Le livre : Traité sur la tolérance, Voltaire
PAUSE LECTURE… François Marie Arouet, dit Voltaire (1694 -1778), philosophe des Lumières, connaît un destin mouvementé… L’écrivain et auteur, qui exalte la liberté, réalise de nombreuses œuvres littéraires et cultive la variété des genres. Il valorise le genre historique, écrit des pièces de théâtre et des essais, revisite le conte… Dans son Traité sur la tolérance, Voltaire s’adresse à Dieu…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière révision janvier 2019 –

Extrait du Traité sur la tolérance : Prière à Dieu
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, …
… à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités ; Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; …

… fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites…
… entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; …
… que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire…

… qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde,
… et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir…
… Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, …
… comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible. Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix,
… et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant. (Voltaire, Traité sur la tolérance, chapitre XXIII, 1763)
PORTRAIT LIBRE D’UN ESPRIT LUMINEUX
Voltaire, vu par Jean-Baptiste Pigalle

« C’est un crime en fait de beaux-arts de mettre des entraves au génie. Ce n’est pas pour rien qu’on le représente avec des ailes ; il doit voler où il veut et comme il veut… »
« Monsieur de Voltaire par les gens de lettres »
Une statue sculptée par un grand sculpteur du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Pigalle, est commandée en 1770. La société de gens de lettres, parmi lesquels figurent Diderot et d’Alembert (les auteurs de l’Encyclopédie), veut rendre hommage à Voltaire. Jusque-là privilège royal, c’est la première fois qu’un écrivain se voit ériger une statue de son vivant…
Une souscription publique est alors lancée pour réaliser une statue sculptée dans le marbre. Le roi de Prusse Frédéric II lui-même participe. La ronde bosse porte une inscription : Monsieur de Voltaire par les gens de lettres/ses compatriotes, et ses contemporains. 1776.
Le beau visage d’un penseur au corps nu vieillissant
La commande est confiée à Jean-Baptiste Pigalle, l’un des plus grands sculpteurs de l’époque. L’artiste se rend à Ferney pour réaliser un plâtre de la tête du philosophe. Ensuite, il travaille sa sculpture…

Le beau et ressemblant visage de Voltaire contraste avec le corps nu d’un homme vieillissant et affaibli. Jean-Baptiste Pigalle soigne un rendu anatomique exceptionnel, mais il insuffle aussi une expression de vivacité et de grande profondeur de pensée aux traits de ce personnage hors du commun…
« Il faut laisser M. Pigalle le maître absolu de la statue »
Dans un premier temps, Voltaire s’inquiète face à l’interprétation audacieuse de Jean-Baptiste Pigalle, avant de se raviser et de déclarer…
Il faut laisser M. Pigalle le maître absolu de la statue. C’est un crime en fait de beaux-arts de mettre des entraves au génie. Ce n’est pas pour rien qu’on le représente avec des ailes ; il doit voler où il veut et comme il veut. Je vous prie instamment de voir M. Pigalle, de lui dire comme je pense, de l’assurer de mon amitié… (Lettre de Voltaire, 1er décembre 1771, expédiée de Fernay)
LA BIO D’UN PENSEUR ENGAGÉ DANS LA DÉFENSE DE LA LIBERTÉ
François Marie Arouet, dit Voltaire naît le 21 novembre 1694. Son père, notaire, est le conseiller du roi. Il se retrouve orphelin de sa mère à 7 ans. Voltaire étudie chez les jésuites du collège Louis-le-Grand, avant de poursuivre ses études à la faculté de droit de Paris.
Dès 1715, le jeune homme fréquente les salons littéraires, la société et les personnages libertins. Son père veut l’envoyer à Saint-Domingue mais Voltaire écrit une ode et une satire en vers pour affirmer sa vocation pour les lettres.

Voltaire cultive la provocation et la satire
Voltaire compose des écrits satiriques aux dépens du régent, Philippe II d’Orléans… En 1717, il est envoyé à la Bastille pour offenses envers Philippe II. C’est en prison qu’il rédige sa tragédie Œdipe, publiée en 1718. Il prend alors le nom de Voltaire et décide de partir en Hollande.
Voltaire connaît des intrigues de cour et écrit pour le théâtre. Il commence une épopée, La Ligue (1723), et la première version de La Henriade (1728). Mais l’auteur reconnu de comédies et de tragédies se retrouve à nouveau embastillé quelques jours après avoir offensé le chevalier de chevalier de Rohan-Chabot en le ridiculisant.

