Sa racine était dessus, dans le ciel…
Si l’Arbre m’était conté (4 et fin)… Le symbole de l’arbre réunit horizontalité et verticalité. Dans de nombreuses traditions, l’arbre sacré symbolise le centre du monde et s’identifie à l’axe de l’univers. Il exprime un principe de verticalité et d’ascension donnant accès à un plan supérieur. L’arbre mythique symbolise une porte vers un monde céleste, divin, métaphysique. L’arbre cosmique est parfois décrit comme inversé : le point de vue change, rectifié et régénéré…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2022 –

MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion
L’ARBRE COSMIQUE, CENTRE ET AXE DU MONDE
Les racines de l’arbre plongent dans la Terre, vers le monde souterrain, tellurique… Il s’agit souvent du chemin vers le royaume des morts ou vers les Enfers … Les branches qui se développent autour du tronc illustrent le foisonnement de la vie sur la Terre… et la cime nous mène vers les Cieux…
L’arbre Kien-Mou de la tradition chinoise
Selon la tradition chinoise, au centre du monde se dresse l’arbre Kien-Mou… Cet arbre mythique est pourvu de neuf branches et de neuf racines. L’arbre Kien-Mou touche aux neuf cieux et aux neuf sources, séjour des morts…

Les empereurs chinois, traditionnellement médiateurs entre la Terre et le Ciel , montent et descendent par l’arbre Kien-Mou… Associés à cet arbre mythique et cosmique, on rencontre aussi en Chine l’arbre fou au Levant… et au Couchant l’Arbre Jo, par où monte et descend le soleil. Cet arbre porte dix soleils ou dix stations du soleil…
Des paysages calligraphiques
Les branches fleuries et printanières de la peinture populaire chinoise ou japonaise forment des souhaits de bonheur. Ce sont des images propitiatoires, des vœux pour que les choses soient propices à son interlocuteur…
Les arbres peints par les lettrés chinois s’intègrent dans des paysages calligraphiques et philosophiques. Ces artistes cultivent la sagesse et proposent parfois une lecture multiple de leurs œuvres. Leurs images sont construites autour de plusieurs chemins possibles, selon le regard du spectateur…

Le thème de l’arbre inspire les artistes lettrés et calligraphes chinois.
Le thème de l’arbre est omniprésent dans la peinture chinoise, souvent associé à l’Eau et à la Montagne… Et la montagne est également un symbole du centre du monde (ou imago mundi)…
L’arbre-échelle et l’arbre-axe du Monde
On retrouve l’idée de l’accession vers un monde céleste sous la forme de l’ancestral poteau chamanique des yourtes de Sibérie… Ce symbolisme du Pilier du Monde et du chemin des esprits se rencontre aussi dans les cultures Vaudou et Sioux…
Dans certaines contrées, on évoque trois Arbres du Monde : un dans les cieux, un sur la terre, un dans le royaume des morts… Pour d’autres, le Sapin du monde souterrain permet aux ancêtres, comme sur une échelle, d’accéder à la Terre du Soleil…


D’après l’élévation et le chœur gothique de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, voûtes gothiques et arbres de pierre, 1120-1140, Bourgogne, XIIe siècle, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
L’ARBRE SOUTIENT L’UNIVERS
La frondaison de l’arbre se déploie à la fois sur le plan vertical, vers le Ciel, et sur le plan horizontal, en correspondance avec l’étendue Terrestre… Cette image rappelle le schéma symbolique de la croix, dont l’axe vertical et l’axe horizontal se croisent, unissant principe divin et monde profane, plan céleste et plan terrestre…

Des arbres de pierre
Des temples antiques aux cathédrales
L’élan vertical et cosmique d’une forêt de pierre stylisée et lumineuse magnifie les cathédrales. Des arbres de pierre soutiennent l’édifice sacré… et l’univers.
Les cathédrales comme les temples antiques représentent un microcosme, c’est-à-dire une image du cosmos à l’échelle humaine. Ces monuments de pierre évoquent également l’élan vertical d’une forêt végétale animée par les jeux de lumière en clair-obscur.
Les constructions sacrées possèdent toutes une dimension cosmique comparable à celle de l’arbre sacré. Les temples comme les cathédrales symbolisent le passage et l’ascension de notre « petit Monde » vers un Principe Universel, le macrocosme, dont elles incarnent le reflet…


