Gaule Romaine. Cultes des Sources et piété, déesse Sequana, laraires et zodiaques

D'après le culte des sources, Gaule Romaine, Histoire de l'Art. (Marsailly/Blogostelle)

Des milliers d’ex-voto en Gaule

La piété populaire comme les réflexions les plus savantes nourrissent la vie culturelle en Gaule Romaine… Des milliers d’ex-voto sont déposés par les pèlerins dans les sanctuaires des sources et chacun honore ses divinités préférées à la maison. À côté des auteurs latins et de la mythologie gréco-romaine, la pensée s’inspire aussi d’influences venues d’Égypte et d’Orient. Carte du ciel et calendrier se font œuvre d’art…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024 –

D'après un ex-voto, buste féminin, yeux fermés, calcaire, Source de la Seine, Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un ex-voto, buste féminin, yeux fermés, calcaire, Sources de la Seine, Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : conquête romaine de la Gaule par César. IIe-IIIe siècle : La Pax Romana – Fin IIIe siècle : premières incursions barbares – IVe siècle : fin de l’Antiquité – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine

LE CULTE GAULOIS DES SOURCES

En Gaule, les sources conservent un grand pouvoir de fascination spirituelle sur la population. L’importance sacrée des Eaux relève d’un lointain héritage qui perdure dans les sanctuaires gaulois. Les sources sont l’objet de pèlerinages et on aménage parfois des ensembles cultuels monumentaux.

D’après Sirona, déesse gauloise des Sources et de la Santé, au côté d’Apollon, dieu guérisseur, bronze, IIe siècle, Dijon, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Sirona, déesse gauloise des Sources et de la Santé, au côté d’Apollon, dieu guérisseur, bronze, IIe siècle, Dijon, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des milliers d’ex-voto dans les sanctuaires

Des milliers d’ex-voto sont déposés sur les nombreux lieux sacrés de la Gaule. Les fidèles viennent déposer des objets votifs de toutes sortes dans les fana (singulier fanum, temple gaulois) comme dans les grands et spacieux sanctuaires collectifs gallo-romains.

Prières et remerciements

Les Gaulois accompagnent leurs prières et remerciements de figurines personnelles, de statuettes de divinités, de petits animaux, de bijoux, de vaisselles, de pièces de monnaie… Les objets votifs sont façonnés en bois, en pierre ou encore en métal, en bronze, en argent, en or.

D’après une stèle d’Hercule, sanctuaire des sources d’Hercule, IIe siècle, Deneuvre, Meurthe-et-Moselle ; ex-voto sculpté, portrait, hêtre, source des Roches, Ier siècle, Chamalières ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les sources d’Hercule

On aménage le sanctuaire des sources d’Hercule vers 150. Quelques bassins en bois sont les réceptacles des sources grâce à un réseau de canalisations, lui aussi en bois, qui permet d’acheminer et d’évacuer les eaux. Au IIe siècle, le sanctuaire d’Hercule voit sa fréquentation et sa notoriété augmenter…

Entre 175 et 185, le bois des bassins est remplacé par la pierre. On pose des toitures et on installe les premières statues. Après une période d’abandon et de renouveau à la fin du IIe siècle, le sanctuaire est finalement détruit vers 375, au cours de la période chrétienne…

D'après un ex-voto en bronze, femme et gobelet d'eau, Vichy, Allier,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un ex-voto en bronze, femme et gobelet d’eau, Vichy, Allier,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les sanctuaires des sources

En Gaule Romaine, les dépôts votifs prennent souvent la forme de figurines en bois sculpté et relèvent de pratiques très populaires…

Les sanctuaires aménagés auprès des sources prennent parfois la forme d’un vaste ensemble monumental. Ils regroupent alors des temples, des thermes et un amphithéâtre…

Lieux sacrés et déités guérisseuses

En Gaule, certains lieux sacrés sont consacrés plus particulièrement à des déités guérisseuses. Les pèlerins y déposent leurs offrandes et leurs ex-voto pour obtenir la bienveillance et la protection des divinités.

