Des piliers et des enclos sacrés
À l’époque de la Gaule Romaine, on érige le Pilier des Nautes à Lutèce (Paris), au tout début du Ier siècle apjc, sous le règne de l’empereur romain Tibère (vers 14-17 apjc). Ce monument consacre un panthéon romain et gaulois… D’autres œuvres comme la statuette d’Euffigneix, le dieu de Bouray, le Mercure de Lezoux, Cernunnos, les Matres et la déesse Épona… expriment la continuité des croyances gauloises…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2018 –

Bloc-notes+ Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue, Arles à l’époque de la Gaule romaine…
LE PILIER DES NAUTES À LUTÈCE
Ce monument parisien offert par la corporation des Nautes de Lutèce trône sans doute à l’époque sur une place publique de l’île de la Cité… Le pilier des Nautes porte une dédicace à Jupiter… dieu romain assimilé au dieu gaulois Taranis et parfois à Ésus. À l’origine, le Pilier des Nautes s’élève sur une hauteur d’environ 5 mètres de haut…
On grave une inscription sur le Pilier des Nautes
C’est grâce à des travaux effectués en 1710 apjc que l’on découvre le Pilier des Nautes… On veut à l’époque agrandir le caveau des archevêques sous la cathédrale Notre-Dame de Paris. On découvre alors cinq blocs sculptés dans la pierre et une dédicace gravée sur l’un d’eux. L’inscription indique que ce monument sacré remonte au règne de Tibère, au tout début du Ier siècle apjc…

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
– Époque gallo-romaine, 52 avjc – début du IVe siècle apjc – Conquête de César en 52 avjc (défaite d’Alésia) – La Pax Romana IIe -IIIe siècle apjc – Édit de Milan de l’empereur Constantin en 313 apjc (liberté religieuse et développement du Christianisme) – Fin de l’Antiquité et invasions barbares : fin du IVe siècle apjc et Ve siècle apjc – VIe siècle apjc : les débuts du Haut Moyen Âge…
Les Nautes sont la corporation des marchands de l’eau
La dédicace raconte comment, sous le règne de Tibère César Auguste, les Nautes des Parisii ont élevé à leurs frais ce monument dédié à Jupiter très bon et très grand… Les Nautes forment la corporation des marchands de l’eau.
Probablement installés à Lutèce même, les Nautes exercent alors un droit de contrôle sur les territoires des Parisii. Ils organisent par exemple le transport du bois et des productions de la région…

Des divinités romaines et gauloises
Les sculpteurs ornent le pilier des Nautes de bas-reliefs sur toutes ses faces… On affiche sur ce monument sacré des représentations de divinités romaines et gauloises.
Mercure, Mars, Fortune ou Abondance appartiennent au panthéon romain… comme Jupiter, Mercure, Vulcain et Castor et Pollux, qui semblent trouver des correspondances avec le dieu gaulois Ésus… Sur un autre monument, à Trèves, en Allemagne, Ésus s’identifie à Mercure, le dieu romain le plus honoré par les Gaulois.
D’après Ésus, dieu gaulois à la Serpe ou au maillet, Ier siècle apjc, Pilier des Nautes, Lutèce, Paris, Gaule Romaine ; et Zeus-Jupiter et son foudre, inspiré d’un original grec de Phidias (Ve siècle avjc), bronze romain, Ier-IIe siècle apjc, époque romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Smertrios et sa massue
Parmi les bas-reliefs du Pilier des Nautes, on aperçoit Smertrios, dieu Pourvoyeur associé ici à la Lune. Ce dieu gaulois terrasse un serpent géant armé de sa massue… On rencontre encore Ésus armé d’une serpe, qui coupe la branche d’un arbre auprès de Taruos Trigaranus, le Taureau aux Trois Grues… et bien sûr… on aperçoit le dieu gaulois Cernunnos. Ces divinités relèvent de la tradition celtique… Ésus et le Taureau aux Trois Grues sont semble-t-il associés à la forêt et aux animaux…

