Au tournant du XXe siècle, Vincent Van Gogh, Edvard Munch et James Ensor initient un langage pictural expressionniste

D'après l'art au tournant du XIXe et du XXe siècle, expressionisme Munch, histoire de l'art. (Marsailly/Blogostelle)

Couleurs Van Gogh, Munch et Ensor

Vincent Van Gogh, Edvard Munch et James Ensor renouvellent l’expression picturale au tournant du XIXe et du XXe siècle. Dans un esprit visionnaire, ces précurseurs de l’expressionnisme dépeignent la vie intérieure de l’individu, l’émotion et la vision personnelle, l’inquiétude et le désespoir, la quête du dépassement et l’angoisse de l’être humain aux prises avec une modernité naissante…

1. Les artistes nabis et les précurseurs de l’expressionnisme sèment les graines de l’avant-garde. – 2. Vincent Van Gogh, Edvard Munch et James Ensor initient un langage pictural expressionniste

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mai 2023 –

D’après Le Soleil, Edvard Munch, 1912, huile sur toile, Oslo, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Soleil, Edvard Munch, 1912, huile sur toile, Oslo, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

LES PRÉCURSEURS DE L’EXPRESSIONNISME

À la fin du XIXe siècle, le Néerlandais Vincent Van Gogh, le Norvégien Edvard Munch et le Belge James Ensor annoncent déjà la recherche expressionniste. Chacun à sa manière, ces artistes apportent une nouvelle dimension à la relation entre le peintre et son œuvre. Ainsi, l’être humain, la nature et les choses sont dépeintes selon la perception intérieure et individuelle de l’artiste… 

D’après La Madone, Edvard Munch, 1895, huile sur toile, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Madone, Edvard Munch, 1895, huile sur toile, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Subjectivité, émotion, individualisme…

L’esthétique expressionniste se déploie au début du XXe siècle en Europe, surtout en Allemagne avec le mouvement Die Brücke (“Le pont”, fondé en 1905 à Dresde), en France avec le Fauvisme (1905-1908). 

L’expressionnisme (fin XIXe siècle – 1925) est un mouvement artistique inspiré par la puissance des émotions, la subjectivité, l’individualisme. Des lignes suggestives et irréalistes, des couleurs non naturelles et intenses, visent ainsi à provoquer un saisissement émotionnel du spectateur…

D’après Le Golfe des Lecques, Georges Braque, 1907, huile sur toile, période Fauvisme, France, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Golfe des Lecques, Georges Braque, 1907, huile sur toile, période Fauvisme, France, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Un art anti-naturaliste fondé sur la recréation

Le thème de L’Enfant malade d’Edvard Munch forme une série de six peintures, et autres dessins et lithographies, réalisées entre 1885 et 1926. Ces toiles représentent la mort de sa sœur atteinte de la tuberculose.

Les artistes expressionnistes cultivent un art anti-naturaliste fondé sur la recréation, l’expression de la crise intérieure, des sentiments et des émotions parfois poussés jusqu’à leur paroxysme.

D’après Edvard Munch, Vampire, 1895 ; L’Enfant malade, 1925 ; et L’Enfant malade, 1885-188 ; huiles sur toile, Norvège, fin XIXe siècle – début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Crise intérieure et quête intérieure

Le thème pictural de la crise ou de la quête intérieure individuelle, de l’inquiétude à la folle panique, de l’imagination à l’exaltation créatrice, inspire déjà des artistes visionnaires au XVIIIe siècle.

Avec des œuvres de Nicolaï Abraham Abildgaard, des peintures de Johann Heinrich Füssli et les livres prophétiques illustrés d’aquarelles de William Blake…

Voir aussi les articles L’art au XVIIIe siècle : Barry, Banks, Abildgaard : de l’exaltation à l’art de la vision ; L’obscurité lumineuse de Johann Heinrich Füssli et La mythologie picturale de William Blake

La palette vibrante et colorée de Van Gogh

L’art de Vincent Van Gogh (1853 – 1890) se distingue par des coups de pinceau énergiques et des couleurs vibrantes pour évoquer de manière dynamique la vie intérieure de l’artiste et ses émotions.

