Gaule Romaine. Dans les sanctuaires gallo-romains, divinités gauloises et dieux romains cohabitent

D'après l'art en Gaule Romaine, cultes et sanctuaires, Histoire de l'Art. (Marsailly/Blogostelle

Fanum gaulois et temple romain

En Gaule Romaine, divinités gauloises et dieux romains cohabitent dans les fana et les temples. De nombreuses déités sont honorées dans les sanctuaires collectifs. Les dédicaces votives et funéraires nous renseignent sur les profils des dieux et leurs attributs. Les divinités apparaissent sur les mosaïques, les peintures murales et les objets d’art. Les artistes façonnent des effigies en bois, en terre cuite, en pierre, en argent et en bronze…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024 –

D'après la figurine d'un paysan gaulois, ex-voto, bronze, Ier avjc - IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la figurine d’un paysan gaulois, ex-voto, bronze, Ier avjc – IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : conquête romaine de la Gaule par César. IIe-IIIe siècle : La Pax Romana – Fin IIIe siècle : premières incursions barbares – IVe siècle : fin de l’Antiquité – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine

UN PANTHÉON GAULOIS ET ROMAIN

Les Gaulois nous ont laissé les noms de quelques-unes de leurs divinités. Ces noms évoquent une source, une montagne, une colline, un lieu naturel particulier, une tribu… Il existe en Gaule de nombreux lieux de culte spécifiques à la tradition gauloise, même si les Gaulois adoptent des dieux romains, comme le très populaire Mercure…

D'après le dieu Mercure, coupe, argent, trésor de Berthouville dédié à Mercure, IIe siècle, Gaule Romaine.(Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Mercure, coupe, argent, trésor de Berthouville dédié à Mercure, IIe siècle, Gaule Romaine.(Marsailly/Blogostelle)

Un trésor dédié au dieu Mercure

Provenant du sanctuaire de Canetonum en Normandie, le dépôt-trésor de Berthouville est consacré à Mercure, dieu gréco-romain adopté par les Gaulois. À côté d’une statuette du dieu arborant un grand caducée, on peut le voir sur une belle coupe en argent.

Mercure, le coq, le bouc et la tortue

Mercure tient sa bourse et son caducée, il est accompagné de ses attributs symboles : le coq, le bouc et la tortue. Ce Messager des dieux sur l’Olympe, maître de l’écriture et de l’art oratoire, déité du passage et des carrefours, protège voyageurs et pèlerins, commerçants et voleurs, et préside aussi à la médecine…

D’après le bouc et le coq, symboles gaulois du dieu Mercure, figurines en métal, IIIe siècle, Gaule Romaine, France, et un coq girouette. (Marsailly/Blogostelle)

Le coq gaulois va devenir un emblème, on le retrouve fiché tout en haut des églises sur beaucoup de girouettes des villages de France…

Mercure invente la Lyre

Mercure, Hermès chez les Grecs, est réputé pour son habileté, son inventivité et son savoir… La tortue renvoie à la mythologie gréco-romaine et à l’invention de la lyre façonnée dans une carapace de tortue par Mercure puis offerte à Apollon.

Les attributs bouc et coq se rattachent plutôt à la tradition gauloise, aux anciennes divinités celtiques souvent cornues et au symbolisme du lever du Soleil.

D'après une statuette de Mercure en argent, IIe siècle apjc, trésor de Berthouville, sanctuaire de Canetonum, Normandie, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statuette de Mercure en argent, IIe siècle, trésor de Berthouville, sanctuaire de Canetonum, Normandie, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Protection, fertilité, guérison…

La personnalité et la fonction sacrée de beaucoup de dieux gaulois restent énigmatiques, faute de documents : les druides pratiquaient une transmission exclusivement orale de la tradition et de leur doctrine…

Mais il semble qu’une majorité des divinités traditionnelles gauloises se rapportent à la fertilité de la Terre, à la fécondité, à la protection d’un clan ou d’une tribu pour les dieux tutélaires ou encore au pouvoir divin de guérison. En Gaule romaine, Mercure comme Apollon sont invoqués pour recouvrer la santé.