D’après le Parthénon, temple de la déesse Athéna, Ve siècle avjc, acropole d’Athènes, Grèce antique ; et la forêt de piliers de Louxor, temple d’Amon-Mout-Khonsou, Thèbes, règne d’Aménophis III, Nouvel Empire, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
L’Arbre sacré chrétien relie toutes choses
Dans le monde biblique, le paradis terrestre s’intègre au cosmos… Mais il donne accès également à un au-delà d’ordre métaphysique (en relation à un principe premier)…
L’arbre sacré de la tradition chrétienne évoque aussi l’Axe du Monde, comme le décrit Pseudo-Chrysostome ou Jean Chrysostome, docteur de l’Église grecque (IVe siècle apjc, dont le surnom Chrysostome signifie Bouche d’or…) :
Ferme soutien de l’Univers, lien de toutes choses… touchant le ciel du sommet de sa tête, affermissant la terre de ses pieds et, dans l’espace intermédiaire, embrassant l’atmosphère entière…

L’être humain-microcosme
Si le symbole cosmique de l’arbre inversé se rapporte au macrocosme (l’univers, le grand monde), il se rattache aussi au microcosme (le monde à échelle humaine ou petit monde). Le philosophe grec Platon (Ve – IVe siècle avjc) aurait comparé l’être humain à une plante renversée dont les racines tendent vers le ciel et les branches vers la terre à l’image de l’arbre inversé…
Le dessin de Léonard
Dans le monde des symboles, le pilier central et axial soutient le temple ou la maison, comme le tronc de l’arbre… Cet axe correspond à la colonne vertébrale dans le corps humain, lui-même assimilé au temple de l’âme… Le célèbre dessin de Léonard de Vinci suggère une conception symbolique de l’Être Humain Universel…, à la fois temple, arbre et microcosme…

L’image de l’être humain-microcosme, les pieds sur la Terre et la tête dans le Ciel, se rattache à l’image de l’Arbre de vie-arbre cosmique.
Dans la composition du dessin de Léonard de Vinci (Étude des proportions du corps humain selon Vitruve), l’être humain semble acquérir une dimension cosmique ou universelle… Comme l’arbre sacré ou le temple, le corps humain est soutenu par un axe central et l’être humain participe de la verticalité…
Tronc, pilier ou colonne vertébrale
Le tronc de l’arbre, le pilier du temple ou la colonne vertébrale de l’être humain renvoient à la symbolique de l’axe cosmique qui soutient l’univers… On retrouve cette conception dans la doctrine du yoga, selon laquelle c’est le long de l’axe des chakras que s’élève la kundalinî… Ce mouvement ascensionnel se déploie du bas des reins jusqu’au sommet de la tête, centre de l’illumination…



D’après une image de la kundalinî, stèle sculptée, Inde ancienne ; le caducée, un symbole comparable à celui de la kundalinî, avec deux serpents tels deux courants autour de l’axe central ; et la kundalinî sur un pilier sculpté, Karnataka, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Le caducée d’Hermès
Le symbole alchimique du mercure philosophique ou le caducée d’Hermès illustrent des concepts comparables à celui de la Kundalinî hindoue… Selon les doctrines de l’hindouisme et la philosophie hermétique deux courants d’énergie contraires et complémentaires animent et maintiennent l’équilibre universel …
Tous ces principes se rattachent au thème de l’axe cosmique et à l’idée d’une ascension progressive le long d’un axe central, arbre, poteau, bâton…


D’après le caducée d’Hermès-Mercure, copie romaine antique d’une sculpture grecque ; et le symbole alchimique du mercure philosophique, Notre-Dame de Paris, XIIe siècle, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
L’ARBRE À L’ENDROIT, L’ARBRE À L’ENVERS
René Guénon évoque le paradis terrestre qui symbolise le sommet culminant du monde des contingences et des existences… Le plan du paradis terrestre s’identifie aussi avec la surface des Eaux… et la surface des Eaux renvoie à l’idée de réflexion, à l’image inversée du reflet…

