De l’antique Jéricho à Çatal Höyük
L’histoire des arts dans les civilisations anciennes du Proche et Moyen Orient regroupe plusieurs cultures qui s’épanouissent sur une aire géographique immense. Dès les IXe et VIIIe millénaire avjc, les peuples du Levant sont des précurseurs dans l’adoption d’un mode de vie néolithique. Ils bâtissent aussi les premières cités de l’histoire de l’Humanité. La céramique fait son apparition au VIe millénaire avjc. À la fin du IVe millénaire avjc, l’écriture naît à Sumer, en Mésopotamie…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mai 2024 –

Vers 6000 ans avjc, les peuples du Levant et de l’Orient ancien inventent puis perfectionnent la technique de la terre cuite : la céramique. Des décors peints et sculptés viendront embellir les poteries…
REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Néolithique : VIIIe – IVe millénaire avjc. LEVANT, VIIe millénaire avjc : Jéricho. VIe millénaire avjc : Çatal Höyük et Hacilar. MÉSOPOTAMIE, VIe – IVe millénaire avjc. IVe millénaire avjc : SUSE. L’écriture à SUMER vers 3300 avjc. Chronologie Orient ancien
UNE MOSAÏQUE DE PEUPLES AU LEVANT
La Mésopotamie au sens large du terme regroupe à elle seule la quasi majorité des territoires du Croissant Fertile. C’est là que vivent des nomades qui finalement se fixent dans les plaines propices aux cultures agricoles. Ces précurseurs adoptent un mode de vie néolithique…

Le Néolithique dans les régions du Levant
Des peuples nomades se sédentarisent
La Mésopotamie et Assyrie, l’Iran ancien et les contrées du Levant représentent de nos jours un nombre important de pays. Chypre, la Turquie, Israël, la Palestine, la Jordanie, la Syrie, l’Irak, l’Iran, les Émirats, l’Arabie Saoudite… Tous sont les héritiers des ancestrales cultures de l’Orient Ancien.
Le monde fertile de la Mésopotamie
Des peuples nomades vivent à la lisière du désert syrien et arabique, au cœur d’une vaste étendue et se sédentarisent au néolithique.
Au cours du temps, la Basse Mésopotamie, les régions du pays de Sumer autour de l’Euphrate et du Tigre, la Babylonie et l’Assyrie abritent des cultures qui se rattachent à l’ensemble mésopotamien. Sumer et Babylone deviennent les centres rayonnants les plus importants…

Les terres cosmopolites du Levant
Le Levant rassemble une partie de la côte syrienne, Chypre, la Palestine, la Jordanie et l’Anatolie antique. Cette aire géographique correspond à la pointe Ouest du Croissant Fertile.
Les régions de Levant forment un carrefour à la fois géographique et marchand. Cette zone de transition se distingue par une population cosmopolite. Terre de prédilection des Hittites, l’Anatolie ancienne, en Asie mineure, se rattache à la fois à l’Arménie, au Kurdistan et à l’Iran…
Le plateau iranien, un pont vers l’Extrême-Orient
L’Iran ancien correspond aux civilisations qui évoluent sur le plateau iranien, bordé à l’Est par le désert, ouvrant la route vers l’Extrême-Orient. Les hautes terres iraniennes séparent la plaine mésopotamienne de la Vallée de l’Indus et de la plaine de Turkménie en Asie centrale.

Le pays d’Élam et la cité de Suse
Des indo-européens, Hourrites et tribus des steppes, peuplent le plateau iranien (Arménie, Kurdistan). Au cours du temps, sur le plateau iranien, le pays d’Élam et la cité de Suse, rivaux de Sumer et Babylone, deviennent eux aussi des centres puissants. Ils représentent l’apogée de la civilisation iranienne antique, avant l’avènement de l’empire perse.
Construction de villages au Levant
Entre les Xe et VIe millénaire avjc, les peuples des régions du Levant s’affirment comme les précurseurs d’un mode de vie néolithique. Ils s’installent dans des villages, pratiquent l’agriculture et l’élevage. C’est au Levant, en Palestine et en Syrie, qu’apparaissent les premiers espaces urbains…

Les Natoufiens, premiers néolithiques
Dans les régions du Levant, entre 10 000 et 8300 ans avjc, les Natoufiens occupent un vaste territoire allant du moyen Euphrate au delta du Nil. Ces populations utilisent encore des outils en os mais adoptent progressivement un mode de vie néolithique. Les Natoufiens se sédentarisent, se lancent dans l’élevage et s’intéressent à la culture des céréales.
LES VESTIGES DE JÉRICHO
Aux VIIIe -VIIe millénaires avjc, en Palestine, les peuples qui vivent là s’installent dans des villages. Ils ignorent encore comment fabriquer des céramiques (terres cuites). Certains vestiges de Jéricho remontent à 9000 ans avjc. Vers 8300 avjc, la cité se dote de constructions en pierres.