D'après un cheval ex-voto, hêtre, source des Roches, Ier siècle, Chamalières, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un cheval ex-voto, hêtre, source des Roches, Ier siècle, Chamalières, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Deux sanctuaires gaulois possèdent des dépôts très importants : celui des Sources de la Seine, en Bourgogne, non loin de Dijon, et celui de Chamalières, en Auvergne, près de Clermont-Ferrand. Les pèlerins ont déposé là de très nombreux ex-voto qui remontent au début du Ier siècle…

Plus de 1500 ex-voto à Chamalières

Sur le vaste sanctuaire des Sources de la Seine, en Bourgogne, les pèlerins déposent plus de 300 effigies sculptées en bois de chêne. Ces figures représentent des personnages malades et des fidèles nus ou vêtus.

D’après deux ex-voto en bois, masculin et féminin ; ex-voto des yeux, plomb ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les pèlerins déposent aussi des ex-voto qui représentent des parties du corps humain, des planches anatomiques ou encore des animaux. Il existe aussi des petits ex-voto en bronze. Sur le site de Chamalières, les fidèles ont placé là plus de 1500 sculptures en bois destinées aux divinités guérisseuses…

SEQUANA, DÉESSE GAULOISE DE LA SEINE

Les Gaulois honorent particulièrement Sequana pour ses pouvoirs de guérison. Les pèlerins qui se rendent aux sources de la Seine invoquent aussi la déesse gauloise pour exaucer leurs vœux. Sequana, déesse des sources de la Seine, est encore la protectrice de la tribu gauloise des Séquanes…

D'après une statue de Sequana, déité de la Seine, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Ier - IIIe siècle, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue de Sequana, déité de la Seine, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Ier – IIIe siècle, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le sanctuaire des Sources de La Seine

Selon l’Inrap, Sequana, le nom celte de la Seine, un puissant fleuve, provient du gaulois seg qui signifie puissant et de la terminaison ana qui désigne un cours d’eau. La première crue de la Seine est mentionnée par l’empereur Julien en 358 dans Misopogon (ou L’Ennemi de la barbe)…

Les Gaulois honorent Sequana

Les sources de la Seine se situent en Côte-d’Or, à 471 mètres d’altitude, dans un étroit vallon au fond duquel les eaux jaillissent. Les Gaulois sacralisent la source principale et élèvent en ces lieux un sanctuaire où ils honorent la déesse Sequana.

On élève le temple consacré à la déesse de la Seine à la fin du Ier siècle. Cet édifice sacré prendra encore de l’ampleur aux IIe et IIIe siècles.

D’après deux ex-voto en bois, culte des sources, Ier – IIIe siècle, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Malgré une sculpture sommaire, certaines figures taillées dans le bois dégagent une expression de profonde ferveur et d’intériorité. Les yeux des personnages évoquent parfois la cécité..

Des ex-voto en bois, en pierre et en bronze 

Des pèlerins en nombre se rendent aux Sources de la Seine dans l’espoir de guérir leurs maux et de recouvrer la santé. On puise alors l’eau sacrée avant de s’en asperger. Les croyants vouent à la divinité des centaines d’ex-voto en bois, en pierre et en bronze en guise de remerciements et de prières.

Sequana vêtue à la grecque

Une statue en bronze dont l’élégante et gracieuse figure féminine représente la déesse de la Seine provient du sanctuaire des Sources de La Seine, en Bourgogne. L’artiste enveloppe Sequana dans un long et souple drapé qui rappelle davantage la robe-tunique grecque que l’habit gaulois ou romain.

D'après Sequana, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Ier - IIIe siècle, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Sequana, bronze, sanctuaire des Sources de La Seine, Ier – IIIe siècle, Bourgogne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Barque et palmipède

La déesse Sequana est couronnée par un diadème orné de perles et trône sur une barque pourvue de trous. La figure de proue affiche un canard portant un élément rond dans le bec, un fruit ou peut-être un œuf…

L’artiste réalise son œuvre d’art à la fois avec idéalisme et naturalisme et fait preuve d’une grande finesse dans l’exécution. On note une touche originale qui relève peut-être de la tradition celtique et de son goût pour les palmipèdes..