D'après le trésor ex-voto de Berthouville dédié au dieu Mercure, argent, IIe siècle apjc, sanctuaire de Canetonum, Normandie, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le trésor ex-voto de Berthouville dédié au dieu Mercure, argent, IIe siècle, sanctuaire de Canetonum, Normandie, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

De nombreux cultes locaux gaulois

Même dans les régions du Sud de la Gaule romaine où la culture romaine s’est imposée très tôt, les Gaulois conservent leurs traditions spirituelles. En Gaule Narbonnaise, on recense pas moins de 110 noms de divinités dont certaines n’apparaissent que très rarement.

Fête des Morts et culte de Taranis

Il semble qu’il existe un nombre très important de cultes locaux spécifiquement gaulois, surtout dans les campagnes qui abritent des petits sanctuaires isolés, comme celui de Vaugrenier dans le Var.

Dans les campagnes toujours, les rites, les cultes et les fêtes ancestrales gauloises perdurent. C’est le cas de la Fête des Morts et du culte rendu à Taranis, représentés sur la mosaïque de Saint-Romain-en-Gal de Vienne, en région Rhône-Alpes.

D'après La Fête des Morts, mosaïque Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Fête des Morts, mosaïque Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des sanctuaires gaulois dans les cités

Il existe aussi en Gaule Narbonnaise des sanctuaires consacrés à des cultes de tradition gauloise en pleine ville. La Fontaine à Nîmes, Glanum-Saint-Rémy-de-Provence ou Gaujac dans le Gard possèdent des lieux sacrés pour honorer les dieux gaulois hérités du monde celtique… à côté de temples consacrés au culte impérial romain.

Ainsi, on connaît plus de 400 lieux de cultes en Gaule Romaine qui perpétuent souvent la sacralisation d’espaces sacrés plus anciens, remontant à l’époque celtique de La Tène, à l’âge du Fer. Comme à Ribemont dans la Somme ou à Mirebeau en Bourgogne.

Voir aussi l’article Âge du Fer, objets d’art et sanctuaires celtes

D'après le Sacrifice au dieu gaulois Taranis, mosaïque Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Sacrifice au dieu gaulois Taranis, mosaïque Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des lieux sacrés : sources, bois, collines…

Dès l’époque néolithique, on implante des monuments sacrés sur des hauteurs, comme on peut le voir avec un certain nombre de mégalithes. Parfois, on choisit d’ériger un temple en un lieu atypique. Les sanctuaires gaulois sont fréquemment installés aux abords d’une source, d’un bois, d’une grotte, d’une falaise ou d’une colline…

On privilégie aussi les endroits de passage. Plus tard, certains de ces lieux sacrés vont se retrouver christianisés. Si les croyances et les cultes évoluent, les lieux sacrés semblent conserver leur puissance spirituelle et symbolique au fil du temps…

Voir aussi les articles Les mégalithes néolithiques cristallisent une présence spirituelle et Le monde mythique des celtes : les Eaux, la forêt, la nature, le surnaturel…

D’après Minerve, déesse romaine de la sagesse et de la guerre, Trésor de Hildesheim, argent rehaussé d’or, Ier siècle avjc, Germanie à l’époque romaine, Allemagne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Minerve, déesse romaine de la sagesse et de la guerre, Trésor de Hildesheim, argent rehaussé d’or, Ier siècle avjc, Germanie à l’époque romaine, Allemagne. (Marsailly/Blogostelle)

Influences romaines et gauloises réciproques

Selon César, Minerve préside aux œuvres de l’esprit… La déesse romaine de la sagesse, de l’intelligence et de la Guerre (Athéna pour les Grecs) est toujours représentée en guerrière. Minerve inspire en Gaule un vaste répertoire iconographique : sculptures, peintures, mosaïques, objets d’art, vaisselle…

Épithètes et surnoms gaulois pour des divinités romaines

Les Gaulois adoptent les divinités romaines et s’approprient certaines d’entre elles en les affublant de surnoms gaulois qui personnalisent des dieux romains comme Jupiter, Apollon ou Mercure… Les surnoms sont nombreux et les artistes réinterprètent parfois des divinités romaines dans un style gaulois.

