L’originalité des cultes gaulois
En Gaule Romaine, en dehors des temples, on honore encore les dieux grâce à des enclos sacrés et des piliers monumentaux, comme à Lutèce avec le Pilier des Nautes. Ce monument dédicacé à Jupiter consacre un panthéon romain et gaulois. Par ailleurs, le dieu d’Euffigneix, celui de Bouray, le Mercure de Lezoux et Cernunnos expriment la continuité des croyances gauloises, avec aussi de nombreuses représentations des Matres (Les Mères) et de la populaire déesse Épona montée sur sa jument…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : conquête romaine de la Gaule par César. IIe-IIIe siècle : La Pax Romana – Fin IIIe siècle : premières incursions barbares – IVe siècle : fin de l’Antiquité – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine
LE PILIER DES NAUTES À LUTÈCE
Le pilier des Nautes, offert par la corporation des Nautes de Lutèce (Paris), remonte au règne de l’empereur romain Tibère. Ce monument, trônant sans doute à l’époque sur une place publique de l’île de la Cité, porte une dédicace à Jupiter, dieu romain assimilé au gaulois Taranis…

Découverte du Pilier des Nautes
C’est grâce à des travaux effectués en 1710 que l’on découvre le Pilier des Nautes à Paris. On veut à l’époque agrandir le caveau des archevêques sous la cathédrale Notre-Dame de Paris.
On découvre alors cinq blocs sculptés dans la pierre et une dédicace gravée sur l’un d’eux. L’inscription indique que ce monument sacré remonte au règne de Tibère, vers 14-17 apjc, au tout début du Ier siècle. À l’origine, le Pilier des Nautes culmine à environ 5 mètres de haut…
Un monument dédié à Jupiter « très bon et très grand«
La dédicace raconte comment, sous le règne de Tibère César Auguste, les Nautes des Parisii ont élevé à leurs frais ce monument dédié à Jupiter très bon et très grand… Les Nautes forment la corporation des marchands de l’eau.

Probablement installés à Lutèce même, dans l’antiquité capitale des Parisii, les Nautes exercent alors un droit de contrôle sur les territoires des Parisii. Ils organisent par exemple le transport du bois et des productions de la région…
Divinités romaines et gauloises
Les sculpteurs ornent le pilier des Nautes de bas-reliefs sur toutes ses faces, avec des représentations de divinités romaines et gauloises. Porteur d’images divines, le pilier sacré lui-même symbolise l’axe du Monde qui relie la Terre au Ciel et le centre du Monde…
Les dieux romains Mercure, Mars, Vulcain, Castor et Pollux
Mercure, Mars, Fortune ou Abondance appartiennent au panthéon romain, comme Jupiter, Mercure, Vulcain et Castor et Pollux qui semblent trouver des correspondances avec le dieu gaulois Ésus… Sur un autre monument, à Trèves, en Allemagne, Ésus s’identifie à Mercure, le dieu romain le plus honoré par les Gaulois.


D’après Ésus, dieu gaulois à la serpe, Pilier des Nautes, Lutèce, Ier début siècle, Paris, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle) ; Zeus-Jupiter, inspiré d’un original grec de Phidias (Ve siècle avjc), bronze romain, Ier-IIe siècle, époque romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Les dieux gaulois Cernunnos, Smertrios, Ésus
Parmi les bas-reliefs du Pilier des Nautes, les artistes représentent Cernunnos coiffé de cornes et Smertrios, dieu Pourvoyeur, associé ici à la Lune. Ce dieu gaulois terrasse un serpent géant armé de sa massue.
Apparaît aussi Ésus armé d’une serpe qui coupe la branche d’un arbre auprès de Tarvos trigaranus, Taureau aux Trois Grues. Ésus et le Taureau aux Trois Grues sont semble-t-il associés à la forêt et aux animaux. Ces divinités relèvent de la tradition celtique..