D’après le char rituel avec palmipèdes de Dupljaja, terre cuite, âge du Bronze, Serbie, Belgrade ; Sequana, déesse gauloise des Sources de la Seine, bronze, Ier – IIIe siècle, Bourgogne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les Gaulois divinisent les rivières et les fleuves

Le thème du palmipède et de l’Eau se rencontre déjà à l’Âge du Bronze, puis à l’époque celtique de l’Âge du Fer dans l’iconographie cultuelle ou sur des objets d’art. Les eaux, dans lesquelles on dépose parfois des objets précieux, sont très présentes dans l’univers sacré du monde celte…

Symbolisme aquatique

Une autre image moulée dans le bronze, sans doute Sequana, montre aussi la déesse gauloise debout sur un canard, symbole du monde aquatique. Les Gaulois divinisent les rivières et les fleuves, comme aussi les peuples celtiques.

D’après Sequana et sa barque palmipède, déesse gauloise de la Seine, bronze, vers 100 apjc ; statue d’une déesse fluviale gauloise, Ier siècle, Dijon ; masque d’Acheloos, dieu fluvial, bronze, Ier siècle avjc, Lezoux ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

De nombreux ex-voto taillés dans le bois

Sur le site des Sources de la Seine, les archéologues ont découvert dans les zones marécageuses quelque 300 ex-voto préservés. Ces images sculptées en bois de chêne, entre 40 avjc et 20 apjc, sont des ex-voto destinés à obtenir une guérison ou la réalisation d’un vœu.

D’après des ex-voto masculins, bois, Ier siècle avjc- Ier siècle, Sources de la Seine, ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Ces nombreux ex-voto sont souvent taillés dans le bois, ou dans la pierre ou encore coulés dans le bronze. Les fidèles les déposent dans le sanctuaire des sources, où se trouve un temple consacré à la déesse Sequana, divinité de la Seine… Parmi les ex-voto, on représente des parties malades du corps humain ou celles d’un animal.

Des inscriptions identifient Sequana

Les lieux ont fait l’objet de campagnes de fouilles entre 1836 et 1967. On a découvert là une statuette identifiée par des inscriptions comme la déesse Sequana. Cette figure en bronze faisait partie du dépôt ou du trésor du sanctuaire consacré à la déesse de la Seine et aux Sources.

D'après un ex-voto, enfant, talisman et chien, calcaire, Source de la Seine, vers Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un ex-voto, enfant, talisman et chien, calcaire, Sources de la Seine, vers Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La légende de la Seine, une création littéraire…

Si l’existence du culte de la déesse celte et gauloise Sequana est attesté à partir de 1836, les ondes de la Seine avaient par ailleurs inspiré des écrivains dès le XVIIe siècle. Ainsi, Racine évoque La Nymphe de la Seine dans une ode à la reine.

Au XVIIIe siècle, Bernardin de Saint-Pierre raconte dans son ouvrage L’Arcadie une légende de la Seine, fille de Bacchus et nymphe de Cérès, dont le sujet ne relève pas de la mythologie mais de la création littéraire (voir à la fin de l’article).

L’AUTEL DES LARES ET DES MÂNES

La pratique cultuelle en Gaule imprègne la vie publique comme la vie personnelle. Les laraires sont des autels domestiques à l’intérieur des habitations. Ils abritent les Lares, divinités protectrices du foyer et de la maisonnée, et les Mânes qui se rattachent au culte des ancêtres…

D'après une déesse mère allaitant, terre cuite, IIe siècle, Auvergne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une déesse mère allaitant, terre cuite, IIe siècle, Auvergne, France,  Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le culte domestique gallo-romain

Le culte domestique en Gaule romaine ressemble au culte romain des ancêtres. L’autel domestique, le laraire, s’apparente à une chapelle miniature. Il se compose d’un ensemble de figurines, avec des images des Lares, des Mânes et des dieux favoris de la famille.

Les Pénates veillent sur la nourriture

Le laraire (de lararium), parfois installé dans une niche, accueille les Lares et aussi les Pénates (de penus, garde-manger). Les Pénates veillent à la bonne conservation de la nourriture. Les Lares veillent sur les portes, les serrures, la maison, et assurent la prospérité du foyer et de la famille. Les statuettes des dieux Mânes matérialisent les esprits des aïeux…

D’après le culte domestique des Lares, mosaïque de Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle ; l’autel domestique d’Argentomagus, pierre, II-IIIe siècle ; France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des offrandes de vin, fruits, gâteaux, miel, encens…

En Gaule Romaine, on installe le laraire dans le jardin, dans l’angle d’une pièce de la maison ou encore on lui dédie une petite cella (pièce). Parmi les divinités de l’autel domestique, on rencontre la déesse Fortuna et sa corne d’abondance, des divinités protectrices de corporations et de métiers, des déités tutélaires ou de l’abondance…

