanus… et des autels lui sont consacrés…

Diverses légendes évoquent le passage d’Hercule en Gaule (héros grec à l’origine, Héraclès, fils de Zeus)… Il s’agit de récits symboliques relatifs à l’installation des peuples Celtes, qui considèrent Hercule comme le père de Celtos, leur ancêtre mythique…

Une autre légende présente Hercule, fils de Jupiter, en fondateur d’Alésia, et en père de Galatès, ancêtre mythique des Gaulois… Lucien de Samosate (auteur grec du IIe siècle apjc) raconte que les Gaulois vénèrent un dieu qu’ils assimilent à Héraclès : Ogmios ou Ogma

D’après une stèle d’Hercule, sanctuaire des sources d’Hercule, IIe siècle apjc, Deneuvre, Meurthe-et-Moselle, Gaule Romaine, France.  ; une statuette d’Hercule en bronze doré, Ier-IVe siècle apjc, époque romaine, Avenches, Suisse ; et Hercule-Ogmios, Pilier des Nautes, Ier siècle apjc, Lutèce, Paris, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Hercule-Ogmios et Smertrios
On peut rapprocher Hercule de Ogmios ou Ogme, dieu celtique qui possède certains attributs en commun : la massue et la peau de lion. Maître de l’éloquence et de l’écriture, le dieu Ogmios est aussi un maître de la magie et de la guerre… Hercule peut aussi se trouver en relation avec le Smertrios Gaulois dont le nom signifie le Pourvoyeur, un dieu destructeur de monstres…

En Gaule Romaine, on honore aussi les dieux grâce à des piliers et des enclos sacrés… À Lutèce, on érige et on sculpte le Pilier des Nautes au tout début du Ier siècle apjc. Ce monument dédicacé à Jupiter consacre un panthéon romain et gaulois… Le dieu d’Euffigneix, celui de Bouray, le Mercure de Lezoux, Cernunnos, les Matres ou la déesse Épona expriment la continuité des croyances gauloises.

Article suivant  Un panthéon gaulois et romain en Gaule (2)

Sommaire Rome antique-Gaule romaine

 Le sommaire du BLOG

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

Commenter ?

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.