La Lune et le cycle des Eaux
Dans le monde des symboles et des mythes, la Lune préside au cycle des Eaux, qui portent en elles les germes de la Vie. Par ailleurs, dans la mythologie védique, c’est le dieu magicien Varuna (aidé par Indra, dieu guerrier de l’Orage) qui terrasse le monstrueux dragon-serpent primordial, libérant les Eaux prisonnières de la montagne…
Voir aussi l’article Le panthéon gallo-romain se distingue par sa mixité culturelle et mythologique
Taureau mythique à trois cornes
En Gaule, on rencontre environ une trentaine de représentations du taureau tricornu. En Franche-Comté, mais aussi dans les vallées du Rhône, du Rhin et de la Moselle.

Les cornes, symbole de puissance surnaturelle
La signification sacrée des trois cornes et le motif apposé sur le front de l’animal (qui rappelle le triskèle celtique) renvoient à l’héritage de la période de la Tène. Les trois cornes et le motif du triskèle rappellent la symbolique du chiffre trois. Les cornes renvoient à une puissance surnaturelle ou divine…
Voir aussi les articles Cultes et sanctuaires en Gaule Romaine – Fanum gaulois et temple romain. et Le Sacré : le symbolisme du triskèle, du svastika et du labyrinthe



D’après le Taureau à trois cornes dit Taureau d’Avrigney, statue, métal cuivreux, Franche-Comté ; Taureau tricornu d’Auxonne, Plassac, Aquitaine ; Cernunnos, dieu gaulois cornu, détail, Pilier des Nautes, Lutèce, Paris ; Ier siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Taureau sacré
La statue en métal, dite du Taureau d’Avrigney, marie un thème sacré gaulois à un traitement réaliste, influencé par les arts et les manières gréco-romaines.
Le Taureau sacré ou divin et les cornes sont des archétypes (idées ou images collectives) que l’on rencontre dans différentes contrées du monde dès l’époque néolithique : en Europe, au Proche-Orient, en Égypte ou encore en Inde, où le taureau brahmanique ressemble au zébu…

Enclos rituels et piliers sacrés
Une terre cuite, qui remonte au IIe siècle avjc, représente un dieu celtique dont le style est comparable à celui des divinités gauloises traditionnelles. Le personnage porte le torque, parure typique à l’époque de l’âge du Fer.
Dieu celtique au torque
Les traits du visage, animés par une belle paire de moustaches, des sourcils épais et des yeux saillants, expriment une certaine rudesse. Ce portrait provient d’un enclos rituel situé près de Prague, en République tchèque. Il reposait au milieu d’ossements d’animaux…

Mercure et Rosmerta, sa compagne gauloise
En Italie antique, Mercure n’a pas de parèdre (épouse ou compagne). En Gaule, en revanche, il est parfois représenté avec sa mère, la déesse latine Maïa. Le plus souvent, Mercure est accompagné de la déesse gauloise, Rosmerta. Cette déité Pourvoyeuse incarne aussi la Providence et le pouvoir de guérir…
Sans inscription, il est parfois difficile de savoir si Mercure évolue auprès de Maïa ou de Rosmerta… Les artistes représentent la compagne gauloise de Mercure à l’image d’une déesse gréco-romaine, enveloppée dans une robe, avec voile et diadème. En Gaule, Rosmerta semble beaucoup plus populaire que Maïa…

Mercure, Rosmerta, Apollon
Le pilier du Pont-au-Change
C’est au Ier siècle que les artistes de Lutèce sculptent le pilier du Pont-au-Change, à Paris. En bas-relief sur ses quatre faces, le monument met en scène Mercure et Rosmerta, Apollon et une divinité ailée.
Les images du pilier du Pont-au-Change marient culture romaine, tradition gauloise et influence orientale (le génie ailé?). Rosmerta porte un caducée, symbole par excellence du dieu Mercure à qui elle est ainsi étroitement unie…

