Les artistes du métal inventent le moule
La transition entre la fin du néolithique et les débuts de l’âge de Bronze se fait progressivement en France. On découvre la métallurgie du cuivre au IIIe millénaire avjc (chalcolithique), puis la technologie du Bronze moulé au IIe millénaire avjc. Les potiers progressent également dans les techniques de la céramique…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2021 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Bronze ancien, fin deuxième millénaire avjc : vers 1900-1800 à 1500 avjc. – Bronze moyen, vers 1500 – 1250 avjc. – Bronze final, vers 1250 – 750 avjc. Chronologie néolithique- âge du Bronze
1 – Des artisans du cuivre aux métallurgistes du bronze – Les artistes du métal inventent le moule 2 – L’âge du bronze, arts, richesses et prestige – Les tumulus et les trésors d’une élite 3 – L’âge du Bronze : élite guerrière, valeurs viriles et culte solaire – Du poignard à l’épée
LA MÉTALLURGIE DU CUIVRE ANNONCE L’AVÈNEMENT DE L’ÂGE DU BRONZE
En France, la période néolithique s’achève avec le chalcolithique et la mise au point de la métallurgie du cuivre dans le Sud de la France. On utilise des grottes pour les sépultures, on érige des dolmens dans le midi et on s’installe dans des villages parfois fortifiés…

Les hameaux se multiplient au IIIe millénaire avjc
En France, à la fin de l’époque néolithique, des éléments culturels communs apparaissent sur l’ensemble du territoire. La densité de l’habitat est de plus en plus importante. Les premiers cultivateurs évoluent sur des territoires géographiques très diversifiés et ouverts aux influences extérieures…
On ne construit plus de grands villages comme au néolithique moyen. On préfère parsemer les campagnes de nombreux hameaux, de taille plus ou moins modeste…
Comme pour les tertres des sépultures mégalithiques, on utilise des pierres sèches pour construire des soubassements de maisons et on installe des cabanes pour s’abriter du soleil ou de la pluie…



D’après des poteries, terre cuite, et des vestiges du village de Cambous ; culture de Fontbouisse, chalcolithique, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
Des pierres sèches, des palissades, des fossés…
Dans l’Ouest de la France, on construit des camps fortifiés avec des enceintes et des palissades. Les enceintes peuvent posséder jusqu’à quatre séries de fossés. Les villages lacustres, sur l’eau, conservent des petites dimensions.
Voir aussi l’article Le néolithique : habitat, enceintes et sépultures collectives



D’après deux céramiques, motifs de cannelures, culture de Fontbouisse, IIIe millénaire avjc, chalcolithique, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
La culture de Fontbouisse
En France, les habitations des villages de la culture de Fontbouisse, dans le Languedoc, et de Cambous, dans l’Hérault, sont construites avec des soubassements en pierres sèches.
Dans le village de Boussargues, dans l’Hérault, on élève une enceinte enrichie par des tours d’angles. L’aspect défensif de certains villages laisse penser que l’on éprouve alors le besoin de se protéger de certaines intrusions extérieures…


D’après une maison de Cambous, pierres, torchis et chaume ; et une céramique, motifs de cannelures ; culture de Fontbouisse, IIIe millénaire avjc, chalcolithique, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
Les céramiques gagnent en qualité
Les températures de cuisson des céramiques sont de plus en plus élevées. Dans la culture de Fontbouisse, dans le Languedoc, les artisans façonnent des céramiques soignées, décorées de motifs de cannelures typiques et de jeux de lignes droites ou courbes.

La civilisation dite cordé
On fabrique aussi des poinçons, des haches plates, des poignards et des parures en cuivre. Entre 2500 et 1800 avjc, on rencontre également des poteries dont le décor est imprimé dans la pâte crue à l’aide de cordelettes.
On parle de civilisation cordée, une culture néolithique qui se développe en Europe centrale. D’autres modèles de poterie prennent un aspect caréné, avec anses ou boutons de préhension, et parfois des décors de chevrons.