D'après le Mercure gaulois de Lezoux, Auvergne, Ier-IVe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Mercure gaulois de Lezoux, Auvergne, Ier-IVe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les épithètes gaulois mettent en lumière des qualités ou des caractères particuliers proprement gaulois. Mars, Vénus, Minerve ou encore Hercule, grand héros divinisé dans la mythologie grecque (Héraclès) et romaine sont ainsi honorés en Gaule.

Croyances gauloises et cultes romains composent un terreau d’influences réciproques, qui semblent s’harmoniser. En Gaule romaine, les Gaulois continuent de pratiquer librement le culte à leurs dieux sous la forme qu’ils veulent.

LA SYMBOLIQUE DU CHIFFRE 3

Parmi les représentations sacrées en Gaule Romaine, on rencontre très fréquemment le chiffre 3 sous la forme de trios ou triades. Ce chiffre possède sans doute une signification mythique et sacrée, comme sur les figurations des Mères (ou Matres) et du dieu gaulois Cernunnos tricéphale…

D'après le buste sculpté de Cernunnos tricéphale, IIe siècle apjc, Aquitaine, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le buste sculpté de Cernunnos tricéphale, IIe siècle apjc, Aquitaine, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des trilogies mythiques

Le symbole du triskèle

On peut rattacher la symbolique du chiffre 3 au motif du triskèle celtique. Ce glyphe que l’on rencontre dans l’iconographie celtique possède trois jambes. Le triskèle est parfois interprété comme une évocation de la Fille, de la Mère et de l’Aïeule. Ce thème renvoie à l’idée de génération, de cycle de la vie, de cycle naissance, vie, finitude…

Voir aussi l’article L’univers spirituel des Celtes et des Gaulois et  Le Sacré : le symbolisme du triskèle, du svastika et du labyrinthe

La trilogie ancestrale des Mères ou Matres

On rencontre la symbolique du chiffre 3 sur les images sculptées de la triade divine des Mères, appelées aussi les Matres. Cette trilogie ancestrale relève de la tradition gauloise et celtique et figure parmi les déités incontournables sur l’autel domestique de la maisonnée, à côté d’Épona et de Vénus…

D'après Les Mères ou Matres, divinités gauloises féminines, Ier avjc-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Les Mères ou Matres, divinités gauloises féminines, Ier avjc-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les Parques, les Moires, les Nornes…

On retrouve cette thématique avec les Trois Parques romaines qui président à la destinée de chacun, comme les Moires dans la mythologie grecque. Ou encore avec les 3 Nornes associées à l’arbre mythique Yggdrasil dans la tradition nordique.

Dans le monde du Sacré, le principe cyclique renvoie aussi à l’idée cosmogonique du perpétuel recommencement, au principe de génération sur le plan cosmique…

Le trio Cernunnos, Apollon, Mercure

Sur une stèle gallo-romaine du IIe siècle, on peut voir le dieu gaulois Cernunnos entouré de deux comparses romains, Apollon et Mercure, pour former un trio.

D'après la stèle de Cernunnos, dieu gaulois, qui forme ici un trio avec Apollon et Mercure, relief en pierre, IIe siècle apjc, Reims, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Cernunnos, dieu gaulois cornu, qui forme ici un trio avec Apollon et Mercure, relief en pierre, IIe siècle, Reims, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

L’iconographie renvoie là encore au chiffre 3. Apollon et Mercure sont très appréciées des Gaulois. Ces deux divinités gréco-romaines apparaissent en Gaule comme des déités protectrices très populaires.

Voir aussi les articles Un panthéon gaulois et romain en Gaule (1) et Un panthéon gaulois et romain en Gaule (2) 

Cernunnos et Mercure à trois visages

Selon la tradition gauloise, Cernunnos possède trois visages. La multiplication symbolise la puissance et l’omniscience du dieu cornu. On retrouve ce thème symbolique avec Mercure tricéphale (à trois têtes) et un trio de dieux gaulois…

D’après un Trio de dieux gaulois, Pilier des Nautes, Ier siècle, Paris ; Cernunnos tricéphale, buste sculpté IIe siècle, Aquitaine ; et Mercure Tricéphale ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La position en tailleur : de l’Inde au monde celtique

La position en tailleur et l’image du dieu à plusieurs faces relèvent de la tradition celtique, la présence du cerf également, symbole de fertilité sans doute, comme le taureau et le bélier, qui sont des animaux puissamment reproducteurs.