D’après Vincent Van Gogh, Autoportrait de l’artiste peintre, 1887-1888 ; Autoportrait à l’oreille coupée, 1889 ; et Autoportrait à l’oreille coupée ou L’Homme à la pipe, 1889 ; huiles sur toile, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

L’art de Van Gogh au-delà du réel

Les paysages, les scènes d’intérieurs, les natures mortes et les portraits de van Gogh sont empreints d’une aura psychique et d’une touche moderniste. Le style original de Van Gogh illustre l’esprit postimpressionnisme et influence les recherches de l’expressionnisme allemand. Ses autoportraits expressifs reflètent une grande sensibilité… 

Dès 1887, Vincent Van Gogh s’affranchit déjà d’une représentation du réel pour exprimer une quête de soi et du dépassement. Son esprit artistique fondé sur l’introspection et l’expression du ressenti intérieur sera exploité et revendiqué par les expressionnistes.

D'après Champ de blé aux corbeaux, Vincent van Gogh, 1890, huile sur toile, Auvers-sur-Oise, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Champ de blé aux corbeaux, Vincent van Gogh, 1890, huile sur toile, Auvers-sur-Oise, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Van Gogh décline les lumières du soir…

Vincent Van Gogh arrive à Arles en février 1888, où il aime peindre des “effets de nuit”. L’artiste écrit à son frère Théo : « Il me faut une nuit étoilée avec des cyprès ou, peut-être, au-dessus d’un champ de blé mûr ». 

Après “L’avenue de Clichy, cinq heures du soir”, à Paris, en 1887, Van Gogh peint un ciel nocturne dans “La terrasse d’un café sur la place du forum à Arles”. Puis une vue du Rhône, La nuit étoilée, où il dépeint les nuances colorées qu’il perçoit dans l’obscurité. 

D’après Vincent Van Gogh, la Terrasse de café la nuit, 1888, Arles ; L’Avenue de Clichy, cinq heures du soir, 1887, Paris ; et Le Semeur au soleil couchant, 1888, Arles ; huiles sur toile, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Les bleus d’une nuit étoilée

Dans La nuit étoilée de Van Gogh, les bleus prédominent : bleu de Prusse, bleu outremer, bleu de cobalt. La brillance des éclairages de la ville se reflètent dans l’eau et les étoiles scintillent. La discrète présence d’un couple d’amoureux apporte une touche de tranquillité dans une atmosphère nocturne ponctuée de lumières…

D’après La Nuit étoilée, Vincent Van Gogh, 1888, huile sur toile, Arles, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Nuit étoilée, Vincent Van Gogh, 1888, huile sur toile, Arles, France, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Vincent Van Gogh se confie aussi au peintre Emile Bernard  : « Mais quand donc ferai-je le Ciel étoilé, ce tableau qui, toujours, me préoccupe », ainsi qu’à sa sœur dans une lettre :

« Souvent, il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour ». 

Les tourbillons cosmiques de Van Gogh

En 1889, à Saint-Rémy-de- Provence, alors que  Vincent Van Gogh vient d’être interné,  l’artiste peint une autre version de vision nocturne, Le Ciel étoilé. Dans cette toile colorée, le ciel de la nuit et les étoiles se déploient en tourbillons et les arbres prennent la forme de flammes… 

D’après Le Ciel étoilé, Vincent van Gogh, 1889, huile sur toile, Saint-Rémy-de- Provence, France, fin XIXe siècle.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Ciel étoilé, Vincent van Gogh, 1889, huile sur toile, Saint-Rémy-de- Provence, France, fin XIXe siècle.  (Marsailly/Blogostelle)

Avec Le  Ciel étoilé, Van Gogh exprime avec force la vision cosmique d’un être dont la psychologie tourmentée nourrit à la fois une puissance créatrice passionnée et la frénésie du pinceau…   

LES RESSOURCES PSYCHIQUES DE L’ÊTRE HUMAIN

Au tournant du XIXe siècle et du XXe siècle, la technique photographique se perfectionne et libère les artistes peintres de la nécessité de rester fidèle à une vision classique et réaliste de la nature et du portrait fidèle. Par ailleurs, l’avènement de la psychanalyse met en lumière les ressources psychiques de l’être humain et les mystères profonds de son âme.