D’après des céramiques carénées, terres cuites, Languedoc ; chalcolithique, IIIe millénaire avjc, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
LE TRAVAIL DU CUIVRE ET DU SILEX
Un feu à 1080 degrés pour la métallurgie du cuivre
À la fin du néolithique en France, une maîtrise du feu de plus en plus pointue permet de développer les arts de la métallurgie. On connaît quelques exemples précoces…
En Corse, la métallurgie du cuivre apparaît dès 3000 ans avjc, comme dans les Cévennes où l’on produit les premiers objets en cuivre français : éléments de parure, quelques haches, pointes de flèche…
Les métallurgistes travaillent le cuivre à une température de 1080 degrés. Les artisans recherchent également une meilleure qualité des roches et des matières premières… La grande majorité des haches de la fin du néolithique sont encore en pierre polie.



D’après un pendentif en cuivre, double spirale, IVe-IIIe millénaire avjc ; une hache naviforme et une pointe de flèche, cuivre, IIIe millénaire avjc ; chalcolithique, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
5 300 avjc : Ötzi et sa hache en cuivre
En 1991, dans les Alpes italiennes, deux randonneurs découvrent le corps momifié d’un homme néolithique pris dans le glacier de Similaun. Surnommé Ötzi , cet individu masculin d’âge mûr a trouvé la mort dans les glaces vers 5300 ans avjc.
En 2012, les scientifiques réalisent des analyses poussées sur sa dépouille. Ötzi porte des tatouages, possède un carquois et des flèches à pointe de silex, des poignards, un fouet à lanières, de quoi faire du feu, des chaussures en cuir et en paille… et surtout une hache en cuivre…


D’après une hache en silex poli, décor gravé, IIIe millénaires avjc, et une hache naviforme, cuivre, IIIe-IIe millénaires avjc, chalcolithique-âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Cuivre et silex poli
La hache en cuivre d’ Ötzi démontre que la technique de la métallurgie du cuivre et la période dite chalcolithique (âge du cuivre) remonte à une époque beaucoup plus reculée que ce que l’on pensait jusqu’alors…
Les artisans métallurgistes façonnent de nombreuses parures, des pointes de flèche et des objets en cuivre comme des poignards, des poinçons et des perles. Il existe aussi des haches aux formes variées, haches de combat en forme de navire (naviforme), haches-marteaux…

On exploite les mines de silex et un réseau d’échanges
Au quatrième et surtout au troisième millénaire avjc, la spécialisation du travail et les échanges à longue distances s’intensifient. Les communautés néolithiques deviennent de plus en plus productives.
L’exploitation intensive des mines de silex à ciel ouvert facilite la fabrication de nombreuses haches polies. C’est le cas en Belgique ou en France.
En France, dans la région du Grand-Pressigny, en Indre-et-Loire, on extrait un beau silex blond dans lequel on taille des pièces-lingots de silex surnommés « Livres de Beurre » à cause de leurs formes…


D’après un bloc de silex taillé, dit Livre de Beurre, région Centre, France ; et une maison, pierres et chaume, village de Cambous, culture de Fontbouisse, IIIe millénaire avjc ; chalcolithique, âge du cuivre. (Marsailly/Blogostelle)
Un débitage du silex en longues lames
Les mineurs utilisent des pics en bois de cerf. Les blocs de silex sont ensuite débités en longues lames pour fabriquer des poignards.
La diffusion de la production de silex s’étend de la Suisse à l’Allemagne et jusqu’au Pays-Bas. Les groupes néolithiques mettent en place une organisation qui permet de fournir en silex une vaste communauté, même au-delà des territoires locaux…
LES MÉTALLURGISTES INAUGURENT L’ÂGE DU BRONZE
La transition entre la fin du néolithique et les débuts de l’âge de Bronze se fait progressivement. Les cultures cordées et campaniformes favorisent la diffusion de la nouvelle technologie du Bronze, dont la civilisation s’épanouit à la fin du deuxième millénaire avjc…

La métallurgie du bronze
Dans un premier temps, les artisans travaillent le cuivre sans avoir acquis les connaissances de l’alliage des métaux qui débouchera plus tard sur la métallurgie du Bronze.
C’est seulement à la fin du deuxième millénaire avjc, avec la culture campaniforme, qu’une nouvelle technologie permet de fondre et de mouler le bronze. La maîtrise technique progresse et les artistes-artisans commencent à fabriquer des objets en bronze.