D'après Cernunnos à coiffe de cerf, entre Apollon et Mercure, relief, Ier-IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Cernunnos à coiffe de cerf, entre Apollon et Mercure, relief, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un autre relief présente Cernunnos assis en tailleur et coiffé de bois de cerf. Là aussi, le dieu gaulois est entouré d’Apollon et Mercure.

Il est intéressant de noter que l’on rencontre aussi dans l’Inde ancienne la position en tailleur et les cornes, dès le néolithique dans la vallée de L’Indus. On pense aussi à l’image de la divinité suprême, Brahmâ ou Shiva, qui affiche trois faces visibles.

Par ailleurs, on connaît la triade Brahmâ, Vishnu et Shiva, la Trimurti, une image des facettes multiples du principe divin. Sur le chaudron de Gundestrup, le dieu celtique à ramure de cerf trône également en tailleur…

D’après le dieu celtique du chaudron de Gundestrup, Ier siècle avjc, âge du Fer, Danemark ; et le sceau au Yogi assis en tailleur de Mohenjo-Daro, 2500-1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi les articles Les sculpteurs et graveurs des cités de l’Indus et Le monde mythique des celtes : les Eaux, la forêt, la nature, le surnaturel…

La Triade Capitoline : Minerve, Jupiter et Junon

Dans la culture romaine, la thématique du chiffre 3 s’exprime sous la forme de Minerve, Jupiter et Junon qui composent la Triade Capitoline, protectrice de Rome et de la famille impériale…

D'après Minerve, Jupiter et Junon et leurs attributs : la chouette, l'aigle et l'oie, IIe siècle apjc, groupe statuaire, art romain. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Minerve, Jupiter et Junon et leurs attributs : la chouette, l’aigle et l’oie, IIe siècle, groupe statuaire, art romain. (Marsailly/Blogostelle)

Une trilogie en relation à la fois à l’idée de génération, de lignée, et de souveraineté fondée sur la puissance guerrière, le savoir et la sagesse. Dans la culture romaine du pouvoir, la propagande politique s’appuie sur le mythe et sur les dieux…

SANCTUAIRES COLLECTIFS GALLO-ROMAINS

Les lieux de culte collectif en Gaule Romaine prennent parfois des dimensions monumentales. En plus du temple, on y construit des thermes, un théâtre ou un amphithéâtre, des boutiques, des galeries… Héritiers des sanctuaires celtiques de la Tène, les fana gaulois affichent des proportions plus modestes et s’apparentent à des chapelles de campagne…

D'après un groupe statuaire, une divinité et des nymphes, IIe siècle apjc, temple de Genainville, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un groupe statuaire, une divinité et des nymphes, IIe siècle, temple de Genainville, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Magnificence romaine et tradition gauloise

À l’époque de la Gaule Romaine, les pratiques cultuelles populaires sont variées. Vers 400 apjc, on rencontre trois sortes d’espaces dévoués au culte : le petit fanum gaulois, le temple gallo-romain ou encore le vaste et somptueux ensemble sacré qui regroupe sanctuaire, thermes, boutiques, amphithéâtre…

Culte collectif et culte personnel

Ces différents lieux sacrés sont destinés au culte collectif. Mais il existe aussi en Gaule romaine une forme de culte individuel que l’on pratique à la maison, sous la forme d’autels miniatures, les laraires. On y installe les Lares protecteurs de la maison, les Mânes (esprits des ancêtres) et ses divinités favorites..

D'après le Laraire de Rezé, culte domestique, IIe siècle, Nantes, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Laraire de Rezé, culte domestique, IIe siècle, Nantes, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le laraire abrite diverses déités parmi lesquelles on rencontre souvent Mercure, Apollon, des déités cosmiques, des déesses mères et Vénus, populaire chez les gaulois, pour qui la déesse de l’amour veille surtout sur les enfants…

Des groupes statuaires comme à Rome

Comme dans les temples romains en Italie, les édifices cultuels de la Gaule Romaine abritent des groupes statuaires et des statues installées sur des socles. Ces grands sanctuaires collectifs permettent d’importer l’art de vivre et l’idéal romain dans les cités et jusque dans les campagnes de la Gaule…

