Gaule Romaine. Le panthéon gallo-romain se distingue par sa mixité culturelle et mythologique

D'après le panthéon gaulois en Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Cernunnos et un Mercure gaulois

Qui sont les dieux gaulois?… Leurs cultes sont connus grâce à des auteurs latins, à des monuments, à des sculptures et à des inscriptions d’époque romaine. En Gaule, l’interdiction du druidisme par Rome provoque la disparition des collèges de druides. Cependant, à côté du culte officiel impérial, l’héritage spirituel celtique et la tradition gauloise perdurent et se marient aux apports romains. Les dieux Cernunnos, Toutatis, Taranis, Jupiter, Mercure et Rosmerta, Apollon et Vénus sont populaires chez les Gaulois…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024 –

D'après la déesse Rosmerta, parèdre gauloise de Mercure, IIe -IIIe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Rosmerta, parèdre gauloise de Mercure, IIe -IIIe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : conquête romaine de la Gaule par César. IIe-IIIe siècle : La Pax Romana – Fin IIIe siècle : premières incursions barbares – IVe siècle : fin de l’Antiquité – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine

MIXITÉ DES DIVINITÉS EN GAULE ROMAINE

En Gaule Romaine, auprès de Cernunnos, Taranis et Toutatis, certains dieux romains deviennent très populaires, comme Mercure, Apollon, Vénus et Jupiter. Les Gaulois honorent particulièrement Cernunnos et Mercure, dieu romain dotés d’attributs gaulois pour se l’approprier…

Le dieu gaulois Cernunnos

Ramure de cerf et serpent-bélier pour Cernunnos

À la fin du Ier siècle avjc et au cours du Ier siècle, les statuettes des dieux se multiplient en Gaule Romaine, en pierre et en bronze, en ronde bosse ou sur des reliefs sculptés…

Parmi ces représentations, on rencontre des dieux gaulois qui ne sont pas assimilés à des dieux romains. C’est le cas des divinités du pilier des Nautes (voir article suivant), dont le nom est inscrit au-dessus de leur image.

D'après le dieu celte cornu du chaudron de Gundestrup, Ier siècle avjc, âge du Fer ; et  le Cernunnos gaulois entre Apollon et Mercure, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu celte cornu du chaudron de Gundestrup, Ier siècle avjc, âge du Fer ; et  le Cernunnos gaulois entre Apollon et Mercure, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)(Marsailly/Blogostelle)

Parmi les dieux gaulois les plus fréquemment représentés, on rencontre Cernunnos. Les artistes présentent ce dieu cornu de la fertilité et de l’abondance assis en tailleur dans une posture rituelle, paré d’un torque.

Cernunnos est parfois associé au serpent à tête de bélier, un symbole chthonien (souterrain), coiffé de cornes ou une ramure de cerf. Sur certaines représentations, Cernunnos possède 3 visages, ce qui évoque différentes facettes de sa puissance divine et ses multiples pouvoirs.

Voir aussi l’article Dans les sanctuaires gallo-romains, divinités gauloises et dieux romains cohabitent

D’après l’iconographie celtique du Casque d’Agris et ses serpents à tête de bélier (sur le protège joue), fer, bronze, or et corail, IVe siècle avjc, La Tène (deuxième âge du Fer), Charente, France ; torque en bronze, nécropole gauloise, Troyes, La Tène, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)

Les attributs particuliers à Cernunnos relèvent de la tradition gauloise et celtique. Le serpent comme le cerf évoquent une symbolique de la fertilité. Il semble que le torque, emblème de pouvoir, renvoie à la divinité ou à une force héroïque ou magique.

D'après le motif des serpents à tête de bélier, Casque d'Agris, fer, bronze, or et corail, IVe siècle avjc, La Tène, Charente, France. Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le motif des serpents à tête de bélier, Casque d’Agris, fer, bronze, or et corail, IVe siècle avjc, La Tène, Charente, France. Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème du Maître des animaux

Le motif des cornes ou de la ramure de cerf renvoie à l’iconographie du chaudron de Gundestrup, qui remonte à l’âge du Fer… On rencontre le thème du personnage mythique ou sacré associé à des animaux en Inde ancienne, dans l’Orient antique où l’on parle de Maître des Animaux, et dans l’univers celtique…