D’après Friedrich Nietzsche, Edvard Munch, 1906, huile sur toile, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Friedrich Nietzsche, Edvard Munch, 1906, huile sur toile, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

La vie intérieure devient une source d’inspiration pour les artistes, elle motive des recherches picturales pour exprimer les tourments d’une introspection, la profondeur d’une émotion, les affres de l’angoisse, la quête de soi, les remous intérieurs de l’individu confronté à lui-même, à la société, à la vie et à la mort… 

 Les couleurs tragiques d’Edvard Munch

Né en Norvège, Edvard Munch (1863 – 1944) expose aussi à Berlin et séjourne à plusieurs reprise à Paris où il connaît le poète Stéphane Mallarmé, considéré comme l’un des fondateurs du symbolisme et dont la poésie, “chose sacrée”, se fonde sur la suggestion, l’énigme et le symbole. Par ailleurs, les œuvres de Vincent Van Gogh, Paul Gauguin et Edgar Degas inspirent Edvard Munch, à la recherche de son style…

D’après Anxiété, Edvard Munch, 1894, huile sur toile, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Anxiété, Edvard Munch, 1894, huile sur toile, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Edvard Munch et La Frise de la Vie

L’art de Munch se rattache souvent  à des thèmes tragiques, et ses créations picturales évoluent de manière de plus en plus expressive, voire expressionniste… 

Comme avec Anxiété et Le Cri, des peintures figurant parmi la série La Frise de la Vie, dont la thématique renvoie à l’amour et à la passion dévastatrice, à la mort et à la vie, à la souffrance, à l’angoisse, à la solitude…

D’après Edvard Munch, Le Cri, 1893, huile, tempera et pastel sur carton ; Le Cri, 1895, lithographie, et Le Cri, 1893, pastel sur carton ; Norvège, fin XIXe – début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Un ciel coloré et menaçant

Munch peint Le Cri en 1893. Cette peinture au ciel coloré et menaçant, comme dans Anxiété, évoque l’angoisse existentielle de l’être humain soumis à une modernité mécanisée qui reste en proie  à la puissance de la nature et de l’univers. 

Edvard Munch réalise cinq versions du Cri, entre 1893 et 1910, toutes évoquant une panique intérieure intense. L’artiste utilise diverses techniques pour représenter un même  thème expressionniste : pastel sur carton en 1893 et 1895, lithographie en 1895 et tempera sur carton en 1910. Par ailleurs, l’artiste introduit quelques variantes iconographiques dans ses compositions… 

D’après Le Cri, Edvard Munch, 1895, pastel sur carton, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Cri, Edvard Munch, 1895, pastel sur carton, Norvège, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Le “Cri infini” d’Edvard Munch

Pour Le Cri, Edvard Munch évoque dans son journal le spectacle terrifiant d’un ciel rouge… : “Le soleil se couchait (…) il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété – je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature.”  Le Cri deviendra l’archétype de la recherche expressionniste. 

“Les images derrière la rétine« 

Pour Edvard Munch “L’art est la forme de l’image conçue à travers les nerfs de l’homme – son cœur – son cerveau – son œil. L’art est l’aspiration de l’homme à la cristallisation (…) La nature n’est pas uniquement ce qui est visible à l’œil – c’est aussi les images que l’âme s’en est faite – les images derrière la rétine » (Note manuscrite, N0057-00-01-3 Warnemünde 1907).