Les Gaulois déposent des offrandes aux divinités sur l’autel familial : vin, fruits, lait, gâteaux, miel, encens… À côté des Lares et des Pénates, on honore aussi dans les maisons de la Gaule quelques dieux favoris et des déités cosmiques…

D'après une Vénus, figurine, dépôt funéraire, Ier siècle, Rennes, Bretagne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une Vénus, figurine, dépôt funéraire, Ier siècle, Rennes, Bretagne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Déesses -mères, Epona, Vénus…

On offre des libations (des boissons) à des effigies de déesses mères, de Vénus et d’Épona. À l’époque de la Gaule Romaine, toutes ces divinités protègent la communauté de la maisonnée. On installe aussi dans les maisons des objets plus personnels qui peuvent posséder une signification votive (liée un vœux ou à une prière)…

Voir aussi l’article Gaule Romaine. Le panthéon réunit tradition gauloise et romaine avec le Pilier des Nautes

D'après un objet votif personnel, dit Les Amants de Bordeaux, terre cuite, IIe-IIIe siècle, France, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un objet votif personnel, dit Les Amants de Bordeaux, terre cuite, IIe-IIIe siècle, France, Gaule romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Statuettes et figurines façonnées en série

Installées dans les laraires, des statuettes en céramique de déesses mères allaitent un ou deux nourrissons, assises parfois dans un fauteuil tressé. Des figurines de Vénus proviennent de dépôts funéraires en Bretagne et en Pays de la Loire. Elles sont façonnées en terre cuite blanche…

Ces Matrones divines apportent la fertilité, protègent les mères et les enfants. Pour répondre à la demande, ces images sacrées gauloises sont fabriquées en série selon la technique romaine de la terre cuite moulée.

D'après un moule et une figurine de déesse mère, terre cuite, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un moule et une figurine de déesse mère, terre cuite, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Vénus séduit les Gaulois et s’invite dans les foyers

En Gaule, le culte de la déesse romaine de l’Amour, Vénus (Aphrodite pour les Grecs), est très répandu. On l’honore en particulier pour protéger les enfants. Il existe aussi des représentations personnelles de couples d’amoureux…

Les artistes réalisent de nombreuses images de Vénus, sous la forme de statuettes et de figurines en ronde bosse en pierre ou en métal. Ils façonnent encore des modèles en terre cuite blanche. La déesse est parfois associée à des symboles, comme des rouelles ou des astres…

Dans l’Ouest de la France, on a réalisé des séries de figurines assez sommaires, les Vénus dites à gaine. Le style de ces représentations de Vénus et de Cupidon s’inspire des modèles romains. Ainsi, on représente Vénus à sa Toilette, Vénus sortant de l’eau… Parfois la déesse tient un linge ou sa longue chevelure…

D'après une Vénus, dite à gaine, terre cuite blanche, Ier siècle, Pays de la Loire, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une Vénus, dite à gaine, terre cuite blanche, Ier siècle, Pays de la Loire, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

L’autel domestique de Rezé

Une antique cité fluviale

L’antique cité fluviale de Rezé, sur la Loire, est fondée entre 20 avjc et 10 apjc. Ratiatum se développe surtout au Ier siècle. C’est une ville importante pour les Pictons, juste après leur capitale Limonum, l’antique cité de Poitiers.

On construit de nombreuses habitations à Ratiatum, un temple et des thermes publics. On installe des entrepôts et des magasins le long du port, et on aménage les quais à la fin du fin Ier siècle. La cité de Rezé décline à partir du IIIe siècle, au profit de Portus Namnetum, la Nantes antique.

Le laraire de Rezé marie culte impérial et déités gauloises

L’autel miniature de Rezé remonte au début du IIe siècle. Il serait l’unique modèle retrouvé en France dans son support mural. Ce petit laraire, conservé à Nantes, est sans doute à l’origine encastré dans l’un des murs extérieurs des thermes.