Il s’agit peut-être d’un lointain héritage de la préhistoire, quand être humain et animaux et chasseur et gibier expriment dans les images paléolithiques une forme d’union mystique ou de relation sacrée…

Voir l’article La préhistoire : l’univers spirituel des chasseurs-cueilleurs

D'après des ex-votos, sanctuaire de la forêt d'Halatte, Picardie, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des ex-votos, sanctuaire de la forêt d’Halatte, Picardie, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Déités forestières gauloises

Cultes gaulois locaux

Beaucoup de cultes gaulois locaux sont reliés à des éléments de la Nature et le thème du cerf nous rappelle l’univers de la forêt. Les Gaulois vénèrent des déités forestières.

Ces divinités sont représentées en habits gaulois, avec manteau à capuchon, torque, cornes et parfois une coiffe qui ressemble au pétase de Mercure. Il semble que ces divinités s’identifient pour les Gaulois au Mercure qu’ils ont adopté. Il existe aussi des déesses gauloises associées à la forêt et à l’abondance…

D'après une déesse cornue avec vase ou fruit d'abondance, statuette, bronze, Clermont-Ferrand, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une déesse cornue avec vase ou fruit d’abondance, statuette, bronze, Clermont-Ferrand, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sucellus, dieu forestier et nourricier

Sucellus, le dieu au maillet, se manifeste comme le gardien des forêts, une déité qui préside à l’abondance de la nourriture (bois, gibier, agriculture, récolte, vin…). Typiquement gaulois, ce personnage d’âge mûr, chevelu et barbu est accompagné d’un chien.

Sucellus, porte un vase cultuel, peut-être un vase à libation (offrande au dieu sous forme de boisson, vin, lait, huile…) Contrairement aux dieux ou aux héros romains imberbes, les dieux gaulois sont présentés le plus souvent chevelus et barbus…

Le dieu Sucellus de la fertilité est aussi Dispater… ces pouvoirs s’étendent ainsi au royaume souterrain des Enfers et au cycle mort et renaissance, dont le terreau symbolique se rapporte au cycle végétal…

D’après le dieu gaulois Sucellus, Pilier des Nautes, Ier siècle, Lutèce (Paris) ; et Sucellus, chien et tonneau, IIe-IIIe siècle, Bourgogne ;  France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sucellus, dieu frappeur et psychopompe

Le chien est un animal psychopompe (qui guide les morts). Sucellus est aussi le passeur qui conduit les défunts dans l’Au-delà, comme pour Mercure à qui il est parfois assimilé.

Ce dieu bon frappeur est aussi comparé à Jupiter dans les commentaires de César, qui présente Sucellus comme le Père de la nation gauloise. On le représente à l’occasion sous les traits du maître de l’Olympe. La puissance de frappe du maillet trouve une correspondance avec celle du Foudre de Jupiter…

D'après Sucellus avec amphore et maillet, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Sucellus avec amphore et maillet, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sucellus présente un vase qui évoque les libations rituelles, mais aussi une nourriture abondante, comme aussi l’amphore ou le tonneau parfois déposés près de lui. Ces détails iconographiques rappellent le thème du chaudron magique ou divin, toujours plein… On attribue aussi à Sucellus une parèdre, déesse de la fécondité liée aux rivières…

La tradition gauloise ne possède pas d’écrits

Si les arts se développent dans les provinces romaines sous l’égide de Rome, en Gaule, les artistes expriment une continuité des thèmes sacrés gaulois. Les interprétations artistiques prolongent souvent l’esprit et le style celtique…

D'après Silvanus-Sucellus, dieu forestier, statue grandeur nature, grès, Ier-IIIe siècle, Isère, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Silvanus-Sucellus, dieu forestier, statue grandeur nature, grès, Ier-IIIe siècle, Isère, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des sources indirectes

Les Gaulois, en devenant gallo-romains, n’abandonnent pas leurs traditions propres, même si le mode de vie et les arts s’enrichissent des modèles romains…

Faute d’écriture, proscrite dans le druidisme où seule la parole vivante peut transmettre les choses sacrées, les communautés celtiques de l’Ouest et du Nord de l’Europe ne possèdent pas de textes qui témoignent de leur tradition ancestrale…

Voir aussi les articles L’univers spirituel des Celtes et des Gaulois et Le monde mythique des celtes : les Eaux, la forêt, la nature, le surnaturel…