L’Arbre et son double point de vue : selon la Cause Première ou Principe, source de tous les êtres et de toutes choses, et selon son reflet, qui correspond à sa manifestation dans notre monde.
Les Deux arbres décrits par Dante
La Divine Comédie écrite par Dante raconte une ascension et évoque trois plans différents comparables à ceux de l’Arbre Cosmique : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis… René Guénon cite Coomaraswamy qui mentionne les deux arbres inversés décrits par Dante dans le Purgatoire de la Divine Comédie.
Les deux arbres du Purgatoire de la Divine Comédie, présentés à l’envers, sont proches du sommet de la Montagne et se trouvent juste au-dessous du paradis terrestre… Mais quand on atteint le plan du paradis terrestre, les deux arbres, redressés, apparaissent à l’endroit…


Un arbre « qui vit de sa cime »
D’après les Deux arbres de la Divine Comédie de Dante Alighieri, Le Paradis au sommet du Mont du Purgatoire, image anonyme. (Marsailly/Blogostelle)
Dante évoque un arbre qui vit de sa cime… et le chemin qui mène de l’Enfer au Purgatoire et au Paradis s’apparente à un principe de renversement… Selon René Guénon, Dante conçoit l’ensemble des sphères célestes comme la couronne d’un arbre renversé dont les racines se déploient vers le haut…
Ton esprit dort, si tu ne comprends pas
Qu’un spécial dessein à fait naître cet arbre
Si élevé et si large à sa cime…
(La Divine Comédie de Dante, Le Purgatoire, chant XXXIIIe)
Ce thème renvoie à l’Arbre Unique… illustré parfois par deux arbres pour exprimer symboliquement deux aspects différents du même arbre. On retrouve souvent le motif des deux arbres dans l’iconographie chrétienne, comme dans l’imagerie du paradis biblique et dans celle de la Jérusalem Céleste.



D’après la Vierge à l’Enfant et deux arbres où nichent des anges, Gentile da Fabriano, début XVe siècle, Italie ; l’Agneau Mystique et la Jérusalem Céleste, avec les deux arbres, Tenture de l’Apocalypse, fin XIVe siècle, Angers, France. (Marsailly/Blogostelle)
« Sa racine était dessus, dans le ciel«
L’arbre de la Divine Comédie vit de sa cime… Il est toujours vert, il ne perd jamais ses feuilles. Dante mentionne aussi le cinquième rameau qui correspond à la sphère de la planète Jupiter… (in questa quinta soglio dell albero che vive della cima, fruta sempre e mai non perde foglia, Paradisio).
Le rameau se rapporte au symbolisme de l’arbre… Federigo Frezzi, un poète florentin imprégné par les écrits de Dante et sa Divine Comédie, évoque la plante la plus belle du paradis, la plante heureuse qui conserve la vie et la renouvelle… sa racine était dessus, dans le ciel et ses branches dirigées vers la terre…


D’après la Divine Comédie : Dante dans les bois, Gustave Doré, XIXe siècle ; et le cône de L’Enfer, Sandro Botticelli, fin XVe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
Au début de son aventure, Dante chemine dans un bois sombre… avant de pénétrer dans le cône spiralé de l’Enfer…
L’arbre renversé : la vie vient du Ciel…
René Guénon explique que selon la doctrine védique, le principe de renversement se rapporte au Soleil et à la Lumière… C’est le Soleil et la Lumière qui nourrissent la croissance et la vie des êtres. La vie vient du Ciel et pénètre la Terre… d’en haut puis d’en bas…
À l’envers, la ramure de l’arbre devient ses racines… et les racines de l’arbre se présentent comme des branches… Dans le monde du sacré, la photogenèse (la production de la lumière) se rattache aux puissances célestes.