À l’origine, le pilier du Pont-au-Change supporte peut-être une colonne et une statue ou un groupe statuaire. À partir du IIe siècle, ce type de pilier est fréquent, placé au centre d’un enclos sacré, surtout dans les régions de l’Est de la Gaule et en Rhénanie…
Des vertus guérisseuses
Sur d’autres représentations, Rosmerta tient parfois une bourse, un autre des attributs de Mercure. En Gaule, on invoque Rosmerta, Mercure, Sirona et Apollon surtout pour obtenir une bonne santé ou une guérison… Ces déités aux vertus guérisseuses se rattachent souvent aux sanctuaires des sources, dont les eaux sont sacrées…

Le bel Apollon
De son côté, Apollon est représenté de façon assez classique, sous les traits d’un éphèbe, beau jeune homme nu aux cheveux longs. L’arc, à sa droite, et le carquois, dans son dos, sont ses attributs habituels, de même que la lyre, posée près de lui. Il est par ailleurs associé à Sirona, une divinité gauloise des sources…
Apollon et son dauphin
Sur le pilier du Pont-au-Change, Apollon tient un dauphin contre sa poitrine. Les récits mythiques racontent comment Apollon se métamorphose en dauphin pour sauver des marins lors d’un naufrage…
Cette référence au dauphin laisse penser que le sculpteur connaît bien la mythologie gréco-romaine et qu’il dispose peut-être même d’un modèle, même s’il n’a jamais vu de dauphin dans la réalité…

Diane Chasseresse adoptée par les Gaulois
Adoptée sous sa forme romaine par les Gaulois, la déesse Diane ne semble pas se trouver en correspondance avec des divinités de la tradition celtique.
Déesse romaine de la Lune et de la Chasse
En Gaule, la Déesse de la Lune et de la Chasse de la mythologie gréco-romaine est honorée surtout pour ses qualités de Chasseresse. Les Gaulois héritent d’un calendrier lunaire avant d’adopter le calendrier solaire Julien (imposé à Rome par Jules César en 46 avjc)…
Sur la mosaïque gallo-romaine de Lillebonne, en Normandie, l’artiste donne à la déesse la forme d’une statue, dont la couleur verte évoque le bronze. Sur son piédestal, Diane porte une tunique courte, son arc, son carquois et ses flèches…

Chasse « à l’appel’ avec un cerf apprivoisé
Un homme pourvu d’une cruche et d’une patère vient solliciter la protection de la déesse Diane pour que la chasse se déroule sous de bons augures.
L’ensemble de la composition évoque la forêt, le gibier et les chasseurs à l’époque de la Gaule Romaine. En Gaule, on pratique la chasse à l’appel en attirant le gibier (des cervidés) à l’aide d’un cerf apprivoisé…
LES FIGURES DE LA TRADITION GAULOISE
Divinités chasseresses, dieux des forêts, esprits divins des eaux et des sources, l’héritage spirituel gaulois et celtique se rapporte essentiellement à la nature. La figure d’Euffigneix, Cernunnos ou encore le dieu de Bouray incarnent la continuité des pratiques cultuelles gauloises héritées de l’âge du Fer…

Le dieu Lug
Dans la tradition gauloise et celtique, le sanglier symbolise Lug, dieu suprême. Le sanglier évoque aussi le cochon sauvage, nourriture sacrée des banquets celtes. Il est possible que la statuette d’Euffigneix représente une divinité ou renvoie à un culte des ancêtres…
La statuette d’Euffigneix et le sanglier de Lug
Les divinités gauloises semblent réactualiser certaines déités celtiques. Sur la sculpture en pierre calcaire retrouvée à Euffigneix, en Haute-Marne, le personnage porte un torque et des cheveux longs attachés à l’arrière, deux détails typiquement gaulois.
Le torque, attribut héroïque, divin, spirituel ou magique, distingue ce personnage clairement associé au sanglier. Animal sacré dans la tradition des druides et symbole de souveraineté, le sanglier renvoie dieu Lug.