Contrairement aux mythologies mésopotamienne, égyptienne et grecque, nous connaissons les thèmes mythiques des Celtes, des Germains, des Baltes ou des Slaves uniquement de manière indirecte, via des auteurs grecs et latins et leur vision des choses…

D’après le Sucellus Gaulois sous les traits de Jupiter ; et Sucellus, sculpture en pierre, sanctuaire près de Lyon, Lugdunum, capitale des Gaules ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Culte impérial et divinités romaines

Disparition du druidisme

La vie spirituelle et religieuse des Gaulois se transforme au contact de la culture romaine… À Rome, on soupçonne les druides, très influents sur les populations, d’encourager les Gaulois à la résistance ou à la rébellion. Claude, qui règne sur l’empire romain entre 41 et 54 apjc, interdit le druidisme…

Voir aussi les articles En Gaule celtique, les druides sont les spécialistes du sacré et du savoir et Une tradition druidique orale et poétique en Gaule celtique

Né à Lugdunum, capitale des Trois Gaule, Claude est le seul empereur né hors d’Italie. Il est célèbre pour son plaidoyer en faveur des élites gauloises à qui il veut octroyer la citoyenneté romaine. Son discours est retranscrit sur des tables de bronze dite Tables de Claude. La vie culturelle des Gaulois évolue…

Un culte officiel romain en Gaule

Dans les grandes cités, pour honorer l’empereur et sa famille, on se rend au temple dédié au culte impérial, situé au cœur ou à proximité du forum. Mais il existe aussi à l’intérieur ou à la lisière des villes des sanctuaires consacrés aux traditions gauloises, les fana (singulier fanum)…

D'après une statue de Jupiter, Ier siècle, bronze coulé à la cire perdue, patine verte, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue de Jupiter, Ier siècle, bronze coulé à la cire perdue, patine verte, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des enclos et des monuments sacrés

On rencontre en Gaule des enclos et des monuments sacrés, comme le pilier des Nautes ou le pilier du Pont-au-Change (à Lutèce, Paris) qui réunissent divinités gauloises traditionnelles et dieux romains (voir article suivant).

On vénère aussi l’empereur, garant de la paix et figure symbolique que l’on se doit d’honorer. Des temples, des inscriptions et des dédicaces sont dédiés en Gaule au culte impérial et à Jupiter, souverain du panthéon romain…

D'après Jupiter et son foudre, statuette en argent, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Jupiter et son foudre, statuette en argent, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Jupiter, dieu olympien du Ciel

Jupiter-Taranis, dieux souverains du Tonnerre

Si les Gaulois restent fidèles à leur héritage spirituel et cultuel, ils semblent s’adapter en même temps à la pratique de nouvelles formes de cultes. Les artistes représentent Mercure, Apollon, Minerve, Vénus et bien sûr Jupiter armé de son Foudre, dieu du Ciel, et souverain de l’Olympe dans la mythologie gréco-romaine…

Jupiter possède une puissance et des attributs comparables à ceux du Taranis gaulois, dieu du Tonnerre…

D'après Jupiter et son foudre, bronze, IIe siècle, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Jupiter et son foudre, bronze, IIe siècle, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Quelques traces de la mythologie celtique et gauloise

Les témoignages des auteurs grecs et latins

Des Historiens de l’antiquité comme Hérodote (Ve siècle avjc), Tite-Live (IIe siècle avjc- début Ier siècle) ou Tacite (Ier-IIe siècle ), des chefs militaires comme Jules César (100 avjc – 44 avjc), des géographes et naturalistes comme Pline l’Ancien (Ier siècle ) et d’autres auteurs grecs et latins, sont nos principaux informateurs sur les Celtes et les Germains.