L’invention de la roue remonte au quatrième millénaire avjc en Méditerranée et en Europe…
Un alliage de cuivre et d’étain à 800 degrés
Les métallurgistes mettent au point la réduction des minerais de cuivre et d’étain. Grâce à l’alliage du cuivre et de l’étain – chauffé à 800 degrés au lieu de 1085 degrés pour le cuivre – ils façonnent des objets en bronze plus solides et plus précieux.
L’art de la métallurgie exige un grand savoir-faire et des secrets de métier. Les cultures cordées et campaniformes jouent un rôle important dans l’expansion géographique et dans la diffusion rapide de la nouvelle technologie du bronze.
Ces deux cultures européennes pratiquent l’inhumation individuelle, avec un mobilier funéraire de poteries, de parures et d’armes …


D’après un vase en terre cuite et brassard d’archer en pierre, Ede-Ginkelse-Heide ; et une pointe de lance en bronze et des silex ; culture campaniforme, vers 2200 -1200 avjc, Pays-Bas, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Des bronziers et des forgerons
Grâce à l’apport d’étain, de 7 à 8 pour cent environ, le cuivre se durcit et devient plus résistant et moins cassant. Le minerai d’étain abonde dans le nord de l’Europe et en France, notamment en Bretagne.
Le travail du bronze nécessite donc des échanges sous forme de lingots. La circulation du cuivre et de l’étain engendre une évolution dans la société et une spécialisation du travail.
Forgerons, bronziers, intermédiaires et une élite liée au contrôle de la circulation des matières premières font leur apparition…

Voir aussi l’article Fer et métaux, une gestation symbolique et Forge et métallurgie, un labeur mythique
On invente le moule en pierre…
Les artisans mettent au point des moules en pierre, univalves ou bivalves, dans lesquels ils coulent le métal fondu pour lui donner une forme et obtenir un objet fini. Les moules sont assemblés grâce à des tenons et à des mortaises.
Et la technique de la cire perdue
Les bronziers utilisent la technique de la cire perdue pour réaliser des pièces complexes ou de prestige, comme des cuirasses, des pièces de char, des figurines… L’artiste réalise d’abord un moulage en cire qu’il recouvre ensuite d’argile.

Les métallurgistes de l’âge du Bronze utilisent la technique de la cire perdue pour réaliser des petits chefs-d’œuvre.
Après séchage, l’artisan retire la cire pour obtenir un moule en argile dans lequel il coule le métal. Une fois le métal durci, le bronzier brise le moule d’argile pour dégager la pièce de bronze.
L’originalité de la culture campaniforme
La culture campaniforme, entre 2200 avjc et 1200 avjc, se distingue par son mobilier funéraire. Les potiers créent des céramiques dont la forme rappelle celle d’une cloche, d’où l’appellation de campaniforme.



D’après un vase campaniforme (en forme de cloche), terre cuite ; des pointes de flèches, silex taillé, culture campaniforme, vers 2200 -1200 avjc, Pays-Bas ; et un gobelet caréné, terre cuite, Charentes, France , 1900 -750 avjc ; âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Les poteries campaniformes sont décorées de bandes horizontales réalisées au peigne. Les artistes réalisent également des brassards d’archer en pierre percée pour protéger le bras, des petits poignards en cuivre et des pointes de flèche en silex. Ces objets sont fréquents dans les sépultures campaniformes.
L’originalité de la culture campaniforme est aussi de conserver des éléments hérités des cultures néolithiques, comme de fines pointes de flèches taillées dans du silex…