Cérémonies sacrées et rites gaulois

Les sanctuaires gallo-romains confortent le processus de romanisation sans donner l’impression de l’imposer. Les populations des villes n’hésitent d’ailleurs pas à s’y rendre. Il existe aussi en pleine campagne, à la lisière de deux cités, des conciliabula. Ce sont de vastes espaces où se rassemblent plusieurs peuples et où l’on peut organiser des cérémonies et des rites gaulois…

D’après un fragment de statue colossale en bronze, IIe siècle apjc, thermes et temple antiques du Fâ de Barzan, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un fragment de statue colossale en bronze, IIe siècle, thermes et temple antiques du Fâ de Barzan, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le péribole, enclos sacré

Dans les campagnes, le sanctuaire de Genainville en Île-de-France, celui de Villards d’Héria dans le Jura ou le sanctuaire des Sources de la Seine en Bourgogne sont des lieux de culte collectifs…

Les plus grands sanctuaires possèdent plusieurs édifices destinés à la pratique du culte à l’intérieur d’un enclos ou d’une enceinte sacrée, le péribole. Les différents bâtiments s’élèvent sur des terrasses aménagées. Les temples sont séparés les uns des autres par des espaces de circulation qui prennent la forme de vastes places ou de larges voies…

D'après la déesse Sequana, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Bourgogne, France, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Sequana, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Bourgogne, France, Ier-IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article Culte des Sources et piété en Gaule Romaine

Des galeries de circulation pour les pèlerins

Des processions ?

Les sources et les bassins qui se rattachent aux sanctuaires laissent imaginer des rites d’immersion (peut-être pour les malades ?). La présence de vasques suggère aussi des rituels d’ablution et de purification…

Les galeries de circulation construites autour des temples sont peut-être destinées à l’organisation de processions. Comme aussi les niches cultuelles qui peuvent recevoir des statues divines, aménagées le long des larges voies des sanctuaires. On honore en ces lieux divinités gauloises et dieux romains.

D'après un pèlerin et ses offrandes, ex-voto, hêtre, source des Roches, Ier siècle apjc, Chamalières, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un pèlerin et ses offrandes, ex-voto, hêtre, source des Roches, Ier siècle, Chamalières, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les portiques, utiles aux pèlerins pour se reposer, servent peut-être aussi de réceptacles pour le dépôt des offrandes et des ex-votos. En Gaule Romaine, temples, chapelles, autels, portiques, bassins, thermes ou encore théâtres et boutiques accueillent des fidèles nombreux…

On oriente l’entrée du fanum au Levant

Comme à l’époque de l’âge du Fer, l’entrée du temple gaulois, le fanum, est orienté à l’Est, tourné vers le Soleil Levant. Pour entourer la cella qui n’est pas très grande et qui abrite la statue du dieu, on élève un déambulatoire couvert. Le déambulatoire peut s’appuyer sur la nef ou bien il est séparé de la cella par une cour à ciel ouvert.

Inspirés des anciens sanctuaires celtiques, les temples gaulois (fanum, pluriel fana) conservent le traditionnel plan centré, carré, circulaire ou polygonal et l’ensemble de l’espace sacré est clos par une enceinte.

D'après le temple dit Fâ de Barzan, vestige d'un Fanum, IIe siècle apjc, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le temple dit Fâ de Barzan, vestige d’un Fanum, IIe siècle , Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Si les temples des campagnes perpétuent la tradition gauloise, ils sont édifiés en pierre et décorés selon les techniques romaines, ce qui leur apporte une touche de monumentalité.

Par contre on ne connaît pas avec précision le déroulement des cérémonies sacrées qui ont lieu dans les sanctuaires de la Gaule, petits ou grands. Les rites, les sacrifices aux dieux, la liturgie et le rythme des cultes demeurent très mal connus faute de documents…

Le petit sanctuaire gaulois de Saint-Maur

À l’époque de la Gaule romaine, l’ancestral sanctuaire de Saint-Maur, dans l’Oise, continue d’être fréquenté. On l’enrichit même d’un vaste ensemble de constructions. Le sanctuaire originel possède un modeste enclos quadrangulaire. Ses petites dimensions laissent imaginer des cérémonies rituelles autour de l’enclos plutôt qu’à l’intérieur…

D’après le Dieu Gaulois de Saint-Maur, bronze, Ier siècle apjc, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Dieu Gaulois de Saint-Maur, bronze, Ier siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La statuette dite du Dieu Guerrier de Saint-Maur relie le monde culturel celtique et gaulois à celui de la Gaule Romaine.