Celtes et Germains sont des peuples qualifiés de barbares, c’est-à-dire ne parlant ni grec ni latin. Mais ces précieux témoignages reflètent toutefois les points de vue de leurs auteurs et ne sont donc pas forcément tout à fait objectifs…

D'après Mercure, avec bourse et pétase ailé, figurine en bronze, Gaule Romaine, Vaison-la-Romaine, Vaucluse, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mercure, avec bourse et pétase ailé, figurine en bronze, Gaule Romaine, Vaison-la-Romaine, Vaucluse, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des récits médiévaux…

En dehors des trouvailles archéologiques et de l’épigraphie (des textes de dédicace adressés à un dieu), d’autres sources nous fournissent quelques informations : les traces de la mythologie celtique dans les récits légendaires irlandais et gallois de l’époque médiévale. Mais là encore, les choses ont pu être déformées après la christianisation de ces contrées…

Mercure et Rosmerta, Apollon et Sirona

Apollon et Mercure dans les temples gaulois

On rencontre des fana, temples gaulois, à Autun en Bourgogne, autour du temple dit de Janus, au Mans, dans les Pays de la Loire ou encore à Saintes ou à Barzan en Charente Maritime… À côté des déités gauloises traditionnelles, les sanctuaires gaulois abritent aussi les cultes à Apollon et à Mercure, deux divinités romaines très populaires chez les Gaulois…

D'après Mercure et Rosmerta vêtus à la gauloise, stèle sculptée, début IVe siècle, Bas-Rhin, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mercure et Rosmerta vêtus à la gauloise, stèle sculptée, début IVe siècle, Bas-Rhin, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Rosmerta et Mercure

De son côté, la déesse gauloise Rosmerta est souvent associée à Mercure, un couple en relation avec les sciences médicinales, et sans doute aussi avec des connaissances traditionnelles.

Certaines qualités de Mercure, notamment sa science en matière de médecine, son grand savoir et son habileté légendaire, rappellent peut-être aux Gaulois les compétences des dieux celtiques Lug et Dagda, qualifiés de dieux polytechniciens et savants…

Voir aussi les articles  Le monde mythique des celtes : les Eaux, la forêt, la nature, le surnaturel… et Les dieux celtiques de l’Autre Monde et leurs attributs…

D'après la déesse Abondance, argent, trésor de Vaise, Lyon, Ier avjc-IVe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Abondance, argent, trésor de Vaise, Lyon, Ier avjc-IVe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Corbeille de fruits et corne d’abondance

Rosmerta, dont le nom gaulois signifie La Grande Pourvoyeuse, se manifeste comme une déesse de la prospérité et de la fécondité. Son iconographie et ses attributs la relient à Maïa, mère de Mercure, à la divinité Félicité porteuse de la corne d’abondance et du caducée et à la déesse Abondance.

Abondance porte patère (coupe rituelle), corbeille de fruits et corne d’abondance. Les artistes représentent Abondance à l’image d’une déesse romaine, drapée dans une longue robe qui laisse deviner les formes de son corps de déesse…

D'après Sirona et Apollon, bronze et argent, IIe siècle, Dijon, Bourgogne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Sirona et Apollon, bronze et argent, IIe siècle, Dijon, Bourgogne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sirona, déesse gauloise des sources et Apollon

En Gaule Romaine, certaines divinités forment des couples divins. On aperçoit souvent sur ces groupes le serpent et la corne d’abondance, des attributs qui se rapportent à la nourriture, à la fertilité et à la médecine…

Ainsi, Sirona, déesse gauloise des sources, de la santé et de la prospérité se retrouve au côté d’Apollon, honoré par les Gaulois surtout pour ses pouvoirs guérisseurs.

Des dédicaces à Apollon

Apollon, protecteur des Arts et dieu de la Beauté à Rome, se manifeste comme une divinité solaire. En Gaule, on l’identifie parfois à Borvo, dieu gaulois des sources et guérisseur, et on lui dédie des inscriptions…

D'après Sirona et Apollon, bronze, IIe-IIIe siècle, Mâlain, Bourgogne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Sirona et Apollon, bronze, IIe-IIIe siècle, Mâlain, Bourgogne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un groupe en bronze figure Apollon en dieu guérisseur accompagné de Thirona, ou Sirona, divinité gauloise de la santé, des sources et des fontaines. Le socle porte une inscription consacrée à Apollon.

D’autres représentations montrent Apollon arborant une longue chevelure et une lyre, un instrument de musique inventé et offert par Mercure au dieu des Arts en échange du pouvoir de divination.

En Picardie, les archéologues ont retrouvé au fond de deux puits des ex-voto en bois sculpté et une dédicace à Apollon gravée sur un mortier en céramique.