Le dieu gaulois Smertrios, tueur du Serpent Géant, sous l’égide de la Lune, Pilier des Nautes…
Dans la mythologie védique, c’est le dieu magicien Varuna (aidé par Indra, dieu guerrier de l’Orage) qui terrasse le monstrueux dragon-serpent primordial et qui libère ainsi les Eaux… Dans le monde des symboles et des mythes, la Lune préside au cycle des Eaux, qui portent en elles les germes de la Vie…
L’image du Taureau tricornu
En Gaule, on rencontre environ une trentaine de représentations du taureau tricornu… En Franche-Comté, mais aussi dans les vallées du Rhône, du Rhin et de la Moselle. La signification sacrée des trois cornes et le motif apposé sur le front de l’animal (qui rappelle la triscèle celtique) renvoient à l’héritage de la période de la Tène…
On rencontre déjà les rouelles, les roues, les spirales et les triscèles à l’époque néolithique… Les trois cornes et la triscèle rappellent là encore la symbolique du chiffre trois : voir aussi l’article Cultes et sanctuaires en Gaule Romaine (1).
D’après le Taureau Tricornu d’Auxonne, Ier siècle apjc, Plassac, Aquitaine ; le Taureau à trois cornes dit Taureau d’Avrigney, statue en métal, Ier siècle apjc, Franche-Comté ; et Cernunnos cornu, détail, Pilier des Nautes, Ier siècle apjc, Lutèce, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Thème sacré gaulois et style romain
La statue en métal, dite du Taureau d’Avrigney, marie un thème sacré gaulois à un traitement réaliste, influencé par les arts et les manières gréco-romaines… Le Taureau sacré ou divin et les cornes sont des archétypes (idées ou images collectives) que l’on rencontre dans différentes contrées du monde dès l’époque néolithique : en Europe, au Proche-Orient, en Égypte ou encore en Inde, où le taureau brahmanique ressemble au zébu…

En Gaule, enclos et pilier forment un petit sanctuaire
On a retrouvé à Paris, Lutèce dans l’antiquité et capitale des Parisii, un autre pilier sculpté en bas-relief sur ses quatre faces… Mercure, Rosmerta, Apollon et un génie ou une divinité ailée cohabitent sur ce monument du Pont -au-Change…
À l’origine, ce pilier supporte peut-être une colonne et une statue ou un groupe statuaire. À partir du IIe siècle apjc, on rencontre souvent ce type de pilier placé au centre d’un enclos sacré, surtout dans les régions de l’Est de la Gaule et en Rhénanie…
D’après le Taureau aux Trois Grues, Ier siècle apjc, Pilier des Nautes, Lutèce, Paris, Gaule Romaine ; un pilier à l’effigie de Taranis qui porte sa Roue, dieu gaulois du Tonnerre, bas-relief, Alsace, France, Gaule Romaine ; et un dieu celtique paré de son torque, enclos rituel, vers 150 avjc, Prague, République tchèque, fin de l’âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
Enclos rituel celtique et restes d’animaux…
Une terre cuite, qui remonte au IIe siècle avjc, représente un dieu celtique dont le style est comparable à celui des divinités gauloises traditionnelles… Le personnage porte le torque, une parure symbolique à l’époque de l’âge du Fer.
Les traits du visage, animés par une belle paire de moustaches, des sourcils épais et des yeux saillants, expriment une certaine rudesse… Ce portrait provient d’un enclos rituel situé près de Prague, en République tchèque. Il reposait au milieu d’ossements d’animaux…
Mercure et Rosmerta, sa compagne gauloise
En Italie antique, Mercure n’a pas de parèdre (épouse ou compagne). En Gaule, en revanche, il est parfois représenté avec sa mère, la déesse latine Maïa. Mais le plus souvent, Mercure est accompagné de la déesse gauloise, Rosmerta. Cette déité Pourvoyeuse incarne aussi la Providence et le pouvoir de guérir…

