Nos lointains aïeux… tailleurs de pierre
L’époque paléolithique correspond à l’âge de la pierre ancienne. On divise cette longue période en trois moments : le paléolithique inférieur, le paléolithique moyen et le paléolithique supérieur. Au cours du paléolithique inférieur, l’Humanité apprend à maîtriser le Feu et développe l’art de tailler la pierre. L’être humain expérimente sa créativité, des premiers outils aux chefs-d’œuvre du paléolithique supérieur…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2022 –

L’art aurignacien de la grotte Chauvet, au paléolithique supérieur, s’impose parmi les premiers grands témoignages artistiques de la préhistoire…
REPÈRES CHRONOLOGIQUES; – Paléolithique inférieur : des origines à 100 000 avjc. Hominidés, Homo Habilis, Homo Erectus, Homo sapiens (vers 300 000 avjc). – Paléolithique moyen : vers 100 000 à 40 000/35 000 avjc. Neandertal vers 120 000 avjc – Paléolithique supérieur : 40 000/35 000 avjc à 10 000 avjc. Homo sapiens sapiens -extinction de Neandertal. Chronologie Préhistoire

Au paléolithique supérieur, des objets d’art à l’art rupestre, on assistera au plein épanouissement d’une créativité riche en chefs-œuvre, où les animaux sont rois…
LES CHASSEURS, LA PIERRE ET LE FEU
Les chasseurs-cueilleurs s’organisent dès le paléolithique inférieur. Habitats, foyers et outils témoignent de leur façon de vivre. En Europe, l’Homme maîtrise le feu vers 400 000 ans avjc, mais sans doute plus tôt encore… Homo Habilis et Homo Erectus laissent des traces de leur passage…

Des galets aménagés
Les différentes phases du paléolithique sont associées à différents types d’objets mis au jour sur les sites par les archéologues. L’étude de la préhistoire évolue donc en fonction des nouvelles découvertes…
Au paléolithique inférieur, les galets aménagés et les bifaces en silex témoignent de la présence humaine. Ces premiers outils inaugurent une longue maturation qui amène l’humanité à concevoir et à fabriquer de plus en plus d’objets utiles pour la chasse et la vie quotidienne.
L’homme de la préhistoire façonne des galets aménagés à partir de 1 million d’années avjc. Il fabrique aussi des bifaces taillés dans le silex dès 900 000 avjc environ. Son habileté lui permet de développer peu à peu son outillage.
Le galet aménagé est appelé Chopper quand il est travaillé sur une seule face, ou Chopping-tool quand il est retouché sur ses deux faces. Les chopping-tools sont les premiers outils préhistoriques façonnés à partir de galets de silex.

L’émergence du genre humain
Hominidés et homo sapiens…
L’âge paléolithique correspond au début de l’ère géologique du quaternaire. Le pléistocène se divise en quatre périodes : Günz, Mindel, Riss et Würm. La présence humaine est attestée, à ce jour, en Afrique dès 3 millions d’années avjc.
En Europe, il faut attendre 1 million d’années avjc… Certains fossiles humains européens remontent à 500 000 ans avjc. Ils appartiennent à la lignée de Neandertal. Par ailleurs, vers 300 000 ans avjc, les homo sapiens supplantent progressivement les autres groupes d’hominidés…
« Lucy » en Éthiopie
Dans les années 1960, on découvre la présence d’hominidés en Afrique. Les restes de Lucy, en Éthiopie, dans la vallée de l’Omo, sont datés de 3 millions d’années avjc environ. Cette australopithèque appartient aux hominidés, des primates qui relèvent de la même famille que l’homme moderne.

Ces lointains ancêtres sont connus en Afrique australe et fabriquent déjà quelques outils. Dans la vallée de l’Omo, des crânes et des outils remontent à une période comprise entre 2,5 millions et 1,3 million d’années avjc…
EMGeigl : « La paléogénomique (étude de la structure et de la fonction des génomes) montre que les migrations et les métissages existent dès le pléistocène (entre 2,6 millions d’années et 12 000 ans avjc)… » J.-Jacques Hublin : « Plusieurs groupes africains sont à l’origine de l’expansion de l’Homme moderne. » Source Colloque Archéologie des migrations, INRAP (12-13 novembre 2015).
Plusieurs étapes balisent l’évolution de l’humanité
Tout commence en Afrique avec les australopithèques, dont la représentante africaine est Lucy. Apparaît ensuite Homo Habilis. Puis, la présence d’Homo Erectus est attestée, entre 1,5 million et 300 000 ans avjc.