D’après le Laraire de Rezé, sa niche et ses figurines sacrées, IIe siècle, Loire-Atlantique, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Laraire de Rezé, sa niche et ses figurines sacrées, IIe siècle, Loire-Atlantique, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le buste féminin d’une impératrice placé au centre de l’autel évoque le culte impérial romain, la protection et la prospérité apportées par Rome. D’autres figurines du laraire de Rezé incarnent des divinités gauloises non identifiées. Ces petites statuettes sont fréquentes sur les autels domestiques gaulois.

On rencontre aussi le cochon, symbole de prospérité, et le chien, protecteur du foyer, qui est aussi un animal psychopompe, en relation à l’au-delà (et aux ancêtres?). Deux divinités aux formes plates représentent peut-être des déités à caractère cosmique ou un couple divin…

ZODIAQUE, CARTE DU CIEL, CALENDRIER…

En Gaule Romaine, les citoyens les plus instruits s’entourent d’objets aux décors savants en relation avec l’astrologie, dont l’iconographie suggère des influences égyptiennes. Très présent en Orient, le zodiaque se répand aussi dans le monde gréco-romain…

D'après les tablettes zodiacales de Grand, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les tablettes zodiacales de Grand, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un héritage celtique et druidique

Le mot religion n’existe pas dans le monde celtique

Il est intéressant de remarquer que l’héritage celtique ne comporte pas de vocable pour signifier le concept de religion. Par contre, les peuples celtes et gaulois utilisent des termes comme pratique, coutume, foi, croire, adorer ou encore prier

On connaît aussi l’importance essentielle du Soleil, du Feu, de l’Eau et de la Terre dans la tradition celtique et gauloise. Pour les peuples Celtes et Gaulois, ces éléments sacrés sont intimement liés à leur vision spirituelle du monde.

Sciences médicinales et savoirs druidiques

L’image de Cernunnos entouré d’Apollon et de Mercure évoque peut-être le souvenir des connaissances attribuées aux grands dieux du panthéon celtique. Le dieu Gaulois s’associe à l’Apollon guérisseur (sans doute) et au Mercure romain, dieu savant et habile…

D'après la stèle de Cernunnos, dieu cornu gaulois, entre Apollon et Mercure, IIe siècle apjc, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Cernunnos, dieu cornu gaulois, entre Apollon et Mercure, IIe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Dans la tradition celte et gauloise, les druides détiennent le savoir médicinal et toutes les connaissances, à l’image de leur dieu suprême, le Dieu-Druide Polytechnicien qui possède toutes les sciences et les habiletés…

Les druides gaulois gardent leur doctrine secrète

Les druides ne sont pas seulement des prêtres, ils enseignent et rendent la justice. Ils sont soumis à une très longue période de formation. Organisée et hiérarchisée sous l’égide d’un chef unique élu, l’assemblée des druides se réunit tous les ans dans la forêt des Carnutes (région de Chartres).

Voir aussi les articles En Gaule celtique, les druides sont les spécialistes du sacré et du savoir et Une tradition druidique orale et poétique en Gaule celtique

D'après Luna et Sol au centre du zodiaque, diptyque de Grand, IIe siècle, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Luna et Sol au centre du zodiaque, diptyque de Grand, IIe siècle, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La littérature mythique de l’Irlande ancienne (récits épiques et légendaires, vies des saints…) évoque la grande importance sociale des druides, dont l’autorité surpasse celle du roi. Gardiens de la tradition, les druides gaulois conservent secrètement leurs connaissances et leur doctrine.

Rappelons que dans la culture celtique l’écriture est proscrite pour tout ce qui relève du domaine sacré. L’enseignement des druides est prodigué uniquement oralement. Et selon César (dans ses Commentaires) leur science s’étend à la cosmogonie et à l’astronomie…

Les tablettes zodiacales de Grand

Une savante carte du ciel gravée sur ivoire

Sur les tablettes zodiacales de Grand, un diptyque composé de deux panneaux pliants, gravé sur ivoire au IIe siècle, on peut apercevoir un zodiaque qui se déploie autour des figures centrales du Soleil et de la Lune.

D'après les tablettes de Grand, compartiments et figures égyptiennes, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les tablettes de Grand, compartiments et figures égyptiennes, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les 12 signes astrologiques sont mentionnés en grec. Cette savante carte du ciel représente le zodiaque sous la forme de 4 cercles concentriques. Le Soleil et la Lune, les 12 signes astrologiques et les 36 décans sont représentés comme des divinités égyptiennes, dont les noms sont inscrits en grec.