D’après Le Cri, Edvard Munch, 1910, tempera sur carton, dernière version, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Cri, Edvard Munch, 1910, tempera sur carton, dernière version, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Munch conçoit son œuvre comme un tout

Comme Paul Gauguin et d’autres artistes précurseurs d’une forme de modernité à la fin du XIXe siècle, Edvard Munch conçoit son œuvre comme un tout. L’artiste se distingue dans sa manière de revenir sur un même thème. 

Edvard Munch réalise ainsi plusieurs versions de certaines de ses œuvres, comme l’illustre les déclinaisons du Cri, de L’Enfant malade, des Jeunes Filles sur le pont… Edvard Munch explore ainsi diverses potentialités et évolutions dans sa peinture… 

D’après Les Jeunes Filles sur le pont, Edvard Munch, 1901, huile sur toile, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Les Jeunes Filles sur le pont, Edvard Munch, 1901, huile sur toile, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

 “Je peindrai des êtres qui respirent…”

Chaque version exprime une émotion particulière, dépeinte grâce au jeu des couleurs et des luminosités, à l’ajout ou la suppression d’un détail, à la transposition dans un autre univers, à l’utilisation de différentes techniques (huile, tempera, pastel…) 

“Je ne peindrai plus d’intérieurs et les gens en train de lire, et les femmes à leur tricot. Je peindrai des êtres qui respirent, sentent, souffrent et aiment.” Edvard Munch

D’après Edvard Munch, Les Jeunes Filles sur le pont, 1901 et 1902 ; huiles sur toile, Norvège, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

La touche expressive et colorée d’Edvard Munch

Dans le version de 1927 des Jeunes Filles sur le pont, Munch reprend le thème des trois jeunes femmes appuyées sur la balustrade d’un pont. La jetée du fjord se prolonge par une route boueuse…

Ce lieu particulier de Aasgaardstrand évoque la station balnéaire du fjord d’Oslo, où Munch a passé de nombreux étés. Les Jeunes Filles tournent le dos à un petit port très animé du côté invisible de la jetée…

D’après Les Jeunes Filles sur le pont, Edvard Munch, 1927, huile sur toile, Norvège, XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après Les Jeunes Filles sur le pont, Edvard Munch, 1927, huile sur toile, Norvège, XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle) 

Les silhouettes des jeunes filles sur le pont, esquissées par de vibrantes touches colorées, forment un trio vivant et expressif, dépourvu de détails . La berge sablonneuse est ponctuée de verdure.

Dans un fondu pictural coloré, une maison clôturée entourée d’arbres au feuillage d’été se reflète dans l’eau. Le reflet évoque la profondeur mystérieuse d’un paysage dont la perception est inversée…  

L’art provocateur de James Ensor

L’art de James Ensor (James Sidney Edouard, baron Ensor, 1860-1949), peintre et dessinateur belge, illustre les relations tendues entre l’artiste et la société, un esprit de provocation et de caricature, une inquiétude moderne…

D’après Le Squelette peintre, James Ensor, 1895-1896, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Le Squelette peintre, James Ensor, 1895-1896, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Personnalité tourmentée et solitaire, James Ensor introduit des masques et des squelettes dans ses compositions.

La lumière, la ligne et la couleur

James Ensor étudie notamment l’art visionnaire de Francisco de Goya et la lumineuse palette de William Turner. Il est fasciné par les ambiances marines, mêlant variations sombres et nuances de clarté. Dans sa peinture, l’artiste expérimente avec dynamisme la lumière, la ligne et la couleur.

D’après James Ensor, Le Théâtre de masques, 1908 ; et Adam et Ève chassés du Paradis, 1887 ; huiles sur toile, Belgique, fin XIXe – début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article  William  Blake et William Turner rendent l’irréel palpable

Ensor et le groupe des Vingt défient l’académisme 

Dès 1881, James Ensor expose à Bruxelles. En 1884, l’artiste figure parmi les artistes du cercle d’avant-garde le groupe des Vingt dit « groupe des XX », qui exposera Georges Seurat, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh et Paul Cézanne.