Voltaire triomphe avec Brutus et Zaïre
Puis en 1728, Voltaire s’exile en Angleterre où il séjourne trente mois. L’écrivain en profite pour apprendre l’anglais… et le roi de Grande-Bretagne, Georges II, lui octroie une pension, ce qui permet à l’écrivain d’accroître notablement sa fortune. Voltaire rentre à Paris en mars 1729. Il triomphe avec ses deux tragédies Brutus, en 1730, et Zaïre, en 1732.
Émilie du Châtelet, une marquise érudite
Mais ses Lettres philosophiques, en 1734, et son poème, le Mondain, en 1736, provoquent des scandales. Voltaire se réfugie chez Mme du Châtelet, sa maîtresse et amie, au château de Cirey, alors en Lorraine.

Voltaire admire Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, nommée plus simplement Émilie du Châtelet, une femme libre et érudite, qui cultive l’esprit des Lumières…
Voltaire entre à l’Académie française
De 1744 à 1749, Voltaire revient à Paris, où il est protégé par le comte d’Argenson, devenu ministre de la guerre et par Madame de Pompadour. En 1745, l’écrivain philosophe est nommé historiographe du roi Louis XV, puis est élu à l’Académie française.
En 1747, il s’éloigne de la cour et séjourne un temps chez la duchesse du Maine. En 1750, Voltaire accepte l’invitation de Frédéric II de Prusse et part pour Potsdam…

Des contes satiriques et philosophiques
Voltaire mène son travail d’historien et publie Le Siècle de Louis XIV, en 1752. Le philosophe écrit, en 1756, son Essai sur les mœurs et L’Esprit des nations. Il rédige encore des contes satiriques et philosophiques, comme Zadig, en 1748, et Micromégas, en 1752.
Pour Voltaire, voir aussi l’article :
L’art au XVIIIe siècle, à l’époque des lumières, les frontières de l’esprit s’élargissent… – Portraits de philosophes…
Voltaire écrit Candide en Suisse
Après la disparition d’Émilie du Châtelet, en 1749, Voltaire part pour Berlin. Mais l’écrivain quitte la ville en mars 1753 pour se réfugier en Suisse avec Mme Denis, devenue sa maîtresse.
En 1755, Voltaire s’installe à Genève, où le Grand Conseil lui reproche d’avoir monté un théâtre. C’est en Suisse que sera publié Candide, en janvier 1759. En 1760, l’écrivain s’installe finalement dans son château de Ferney, à la lisière de la frontière franco-suisse. Il reviendra à Paris en 1778, l’année de sa mort…

Voltaire triomphe à la Comédie Française
Voltaire intervient dans différentes affaires judiciaires (Calas, Sirven, La Barre), et livre un combat pour défendre la tolérance. Il écrit son Traité sur la tolérance, en 1763, le Dictionnaire philosophique portatif, en 1764, et encore le conte L’Ingénu, en 1767…
À Paris, Voltaire reçoit les hommages de l’Académie française et triomphe à la Comédie Française avec Irène, sa dernière tragédie. Mais, malade, il s’éteint le 30 mai 1778. Après la Révolution, le 11 juillet 1791, le cercueil de Voltaire est transféré au Panthéon, où son épitaphe dit…
« Il (Voltaire) combattit les athées et les fanatiques. Il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité… Poète, historien, philosophe, il agrandit l’esprit humain, et lui appris à être libre »

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES EN EUROPE
Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières misent sur les capacités de l’être humain à se déterminer selon La Raison. Ces idées, initiées en Angleterre et présentes aussi en Allemagne, sont diffusées en Europe grâce aux philosophes Français. Les penseurs développent encore les références à la nature et se montrent confiants et optimisme quant à l’histoire. Leurs réflexions sont fondées sur une profonde conviction en le progrès de l’humanité… Découvrir aussi l’Art au XVIIIe siècle…
Ces valeurs conduisent les philosophes des Lumières, au XVIIIe siècle, à lutter contre l’intolérance religieuse, à dénoncer l’absolutisme politique et à exalter la liberté d’agir et de penser, comme l’incarne Voltaire…
Bloc notes + Le tableau de Giorgione, Les Trois Philosophes, représenterait les figures de la philosophie antique, médiévale et humaniste. Ainsi la grotte serait une évocation de la caverne de Platon. Par ailleurs, la grotte renvoie aussi au culte solaire de Mithra. D’autres voient dans cette composition une allégorie des trois religions du Livre, juive, musulmane et chrétienne.
Certains encore perçoivent une métaphore des trois âges de la vie, jeunesse, maturité et sagesse… Mais, dans le domaine de l’art, une interprétation n’exclut pas les autres… À l’époque de la Renaissance, les artistes cultivés maîtrisent les codes de la mythologie, de la religion et de la philosophie…
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