Voir aussi l’article L’univers spirituel des Celtes et des Gaulois
L’œil d’une puissance clairvoyante?
La figure d’Euffigneix arbore un troisième œil sur le côté. Il pourrait s’agir de l’œil d’un animal ou d’un motif prophylactique (qui protège).
Ce symbole pourrait aussi évoquer une puissance clairvoyante ou divine. De l’autre côté, un motif endommagé pourrait représenter une oreille… Peut-être que ces motifs évoquent une divinité suprême qui « Voit tout et Entend tout ».
L’artiste travaille son personnage en fort relief et lui dessine des grands yeux en amande. Le rendu du sanglier, à la fois stylisé et expressif, rappelle l’esthétique celtique de l’époque de La Tène.


D’après le dieu gaulois dit d’Euffigneix et son sanglier, Ier siècle, Gaule Romaine ; motif du sanglier et rouelle, statère gaulois, bronze, Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, La Tène, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)
La sculpture sur bois transposée dans la pierre
La silhouette générale de la statuette d’Euffigneix rappelle la forme d’un tronc d’arbre. Et certains détails techniques et stylistiques montrent que l’artiste transpose sans doute dans la pierre les procédés traditionnels de la sculpture et de la gravure sur bois, avec des traits vigoureux et brossés dans la matière pour exprimer l’essentiel…
Mercure en pèlerin gaulois
Une statue de culte colossale
En Gaule romaine, les artistes réalisent de nombreuses statuettes et figurines des dieux et se lancent parfois dans des sculptures colossales, comme pour le célèbre Mercure de Lezoux du Puy-de-Dôme. Cette statue de culte, qui mesure 1,50 mètre de haut, s’impose par sa grande taille et porte des inscriptions en latin et en gaulois.

Bourse pleine et manteau de laine
Sur le cartouche d’inscription, on peut lire MERCVRIO ET AVGUSVO SACRVM en latin et dans le dos, A…IE…ESO… en langue gauloise. Une troisième inscription se cacherait dit-on dans l’un des plis de sa grande pèlerine à capuchon.
Mercure porte une bourse pleine, revêtu de son long manteau de laine typiquement gaulois. Son bonnet particulier fait office de pétase. L’attitude du dieu des voyageurs et des carrefours évoque ici celle d’un pèlerin gaulois.
En outre, l’habileté et les nombreuses qualités du Mercure romain rappellent peut-être aux Gaulois l’ancienne divinité celtique suprême, dieu-druide qualifié de polytechnicien, tels Lug et Dagda…
Voir aussi l’article Le monde mythique des celtes : les Eaux, la forêt, la nature, le surnaturel…

Les dieux gaulois de Bouray et Cernunnos
Une statue en tôle de bronze
Le dieu dit de Bouray porte le nom du site d’où il provient, découvert en France dans la rivière La Juine dans l’Essonne. L’artiste façonne une statue en tôle de bronze de 42 centimètres de haut. Comme les autres dieux gaulois, il est paré lui aussi du torque celtique, un bijou hérité de l’âge du Fer…
L’œil qui subsiste est en verre bleu et blanc, un procédé qui rappelle les yeux en émail du dieu guerrier de Saint-Maur, lui aussi en bronze chaudronné et dont les traits sont comparables.

Voir aussi l’article Dans les sanctuaires gallo-romains, divinités gauloises et dieux romains cohabitent
Torse humain et sabots de cervidé
L’artiste crée la tête du dieu de Bouray avec deux coques de bronze, avant de la souder au torse du personnage. Pour le corps, il utilise deux parties en laiton qu’il met en forme par martelage.
Le travail du métal et de la chaudronnerie est une spécialité et une constante de l’art celte. C’est un art inconnu dans le monde romain qui cultive surtout l’art de la pierre…
L’artiste représente le dieu de Bouray assis dans la position du lotus (le dieu gaulois Cernunnos est assis en tailleur). Le motif des pattes et des sabots de cervidé qui forme ses jambes sont là encore des éléments culturels et stylistiques gaulois, qui rappellent l’iconographie celtique.

