Amphores gauloises et poteries sigillées circulent sur les routes de Rome…
Après la défaite d’Alésia et la conquête de la Gaule par César en 52 avjc, les peuples Gaulois perdent leur indépendance. Mais ils conservent leurs savoir-faire réputés et leurs traditions culturelles. Entre le Ier siècle avjc et le IVe siècle, les Gaulois vivent de plus en plus sous influence romaine. Rome administre et réorganise les campagnes et les villes, les routes, les axes de circulation fluviaux et maritimes…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour février 2022 –

Un livre? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo). Une BD historique? Arelate, de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue, Arles à l’époque de la Gaule romaine…
REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : défaite d’Alésia et conquête de la Gaule par César. IVe siècle : fin de l’Antiquité. – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine
MALGRÉ LA PRÉSENCE ROMAINE, LE MODE DE VIE GAULOIS PERDURE…
Dans un premier temps, la fin de l’indépendance gauloise après la guerre des Gaules ne provoque pas de grands bouleversements. Le mode de vie gaulois ne change pas. La vie dans les campagnes et dans les villages reste reliée aux oppida. Ces cités gauloises fortifiées continuent de prospérer. Les échanges et le commerce avec l’Italie romaine se poursuivent jusqu’à la fin du premier siècle…

Des cités gauloises fortifiées et prospères
Fortifications naturelles et remparts protègent l’oppidum gaulois
En Gaule, situé dans l’Aisne non loin de Soissons, l’oppidum de Villeneuve-Saint-Germain remonte au Ier siècle avjc. Cette cité gauloise est occupée juste après la conquête romaine, entre 50 à 15 avjc. Elle s’implante dans un méandre de l’Aisne, où la rivière lui offre une protection naturelle, au pied d’une vaste enceinte…
Au sud, l’oppidum est protégé par un rempart. Les lieux présentent une particularité avec quatre fossés qui structurent l’espace urbain en quatre parties inégales. Ces canaux forment des axes principaux qui se rejoignent au centre de la ville et définissent un plan en croix…


D’après l’image d’un fossé couvert d’oppidum gaulois ; et une reconstitution de maison gauloise, type Villeneuve-Saint-Germain, Ier siècle avjc, Gaule, France. (Marsailly/Blogostelle)
Chaque enclos de la cité accueille un habitat
À Villeneuve-Saint-Germain, on borde les fossés de la ville de poteaux plantés en double rangée à intervalles réguliers. Ces poteaux supportent une construction couverte qui abrite trois espaces. L’espace central correspond au fossé lui-même. On installe aussi des activités artisanales en bordure des fossés couverts.
Les Gaulois divisent et organisent leurs lieux d’habitations grâce à des palissades. Chaque enclos accueille un habitat principal et des constructions annexes, comme des puits, des caves, des greniers, des silos… Non loin des remparts, on érige de grands bâtiments qui sont peut-être des installations agricoles…


D’après des pesons et fusaïoles de métier à tisser gaulois ; et un dolium, style grande jarre italienne en céramique, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Les gaulois se dotent parfois d’immenses vases italiens en terre cuite. Ces jarres de très grande contenance permettent de stocker du vin, de l’huile ou des céréales…
Des artistes et des artisans travaillent au cœur de l’oppidum
L’oppidum est un lieu de vie animé par les marchés, le commerce et l’artisanat. Les artisans gaulois tissent des vêtements, créent des bijoux, dont de nombreuses fibules en bronze, fabriquent des perles de verre et des rouelles en pierre ou en bronze, façonnent et cuisent des poteries…
Les Gaulois excellent aussi dans le travail du bois et du métal et pratiquent la sidérurgie et la métallurgie. Les bronziers utilisent des creusets en céramique dont certains sont pourvus d’un bec verseur, des pinces en fer pour manipuler les creusets, des pesons de balance en bronze…