Le néolithique à Jéricho
Les villageois de Jéricho utilisent des outils en pierre et les artistes créent des figurines en argile. Par ailleurs, à cette époque, en Palestine comme en Syrie, les populations pratiquent des rites funéraires, en séparant la tête du défunt du reste de son corps.
Des crânes surmodelés pour les défunts
Les crânes surmodelés des défunts de Jéricho sont installés sur des banquettes. Ce rituel funéraire renvoie peut-être à un culte des ancêtres, vénérés sans doute dans les maisons. Les officiants funéraires séparent la tête du défunt de son corps avant de la fixer sur un corps modelé en terre.
Les officiants revêtent ensuite les crânes décharnés d’un enduit de plâtre qui permet de les remodeler avec des traits réalistes. Ils incrustent aussi des coquillages au niveau des yeux, ce qui donne une expression impressionnante à ces visages remodelés. Parfois les cheveux sont peints…

Les constructions en pierres de Jéricho
Le site de Jéricho abrite les toutes premières tentatives d’architecture connues et les vestiges de l’une des premières cités de l’histoire de l’Humanité. Les ruines anciennes de Jéricho abritent des traces d’habitations, les vestiges d’une muraille et les témoignages de l’existence d’un lieu de culte…
Une haute tour circulaire
À l’écart du village, vers 8300 ans avjc, on élève à Jéricho une haute tour circulaire, entièrement en pierre, dont l’accès n’est pas facile. Peut-être que les villageois viennent se réunir autour et dans cette tour pour des assemblées, des cérémonies sacrées ou encore pour organiser des rites d’initiation. La tour de Jéricho figure parmi les plus anciens vestiges d’édifices collectifs construits au monde…


D’après des vestiges en pierres, tour de Jéricho, vers 8300 avjc, néolithique, Jordanie, Levant, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
La muraille de Jéricho
Les habitants de Jéricho construisent aussi une enceinte ou des fortifications autour de leur tour, sans doute pour se protéger des crues du Jourdain. L’étude des traces d’habitations, à demi enterrées, laissent imaginer un mode de vie communautaire.
C’est l’archéologue britannique Kathleen Kenyon qui découvre La Tour de Jéricho en 1952. L’édifice mesure alors 8,5 mètres de hauteur pour un diamètre équivalent. À l’intérieur, la tour est reliée à un mur de 4 mètres d’épaisseur, vestige probable de la muraille de la cité…

Les trompettes bibliques de Jéricho
Le récit biblique raconte comment les Hébreux s’emparent de la ville de Jéricho : “L’Éternel dit à Josué : Vois, je livre entre tes mains Jéricho et son roi, ses vaillants soldats… vous tous les hommes de guerre, faites une fois le tour de la ville. Tu feras ainsi pendant six jours…
« Sept sacrificateurs porteront devant l’arche sept trompettes retentissantes… le septième jour, vous ferez sept fois le tour de la ville et les sacrificateurs sonneront des trompettes…
« Quand ils sonneront de la corne retentissante, quand vous entendrez le son de la trompette, tout le peuple poussera de grands cris… Alors la muraille de la ville s’écroulera…”



D’après une figure de Penseur, carafe, terre cuite, vers 3800 avjc, Yehud, et poterie à anse et bec, décor peint, terre cuite, IVe millénaire avjc ; néolithique, Israël, Levant, Orient ancien. Le Penseur, Dante Alighieri, bronze, Auguste Rodin, 1880-1902, France, XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
Des habitats néolithiques
Les maisons rondes de Mureybet
En Syrie, vers 8000 ans avjc et au VIIe millénaire avjc, des populations construisent des habitations circulaires de 6 mètres de diamètre à Mureybet. L’espace intérieur, divisé et aménagé, rappelle la structure des huttes. Les fondations des maisons sont en pierres et les murs en pisé poncé.
On obtient le pisé grâce à un mélange d’argile crue et de pierres. Sur les maisons, les villageois installent un toit plat en terre battue, soutenu par des rondins de bois qui font office de charpente rudimentaire. Les habitants utilisent la terre battue pour étanchéifier la maison.