Au centre de l’espace sacré du sanctuaire de Saint-Maur, délimité par un enclos, on construit un temple en bois au plan carré et tourné vers l’Est. Le dessin de l’ensemble forme donc un carré dans un carré, le tout orienté au Soleil Levant.

Le fossé du sanctuaire de Saint-Maur est rempli d’armes gauloises déposées là au IIe siècle avjc, à l’époque de La Tène. La conception de ce lieu sacré rappelle les sanctuaires celtiques plus anciens de Gournay ou de ou Ribemont en Picardie. 

Dans le sanctuaire de Saint-Maur, on expose les offrandes sur une palissade installée derrière le fossé. Au Ier siècle avjc, on aménage un second fossé distant du premier d’une dizaine de mètres. Puis au Ier siècle, on dépose là une statue en bronze…

D'après les traits du Dieu de Saint-Maur, bronze, Ier siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les traits du Dieu de Saint-Maur, bronze, Ier siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article Objets d’art et sanctuaires celtes

Statuaire gauloise, du bois au bronze

La statuette en bronze du Dieu Guerrier de Saint-Maur est façonnée au Ier siècle. L’artiste bronzier réalise là une œuvre d’une grande prouesse technique. Il assemble 22 pièces de métal pour composer cette statue de 50 centimètres de haut.

Un dieu Gaulois avec torque et bouclier

Ce vigoureux guerrier, paré du torque gaulois, est armé d’un grand bouclier ovale de type celtique et porte une large ceinture à boucle décorée de bossettes sur une sorte de cuirasse.

L’artiste utilise aussi de la pâte de verre pour réaliser les yeux et les pieds du dieu. Ce personnage très gaulois est barbu et moustachu, il possède une longue chevelure ramenée en arrière à l’aide d’un bandeau.

D'après deux ex-votos, hêtre, source des Roches, Ier siècle apjc, Chamalières, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après deux ex-votos, hêtre, source des Roches, Ier siècle apjc, Chamalières, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le Dieu de Saint-Maur est paré d’un imposant collier à tampons, le torque traditionnel gaulois. C’est un insigne de mérite et un symbole de pouvoir (souverain, magique et (ou) spirituel). Le torque celtique est l’attribut des guerriers, de l’aristocratie, des héros et des dieux. Ce bijou a peut-être aussi une signification magique ou prophylactique (protecteur)…

Le style des statues sculptées dans le bois

L’aspect un peu brut dans le dessin du dieu au bouclier de Saint-Maur rappelle le style des statues sculptées dans le bois que l’on dépose dans les sanctuaires des sources…

On retrouve une attitude frontale, un regard fixe, une silhouette empreinte de raideur et un rendu assez fruste des proportions du personnage… Un art de la taille du bois et une expression artistique gauloise peut-être transposés dans le bronze pour façonner le dieu de Saint-Maur…

D'après un ex-voto sculpté dans le bois, la Seine, Ier - IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un ex-voto sculpté dans le bois, la Seine, Ier – IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le bois, le métal, l’ivoire et la pierre

Les artistes gaulois sont très réputés pour leur habileté dans les arts du métal et de la chaudronnerie. Sur le décor en ivoire d’un canif, le traitement vigoureux des traits du dieu Pan rappelle lui aussi le style des effigies sculptées dans le bois, comme les ex-votos…

La statuaire se développe en Gaule Romaine

L’existence d’une statuaire de tradition celtique et gauloise sur bois est très probable. Mais les sculptures qui remontent à la période de la Tène, avant la conquête romaine, sont en bois périssables, aujourd’hui bien souvent disparues…

D'après l'effigie du dieu Pan, décor sculpté d'un canif, Ier avjc-IVe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’effigie du dieu Pan, décor sculpté d’un canif, Ier avjc-IVe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