Des objets en bronze et en or circulent…
Au début de l’âge du bronze, entre 1900-1800 et à 1500 avjc, les potiers fabriquent une céramique cannelée et carénée.
Grâce à la métallurgie du bronze de nombreuses pièces au travail soigné circulent, mais on rencontre aussi de beaux modèles en or. Les premières cultures de l’âge du Bronze s’appuient sur des réseaux d’échanges d’objets et de matériaux précieux…

L’ART RUPESTRE DES SANCTUAIRES NÉOLITHIQUES SE PERPÉTUE À L’ÂGE DU BRONZE
Des sanctuaires en plein air se multiplient du néolithique à l’âge du Bronze. À partir du troisième millénaire avjc, des artistes réalisent de nombreuses représentations schématiques sur des parois rocheuses. Les armes et les bovidés figurent parmi les thèmes de prédilection…

Les trésors artistiques de la vallée des Merveilles
De la France à la Scandinavie, de la fin du néolithique à l’âge du Bronze, des communautés humaines s’expriment sur des parois rocheuses.
Ainsi, les grandes pentes des rochers du Mont Bégo de la Vallée des Merveilles, dans les Alpes-Maritimes, servent de support à une expression artistique très schématique dès le troisième millénaire avjc.
Contrairement aux grandioses réalisations rupestres de la préhistoire, ces dessins de la fin du néolithique à l’âge du Bronze se caractérisent par la simplicité du trait.



D’après une lance et bovidé, graphismes rupestres, mont Bégo, Vallée des Merveilles, fin IIIe-début IIe millénaire avjc, Alpes Maritimes, France, âge du Cuivre et du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Sur les dalles rocheuses, on dessine de manière très sommaire des motifs géométriques, des armes, telles des haches ou des hallebardes, des poignards… Les représentations d’animaux, surtout des bovidés ou des cervidés, sont brossées d’un trait rudimentaire.

Figuratives ou abstraites, des gravures énigmatiques…
Les figurations humaines sont assez rares parmi les milliers de gravures rupestres du Mont Bégo. On peut y voir l’étrange visage du Sorcier ou la silhouette de la stèle dite du Chef de tribu dont le personnage, très stylisé, est accompagné d’un poignard et peut-être d’une hallebarde.
Ces œuvres remontent à la fin au troisième millénaire avjc ou au début du deuxième millénaire avjc. À côté des thèmes figuratifs, de nombreux signes ou symboles animent les parois de la Vallée des Merveilles. Mais la signification de ces compositions gravées demeure à ce jour mystérieuse…


D’après des représentations rupestres, avec attelages de bovidés, mont Bégo, Vallée des Merveilles, fin IIIe-début IIe millénaire avjc, Alpes Maritimes, France, âge du Cuivre et du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Des ensembles de signes et symboles
Les représentations rupestres de la Vallée des Merveilles apparaissent davantage comme des ensembles de signes associés ou juxtaposés que comme de véritables scènes narratives : attelages, bovidés, armes, bateaux.., les motifs semblent traités comme des symboles ou des emblèmes.


D’après un personnage dit Le dieu à la lance, art rupestre scandinave, Tanum, Suède ; et un personnage ou une divinité armé d’une hache, Vastergötland, Suède, âge du Bronze. (Marsailly/Blogostelle)
Une thématique masculine et guerrière fait son apparition
Visible dans différentes régions des Alpes, une thématique masculine et guerrière commence à émerger. On la retrouve en Espagne, en Italie, en Suède et en Scandinavie, sur des roches gravées ou sur des stèles.
Et comme sur des parures ou des poteries, l’art rupestre décline les motifs ancestraux du méandre et de la spirale…


Voir aussi l’article De la pierre au métal, du chasseur au guerrier
Au cours de l’âge du Bronze – deuxième millénaire avjc à VIIIe siècle avjc -, les métallurgistes européens intensifient et diversifient leurs créations. À la fin de la période, les artisans façonnent encore de nombreuses pièces de prestige mais produisent aussi des outils et des armes en série…
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