L’Homo Erectus se répand jusqu’en Europe du Nord entre 1,8 million d’années avjc et 700 000 ans avjc. On découvre la mâchoire de Mauer, en Allemagne, et le fossile de l’Arago dans la grotte de Tautavel, dans les Pyrénées, en France. Avec lui, apparaît la première fabrication archaïque d’outils : le biface Abbevillien.
Le portrait d’Homo Erectus
Le fossile de l’Arago
À Tautavel, dans les Pyrénées orientales, le site de la Caune de l’Arago permet de mieux connaître l’homme du paléolithique ancien en France. C’est là qu’est découvert le fossile de l’Arago.

Les restes de cet Homo Erectus, qui reposent au milieu de débris de cervidés et de bovidés, sont datés entre 400 000 et 350 000 ans avjc. Homo Erectus possède un crâne de 1150 cm³. Il se distingue par de gros bourrelets au-dessus de ses orbites, un front fuyant, l’absence de menton et des dents épaisses…
Homo Erectus mesure 1,50 mètre environ. Son profil annonce celui de Neandertal, le futur européen qui dominera le paléolithique moyen à partir de 100 000 ans avjc…
Les chasseurs-cueilleurs s’installent au bord de l’eau
Des campements auprès des lacs et des rivières
Les premiers chasseurs-cueilleurs se nourrissent de végétaux et d’animaux, dont des restes dépecés ont été retrouvés. Ils vivent près des lacs et des rivières. Sur le site d’Olduvai, en Tanzanie, se trouvent des traces d’habitat, des outils et des restes d’éléphants…

Il semble que Homo Habilis et Homo Erectus sont contemporains. Ils fabriquent des galets aménagés. Ces outils utiles au dépeçage des animaux témoignent des premières tentatives humaines de conception et de fabrication d’objets.
LE BIFACE, PREMIER OUTIL TAILLÉ
Le biface est l’outil symbole du paléolithique inférieur. En pierre et souvent en forme d’amande, il mesure entre 5 cm et 30 cm. Son épaisseur et sa régularité sont variables selon les périodes.

Les sites de Abbeville et de Saint-Acheule, dans la Somme en France, ont donné leur nom à ces très anciennes cultures du biface…
Premiers outils en silex taillé
Les traces d’habitat, de foyers et les outils retrouvés sur les sites archéologiques révèlent le travail des premiers hommes. Après les galets aménagés, apparaissent les premiers outils en silex taillés.
En France, ce sont les industries de l’Abbevilllien, vers 900 000 avjc, puis celle de l’Acheuléen, à partir de 700 000 – 650 000 avjc. Par la suite, les cultures du Micoquien et du Tayacien montrent que l’homme de la préhistoire diversifie de plus en plus son outillage.

Pour frapper et couper, l’être humain utilise des bifaces
C’est seulement vers 250 000 ans avjc que les chasseurs-cueilleurs inventent la « technique Levallois », qui permet de travailler la pierre de manière plus rationnelle.
Les bifaces en silex sont abondants en Europe au cours de l’interglaciaire Mindel-Riss, il y a environ 700 000 ans. Les bifaces les plus anciens, trouvés en Tanzanie, remontent à environ 1,3 million d’années avjc.
On utilise le biface en percussion, on peut le lancer ou encore il peut servir de couteau. Grâce à sa forme et à un travail de retouche, sur un ou deux côtés, on obtient une partie tranchante et une partie réservée à la préhension. La surface de préhension permet de saisir l’outil et de bien le tenir en main

Le biface est très abondant dans les cultures abbevillienne et acheuléenne. Supplanté au paléolithique moyen par les éclats, il finit par disparaître au paléolithique supérieur.
La taille épaisse des bifaces Abbevilliens
Entre 900 000 et 700 000 ans avjc, on taille assez grossièrement le silex pour obtenir les bifaces Abbevilliens. Dans un premier temps, ces outils sommaires sont volumineux et très épais. Leurs façonnage est souvent incomplet. La partie de la pierre non travaillée permet de tenir l’outil en main.