Habitats sommaires, circulaires et rectangulaires
Entre 7600 et 6000 avjc, en Palestine comme en Syrie, on ne connaît pas encore la terre cuite. Les habitats sont assez sommaires, de forme circulaire puis rectangulaire. Entre le VIe et le IVe millénaire avjc en Anatolie, l’art de la céramique de Çatal Höyük et Hacilar va se répandre dans toutes les contrées de l’ancien Orient…
PREMIÈRES CÉRAMIQUES EN ANATOLIE
En Anatolie, entre 6000 et 3500 avjc, les populations vivent à l’heure néolithique dans des villages. Les potiers de Çatal Höyük et Hacilar mettent au point la technique de la terre cuite, c’est-à-dire la céramique.

Le village de Çatal Höyük
Des maisons rectangulaires sans ouverture
À Çatal Höyük, en Anatolie (actuelle Turquie), les habitants construisent des maisons rectangulaires, sans porte ni fenêtre, bien serrées les unes contre les autres. L’ensemble forme un véritable village. Pour les murs, on utilise de la brique crue et du bois pour consolider le tout.
Le toit des habitations en terre battue forme une terrasse sur laquelle on peut accéder grâce à une échelle. À l’intérieur, l’espace du foyer est bien délimité.

Des habitations et des maisons-sanctuaires
Il existe deux sortes de constructions à Çatal Höyük… Les villageois bâtissent des petites maisons avec poutres, foyer et terrasse et édifient d’autres constructions qui s’apparentent à des maisons-sanctuaires.
Ce deuxième type de bâtiment est magnifié avec des décors de gypse en relief, des peintures et des bucranes. Les bucranes sont des crânes cornus de taureau.
Taureau sacré et déesse de la fertilité
Les peintures, les sculptures en argile modelée et les bucranes de Çatal Höyük renvoient probablement à une signification symbolique et sacrée, en relation avec la fertilité. On retrouve le thème de la fécondité dans les représentations féminines néolithiques de Çatal Höyük…



D’après un taureau et scène de chasse, décor peint, des bucranes, crânes de Taureau, habitat ; des figurines féminines, terre modelée ; Çatal Hüyük, VIe millénaire avjc, néolithique, Anatolie, Levant, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
Des figures féminines aux formes opulentes, modelées en terre, sont sans doute des déesses de la fertilité et des déesses-mères. Ce décor sacré semble singulariser des espaces dédiés dans des habitats-sanctuaires.
L’importance symbolique du taureau à Çatal Höyük
À Çatal Höyük, les artistes évoquent l’importance sacrée du Taureau dans les peintures. Des crânes cornus de l’animal, des bucranes, ornent des habitats ou de possibles sanctuaires. Le Taureau symbolise la puissance du principe mâle fécondateur.



D’après des intérieurs d’habitats, Çatal Höyük, peintures, sculptures modelées et bucranes, VIe millénaire avjc, néolithique, Anatolie. Une tête de Taureau, bronze et lapis-lazuli, vers 2700 avjc, période des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie ; Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
On retrouvera, par la suite, le thème du taureau dans l’art à l’époque des dynasties archaïques sumériennes, en Mésopotamie, une image sacrée dès le néolithique dans les régions du Levant.
Voir aussi l’article La civilisation de Sumer : les brillants artistes de la cité d’Ur


D’après un chasseur et peau de léopard, peinture, et des léopards, relief peint ; Çatal Höyük, néolithique, VIe millénaire avjc, Anatolie, Levant, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
Des peintures en rouge et noir
Au VIe millénaire avjc en Anatolie, les artistes peignent des scènes de chasse, des léopards, des grands taureaux et des motifs géométriques. Les couleurs de prédilection des artistes peintres de Çatal Höyük sont le rouge et le noir.
Parmi l’iconographie figure le Taureau, des chasseurs, des léopards qui rappellent les fauves de la grande déesse, un vautour aux ailes déployées et des dépouilles sans tête… Possible évocation de rites funéraires, ces images possèdent sans doute une signification sacrée.