Sans inscription, il est parfois difficile de savoir si Mercure évolue auprès de Maïa ou de Rosmerta… On représente la compagne gauloise de Mercure à l’image d’une déesse gréco-romaine, enveloppée dans une robe, avec voile et diadème. Mais en Gaule, Rosmerta semble beaucoup plus populaire que Maïa…
Rosmerta porte un caducée
C’est au Ier siècle apjc, que les artistes sculptent le pilier du Pont-au-Change, à Paris, sur ses 4 faces… Mercure, Apollon, une déité ou un génie ailé et Rosmerta forment un quatuor qui marie culture romaine, tradition gauloise et influence orientale (le génie ailé?)… Rosmerta porte un caducée, symbole par excellence du dieu Mercure à qui elle est ainsi étroitement unie…
Sur d’autres images, Rosmerta tient parfois une bourse, un autre des attributs de Mercure. En Gaule, on invoque Rosmerta, Mercure, Sirona et Apollon surtout pour obtenir une bonne santé ou une guérison… Ces déités aux vertus guérisseuses se rattachent souvent aux sanctuaires des sources, dont les Eaux sont sacrées…

Le Bel Apollon…
De son côté, Apollon est représenté de façon assez classique… On lui donne les traits d’un beau jeune homme nu aux cheveux longs… L’arc, à sa droite, et le carquois, dans son dos, sont ses attributs habituels, de même que la lyre, posée près de lui. Il est parfois associé à Sirona, une divinité gauloise des sources…
Apollon et son dauphin
Sur le pilier du Pont-au-Change, Apollon tient un dauphin contre sa poitrine… Les récits mythiques racontent comment Apollon se métamorphose en dauphin pour sauver des marins lors d’un naufrage… Cette référence au dauphin laisse penser que le sculpteur connaît bien la mythologie gréco-romaine, et qu’il dispose peut-être même d’un modèle, même s’il n’a jamais vu de dauphin dans la réalité…
Diane Chasseresse en Gaule
Adoptée sous sa forme romaine par les Gaulois, Diane ne semble pas se trouver en correspondance avec des divinités de la tradition celtique. Mais en Gaule, la Déesse de la Lune et de la Chasse de la mythologie gréco-romaine est honorée surtout pour ses vertus de Chasseresse…, même si les Gaulois héritent d’un calendrier lunaire avant d’adopter le calendrier solaire Julien (imposé à Rome par Jules César en 46 avjc)…
D’après la mosaïque de Lillebonne, La Chasse, et détail, représentation d’une statue de Diane sur un piédestal, IIIe – IVe siècle apjc, Normandie, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
En Gaule, on pratique la chasse à l’appel en attirant le gibier (cervidés) à l’aide d’un cerf apprivoisé…
La forêt, le gibier et les chasseurs…
Sur la mosaïque gallo-romaine de Lillebonne, en Normandie, l’artiste donne à la déesse la forme d’une statue, dont la couleur verte évoque le bronze. Sur son piédestal, Diane porte une tunique courte, son arc, son carquois et ses flèches…
… Un homme pourvu d’une cruche et d’une patère vient solliciter la protection de la divinité, pour que la chasse se déroule sous de bons augures. L’ensemble de la composition nous raconte la forêt, le gibier et les chasseurs… à l’époque de la Gaule Romaine…
LA STATUETTE D’EUFFIGNEIX, UN SYMBOLE DE LA TRADITION GAULOISE
Divinités chasseresses, dieux des forêts, esprits divins des eaux et des sources…, l’héritage spirituel gaulois et celtique se rapporte essentiellement à la nature. La figure d’Euffigneix, Cernunnos ou encore le dieu de Bouray incarnent la continuité des pratiques cultuelles gauloises, héritées de l’âge du Fer…