Chacun des 12 signes du zodiaque se divise en trois décans (un décan = 10 jours). L’artiste rehausse les figures gravées en creux, de rouge, de noir et d’or…

D'après les tablettes de Grand, compartiments et figures égyptiennes, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les tablettes de Grand, compartiments et figures égyptiennes, diptyque en ivoire, IIe siècle, Grand, Vosges, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le disque zodiacal de Chevroches

En Gaule Romaine, une ville importante se développe à Chevroches, dans la Nièvre. L’atelier de métallurgie de la cité antique est particulièrement actif aux IIIe et IVe siècles. À cette époque, les artisans conservent alors des stocks de métal destinés à la refonte…

Les 12 signes et 36 décans astrologiques

Le disque de Chevroches représente les 12 signes du zodiaque et les 36 décans astrologiques, le tout finement incisé et ciselé. L’artiste travaille sur une tôle de bronze martelée de seulement 0,5 millimètres d’épaisseur.

D'après le disque astrologique de Chevroches, fin IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le disque astrologique de Chevroches, fin IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

L’artiste réalise un disque hémisphérique en bronze d’environ 10 centimètres de diamètre. Cet objet unique dans le monde gallo-romain réunit astrologie et astronomie…

Instrument de calcul et carte du ciel

Le disque de Chevroches s’apparente à un instrument de calcul qui permet de dresser une carte du ciel. Le cercle se divise en douze compartiments égaux. Chaque compartiment contient trois mots superposés inscrits en caractères grecs.

D'après le disque astrologique de Chevroches, les mois et les signes du zodiaque, fin IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le disque astrologique de Chevroches, les mois et les signes du zodiaque, fin IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La ligne extérieure du cercle correspond aux douze mois égyptiens, la ligne médiane aux signes du zodiaque et la ligne intérieure aux douze mois romains avec des abréviations…

L’une des premières représentations du Ciel européen remonterait à l’âge du Bronze : voir l’article L’Âge du Bronze, arts, richesses et prestige

Le calendrier gaulois de Coligny

Découvert en 1897 dans l’Ain, le calendrier fragmentaire de Coligny témoigne lui aussi de la complexité du savoir traditionnel gaulois. Mais cet objet ne révèle pas de nom de divinité identifiable avec certitude.

D'après le calendrier gaulois de Coligny, table en bronze, IIe siècle, Rhône-Alpes, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le calendrier gaulois de Coligny, table en bronze, IIe siècle, Rhône-Alpes, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un document en langue gauloise

Par ailleurs, les indications restent trop obscures pour reconnaître les fêtes sacrées annuelles. Un autre calendrier trouvé en Gaule situerait la fête d’Épona le 15 décembre.

Gravé dans le bronze, le calendrier de Coligny est à ce jour le plus long document connu en langue gauloise. Mais un certain nombre de mots sont encore à déchiffrer…

Du point de vue de l’astronomie, ce calendrier, à la fois lunaire et solaire, est exceptionnel. On peut y découvrir l’ajout de mois intercalaires pour tenter de faire concorder les phases de la Lune et l’année solaire…

D'après le calendrier gaulois de Coligny, table en bronze, IIe siècle, Rhône-Alpes, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le calendrier gaulois de Coligny, table en bronze, IIe siècle, Rhône-Alpes, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des fêtes sacrées tout au long de l’année

Deux mentions de mois, samon et giamon, nous renvoient au début de l’été et au début de l’hiver. Dans la tradition irlandaise, des fêtes religieuses se déroulent au début de chaque trimestre. On célèbre Lugnasad, la fête du dieu Lug, le 1er août, en installant des feux sur les hauteurs.