D'après une dédicace à Apollon, céramique, fanum, temple gaulois, Picardie, IIe-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une dédicace à Apollon, céramique, fanum, temple gaulois, Picardie, IIe-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Ces objets votifs remontent aux IIe et IIIe siècles et proviennent d’un fanum, sanctuaire gaulois de l’époque romaine, situé non loin de là. La dédicace gravée sur le mortier précise : “Au dieu Apollon, Vatumarus, Iunianus, fils de Lunus a fait l’offrande à ses frais”…

DE NOMBREUSES IMAGES DE MERCURE

Les romains appréhendent les dieux étrangers rencontrés au cours de leurs conquêtes à la mesure des divinités de leur propre panthéon. En Gaule, on a coutume d’employer de doubles dénominations sur les dédicaces, avec nom latin et nom gaulois. Selon César, les représentations de Mercure sont les plus nombreuses…

D'après Mercure et sa bourse, pétase et sandales ailées, statuette, bronze, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mercure et sa bourse, pétase et sandales ailées, statuette, bronze, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

« En tête des dieux, ils honorent Mercure »

En Gaule, le dieu Mercure chaussé de sandales ailées est parfois représenté vêtu à la gauloise, avec cape et chapeau gaulois à la place du pétase. Après la conquête romaine, les Gaulois assimilent plusieurs de leurs divinités à des dieux du panthéon romain.

La description de César dans ses commentaires illustre ce phénomène… Ainsi Apollo Grannus, dieu rattaché à une source et guérisseur ou Mars Caturix, dieu guerrier qualifié de roi des combats sont dotés d’un double nom, sorte de surnom épithète…

D'après le dieu Mercure et son caducée, autel votif, dédicace Publius Geminus, Bordeaux, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Mercure et son caducée, autel votif, dédicace Publius Geminus, Bordeaux, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

« En tête des dieux, ils honorent Mercure; ses représentations sont les plus nombreuses ; ils le tiennent pour l’inventeur de tous les arts, le chef des routes et des voyages, le grand maître des gains et du commerce. »

« Puis Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. Ils pensent de ceux-ci à peu près la même chose que les autres peuples : Apollon chasse les maladies, Minerve transmet les principes des arts et des métiers, Jupiter règne sur les cieux, Mars préside aux guerres… » (César, La Guerre des Gaules)

Statues, figurines, stèles dédicacées et objets d’art…, les effigies de Mercure, interprétées à la gauloise ou à la romaine, sont pléthore en Gaule Romaine…

D’après une statue de Mercure, marbre, style romain, IIIe siècle, Auxerre, Bourgogne ; et Mercure représenté en éphèbe (jeune homme), bronze ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Multiples figurines de Mercure

En Gaule, de nombreuses figurines de Mercure en bronze témoignent de la popularité de ce dieu romain auprès des Gaulois. Les artistes le représentent à la romaine, nu et imberbe, avec son caducée et coiffé de son pétase ailé.

Parfois, bronziers et sculpteurs présentent un Mercure barbu et vêtu à la gauloise. Ou encore, ce dieu habile et inventeur est accompagné de sa parèdre gauloise, Rosmerta, le rattachant ainsi à la santé et à la médecine.

Outre sa coiffe et ses sandales ailées, Mercure possède aussi une bourse et deux emblèmes, le coq et le bouc ou le bélier…

D'après Mercure au caducée et serpents, bronze, Ier siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mercure au caducée et serpents, bronze, Ier siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

De Lug à Mercure, dieux habiles et savants

Grâce aux récits mythologiques irlandais, on peut tenter de retrouver le nom des principaux dieux cités par César. Ainsi le dieu Mercure, « inventeur de tous les arts », s’identifie sans doute à Lug Sam-il-danach, Lugus le polytechnicien. On retrouve le vocable « Lug » dans le nom de nombreux lieux, comme Lyon-Lugdunum, capitale des Gaules, Loudun, Leyde…

Divinité suprême du panthéon celtique gaulois, Lug cumule à lui seul tous les savoir-faire. Lug préside encore à la communauté des peuples de la déesse Dana (la Tribu de Dana) dans les récits de La bataille de Moyturra.