Au-dessus et au-dessous de la Terre
Selon la tradition ésotérique (secrète) hébraïque, L’Arbre de Vie s’étend du haut vers le bas et le soleil l’éclaire entièrement, dit le Zohar… L’Islam de son côté évoque l’Arbre du Bonheur dont les racines plongent dans le dernier ciel … et dont les rameaux s’épanouissent au-dessus et au-dessous de la Terre…
Un arbre rituel, la tête en bas
On rencontre aussi le thème de l’arbre inversé dans les traditions de l’Islande, de la Finlande… Chez les Lapons, on sacrifie un bœuf chaque année au dieu de la végétation. Près de l ‘autel du sacrifice, on dispose un arbre tête en bas et racines en l’air…
Chez certaines tribus australiennes, le sorcier possède un arbre magique qu’il plante à l’envers… Dans une autre peuplade, un arbuste qualifié d’Arbre Céleste des Étoiles joue un rôle dans la cérémonie d’initiation, associé à la mise en scène de la mort et de la renaissance du jeune initié…

La Table d’émeraude : Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut
… selon un extrait de la traduction de la vulgate latine, la Tabula Smaragdina, publiée au XIVe siècle. C’est dans un ouvrage attribué à Apollonios de Tyane, néoplatonicien grec du Ier siècle, que l’on rencontre une première trace de la Table d’Émeraude. Dans la tradition arabe, Apollonios de Tyane, est reconnu comme philosophe, théologien, prophète et mage… Nombre d’ouvrages sont diffusés sous son nom…
« Il est vrai sans mensonge, certain et très véritable. Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : et ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose. Et comme toutes les choses ont été, et sont venues d’un, par la méditation d’un : ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par adaptation. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre; la terre est sa nourrice… »

La tradition légendaire attribue La Table d’émeraude à Hermès Trismégiste
Au cours du VIe siècle, la traduction arabe du Livre du secret de la création d’un prêtre chrétien de Naplouse, Sâgijûs, se présente comme un récit de Balînûs (arabisation du nom Apollonius).
Le texte raconte la découverte de la Table d’Émeraude, entre les mains d’un vieil homme (Hermès) installé sur un trône d’or… La tradition légendaire attribue La Table d’émeraude à Hermès Trismégiste, personnage mythique, maître de tous les savoirs en matière d’alchimie, de magie, d’astrologie et de médecine…
Le principe du reflet et du sens inverse
On rencontre aussi le symbolisme de l’arbre renversé dans la tradition hindoue. Dans la Bhagavad-Gîtâ, l’arbre cosmique exprime une conception de la manifestation du Brahman… Cette manifestation du Principe Premier s’épanouit à l’image de la frondaison de l’arbre cosmique…

Selon René Guénon, cet arbre s’élève au-delà des limites du monde cosmique, inversé comme dans le reflet d’un miroir… Ce qui est en haut ou au-dessus de la surface des Eaux reflète en sens inverse ce qui est en bas ou ce qui est sous la surface des Eaux… et vice et versa, comme nous le renvoie l’image de l’arbre qui dans la nature se reflète dans un plan d’eau…
Dans l’univers des symboles, tout ce qui est en bas se situe dans le monde cosmique, tout ce qui est en haut se rapporte à un principe supérieur de réalité, dont nous ne percevons que les reflets, à l’envers… Vu d’en haut, la Réalité apparaît droite, vu d’en bas tout s’inverse…

Du point de vue symbolique, le reflet correspond à une vision indirecte de la Réalité Absolue…
En réalité, l’arbre est toujours le même…
Quand l’arbre s’élève au-dessus des Eaux, ce que nous voyons d’en bas, dans le monde ou cosmos, reste son reflet inversé… racines en haut et cime en bas… Si nous nous situons au-dessus des Eaux, nous pouvons voir l’arbre redressé dans sa position droite et réelle…
… Nous le percevons alors du point de vue du Principe ou de la Réalité absolue… En réalité, l’arbre est toujours le même, c’est notre point de vue ou notre situation par rapport à lui qui change… Dans le monde des symboles, le reflet correspond à une vision indirecte de la réalité, c’est le substitut inversé de l’image réelle…