Les déesses de Çatal Höyük
À Çatal Höyük, les artistes façonnent dans l’argile des représentations féminines acéphales (sans tête) ou non, des déesses accouchant, avec enfant ou léopards. Ce sont probablement des déesses-mères.
Des nus féminins aux formes opulentes
Ces femmes nues aux formes opulentes, parfois parées d’un collier, semblent personnifier la fécondité. Ces images féminines au dessin schématique, au visage très rudimentaire, presque anonyme, évoquent davantage un concept ou un principe plutôt qu’une figure de femme bien définie.


D’après une statuette féminine, enceinte, la main sur le sein ; et la déesse-mère aux léopards ; terre cuite, Çatal Höyük, VIe millénaire avjc, néolithique, Anatolie, Levant, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
La femme, archétype de la fertilité
Dans les cultures de l’Europe néolithique, les silhouettes féminines sont moins dodues mais leurs hanches et leurs seins sont fortement valorisés. Fécondité, procréation et maternité apparaissent comme des valeurs sacrées au néolithique, en Orient comme en Occident. Cette sacralisation de la femme, archétype de la fertilité, s’exprime déjà dans l’art préhistorique…
Voir aussi les articles Préhistoire : l’art paléolithique consacre la féminité et le monde animal et Au néolithique, les premiers cultivateurs sacralisent la végétation

Une déesse-mère aux léopards
Parmi les œuvres façonnées en terre cuite, une déesse-mère accouche sur un trône dont les accoudoirs prennent la forme de deux léopards. Les fauves rappellent l’aspect sauvage de la Nature. En outre, le léopard, animal chasseur par excellence, incarne peut-être une abondance de nourriture…
La déesse possède un parèdre masculin. Le ou la parèdre est une divinité masculine ou féminine associée à une déité principale pour former un couple ou une complémentarité. Le Taureau, symbole du principe mâle, s’associe aussi à Çatal Höyük à l’image de la déesse-mère.
Les potiers anatoliens d’Hacilar
Les céramiques d’Hacilar
Au début du VIe millénaire avjc en Anatolie, le centre de fabrication de la céramique de Çatal Höyük est détruit. Ce sont alors les potiers d’Hacilar qui vont produire des terres cuites entre 5500 ans et 5000 ans avjc.


D’après le motif d’une terre cuite, couple, vers 5300 avjc ; et céramique à motifs abstraits, terre cuite peinte, VIe millénaire avjc ; Hacilar, néolithique, Anatolie, Levant, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
Les artistes créent maintenant des modèles élaborés, aux décors soignés, peints en rouge sur un fond blanc crème. L’image d’un couple enlacé évoque l’accouplement et la fertilité et rejoint le thème du culte de la fécondité symbolisé aussi par les déesses-mères…
Terres cuites peintes et incrustations
Parmi les créations des artistes de Hacilar, on peut voir un visage humain stylisé qui habille le col d’une poterie. Pour mettre en valeur les yeux de cette figure, le potier incruste de l’obsidienne, une pierre noire volcanique très brillante dont l’aspect rappelle le verre…

Sur le plateau iranien, les populations fondent la cité de Suse et sa nécropole à la fin du cinquième millénaire avjc. Au IVe millénaire avjc, les artistes de Samarra et de Halaf, en Mésopotamie, créent des modèles originaux de céramiques. On construit des temples à Obeid et à Eridu. À la fin du IVe millénaire avjc, l’écriture naît à Sumer…
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Une aventure ? L’épopée de Gilgamesh (Mésopotamie) : des tablettes du XIIIe siècle avjc racontent l’épopée du roi Gilgamesh en quête d’immortalité… (il aurait régné vers 2600 avjc sur la cité d’Uruk (ou Ourouk )… Un livre ? L’Histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer (1956).
LES TÉLÉGRAMMES TEPE Nouvelles et notes de l’équipe de recherche de Göbekli Tepe : tepetelegrams.wordpress.com/page/3/
Exposition L’histoire commence en Mésopotamie, Louvre-Lens, 2 novembre 2016 – 23 janvier 2017 : louvrelens.fr/documents/10181/121770/Dossier_pedagogique_Mesopotamie_BD.pdf/a8ac2280-e606-4039-9037-0bf4113f7d09?type=pdf


An impressive history of the eastern Mediterranean
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