Cernunnos, dieu cornu gaulois
Certains dieux gaulois rencontrent leurs équivalents romains, d’autres continuent d’être honorés sous leurs noms gaulois faute de répondants romains. Le dieu gaulois d’Euffigneix et le dieu de Bouray renvoient à des divinités gauloises dont les noms se sont perdus.
Par contre, certains dieux gaulois sont mentionnés par les auteurs latins ou cités dans des inscriptions gallo-romaines. C’est le cas de Cernunnos, d’Ésus ou de la déesse Épona. Sur un relief gallo-romain, le dieu gaulois Cernunnos apparaît entouré d’Apollon et de Mercure, deux divinités romaines adoptées par les gaulois…

L’ancestral trio celtique
Le trio Cernunnos-Apollon-Mercure rappelle l’ancestrale trinité celtique formée par les trois grands dieux Dagda, Lug et Ogme. Dagda, dieu-druide, roi et guerrier victorieux ; Lug, le Lumineux, divinité suprême et détenteur de toutes les connaissances, et Ogme, dieu de la Guerre, de la Magie et de l’Écriture. Par ailleurs, Cernunnos est parfois représenté tricéphale (à trois têtes)…
Cernunnos, coiffé de cornes ou de bois de cerf, porte un torque autour de son cou comme toutes les divinités gauloises, insigne de puissance divine, magique ou héroïque. Assis en tailleur sur un relief, un cerf et un taureau à ses pieds, Cernunnos s’associe aussi au serpent à tête de bélier.

Tous ces éléments relèvent de l’iconographie et de l’esprit celtiques. Cernunnos rappelle le dieu aux bois de cerf du chaudron de Gundestrup et incarne la divinité gauloise par excellence…
MATRES ET DÉESSES MÈRES EN GAULE
Les artistes de la Gaule Romaine créent aussi une multitude de représentations en pierre, en terre cuite, en bronze ou en bois des Mères ou Matres, avec des trios qui rappellent les Moires grecques et les Parques latines…

Les trios de Mères ou Matres
Les Mères ou Matres, groupées par trois, sont des Matrona qui rappellent les Parques. On les nomment aussi par le pluriel Iunones, soit les Junons.
Il n’est pas rare en Gaule romaine de démultiplier les dieux en utilisant le pluriel. On invoque ainsi Lugus, mais aussi Lugoues (Lugus au pluriel). On retrouve ce thème dans la mythologie irlandaise quand les déesses évoluent par trois ou prennent une triple forme, comme la Morrigan.
Un relief sculpté représente un trio de déesses-mères dans une coquille Saint-Jacques. L’une tient un nourrisson dans les bras, les deux autres une patère et une corne d’abondance… Le symbolisme du coquillage et de la Mer renvoie à la matrice, à la fécondité maternelle, aux déesses-mères…


D’après une déesse-mère allaitant installée dans un fauteuil d’osier, terre cuite blanche, Ier siècle ; déesse-mère trônant de Saint-Aubin-sur-Mer, Normandie, Ier avjc-IVe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Les Matres de Vertault
En Gaule Romaine, les triades divines masculines et féminines sont fréquentes. Le groupe sculpté en calcaire de Vertault, en Bourgogne, présente trois figures de femmes, la poitrine à demi nues, assises sur un trône…
L’une d’elles porte un nourrisson sur ses genoux, les deux autres un linge, une éponge et une cuvette. Ces attributs évoquent le moment de la naissance et les soins prodigués au nouveau-né…

Déesses mères ou de la destinée
Cette triade possède aussi peut-être une portée symbolique plus vaste. Le linge peut évoquer un parchemin déroulé et la cuvette une patère à libations (offrandes aux dieux, notamment de boissons).
Le Parchemin, la patère (coupe sacrée) et parfois la balance renvoient à l’iconographie des Moires (grecques) ou des Parques (latines) qui président à la destinée…