D’après une fibule en bronze ornée d’émail, Ier – IIe siècle, Bourgogne ; et une fibule gauloise, Ier siècle, Gaule Romaine, France. (Marsailly/Blogostelle)
Des ateliers de fabrication de la monnaie
Dans l’atelier de fabrication de la monnaie, les artisans gaulois utilisent des moules en terre cuite, des fléaux en bronze pour leurs petites balances. On laisse de côté les monnaies défectueuses. Chez les menuisiers, on peut trouver des outils en fer comme des ciseaux à bois et des scies.
Du côté des tisserands, on utilise des aiguilles à chas en fer, des poids et des fusaïoles en terre cuite, parfois décorées. Les Gaulois fabriquent aussi des outils en fer destinés au travail agricole, comme des socs d’araires, des couteaux, des serpettes en fer…
DES VOIES DE CIRCULATION EN GAULE ET DANS L’EMPIRE ROMAIN…
Peu à peu, les Gaulois s’imprègnent de la culture romaine et profitent d’une période prospère. La circulation est facile et intensive à l’époque de la Gaule Romaine. La navigation est particulièrement prisée en Gaule. Les voies terrestres, fluviales et maritimes favorisent le commerce et les échanges. La production artisanale de qualité et en série s’organise…

Novioregum, grand port antique sur l’océan
En Gaule Romaine, on circule par la route ou en bateau
Au cours de la période de la Gaule Romaine, on aménage soigneusement les axes de circulation. On construit des ponts en bois, des quais de débarquement et on implante des bornes le long des routes. Avec l’armée romaine, le développement du réseau routier se poursuit, s’améliore et se hiérarchise.
On met en place des liaisons avec l’Espagne et l’Italie. Dès l’époque de la conquête romaine en Gaule, les axes Nord-Sud et Est-Ouest prennent de l’ampleur. On peut emprunter, par exemple, la route qui mène de Lyon, capitale de la Lyonnaise et des Trois Gaules, à Saintes, capitale de l’Aquitaine…
Des ports dans les terres…
S’il existe des ports maritimes à l’époque de la Gaule Romaine, des ports sont également implantés à l’intérieur des terres, comme à Narbonne, en Languedoc-Roussillon. À Barzan, en Charente maritime, enfouie sous le site gallo-romain du Fâ, reposent les vestiges d’une cité portuaire…


D’après une vue supposée de l’antique cité portuaire de Novioregum, Barzan, Charente maritime ; et les esclaves du nautonier, stèle funéraire Les Haleurs de la Durance, Ier siècle apjc, Vaucluse ; Gaule Romaine, France. (Marsailly/Blogostelle)
De l’estuaire de la Gironde jusque dans les terres…
La ville portuaire de Novioregum remonte alors depuis l’estuaire de la Gironde jusque dans les terres. On suppose que cette cité porte le nom de Novioregum. Et il s’agit peut-être du plus grand port antique donnant sur l’océan, associé à l’époque à Saintes, Mediolanum Santonum, capitale gauloise de l’Aquitaine…
LA CARTE ANTIQUE DE PEUTINGER
Les routes de la Gaule sur la Table de Peutinger
La Table de Peutinger ou Tabula Peutingeriana ou Peutingeriana Tabula Itineraria est connue encore sous le nom de Carte des étapes de Castorius ou de « Table Théodosienne ». La Table de Peutinger est la copie médiévale sur parchemin d’une carte antique romaine élaborée vers 350. Ce sont des moines de Colmar qui réalisent cette copie vers 1265, à l’époque médiévale.