Dans la tradition gauloise et celtique, le sanglier symbolise le dieu suprême Lug. Il évoque aussi le cochon sauvage, nourriture sacrée des banquets celtes… Il est possible que la statuette d’Euffigneix représente une divinité ou bien consacre un culte des ancêtres…
La figure d’Euffigneix et le sanglier de Lug
Les divinités gauloises semblent réactualiser certaines déités celtiques… Sur une sculpture en pierre calcaire, retrouvée à Euffigneix, en Haute-Marne, la figure porte un torque, attribut héroïque et divin, et des cheveux longs attachés à l’arrière, deux détails typiquement gaulois…
Le personnage est clairement associé au sanglier, un animal sacré dans la tradition des druides et un symbole de souveraineté associé au dieu Lug… La figure d’Euffigneix arbore encore un troisième œil sur le côté, un signe magique ou prophylactique (qui protège). Ce signe peut aussi évoquer sa puissance divine et clairvoyante… Mais il pourrait s’agir aussi de l’œil d’un animal…
De l’autre côté, un motif endommagé pourrait représenter une oreille… Peut-être le symbole d’une divinité qui Voit tout et Entend tout… L’artiste travaille son personnage en fort relief et lui dessine des grands yeux en amande. Le rendu du sanglier, à la fois stylisé et expressif, rappelle l’esthétique celtique de l’époque de La Tène.

La silhouette générale de la statuette d’Euffigneix rappelle la forme d’un tronc d’arbre… Et certains détails techniques et stylistiques montrent que l’artiste transpose sans doute dans la pierre les procédés traditionnels de la sculpture et de la gravure sur bois, avec des traits vigoureux et brossés dans la matière pour exprimer l’essentiel…
Le colossal Mercure de Lezoux
En Gaule romaine, les artistes réalisent de nombreuses statuettes et figurine des dieux… et se lancent parfois dans des sculptures colossales, comme pour le célèbre Mercure de Lezoux du Puy-de-Dôme. Cette statue de culte, qui mesure 1,50 mètre de haut, s’impose par sa grande taille et porte des inscriptions en latin et en gaulois.
Sur le cartouche, on peut lire MERCVRIO ET AVGUSVO SACRVM en latin et dans le dos, A…IE…ESO… en langue gauloise. Une troisième inscription se cacherait dit-on dans l’un des plis de sa grande pèlerine à capuchon… Mercure porte une bourse pleine, revêtu de son long manteau de laine typiquement gaulois. Son bonnet particulier fait office de pétase…
L’attitude du dieu des voyageurs et des carrefours évoque ici celle d’un pèlerin gaulois. En outre, l’habileté et les nombreuses qualités du Mercure romain rappellent peut-être aux Gaulois l’ancien dieu suprême celtique, qualifié de polytechnicien et de dieu-druide…

Le dieu gaulois de Bouray
Le dieu dit de Bouray porte le nom du site d’où il provient, découvert dans la rivière La Juine dans l’Essonne. L’artiste façonne une statue en tôle de bronze de 42 centimètres de haut. Comme les autres dieux gaulois, il est paré lui aussi du torque celtique, un bijou hérité de l’âge du Fer…
L’œil qui subsiste est en verre bleu et blanc, un procédé qui rappelle les yeux en émail du dieu guerrier de Saint-Maur, lui aussi en bronze chaudronné et dont les traits sont comparables (voir l’article : Cultes et sanctuaires en Gaule Romaine (1) ). L’artiste crée la tête du dieu de Bouray avec deux coques de bronze, avant de la souder au torse du personnage. Pour le corps, il utilise deux parties en laiton qu’il met en forme par martelage.
L’artiste représente le dieu de Bouray assis dans la position du lotus (le dieu gaulois Cernunnos est assis en tailleur)… Le motif des pattes et des sabots de cervidé qui forme ses jambes sont là encore des éléments culturels et stylistiques gaulois, qui rappellent l’iconographie celtique.
Le travail de chaudronnerie et du bronze est une spécialité et une constante de l’art traditionnel celte. C’est un art inconnu dans le monde romain qui cultive surtout l’art de la pierre…