À l’époque de la Gaule Romaine, la sculpture traditionnelle sur bois continue d’exister.. Même si au cours de cette même période la statuaire en pierre et la terre cuite se développent intensément pour garnir les temples, les bâtiments officiels, les tombes ou encore les autels domestiques dans les habitations…

LE FANUM, SANCTUAIRE RURAL GAULOIS

En Gaule romaine, on rencontre un modèle particulier de lieu cultuel : le fanum, ou fana au pluriel. Souvent isolé, le fanum est un sanctuaire rural de tradition gauloise. Les fana sont tous implantés sur des endroits considérés comme sacrés depuis longtemps : bois, sources, sommet, lieu de passage…

D'après le Fâ de Barzan, temple circulaire associé à des thermes antiques, IIe siècle apjc, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Fâ de Barzan, temple circulaire associé à des thermes antiques, IIe siècle, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le fanum, symbolise l’esprit gaulois

En Gaule Romaine, on construit des petits temples ruraux en maçonnerie à partir du Ier siècle, souvent à l’emplacement de sanctuaires plus anciens. Les fana contribuent à pérenniser la tradition gauloise. Consacrés surtout à des divinités gauloises ancestrales, les fana accueillent aussi parfois des divinités romaines populaires et adoptées par les gaulois…

Une galerie de circulation

Une galerie entoure la cella du fanum et permet ainsi aux fidèles de circuler autour du sanctuaire. On matérialise aussi l’espace sacré par un mur d’enceinte. Ce temple rural est le réceptacle de nombreux ex-votos. Comme d’autres sanctuaires collectifs, les fana accueillent fidèles et pèlerins…

D’après le temple circulaire du Fâ de Barzan, et sa galerie de circulation, maquette, IIe siècle apjc, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le temple circulaire du Fâ de Barzan, et sa galerie de circulation, maquette, IIe siècle , Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les fana ponctuent les campagnes de la Gaule

Des chapelles rurales

Les fana affichent des dimensions bien plus modestes que celles des sanctuaires collectifs des grandes cités. Ces petits temples à plan centré entourés d’une enceinte dessinent souvent un double carré…

Chaque fanum comprend une cella, la salle principale du sanctuaire et une galerie de circulation ouverte ou couverte. Parfois, on rajoute des constructions annexes. Les fana, à l’image de leurs lointains prédécesseurs mégalithiques, ponctuent les campagnes de la Gaule comme le feront plus tard les églises et les chapelles des villages…

D’après le temple circulaire du Fâ de Barzan ; et les vestiges des thermes antiques, IIe siècle, Charente Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le fanum, demeure du dieu

Certains vestiges de fana sont en bois et remontent à une période antérieure au Ier siècle, à l’époque de La Tène. Comme leurs prédécesseurs celtiques, les fana en pierre de la Gaule Romaine sont orientés à l’Est, tournés vers le Soleil Levant…

Le fanum typique comporte une cella (chambre où se trouve la statue de la divinité) de 5 mètres à 9 mètres de côté et une galerie de 2 mètres à 3 mètres de large. À l’intérieur du temple, on dispose des socles destinés à supporter une ou plusieurs statues de divinités.

D'après un plan centré quadrangulaire, l'élévation et la galerie d'un Fanum Gaulois. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un plan centré quadrangulaire, l’élévation et la galerie d’un Fanum Gaulois. (Marsailly/Blogostelle)

Les sanctuaires associés à une source disposent d’un récipient pour recueillir l’eau de la source. Les Gaulois se rendent au fanum pour honorer les dieux et faire des sacrifices. De nombreux pèlerins viennent aussi déposer des objets votifs pour appuyer une prière ou remercier les divinités…

Si Rome se méfie des druides et craint leur influence sur les populations, elle se montre tolérante à l’égard des pratiques cultuelles gauloises. Seul le culte impérial est imposé et les romains respectent l’élite gauloise qui bénéficie de considération. Les dieux romains sont donc assimilés librement par les Gaulois, qui vont parfois se les réapproprier…

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Sommaire Rome antique – Gaule Romaine

Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois(René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue : Arles à l’époque de la Gaule romaine.

Publié par Maryse Marsailly

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