D’après la Gaule, Table de Peutinger, copie médiévale d’une carte romaine antique du IVe siècle réalisée vers 350, (Marsailly/Blogostelle)
Par ailleurs, la carte romaine réalisée en 350 est sans doute déjà elle-même la copie remise à jour d’une grande carte du monde peinte sur le portique d’Agrippa à Rome vers 12 apjc.
La carte représente alors les routes et les villes les plus importantes de l’Empire romain. Environ 555 villes sont mentionnées sur la carte, qui indiquent aussi quelques 3500 points géographiques particuliers. Les lieux importants, comme certains grands sanctuaires ou des phares, sont souvent illustrés par un petit dessin…
Le précieux parchemin de La Table de Peutinger se compose à l’origine de 12 parchemins, dont 11 nous sont parvenus, conservés à Vienne, en Autriche. L’ensemble forme une bande de 6,82 mètres de long sur 0,34 mètres. Cet immense document cartographique représente l’Empire romain, le Moyen-Orient, l’Inde en situant le Gange, et encore le Sri Lanka (Insula Trapobane) et la Chine…

La Table de Peutinger décrit un réseau qui représente 200 000 kilomètres de routes. En outre, des mers, des chaînes de montagnes, des forêts, des fleuves et des villes sont mentionnés le long des routes…
Si La Table de Peutinger permet de repérer son chemin et ses étapes, elle représente néanmoins les choses de manière schématique, comme sur un plan type plan de métro, sans échelle réaliste des distances…
LE SAVOIR-FAIRE GAULOIS CONTRIBUE À LA PROSPÉRITÉ DE LA GAULE
La Gaule produit des céréales en quantité et devient le grenier à blé de l’empire romain. Ses fertiles terroirs fournissent aussi du raisin et les gaulois font du vin grâce au développement de la vigne. Dans le Sud de la France, les potiers fabriquent de nombreuses amphores de qualité…

Potiers, tisserands, forgerons…
À Marseille, on fabrique des amphores en série qui permettent le transport et l’export du vin. Les Gaulois produisent aussi de la viande de porc et de mouton, et les salaisons du nord du pays sont très appréciées…
Dans le domaine du textile, le drap de laine gaulois connaît un franc succès. Et les artisans gaulois comme les forgerons, les potiers, les carreleurs, les artistes de la mosaïque, les tabletiers qui travaillent l’os et l’ivoire, les plombiers et les corps de métiers de la construction, sont également fort réputés…
Des amphores de qualité sont réalisées en série
Dans le Sud de la France, à Sallèles d’Aude en Narbonnaise, les potiers travaillent dans un important centre de production de céramique dédié à la fabrication des amphores. Les lieux englobent une carrière d’argile, des ateliers et des habitations…

Le quartier résidentiel du site possède une rue centrale et une place pourvue d’un puits. La production d’amphores se perpétue au cours des Ie, IIe et IIIe siècles. Par ailleurs, au cours du Ier siècle, la culture de la vigne connaît en Gaule un essor inédit. On destine aussi une partie des activités agricoles à l’export…
Grâce à leur légèreté, 10 kg, et à leur contenance, 30 litres, les amphores de Sallèles sont réputées et utiles aux transports des denrées. Façonnées sur un modèle gaulois, les amphores de Sallèles sont très répandues au IIe siècle apjc…

Des fournées de 600 à 1000 amphores
Pour transporter le vin et les céréales dans tout l’empire romain, on a besoin de nombreuses amphores. Les amphores sont exportées en masse jusqu’au frontières du Rhin et du Danube, en Grande-Bretagne, à Ostie et à Rome, en Italie, et même en méditerranée orientale.
Pour répondre à une demande de plus en plus importante, les potiers gaulois organisent une fabrication de poteries en série à grande échelle. Il devient nécessaire de construire de très vastes fours capables de cuire des fournées de 600 à 1000 pièces de céramique.