Cernunnos et l’ancestral trio celtique
Certains dieux gaulois rencontrent leurs équivalents romains, d’autres continuent d’être honorés sous leurs noms gaulois faute de répondants romains… Euffigneix ou le dieu de Bouray renvoient à des divinités gauloises dont les noms se sont perdus… Par contre, certains dieux gaulois sont mentionnés par les auteurs latins ou cités dans des inscriptions gallo-romaines.
C’est le cas de Cernunnos, d’Ésus ou d’Épona… Sur un relief gallo-romain, le dieu gaulois Cernunnos apparaît entouré d’Apollon et de Mercure, deux divinités romaines adoptées par les gaulois…
Ce trio rappelle l’ancestrale trinité celtique formée par les trois grands dieux Dagda, Lug et Ogme. Dagda, dieu-druide, roi et guerrier victorieux ; Lug, le Lumineux, divinité suprême et détenteur de toutes les connaissances ; et Ogme, dieu de la Guerre, de la Magie et de l’Écriture… Et Cernunnos est parfois représenté tricéphale (à trois têtes)…
D’après le dieu gaulois Cernunnos, entre Apollon (à gauche) et Mercure (à droite), relief en pierre, IIe siècle apjc, Reims ; et Cernunnos cornu sur un bloc du Pilier des Nautes, début du Ier siècle apjc, Lutèce, Paris, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Comme toutes les divinités gauloises, Cernunnos porte un torque autour de son cou… et parfois sur ses cornes… Le torque celtique symbolise une puissance divine, une force magique ou héroïque.
Assis en tailleur, un cerf et un taureau à ses pieds, Cernunnos s’associe aussi au serpent à tête de bélier. Il est coiffé de cornes et porte un torque… Tous ces éléments relèvent de l’iconographie et de l’esprit celtiques… Cernunnos rappelle le dieu aux bois de cerf du chaudron de Gundestrup… et incarne la divinité gauloise par excellence…
L’IMPORTANCE DES DÉESSES MÈRES
Les artistes de la Gaule Romaine créent aussi une multitude de représentations en pierre, en terre cuite, en bronze ou en bois des déesses mères et nourricières…

Les Mères ou Matres groupées par trois
Les Mères ou Matres groupées par trois sont des Matrona qui rappellent les Parques. On les nomment aussi par le pluriel Iunones, soit les Junons… Il n’est pas rare en Gaule romaine de démultiplier les dieux en utilisant le pluriel…
On invoque ainsi Lugus, mais aussi Lugoues (Lugus au pluriel). On retrouve ce thème dans la mythologie irlandaise quand les déesses évoluent par trois ou prennent une triple forme, comme la Morrigan.
D’après les Matres, groupe sculpté, avec nourrisson, patère et corne d’abondance, Lyon ; et la Déesse Mère de Saint-Aubin-sur Mer, Normandie, Ier avjc-IVe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Les Matres de Vertault
En Gaule Romaine, on rencontre beaucoup de triades divines féminines… Le groupe sculpté en calcaire de Vertault, en Bourgogne, présente trois figures de femmes, la poitrine à demi nues, assises sur un trône… L’une d’elles porte un nourrisson sur ses genoux, les deux autres un linge, une éponge et une cuvette. Ces attributs évoquent le moment de la naissance et les soins prodigués au nouveau-né…
Mais cette triade possède aussi peut-être une portée symbolique plus vaste… Le linge peut évoquer un parchemin déroulé et la cuvette une patère à libations (offrandes aux dieux, notamment de boissons). Le Parchemin, la patère (coupe sacrée) et parfois la balance renvoient à l’iconographie des Moires (grecques) ou des Parques (latines) qui président à la destinée…
D’après les Matres de Vertault, groupe sculpté, Bourgogne ; et un trio de déesses-mères dans une coquille, Lyon ; Ier-IVe siècle apjc, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Abondance et prospérité à la maison
D’autres reliefs sculptés représentent en Gaule trois figures féminines. Sur l’un d’eux, les trois femmes portent des fruits dans leur giron… Une inscription précise qu’il s’agit des Matres. Ces déesses-mères sont honorées dans le laraire de la maisonnée pour veiller à la fécondité, à l’abondance et à la prospérité de la famille…
… On connaît aussi un trio de déesses-mères dans une coquille Saint-Jacques. L’une tient un nourrisson dans les bras, les deux autres une patère et une corne d’abondance… Le symbolisme du coquillage et de la Mer renvoie à la matrice, à la fécondité maternelle, aux déesses-mères…
LA DÉESSE ÉPONA CARACOLE SUR SA JUMENT
Épona figure parmi les divinités gauloises qui ne sont jamais rattachées à une divinité romaine… Très populaire, on la rencontre dans toutes les contrées de la Gaule…
Le cheval, un animal sacré chez les Gaulois
Épona possède des attributs variés : corne d’abondance, patère, fouet, cravache, clé, corbeille de fruits… Le sens du nom d’Épona se rattache au cheval… Épo, cheval en gaulois (Equus en latin), donne son sens au nom de la déesse, que les artistes représentent le plus souvent assise en amazone sur sa jument… La déesse Épona se rattache donc à la symbolique du cheval, un animal sacré pour les Gaulois…