la « technique Levallois »
Le travail sur des éclats de silex
Plus tard, grâce à la « technique Levallois », vers 250 000 avjc, les outils sont réalisés à partir des éclats d’un bloc de silex. Grâce à ce procédé, c’est le bloc qui forme un noyau de matière, épluché jusqu’à devenir un déchet. Les éclats sont retouchés avec plus de précision pour obtenir des outils plus fins et plus précis.
Du paléolithique inférieur au paléolithique moyen, on rencontre des types de bifaces acheuléens et moustériens dans de nombreuses cultures préhistoriques jusque vers 100 000 avjc.
DES SITES PALÉOLITHIQUES EN FRANCE
Entre 2 millions et 1,2 million d’années avjc, en France, les premiers chasseurs-cueilleurs aménagent les sols et utilisent des galets aménagés. Vers 700 000 avjc, ils façonnent des racloirs et des bifaces…

Des aires de chasse et de dépeçage
L’homme installe des campements
En France, sur les sites de Chilhac, de Sinzelles et de Ceyssaguet, en Haute-Loire, on découvre des restes d’animaux, comme des crânes de cerfs et des accumulations d’ossements.
Ces lieux servent à des activités de chasse et de dépeçage. Le site de Soleilhac, en Haute-Savoie, abrite des sols d’habitat parmi les premiers en France, vers 1,3 million avjc.
L’être humain paléolithique installe des aires de campement en fonction de ses activités de chasse. Vers 900 000 avjc, la grotte de Vallonet, dans les Alpes Maritimes, sert peut-être déjà de refuge habité.

La diversification des bifaces en France
Entre 650 000 et 600 000 avjc, on rencontre en France les premiers bifaces de type Acheuléens, du nom du site de Saint-Acheule, situé dans la Somme. À cette époque, le biface reste l’outil dominant des chasseurs-cueilleurs.
Les tailleurs de la préhistoire réalisent différents modèles de bifaces, comme le biface asymétrique, taillé sur deux faces, ou le biface codiforme, à double symétrie et aux contours réguliers.
Le biface micoquien, en référence au style de la Micoque, en Dordogne, est particulièrement typique, avec sa belle forme en amande, son épais talon et sa pointe…

Cervidés, bovidés et outillage
À Abbeville comme à Saint-Acheule, on fabrique quantité d’outils, dont de nombreux bifaces. Taillés d’abord à coups de grands éclats, ils dessinent une arête sinueuse.
Par la suite, les bifaces deviennent plus réguliers et plus fins. La Micoque, en Dordogne, se distingue par ses petits bifaces effilés et auréolés à la taille particulièrement soignée.
Au cours de la même période, on rencontre d’autres cultures préhistoriques en France : comme celle du Tayacien, sans bifaces, aux Eyzies-de-Tayac en Dordogne, où les artisans paléolithiques façonnent surtout des éclats coupants.

La maîtrise du feu
Premiers foyers
L’humanité préhistorique apprend à maîtriser le feu à la fin du paléolithique ancien. Elle organise son espace de vie de manière de plus en plus structurée.
Les hommes installent des foyers, des aires de dépeçage et des ateliers de taille du silex. En France, à Lunel- Viel, dans l’Hérault, les premiers foyers remontent à environ 400 000 avjc. Mais des feux sont peut-être déjà allumés dans la grotte de l’Escale, dans le Var, aux environs de 700 000 ans avjc.
Dans les Alpes-Maritimes, on entretient du feu dans la grotte de Lazaret occupée vers 200 000 avjc, et sur le site de Terra Amata, vers 300 000 ans avjc.
Le feu qui apporte lumière, chaleur et sécurité aux premiers humains, parfois dévastateur quand la foudre s’abat sur les milieux naturels, nourrira plus tard une riche symbolique…
LE TRAVAIL DE LA TAILLE DEVIENT DE PLUS EN PLUS ÉLABORÉ
La mise au point de la « technique Levallois » permet à l’artisan du paléolithique d’économiser sa matière première. Il affine aussi son travail de taille du silex selon un plan élaboré à l’avance…
Le principe élémentaire de la frappe : le galet
Le travail de la taille de la pierre évolue au rythme du développement intellectuel de l’humanité. Au début, on utilise un galet comme percuteur pour frapper la pierre et lui donner la forme voulue. Ensuite, on préfère un gourdin de bois dur qui permet d’obtenir un résultat plus soigné.
Les tous premiers outils des artisans paléolithiques, les galets aménagés, sont très sommairement façonnés par percussion. On leur donne leur forme en frappant la pierre. Ensuite, on retouche une ou deux de ses faces.