Une image de la symétrie du Reflet Cosmique ?…
De haut en bas ou de bas en haut
René Guénon explique aussi comment les racines de l’arbre inversé symbolisent le Principe… et le déploiement de ses branches la manifestation qui émane de ce principe…
Selon le principe de l’analogie et du sens inverse, le symbole de l’arbre réunit deux points de vue différents et complémentaires. On peut l’appréhender de haut en bas ou de bas en haut, du point de vue du Principe ou du point de vue de sa manifestation…
Certains textes de la tradition hindoue évoquent aussi deux arbres superposés… l’arbre cosmique et l’arbre supra-cosmique… le premier apparaît comme le reflet de l’autre et leurs deux troncs semblent se fondre en un tronc unique dont ils expriment chacun une facette…


D’après Le Pendu, lame XII du Tarot de Marseille ; et le manuscrit latin le Psautier de Paris Eadwine, la Croix du Christ Inversée, XIIe siècle, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
Méditer sur l’Envers du Monde…
Agni, dieu du Feu et Seigneur des arbres
Dans l’hindouisme, la divinité suprême, Brahmâ possède une Essence et deux Natures… Les Upanishads évoquent l’univers comme un arbre renversé, les racines dans le ciel et les branches au-dessus de la Terre. Selon Mircea Eliade, l’arbre Açvattha exprime la manifestation du Brahman dans le cosmos et la création dans un mouvement descendant…
Dès l’époque védique, la tradition de l’Inde ancienne présente le cosmos sous la forme d’un arbre gigantesque… Sous le nom de Seigneur des arbres, le dieu védique du Feu Agni s’identifie à l’arbre cosmique qui est aussi l’axe du monde. Selon la tradition védique, Agni exprime et manifeste l’un des multiples aspects du dieu suprême Brahmâ…

Les Upanishads précisent ensuite que cet arbre cosmique est un arbre renversé qui plonge ses racines dans le Ciel et déploie ses branches au-dessus de la terre entière… Brâhma se trouve parfois identifié à l’arbre inversé…
C’est vers le bas que se dirigent les branches
Dans l’Inde ancestrale, les Vedas comme les Upanishads évoquent l’arbre Açvattha. Cet arbre sacré est souvent représenté sous la forme d’une sorte de figuier ou d’un pipal (ficus religiosa).
L’arbre cosmique symbolise la manifestation du Brâhman, principe premier universel… Selon ces doctrines spirituelles, la Création apparaît comme un mouvement descendant…
On évoque encore l’arbre cosmique dans le Rig-Veda : C’est vers le bas que se dirigent les branches, c’est en haut que se trouve sa racine, que ses rayons descendent sur nous… L’image rappelle le mouvement des rayons solaires…

Tous les mondes reposent en lui…
Dans la Katha-Upanishad il est dit : Cet Açvattha éternel, dont les racines vont en haut et les branches en bas, c’est le Pur, c’est le Brâhman, c’est ce qu’on nomme la Non-Mort. Tous les mondes reposent en lui…
D’autres textes des Upanishads se rapportent à la vision du cosmos sous la forme d’un arbre : Ses branches sont l’éther, l’air, le feu, l’eau la terre… Ces éléments cosmogoniques émanent de Brâhman dont le nom est Açvattha …
Celui qui le connaît (Açvattha), celui-là connaît le Veda…
Un Açvattha impérissable
Dans la Bhagavad-Gîtâ, l’arbre cosmique symbolise à la fois l’univers et la condition de l’être humain dans le monde… Les textes expliquent que l’arbre cosmique est un Açvattha impérissable, les racines en haut, les branches en bas… Il est dit que les hymnes du Veda sont ses feuilles (le mot sanskrit « Veda » signifie « Connaissance »).