Épona est honorée par les guerriers et cavaliers gaulois. Adoptée par les soldats romains, le culte d’Épona s’introduit ensuite jusqu’en Italie. Elle protège les cavaliers et l’ensemble des activités et des métiers qui se rapportent au cheval, comme les voyageurs, les chevaux, les écuries, les palefreniers… Déjà à l’époque de l’âge de Fer, il existe des sépultures de cavaliers gaulois inhumés avec leurs chevaux…
Épona, nourricière et protectrice…
Mais l’image de la jument d’Épona, parfois accompagnée de son poulain, donne aussi à Épona la dimension d’une déesse nourricière et protectrice… Symbole de fécondité, de prospérité et d’abondance.
On retrouve donc Épona dans les maisons sur les autels domestiques… Mais comme d’autres divinités gauloises retrouvées parfois dans des tombes, il est possible que la déesse Épona joue aussi un rôle funéraire… quand elle accompagne les défunts dans leur dernière demeure, et peut-être aussi vers l’au-delà…
D’après la déesse Épona, la main sur le visage, Metz ; une stèle dédiée à Épona qui brandit la corne d’abondance, Grand, Vosges ; et la déesse Épona de Thizy et son plateau de fruits, Bourgogne ; Gaule Romaine, Ier avjc-IIIe siècle apjc, France (Marsailly/Blogostelle)
Épona en terre cuite, en pierre, en bronze…
Selon certaines hypothèses, le culte d’Épona aurait émergé dans les Balkans et serait parvenu jusqu’en Gaule via les régions du Danube… Les artistes façonnent de nombreuses représentations d’Épona… en terre cuite, en pierre, en bronze.
On rattache cette déesse à une iconographie variée : la déesse et sa jument allaitant son poulain, écuyère assise en amazone, cavalière à califourchon, Épona allongée ou, plus rarement, debout près de la jument…
Épona au-delà de la Gaule…
Épona est particulièrement honorée dans la vallée de la Moselle, dans la vallée du Rhin et en Bourgogne. La jument de la déesse gauloise pose parfois un sabot sur un rocher. S’il existe de nombreuses variantes selon les régions de la Gaule, on rencontre aussi Épona en Italie, en Bulgarie et jusqu’en Afrique du Nord… Quelques fois, la déesse distribue de quoi se régaler à ses chevaux…
D’après quelques reliefs de la déesse Épona à l’époque Romaine : en Autriche ; à Kapersburg, en Allemagne et au Luxembourg, vers IIe-IIIe siècle apjc. (Marsailly/Blogostelle)
En Gaule Romaine, la piété populaire comme les réflexions les plus savantes nourrissent la vie culturelle… Des milliers d’ex-votos sont déposés par les pèlerins dans les sanctuaires des sources et les Gaulois honorent leurs divinités préférées à la maison… On réalise aussi des chefs-d’œuvre pour représenter le Ciel…
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