Le quartier artisanal de Sallèles possède 11 fours, répartis dans les ateliers dédiés aux activités de tournage, de séchage et de cuisson. À l’extérieur, des bassins permettent de décanter l’argile avant de la travailler. Des tonnes de déchets de céramiques brisées et de tessons gisent sur place…
DES SPÉCIALISTES DE LA CÉRAMIQUE SIGILLÉE
À côté d’une céramique grise assez commune, utilisée en général dans la vie quotidienne, et grâce à un procédé particulier de fabrication, les artistes potiers gaulois créent une céramique dite sigillée. Au cours du Ier siècle, la culture du raisin connaît un grand essor en Gaule et l’on exporte du vin…
Une belle couleur rouge-orangée
Sigillée vient du latin sigillum qui signifie sceau pour évoquer la signature que les potiers apposent à l’aide d’un poinçon sur leurs céramiques. Ces poteries à la belle couleur rouge-orangée sont lisses ou finement décorées de feuillages, d’animaux, de divinités ou de scènes mythologiques. Elles contribuent à la réputation des artistes de la Gaule…
Une pâte très fine pour des poteries tournées ou moulées
De facture luxueuse, la céramique sigillée est composée d’une pâte très fine. Inspirés par une technique italienne, les modèles sont simplement façonnés au tour pour les pièces lisses, sans décor, ou soigneusement moulés pour les pièces ornées d’un riche décor.

Ces créations sont surtout destinées à l’exportation et sont distribuées à partir de la manufacture de La Graufresenque, en Aveyron. Aux Ier et IIe siècles, on produit de la vaisselle en quantité et de nombreux vases en céramique sigillée qui sont diffusés dans l’ensemble de l’empire romain…
Une cuisson à 1000 degrés pour les céramiques sigillées
Avant d’enfourner leurs céramiques sigillées à très haute température, les potiers gaulois les recouvrent d’un engobe qui leur donnera leur belle couleur. C’est grâce à une cuisson à 1000 degrés que la céramique sigillée obtient une surface brillante imperméable, dans des tons plus ou moins vifs de rouge-orangé.

La durée de la cuisson exige quatre jours de patience… Et le temps consacré au refroidissement des poteries nécessite lui aussi quatre jours… Il y a cependant beaucoup de casse à la sortie du four et les pièces défectueuses ou brisées sont jetées dans de grands dépotoirs.
Chaque potier fait ses comptes et signe ses céramiques
On empile les céramiques dans des fours parfois immenses
Chaque potier fait cuire sa production de céramiques sigillées dans un four commun. C’est pourquoi, avant d’enfourner ses pièces de poterie, chaque artisan fait ses comptes.
Les potiers inscrivent leur nom et la liste des céramiques qu’il ont façonnées sur une assiette. Ainsi, à la sortie du four, chacun retrouve son bien. Les céramiques sont empilées dans des fours parfois immenses. Un système de regard permet de contrôler la cuisson…



D’après des comptes de potier sur des assiettes sigillées, Ier-IIe siècle, La Graufesenque, Aveyron, et une signature de potier, Barzan, Charente maritime ; four à céramiques du Fâ de Barzan, Charente Maritime ; plan d’un grand four pour la cuisson en séries des poteries ; Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
BAS-RELIEFS ET DÉDICACES
Des scènes de la vie quotidienne sur les bas-reliefs
Les citoyens de la Gaule Romaine sont nombreux à faire graver des bas-reliefs et des dédicaces sur leurs stèles funéraires. Le plus souvent, on rencontre des scènes qui évoquent la vie quotidienne, les métiers, les travaux et les moyens de transport. Les chars, les barques et les bateaux sont fréquents sur les images sculptées…


D’après les Haleurs de la Durance, stèle funéraire, Ier siècle apjc, Cabrières-d’Aigues, Vaucluse ; et une consultation médicale sur un bas-relief, Montiers-sur-Saulx, Meuse ; Gaule Romaine, France. (Marsailly/Blogostelle)
La circulation fluviale est bien organisée et il existe des armateurs et des corporations. Le trafic maritime, intense lui aussi, est représenté sur des bas-reliefs monumentaux et des épaves ont été retrouvées en mer Méditerranée. Certains bas-reliefs évoquent la médecine et les soins prodigués aux patients par les oculistes…
Sous l’égide de l’administration de Rome, les Gaulois fréquentent l’école et l’université… On apprend le latin et on s’initie à la culture romaine, qui se répand dans toute la Gaule…
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