À l’initiative de l’avocat Octave Maus, le “groupe des XX” se donne pour objectif de défendre un “art intransigeant”, fondé sur “l’insurrection consciente et organisée contre l’académisme”.

D’après L'Intrigue, James Ensor, 1890, huile sur toile, signée et datée, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Intrigue, James Ensor, 1890, huile sur toile, signée et datée, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Le “masque tout de violence, de lumière et d’éclat”

Les œuvres d’Ensor, empreintes d’anxiété et de bouffonnerie, sont cependant violemment critiquées. L’élite intellectuelle d’alors, défendant pourtant l’audace et la liberté, condamne l’esprit caricatural et parfois cauchemardesque qui habite l’art de James Ensor :

“Enfin, traqué par les suiveurs, je me suis confiné joyeusement dans le milieu solitaire où trône le masque tout de violence, de lumière et d’éclat… Le masque me dit : Fraîcheur de ton, expression suraiguë, décor somptueux, grands gestes inattendus, mouvements désordonnés, exquise turbulence.

… Protestons, protestons, et sans cesse reprotestons. Jugeons les maîtres par nous-mêmes…” (Une réaction artistique au pays de Narquoisie, James Ensor, 1900)

D’après James Ensor, Le Désespoir de Pierrot (Pierrot le jaloux), 1892 ; et La Mort et les masques, 1897 ; huiles sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

« Et mes masques souffrants, scandalisés, insolents, cruels, méchants (…) ; traqué par les suiveurs, je me suis confiné joyeusement au pays solitaire de narquoisie où trône le masque muflé de violence et d’éclat » (Les Écrits de James Ensor 1928-1934, Anvers, 1934)

Ensor imagine l’arrivée du Christ à Bruxelles…

En 1888, James Ensor réalise sa toile monumentale, L’Entrée du Christ à Bruxelles, un virulent pamphlet social évoquant des “fanfares doctrinaires”. L’artiste imagine l’arrivée du Christ dans la Bruxelles contemporaine.

D’après L'Entrée du Christ à Bruxelles, James Ensor, 1888, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Entrée du Christ à Bruxelles, James Ensor, 1888, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Le Christ sur son âne, représenté selon les canons bibliques traditionnels, se retrouve entouré par une foule burlesque et carnavalesque. Une immense banderole rouge porte les mots : « Vive la sociale ».

La liberté picturale et la modernité d’Ensor

Peintures, dessins, eaux-fortes, James Ensor crée et produit intensément entre 1886 et 1900. L’artiste prend plaisir aussi à des écrits sarcastiques et ubuesques. 

Si la liberté picturale de James Ensor et la facture moderne de ses lumières annoncent l’expressionnisme et l’émergence de l’avant-garde, son rôle de précurseur ne sera pas reconnu avant les années 1920.

D’après James Ensor, L’Entrée du Christ à Bruxelles, détails, banderole, fanfare et squelette, 1888, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

« Vive l’art libre, libre, libre ! »

« L’art moderne n’a plus de frontières. À bas les rembrunis acariâtres. Fromagers égoïstes et sirupeux. Alarmistes frontiérisés. Charcutiers de Jérusalem. Moutons de Panurge. Architectes frigides et mélassiers, etc. Vive l’art libre, libre, libre !  » (Une réaction artistique au pays de Narquoisie, James Ensor, 1900) 

Création artistique et finitude

Dans Squelettes se réchauffant, James Ensor met en scène trois squelettes costumés autour d’un poêle sur lequel est écrit “Pas de feu” et, dessous, “En vous trouverez demain ?” – « Pas de feu. Une palette, un pinceau, un violon et une lampe symbolisent des activités artistiques (peinture, musique, littérature). 

D’après Squelettes se réchauffant, James Ensor, 1889, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Squelettes se réchauffant, James Ensor, 1889, huile sur toile, Belgique, fin XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Cette composition renvoie aux allégoriques danses macabres des images populaires médiévales et du début de la Renaissance, ainsi qu’aux Vanités du XVIIe siècle. James Ensor illustre sans doute ici l’art et sa finitude, la fugacité de l’existence et la fatuité de l’être humain et de l’artiste.