La fête de Samain, le 1er novembre, correspond à la fête des morts, et on célèbre Imbolc, une fête de la purification, le 1er février… Au moment de la fête de Beltaine, le 1er mai, on fait passer le bétail entre deux feux pour le protéger des mauvais esprits…

D'après le thème des feux de la fête du dieu Lug, Lugnasad, le 1er août, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le thème des feux de la fête du dieu Lug, Lugnasad, le 1er août, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)

Certains ont rapproché le nom de Beltaine (Beltane, Beltene) et celui du Belenos gaulois. Le folklore des pays celtiques conserve sans doute des réminiscences de ces fêtes saisonnières ancestrales. Et en France, les feux de la Saint-Jean y puisent peut-être leur origine…

LA LÉGENDE LITTÉRAIRE DE LA SEINE

Bernardin de Saint-Pierre, Arcadie, 1792 (extrait)

Dans son Arcadie, Bernardin de Saint-Pierre fait raconter à Céphas la légende de la Seine, nymphe de Cérès qui « avait suivi dans les Gaules la déesse des blés lorsqu’elle cherchait sa fille Proserpine par toute la terre. Quand Cérès eut mis fin à ses courses, la Seine la pria de lui donner, en récompense de ses services, ces prairies que vous voyez là-bas… »

La Seine, fille de Bacchus et nymphe de Cérès

« La déesse y consentit, et accorda de plus à la fille de Bacchus, de faire croître des blés partout où elle porterait ses pas. Elle laissa donc la Seine sur ces rivages, et lui donna pour compagne et pour suivante la nymphe Héva, qui devait veiller près d’elle, de peur qu’elle ne fut enlevée par quelque dieu de la Mer, comme sa fille Proserpine l’avait été par celui des Enfers.

La Seine s’amusait à courir sur le sable…

« Un jour que la Seine s’amusait à courir sur ces sables en cherchant des coquilles, et qu’elle fuyait, en jetant des grands cris, devant les flots de la mer qui quelquefois lui mouillait la plante des pieds, et quelquefois l’atteignaient jusqu’aux genoux, Héva aperçut sous les ondes, les cheveux blancs, le visage empourpré et la robe bleue de Neptune (…)

D'après la Nymphe des sources de la Seine, 1934, Paul Auban, copie de François Jouffroy, 1867, Saint-Germain-Source-Seine, Côte-d'Or, Bourgogne, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Nymphe des sources de la Seine, 1934, Paul Auban, copie de François Jouffroy, 1867, Saint-Germain-Source-Seine, Côte-d’Or, Bourgogne, France. (Marsailly/Blogostelle)

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La Seine et Neptune, dieu de la Mer

.. A sa vue Héva jeta un grand cri, et avertit la Seine, qui s’enfuit aussitôt, vers les prairies… … Mais le dieu de la Mer avait aperçu la nymphe de Cérès, et, touché de sa bonne grâce et de sa légèreté, il poussa sur le rivage ses chevaux marins auprès d’elle. Déjà, il était près de l’atteindre, lorsqu’elle invoqua son père Bacchus et Cérès sa maîtresse.

Des flots couleur d’émeraude…

« L’un et l’autre l’exaucèrent : dans le temps que Neptune tendait les bras pour la saisir, tout le corps de la Seine se fondit en eau, son voile et ses vêtements verts, que les vents poussaient devant elle, devinrent des flots couleur d’émeraude ; elle fut changée en un fleuve de cette couleur, qui se plaît encore à parcourir les lieux qu’elle a aimé étant nymphe.

La Seine remonte vers sa source…

« Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que Neptune, malgré sa métamorphose, n’a cessé d’en être amoureux (…) Mais si le dieu des Mers a conservé son amour pour la Seine, la Seine garde encore son aversion pour lui.

« Deux fois par jour, il la poursuit avec de grands mugissements, et chaque fois la Seine s’enfuit dans les prairies en remontant vers sa source, contre le cours naturel des fleuves. En tout temps, elle sépare ses eaux vertes des eaux azurées de Neptune… »

En Gaule Romaine, aux IIe siècle, on pratique surtout l’incinération. À partir de la deuxième moitié du IIIe siècle, c’est l’inhumation qui prédomine. Vers la fin du IIe siècle et surtout au IIIe siècle, des cultes orientaux se diffusent en Gaule, dont les Mystères de Mithra. Les coutumes funéraires et les croyances évoluent… 

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Sommaire Rome antique – Gaule Romaine

Disque astrologique : Découverte d’un disque astrologique antique à Chevroches (Nièvre) rae.revues.org/1269 Source RAE (revue Archéologique de l’Est).

Légende de la Seine : Jacques Bernardin Henri de Saint-Pierre (1737-1814), L’Arcadie, sur gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101904r Et Jean Racine, La Nymphe de la Seine à la Reyne,ode, 1660 apjc, sur gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8612046f

Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue : Arles à l’époque de la Gaule romaine.

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

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