Voir aussi l’article Les dieux celtiques de l’Autre Monde et leurs attributs…

D’après le dieu Mercure en toge, avec caducée et bourse, IIe siècle ; Mercure coiffé du pétase, avec bourse et caducée ; et Mercure représenté en éphèbe, statue votive ; bronze, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Apollon guérisseur aux multiples noms

L’Apollon guérisseur cité par César porte lui aussi différents noms en Gaule. On le nomme parfois Belenus, Grannus, Borvo ou encore Bormo ou Boruo (d’où Bourbonne, Bourbon). Boruo évoquerait le bouillonnement de la source thermale.

Possibles réminiscences celtiques

La multiplicité des noms qui se rattache à Apollon s’explique peut-être par le souvenir de diverses divinités originelles celtiques et gauloises. Des déités associées à des lieux sacrés naturels, forêts, rivières et sources, et à différentes sortes de pouvoirs surnaturels ou divins.

D’après  Mars-Mercure-Apollon dit dieu de Coligny, statue en bronze, fin Ier siècle, Lyon ; Apollon, IIe siècle, statue, pierre, Vienne, Isère ; France ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Mars – Toutatis

Selon César, le dieu de la Guerre, Mars, bénéficie d’un très grand nombre d’épithètes gaulois qui évoquent son pouvoir divin et ses nombreuses qualités. Cela laisse imaginer comment chaque tribu gauloise cherche à s’approprier le dieu de la Guerre, à le différencier en lui donnant un nom pour ainsi en faire son dieu tutélaire…

D'après le dieu Mars, figurine en bronze, IIe-IIIe siècle, Lyon, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Mars, figurine en bronze, IIe-IIIe siècle, Lyon, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un dieu guerrier protecteur de la tribu

Mars, dieu romain de la Guerre, trouve une correspondance avec le Teutatès -Toutatis gaulois, déité tutélaire qui protège le clan et désigné par des épithètes gaulois différents selon les tribus.

Les artistes représentent en Gaule un Mars à l’image du dieu romain de la Guerre, armé, casqué et cuirassé. Ses différentes effigies assimilent Mars à des dieux guerriers tribaux et à Toutatis, le Teutatès assoiffé de sacrifices humains selon le poète latin Lucain (Ier siècle).

D’après le dieu gaulois Teutatès, avec faucille et serpents, relief votif, Reims ; un dieu celtique barbu, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Des sacrifices humains?

Teutatès (Toutatis) est une épithète que l’on peut traduire par le dieu de la tribu. Et selon César, les Gaulois sacrifient au dieu Mars  » tous les êtres vivants pris à la guerre »…

Selon les spécialistes et les archéologues, des sacrifices humains ne sont pas exclus à l’époque de l’âge du Fer, mais si cela est le cas, ils sont probablement très rares en réalité. Les romains interdisent cette pratique cultuelle qu’ils associent à tort ou à raison au druidisme…

D'après une scène du chaudron de Gundestrup, un individu plongé dans une cuve, cavaliers et guerriers, métal, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une scène du chaudron de Gundestrup, un individu plongé dans une cuve, cavaliers et guerriers, métal, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Sur le chaudron de Gundestrup qui représente des déités celtiques, une scène montre un grand personnage plongeant un individu dans un haut chaudron : image d’un sacrifice ? rite d’initiation ou rituel de passage ? Ou encore rituel de purification, sorte de baptême ou un rite guerrier ou funéraire, le mystère demeure…

Voir aussi l’article Âge du Fer, objets d’art et sanctuaires celtes

Jupiter -Taranis

Taranis, dieu du Tonnerre

Le Jupiter des commentaires de César rappelle le Taranis (ou Taranus) gaulois à qui l’on dédie des inscriptions en Gaule. Taranis est le dieu du Tonnerre et, selon Lucain, on lui sacrifie des hommes par le feu, dans une cuve de bois…

Les attributs de Taranis, dieu du Ciel et du Tonnerre comme Jupiter, sont le foudre spiralé (le Feu et l’Orage), la roue (symbole solaire) et la corde (puissance magique)

D'après Taranis-Jupiter, bronze, Ier siècle apjc, Haute Marne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Taranis-Jupiter, bronze, Ier siècle apjc, Haute Marne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Déesses légendaires irlandaises

Si on regarde du côté de la littérature mythique irlandaise, on rencontre plutôt des divinités féminines pour présider à la guerre, comme la Morrigan, la Bodb. Ces figures divines se manifestent sous la forme de grands corbeaux qui volent au-dessus des champs de batailles…

La déesse irlandaise Brigide ou Brigitte, protectrice des arts et des poètes, pourrait correspondre à la Minerve citée par César… qui transmet les principes des arts et des métiers.