La taille par enlèvement d’éclats : le biface
Les bifaces sont taillés entièrement, ou presque, sur leurs deux faces. L’artisan frappe un galet ou un silex sur un bloc de pierre qui fait office d’enclume. Les éclats produits par la frappe sont grossiers, mais peuvent être retouchés.
La forme de l’outil est modulée par une série d’enlèvements de matière. Le bloc de silex, appelé « nucléus », prend la forme d’un outil. Les éclats de débitage sont jetés.
La « taille Levallois », vers 250 000 ans avjc
Les artisans du silex progressent, le procédé de taille évolue et s’inverse… Le tailleur de pierre choisit une pierre brute (« nucléus ») à partir de laquelle il va travailler.

Pour obtenir des éclats plus réguliers, il dégrossit d’abord sommairement sa pierre. Puis il prépare son plan de frappe et détache de larges éclats de silex. Ces éclats servent à fabriquer des outils et ce qui reste du nucléus rogné est jeté.
Le tailleur de silex élabore son travail
Grâce à la « technique Levallois », l’artisan de la préhistoire exploite davantage de matière. Il produit plus d’éclats et moins de déchets. Il ne rejette que ce qui reste du noyau de la pierre travaillée. Ce nouveau procédé implique aussi que le tailleur pierre débite ses éclats selon un plan réfléchi…
… L’artisan devient capable de produire des éclats en fonction de l’outil qu’il veut obtenir. Cette technique de taille beaucoup plus précise permet de créer des nouveautés.

Ainsi, on fabrique des lames plus ou moins longues, des burins, des racloirs taillés d’un seul côté et des grattoirs retouchés sur leur petit côté. Puis la taille du silex s’affine encore à l’époque de Neandertal, au Paléolithique moyen…
On étudie la faune et la flore
Sur les sites archéologiques, les chercheurs étudient les ressources de la flore et de la faune. Ils étudient les différentes couches du sol qui contiennent des vestiges préhistoriques. Des analyses pointues permettent d’affiner les datations.

Mammouth, mégacéros, cerfs…
Dents de bœuf musqué, restes de mammouth ou de rhinocéros laineux, bois de renne… sont les témoins d’une période froide. Les restes de chevaux, de cervidés (daims, cerfs…), de bisons, de mégacéros (ou mégalocéros) sont associés à une période interglaciaire, plus clémente.
On étudie également tout ce que l’homme utilise à une période donnée, comme des restes de nourriture, des outils (silex, poinçons, aiguilles…), des débris d’os, de corne ou d’omoplate…
Les données minérales
Grâce à l’étude des roches, les ressources minérales fournissent aussi des indications. Les roches cassantes possèdent une structure cristalline, propice à la taille.
Comme le silex, le quartz ou l’obsidienne, utilisés pour fabriquer des outils. Si les roches plus dures éclatent à la percussion, elles permettent par contre le travail de polissage.

Analyses et datation
La stratigraphie est l’étude des couches successives accumulées par l’occupation humaine. Dans les années 1950, le carbone 14, fondé sur le taux de radioactivité de tout être vivant, permet une datation jusqu’à 50 000 ans avjc.
Le taux de potassium Argon, lié aux couches volcaniques, permet lui une datation au-delà de 50 000 avjc. On utilise aussi la dendrochronologie, fondée sur l’étude des cernes de croissance des arbres…
Le monde préhistorique évolue… Entre 100 000 et 40 000 -35 000 ans avjc, l’homme de Neandertal devient le maître de l’Europe. Il cohabite un peu plus de 2000 ans environ avec Homo sapiens sapiens avant de disparaître…
Article suivant : Le temps de Neandertal au paléolithique moyen – Les outils des chasseurs-cueilleurs
Colloque Archéologie des migrations, INRAP (12-13 novembre 2015) Homo, le grand singe migrateur : source Inrap.fr : (www) inrap.fr/homo-le-grand-singe-migrateur-9686
P. Picq : « L’Homme est le premier … à s’introduire dans différents milieux écologiques. » P. Belwood : « Les migrations existent depuis 2 millions d’années… » D. Garcia : « Toute espèce vivante a la volonté d’occuper au mieux son territoire. L’Humanité, elle, a su dépasser les bornes : migrer. » Source Colloque Archéologie des migrations, INRAP (12-13 novembre 2015).