Abondance et prospérité à la maison
D’autres reliefs sculptés représentent en Gaule trois figures féminines. Sur l’un d’eux, les trois femmes portent des fruits dans leur giron… Une inscription précise qu’il s’agit des Matres. Ces déesses-mères sont honorées dans le laraire de la maisonnée pour veiller à la fécondité, à l’abondance et à la prospérité de la famille…
ÉPONA, DÉESSE GAULOISE
Épona figure parmi les divinités gauloises qui ne sont jamais rattachées à une divinité romaine. Très populaire, on rencontre cette déesse cavalière dans toutes les contrées de la Gaule. Épona possède des attributs variés : corne d’abondance, patère, fouet, cravache, clé, corbeille de fruits…

Le cheval, un animal sacré chez les Gaulois
Le sens du nom Épona se rattache au cheval. Épo signifie cheval en gaulois (Equus en latin). Les artistes représentent Épona assise en amazone sur sa fougueuse jument. La déesse Épona se rattache donc à la symbolique du cheval, un animal sacré pour les Gaulois…
Épona est honorée par les guerriers et cavaliers gaulois. Adopté par les soldats romains, le culte d’Épona s’introduit ensuite jusqu’en Italie. Elle protège les cavaliers et l’ensemble des activités et des métiers qui se rapportent au cheval, comme les voyageurs, les chevaux, les écuries, les palefreniers…
Déjà à l’époque de l’âge de Fer, il existe des sépultures de cavaliers gaulois inhumés avec leurs chevaux…

Épona, nourricière et protectrice
L’image de la jument d’Épona, parfois accompagnée de son poulain, donne aussi à Épona la dimension d’une déesse nourricière et protectrice. Symbole de fécondité, de prospérité et d’abondance. On retrouve donc Épona dans les maisons sur les autels domestiques…
Par ailleurs, comme d’autres divinités gauloises retrouvées parfois dans des tombes, il est possible que la déesse Épona joue également un rôle funéraire. Quand Épona accompagne les défunts dans leur dernière demeure, elle les guide peut-être aussi vers l’au-delà…


D’après la déesse Épona brandissant la corne d’abondance, stèle sculptée, Grand, Vosges ; Épona de Thizy et son plateau de fruits, Bourgogne, Ier avjc-IIIe siècle ; France, Gaule Romaine (Marsailly/Blogostelle)
Épona en terre cuite, en pierre, en bronze…
Selon certaines hypothèses, le culte d’Épona aurait émergé dans les Balkans et serait parvenu jusqu’en Gaule via les régions du Danube. Les artistes façonnent de nombreuses représentations d’Épona en terre cuite, en pierre et en bronze.
Cette déesse possède une iconographie variée : Épona et sa jument allaitant son poulain, écuyère assise en amazone, cavalière à califourchon, la déesse allongée et plus rarement debout près de la jument…

Épona au-delà de la Gaule…
Épona est particulièrement honorée dans la vallée de la Moselle, dans la vallée du Rhin et en Bourgogne. La jument de la déesse gauloise pose parfois un sabot sur un rocher.
S’il existe de nombreuses variantes selon les régions de la Gaule, on rencontre aussi Épona en Italie, en Bulgarie et jusqu’en Afrique du Nord. Quelques fois, la déesse distribue de quoi se régaler à ses chevaux…


D’après la déesse gauloise Épona, reliefs sculptés, Autriche et Kapersburg, Allemagne ; Ier siècle avjc-IVe siècle, époque romaine. (Marsailly/Blogostelle)
En Gaule Romaine, la piété populaire comme les réflexions les plus savantes nourrissent la vie culturelle. Des milliers d’ex-voto sont déposés par les pèlerins dans les sanctuaires des sources et les Gaulois honorent leurs divinités préférées à la maison. On réalise aussi des chefs-d’œuvre pour représenter le Ciel…
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Sommaire Rome antique – Gaule Romaine
Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue : Arles à l’époque de la Gaule romaine.