D’après une déesse celtique, torque et oiseaux, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Nom latin et épithète gauloise

Mercure, Apollon, Minerve, Vénus, Jupiter… appartiennent à la culture mythologique romaine. Mais des inscriptions précisent que ces dieux romains s’identifient pour les Gaulois à d’anciennes divinités celtiques. Ils sont souvent désignés par leur nom latin auquel s’ajoute une épithète gauloise…

Pour les divinités romaines dépourvues de références traditionnelles pour les gaulois, on les adopte telles qu’elles. Minerve, Diane ou Hercule connaissent un certain succès…

Des lieux de culte sont dédiés à Hercule, en particulier auprès des sources sacrées. Comme à Glanum en Provence, dont le nom renvoie au dieu protecteur Glan, ou à Nîmes dans le Gard.

D’après une gracieuse Vénus, villa de Vieux-la-Romaine, IIe-IIIe siècle, Normandie ; un autel consacré à Hercule, Glanum, Provence ; le dieu Pan, décor en ivoire sculpté d’un canif ; France ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Apollon, Minerve, Vénus, Diane, le dieu Pan, Hercule… sont honorés en Gaule. Les traits brossés de Pan dans l’ivoire rappellent le style des statuettes traditionnelles gauloises sculptées dans le bois…

Voir aussi l’article Dans les sanctuaires gallo-romains, divinités gauloises et dieux romains cohabitent

Hercule et ses légendes gauloises

Célèbre dans la mythologie gréco-romaine, Hercule se manifeste en Gaule comme un héros civilisateur et divinisé… On rencontre ce demi-dieu sur bon nombre de piliers sculptés, notamment en Moselle et dans les régions du Rhin…

D’après Hercule-Ogmios, Pilier des Nautes, vers 14-37 apjc, Lutèce, Paris, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Hercule-Ogmios, Pilier des Nautes, vers 14-37 apjc, Lutèce, Paris, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Barbe, massue et dépouille de lion

Les artistes représentent le plus souvent Hercule en personnage d’âge mûr, barbu, armé de sa massue, et qui porte une dépouille de lion. Les Gaulois le nomment parfois Hercule Saxanus ou Saxanus… et des autels lui sont consacrés…

Diverses légendes évoquent le passage d’Hercule en Gaule (héros grec à l’origine, Héraclès, fils de Zeus)… Il s’agit de récits symboliques relatifs à l’installation des peuples Celtes, qui considèrent Hercule comme le père de Celtos, leur ancêtre mythique…

Une autre légende présente Hercule, fils de Jupiter, en fondateur d’Alésia, et en père de Galatès, ancêtre mythique des Gaulois… Lucien de Samosate (auteur grec du IIe siècle apjc) raconte que les Gaulois vénèrent un dieu qu’ils assimilent à Héraclès : Ogmios ou Ogma

D’après une stèle d’Hercule, niche sculptée, sanctuaire des sources d’Hercule, IIe siècle, Deneuvre, Meurthe-et-Moselle, Gaule Romaine ; statuette d’Hercule, bronze doré, Avenches, Suisse, Ier-IVe siècle, époque romaine, (Marsailly/Blogostelle)

Hercule-Ogmios et Smertrios

On peut rapprocher Hercule de Ogmios ou Ogme, dieu celtique qui possède certains attributs en commun : la massue et la peau de lion. Maître de l’éloquence et de l’écriture, le dieu Ogmios est aussi un maître de la magie et de la guerre… Hercule peut aussi se trouver en relation avec le Smertrios Gaulois dont le nom signifie le Pourvoyeur, un dieu destructeur de monstres…

En Gaule Romaine, on honore encore les dieux grâce à des piliers et des enclos sacrés, comme à Lutèce, avec le Pilier des Nautes. Ce monument dédicacé à Jupiter consacre un panthéon romain et gaulois. Par ailleurs, le dieu d’Euffigneix, celui de Bouray, Cernunnos, le Mercure de Lezoux, les Matres et la déesse cavalière Épona expriment la continuité des croyances gauloises…

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Sommaire Rome antique – Gaule Romaine

Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue : Arles à l’époque de la Gaule romaine.

Publié par Maryse Marsailly

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