La fatuité définit un contentement de soi excessif, un orgueil démesuré et une insolente vanité qui seront fauchés l’heure venue… 

D’après L'atelier au crâne, Georges Braque,1938, huile sur toile, thème pictural de la Vanité, France, XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’atelier au crâne, Georges Braque,1938, huile sur toile, thème pictural de la Vanité, France, XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Vanités et danses macabres

Invitant à l’humilité, Vanités et danses macabres évoquent ainsi l’inéluctabilité et l’impartialité de la mort, quel que soit le statut des personnes dans la société, et donc l’égalité de tous face à “la Grande Faucheuse”. Ce thème sera revisité au XXe siècle, marqué par deux guerres mondiales meurtrières, comme avec L’atelier au crâne de Georges Braque…

Die Brücke et l’Expressionnisme allemand

Le mouvement artistique allemand Die Brücke, le “Le pont”, nom inspiré par Friedrich Wilhelm Nietzsche (allusion à « La grandeur de l’homme, c’est qu’il est un pont et non une fin »), est fondé en 1905 à Dresde.

D’après Trois baigneuses, Ernst Ludwig Kirchner, 1913, huile sur toile ; et Monsieur et dame, Emil Nolde, 1911, Hambourg ; huiles sur toile, Expressionnisme allemand, début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Die Brücke regroupe des artistes allemands d’inspiration expressionniste, tels Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), Karl Schmidt-Rottluff (1884 – 1976), Emil Nolde (1867-1956)…

« Le Cavalier Bleu » de Vassily Kandinsky

Le mouvement Der Blaue Reiter, “Le Cavalier bleu », réunit à Munich les artistes Vassily Kandinsky, Franz Marc et August Macke entre 1912 et 1914 (date de la Première Guerre mondiale). Ce groupe de l’avant-garde expressionniste relie art et spiritualité sous l’égide de Vassily Kandinsky.

D’après Cheval bleu I, Franz Marc, 1911, huile sur toile, Munich, Le cavalier, Vassily Kandinsky, 1911, huile sur toile ; et L’Almanach Le Cavalier bleu (Blaue Reiter), 1912, Vassily Kandinsky ; début XXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Vassily Kandinsky publie Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier en 1911. “Le Cavalier bleu”, désigne à l’origine une chronique des événements artistiques de l’année publiée en 1912 et conçue en 1911 par Franz Marc et Vassily Kandinsky,

Au début du XXe siècle, les mouvements artistiques fauve et cubiste continuent d’explorer les ressources de la couleur et de la forme. Les artistes fauves exaltent la couleur pure et les cubistes se concentrent sur une analyse du réel, décomposant et recomposant figures, perspectives et nuances colorées. De son côté, Vassily Kandinsky expérimente différents courants et découvre l’art abstrait…

À suivre… 

Sommaire L’Art au XXe siècle 

James Ensor. Une réaction artistique au pays de Narquoisie, de James Ensor, 1900. PDF : ia600309.us.archive.org/32/items/lescritsdejame00enso/lescritsdejame00enso.pdf – Edvard Munch. L’œil moderne – 1900-1944 (Centre Pompidou, 2011 -2012), mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Munch/ENS-Munch.html – Van Gogh, musée d’Orsay, La Nuit étoilée : musee-orsay.fr/fr/oeuvres/la-nuit-etoilee-78696

Des poètes ? Charles Baudelaire (1821-1867), Stéphane Mallarmé (1842- 1898) et Paul Verlaine (1844 -1896), dans la mouvance symboliste et mystique. Guillaume Apollinaire (1880-1918), poète, écrivain, critique d’art…, un auteur sensible à la révolution picturale et à l’avant-garde artistique (fauvisme, cubisme, futurisme…)

Publié par Maryse Marsailly

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