L’expérience de l’être humain dans le monde
La description de la Bhagavad-Gîtâ relie aussi les bourgeons de l’arbre cosmique aux objets des sens et ses ramifications aux actes des êtres humains. Du point de vue de notre monde humain, on ne peut percevoir ni le commencement, ni la forme, ni l’envergure, ni la fin de l’arbre cosmique…
L’arbre cosmique représente l’univers entier mais aussi l’expérience de l’être humain qui vit dans ce monde, attaché à lui…
L’arbre cosmique invite au détachement
Les textes sacrés de l’Inde ancienne prônent le renoncement… Selon ces textes, c’est le seul outil efficace pour trancher les fortes racines de l’Açvattha, pour rechercher le lieu d’où on ne revient pas… S’il coupe et brise l’Arbre avec l’arme de la connaissance métaphysique, et s’il jouit ainsi dans l’esprit, il ne retournera plus…
Selon ce point de vue, couper l’arbre à sa racine équivaut à se libérer du cosmos, des objets des sens et des fruits de ses actions… Les écoles spirituelles de l’Inde ancienne invitent l’être humain à se libérer de sa condition et à se transcender… Le symbole de l’arbre cosmique suggère le nécessaire détachement du monde, le recueillement, la retraite en soi-même…

Le tronc de l’arbre cosmique s’identifie à l’Éveil
L’éternel arbre-brahman est source de vie pour tous les êtres vivants…On retrouve ce même thème dans le Mahâbhârata… Il est dit que l’arbre émerge du non-manifesté (ou non-être) qui est sa source…
L’épopée du Mahâbhârata raconte comment Les Pandava reçoivent l’aide de Krishna, incarnation de Vishnu, qui enseigne la Bhagavad-Gîtâ…
… Le tronc de l’arbre cosmique est Boddhi, qui signifie intelligence, éveil… Les éléments de l’arbre se rapportent aux éléments cosmiques et aux sens : ses branches sont les objets des sens, ses feuilles et ses fleurs sont le bien et le mal, ses fruits sont le plaisir et la souffrance…
ARBRE DE VIE-ARBRE DE MORT
Le symbolisme végétal possède une double nature : la croissance du végétal le fait pousser vers le Ciel et en même temps vers les profondeurs de la Terre… Ce phénomène naturel inspire le double symbolisme de l’Arbre de Vie et de l’Arbre de Mort… Pour les Chrétiens, la dualité originelle trouve sa finalité dans la Rédemption et le recouvrement de l’Unité…

Le symbolisme de l’arbre et celui du Vajra
Dans le Zohar, il est question de deux arbres, supérieur et inférieur, montant et descendant, arbre de vie et arbre de mort… Les deux arbres du Zohar rappellent les deux arbres de vie et de mort du paradis terrestre… L’arbre réunit en lui dualité et unité, manifestation et principe, reflet et réalité…
On peut aussi rapprocher le symbolisme de l’arbre de celui du Vajra… Arme-Foudre du dieu Çiva, cet attribut divin dont le graphisme rappelle le trident, se rapporte au Feu à la lumière, à l’éclair et à l’illumination…
Avec ses deux extrémités qui peuvent être renversées, l’une pouvant renvoyer l’image de l’autre à l’envers, le vajra renvoie à un axe central et aux deux courants cosmiques opposés et complémentaires. Un principe que l’on retrouve dans le symbolisme de l’arbre-lumière, l’arbre cosmique ou l’arbre inversé…

Le feu du dieu Shiva détruit et rénove les mondes…
La foudre, comme le feu, détruit ou illumine…
Et en plus… l’arbre attire la foudre, symbole d’une manifestation ou d’une intervention céleste ou divine… L’arme du dieu védique de l’Orage Indra et le foudre-trident de Çiva s’identifient au vajra et à ses deux directions opposées…
Le foudre est un attribut divin que l’on retrouve entre les mains de Zeus et de Jupiter dans le monde gréco-romain… Et le Foudre possède un double aspect : la foudre détruit ou illumine…
La condition humaine et la dualité
L’arbre biblique du paradis terrestre est aussi un symbole de mort qui nous ramène à notre condition humaine après la chute d’Adam et Ève… Le symbolisme de l’arbre de vie se rapporte à la fois à la vie et à la mort, à une dualité… Comme pour Nabuchodonosor qui voit en songe l’abattage d’un arbre qui annonce sa chute et sa destruction…

Dans la bible, on identifie le pharaon au cèdre du Liban… et certains grands arbres, cèdres ou cyprès, symbolisent la folle démesure et l’ambition de personnages puissants qui finissent par se faire abattre… Trop de hauteur mène à la chute selon un principe de renversement…
L’extrait de la plante: remède ou poison…
Le plus souvent, dans les mythologies, le monde souterrain est associé au monde des défunts ou aux Enfers… Par ailleurs, le double aspect du symbolisme de l’arbre renvoie aussi à la double nature de la science des végétaux : médicinale et science des remèdes ou à l’inverse science des poisons, pourvoyeurs de mort…

La boisson d’immortalité
Dans la doctrine hindoue, la racine de l’arbre se trouve en correspondance avec le monde souterrain, le monde des Asuras, c’est-à dire des démons…Ce monde tellurique sert de support au reste de l’arbre qui s’élance vers le Ciel, où règne les devas, les dieux. Le mythe raconte la lutte entre les asuras et les devas pour la possession de la boisson d’immortalité extraite de la plante soma…
L’élixir de Vie, une alchimie végétale
Il existe une intime relation symbolique entre l’arbre de Vie et le breuvage d’immortalité… Cet élixir de vie représente un aspect végétal de l’alchimie dont le symbolisme minéral se rapporte à la pierre philosophale ou à la liqueur d’or… L’or possède une signification sacrée et solaire et se rattache à l’arbre mythique porteur de fruits assimilés à des soleils… ou porteur de pommes d’or…

Le Buisson Ardent
Dans les récits mythologiques de l’Inde ancienne, on rencontre la colonne de feu et la colonne de fumée du dieu du Feu Agni, ou encore le Linga de Feu du dieu Çiva… Ces images évoquent l’idée du pilier, de l’axe du monde, du centre créateur… Et comme pour le Buisson Ardent de la bible, l’arbre-Agni exprime une présence divine, qui se manifeste par le feu et la lumière…



D’après Moise et le Buisson Ardent, détail, mosaïque, basilique San Vitale, Ravenne, Italie ; la Vierge à l’Enfant émergeant du Buisson Ardent, Nicolas Fromont, XVe siècle, Saint-Sauveur, Aix-en-provence, France ; et Moïse et le Buisson ardent, fresque, Doura-Europos, IIIe siècle, province romaine de Syrie. (Marsailly/Blogostelle)
L’Arbre Lumière
On retrouve l’image du feu et de la lumière dans le Zohar où l’arbre de Vie est décrit comme un arbre de Lumière. L’illumination commence au sommet et s’étend en ligne droite à travers le tronc tout entier…
La Kabbale évoque la rosée de lumière qui émane de l’Arbre de Vie… Dans la tradition musulmane, l’arbre symbolise l’accès à la béatitude et à la réalité divine du mystique qui dépasse le monde de la dualité des apparences…

L’Arbre Béni de l’Islam
Dans la tradition de l’Islam, il est question de l’Arbre Béni, un olivier dont l’huile entretient la lumière d’une lampe. Cette lumière symbolise la lumière divine d’Allah, lumière qui en fait est Allah lui-même… Axe cosmique, l’arbre Béni symbolise Allah comme le principe de lumière qui illumine tous les mondes…
L’arbre Béni symbolise Allah comme le Principe de Lumière…
Le pouvoir éclairant de l’huile d’olive fait de l’olivier un arbre qui se rapporte lui aussi au feu et à la lumière… L’Arbre Béni de l’Islam est porteur d’influences spirituelles et cet arbre-lumière ni oriental ni occidental se situe donc au centre de l’univers… On retrouve les thèmes de l’arbre cosmique et du centre du monde dans la culture aztèque…

De la Vie à la Mort, de la Mort à la Vie…
La Kabbale de son côté évoque aussi un arbre de mort… Cet arbre procure à Adam des feuilles pour cacher sa nudité… Le Zohar relie l’arbre à un savoir magique après la chute d’Adam qui provoque l’existence du corps physique et la perte du corps de lumière…
Cependant, l’arbre de Mort génère également la Vie. Les célèbres et bibliques feuilles de vigne sont, à l’origine, des feuilles de figuier. La figue est un fruit très généreux en graines, comme la grenade… Quant à la vigne, elle produit du raisin : le vin des chrétiens va devenir le symbole d’une humanité sauvée par la Rédemption…
MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion