Shulgi perpétue la lignée sumérienne
À la fin du IIIe millénaire, sous la Troisième dynastie d’Ur, l’empire sumérien d’Ur étend sa suprématie et son influence dans toutes les contrées mésopotamiennes… À l’époque du roi Shulgi (2100 -2050 avjc), l’art perpétue la tradition sumérienne et exalte le roi bâtisseur. Shulgi appartient à la lignée des successeurs de Gudea. L’empire sumérien s’étend alors jusqu’à Suse sur le plateau iranien. Au-delà de Suse, en pays d’Élam, les rois deviennent des vassaux du souverain Shulgi, mais les artistes élamites cultivent leur originalité…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Mise à jour octobre 2024 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Époque néo-sumérienne : 2150 – 2100 avjc. Règne de Gudea : 2130 – 2100 avjc. IIIe dynastie d’Ur fondée par Ur-Nammu : 2100 – 2000 avjc. Ur-Nammu : 2111- 2094. Shulgi : 2093-2046, Amar-suen : 2045-2037. Shu-sîn : 2036- 2028. Ibbi-sîn : 2027-2003. Chute de la dynastie d’Ur vers 2000 avjc. Royaumes Amorrites et première dynastie de Babylone : 2000- 1595 avjc. Chronologie Orient ancien
SHULGI, ROI D’UR, DE SUMER ET D’AKKAD CONSTRUIT DES TEMPLES À SUSE
Autour de 2100 avjc – 2000 avjc, la Troisième dynastie d’Ur impose son influence grandissante en Mésopotamie et au-delà… Sous le règne de Shulgi, les influences culturelles et artistiques mésopotamiennes de l’empire sumérien rayonnent jusqu’à Suse…

À Suse, Narundi s’identifie à la déesse Inanna-Ishtar
Narundi, vêtue du traditionnel kaunakès sumérien à mèches, s’identifie à Suse, en Élam, à la grande déesse sumérienne et babylonienne Inanna-Ishtar… Elle porte ici un vase et une palme, symboles de l’eau, de la végétation et de la fertilité.
Ur devient une grande puissance
Sous les règnes d’Ur-Nammu (vers 2111- 2094), puis de Shulgi (vers 2093-2046), d’Amar-suen (vers 2045-2037), de Shu-sîn vers 2036- 2028) et d’Ibbi-sîn (vers 2027-2003), Ur devient une grande puissance… avant de décliner ensuite assez rapidement sous le joug des Amorrites, au début du IIe millénaire avjc…

Shulgi, roi sumérien bâtisseur
Souverain de l’empire d’Ur, le puissant Shulgi s’emploie à faire ériger des temples comme l’exige la tradition sumérienne et la piété royale à Suse, en Élam.
Des clous de fondation du roi Shulgi
À l’emplacement des deux sanctuaires bâtis par Shulgi sont enfouis dans huit cachettes huit clous de fondation en cuivre gravés au nom du roi d’Ur. Les dépôts de fondation sont complétés par des tablettes en stéatite gravées elles aussi…
Déposés dans des cachettes dans les fondations des édifices sacrés, les clous de fondation symbolisent la propriété et la protection des dieux…

Shulgi porte sur sa tête la symbolique corbeille de briques
L’artiste représente Shulgi en bâtisseur, qui porte sur sa tête la traditionnelle corbeille de briques, symbole de la construction du sanctuaire du dieu…
L’inscription précise : Mâle fort , roi d’Ur, roi de Sumer et d’Akkad... On rencontre déjà cette image du souverain bâtisseur à l’époque du souverain Ur-Nanshe, au milieu du IIIe millénaire avjc…
Voir aussi l’article Les artistes sumériens exaltent la dévotion des souverains

Des traditions de fondation de Girsu à Suse
De Girsu à Suse, les mêmes traditions de fondations
La tradition des documents de fondation se rencontre déjà à l’époque des dynasties archaïques sumériennes, puis se perpétue à l’époque de Gudea et sous la Troisième dynastie d’Ur…
Des dépôts de fondations (clous, cônes, tablettes…) sont placés dans des cachettes dans les fondations des temples d’Ur, à Girsu (Irak actuel), et jusqu’à Suse, en Élam (Iran actuel).. Ces objets rituels consacrent la propriété du dieu, garantissent la stabilité et la solidité des édifices et protègent les lieux sacrés des dangers.
Sur un galet perforé, le dieu coiffé de sa tiare à paires de cornes arbore un imposant clou de fondation. Il est accompagné d’une déesse lama de la fertilité et fait face à la gueule menaçante d’un fauve…

Les artistes produisent des clous de fondation en grand nombre dans l’antique Girsu (Tello) et à Suse. Certains modèles de clous de fondation représentent le dieu lui-même qui enfonce le clou dans le sol.
Dans le panthéon mésopotamien, le nombre plus ou moins important de paires de cornes sur la tiare des divinités précise la grandeur de leur puissance : voir l’article Le Sacré en Mésopotamie : des divinités coiffées de tiares à cornes…
AU-DELÀ DE SUSE, LES ARTISTES ÉLAMITES CULTIVENT LEUR ORIGINALITÉ
Au cours de la seconde moitié du troisième millénaire, à une époque où la cité de Suse se trouve sous influence sumérienne, plusieurs régions élamites prennent leur essor. On assiste à l’émergence d’une civilisation dite trans-élamite. Les artistes élamites composent des créations inédites et expriment leur originalité…

Une civilisation trans-élamite en Iran oriental
Le monde artistique évolue également à l’époque néo-sumérienne en Iran oriental. Au cours du IIIe millénaire avjc, la culture élamite se développe et s’étend vers l’Est. Les ateliers d’artisans prospèrent et on développe des échanges à longue distance.
La circulation de matières précieuses
Grâce aux marchands, beaucoup de matières précieuses comme le métal, la chlorite, le lapis-lazuli et la cornaline sont acheminés à Suse, puis en Mésopotamie. Peu à peu, une civilisation dite trans-élamite d’Iran oriental se met en place…

Des contacts bien au-delà de l’Élam, jusqu’en Bactriane…
Les peuples de Suse étendent leurs contacts bien au-delà de l’Élam… jusqu’aux confins de l’Asie centrale, en Bactriane, au Nord de l’Afghanistan… Là, les marchands de Suse construisent des entrepôts fortifiés afin d’assurer leurs échanges et transactions. Les activités se développent et essaiment encore vers l’Est…
Un sceau à motif de buffle retrouvé à Suse, enrichi d’une inscription harappéenne (civilisation de Harappa), témoigne des importations exotiques qui se développent aux IIIe et IIe millénaire avjc (entre 2600 – 1700 avjc environ), depuis la vallée de l’Indus (actuel Pakistan) jusque dans la florissante cité iranienne…

Routes de montagne et voies maritimes
Des peuples nomades et semi-nomades extraient alors la pierre et le métal, les transforment et exportent leurs productions vers la Mésopotamie. On achemine les marchandises soit par les routes de montagne soit par les voies maritimes du Golfe Persique…
Des échanges intenses inter-iraniens vont perdurer jusqu’au XVIIe siècle avjc (vers 1800 avjc)… avant de cesser soudainement pour des raisons encore obscures…
La créativité des artistes trans-élamites
En Bactriane, de la fin du IIIe millénaire avjc à 1600 avjc environ, les artistes trans-élamites réalisent de luxueuses créations. Ils façonnent notamment des haches d’apparat, qui sont des insignes de dignité, et créent des cachets compartimentés en cuivre ou en argent…

Les artistes trans-élamites réalisent encore des petites colonnes en albâtre, des vases et de la vaisselle en chlorite ou encore des statuettes composites raffinées en chlorite et calcaire… Parmi les petites statues, se distinguent des figures féminines majestueuses, comme celle de la Dame à la crinoline…
La Dame dite à la Crinoline
En Bactriane, située le long du fleuve Oxus, les artistes créent des objets en travaillant une belle pierre verte, la chlorite, souvent composite avec du calcaire blanc. La chlorite est importée d’Iran en Mésopotamie… La Dame à la crinoline, une statuette d’une vingtaine de centimètres, illustre cet art.

Cette Princesse de Bactriane porte un habit à mèches laineuses qui rappelle le kaunakès sumérien traditionnel, mais il est ici revisité sous la forme d’une ample et longue robe… La majestueuse crinoline de la dame évoque aussi les atours des reines et des princesses élamites…
Un petit chef-d’œuvre en lapis-lazuli
Un petit disque en lapis-lazuli, provenant de l’Iran du Sud-Est, peut-être de la région du Kermân, représente deux scènes galantes… Cet objet précieux perforé, probablement un élément de parure, porte un décor sculpté en relief sur ses deux faces.
L’artiste sculpte un couple d’amoureux sur chacune de ses faces et adapte sa composition à la forme circulaire du petit disque… À l’origine, il rehausse la tranche circulaire de torsades de cuivre.

Le croissant de Lune et l’Étoile d’Ishtar
Sur l’une des faces du jeton, apparaît une femme assise, les cheveux noués en bandeaux et double chignon. Le buste nu, la demoiselle porte une jupe à motifs de hachures, dont le motif rappelle les mèches du kaunakès sumérien en peau de mouton. Face à elle, un homme agenouillé lui présente une coupe ou un vase…
La scène se déroule sous l’égide du croissant lunaire et d’un astre rayonnant. Ces deux symboles rappellent le croissant de Lune et l’Étoile de la déesse Ishtar, divinité de l’Amour, de la sexualité, de la fécondité (et de la Guerre).
On retrouve des signes astraux sur l’autre face, avec une mise en scène inversée. L’amant installé sur un siège reçoit une coupe des mains d’une femme à la longue chevelure libre…

La chute de l’empire d’Ur
La Lamentation de la Destruction d’Ur
Vers 2000 ans avjc, c’est la chute de l’empire de la Troisième dynastie d’Ur et de sa capitale… Cet événement nourri l’inspiration d’un poète qui écrit une Lamentation de la destruction d’Ur…
L’auteur raconte comment Ningal, la déesse protectrice d’Ur, supplie en vain les dieux qui laissent un funeste destin s’abattre sur la ville… Finalement, les dieux permettront la reconstruction de la cité…

On pratique en Mésopotamie le genre littéraire des lamentations depuis l’époque des Dynasties archaïques... et davantage encore autour de 2000 avjc, au cours d’une période marquée par des incursions tragiques et des guerres entre cités… Cette forme de littérature annonce les lamentations bibliques…
La cité d’Ur évoquée dans la bible
Le Voyage d’Abraham d’Ur à Canaan
Selon le récit biblique, la migration de la tribu de Térakh commence à Ur (Our)… Térakh (ou Térach) est le fils de Nahor et le père d’Avram (ou Abram), de Nahor et d’Harân (père de Loth). Térakh serait l’ancêtre du peuple Hébreux (Genèse)…

La Genèse raconte…
Ce serait sous la conduite d’Avram (ou Abram) qu’une partie de la tribu de Térakh quitte la cité Ur des Chaldéens pour s’en aller rejoindre Canaan… Après son alliance avec Yahvé, le patriarche Avram (père élevé, ou père spirituel) devient Abraham dont le nom signifie père d’une multitude ou père de nombreuses nations…
La Genèse raconte… Avec sa famille et son clan, Avram quitte Ur, dans le pays de Sumer (Ur des Chaldéens), pour venir s’établir à Harrân : Térakh prit son fils Abram, son petit-fils Loth, fils de Harân, et sa bru Saraï, épouse de son fils Avram, qui sortirent avec eux d’Our des Chaldéens pour aller au pays de Canaan. Il gagnèrent Harrân où ils habitèrent. Térakh vécut deux cent cinq ans et mourut à Harrân…

Dans le monde oriental de la fin du IIIe millénaire avjc, les peuples Amorrites et Hurrites changent la donne… Les Hurrites s’installent en Mésopotamie du Nord où, vers 2220 avjc, ils fondent des petits états indépendants. Au début du IIe millénaire avjc, les Amorrites, venus des lisières du désert syrien-arabique, adoptent l’héritage sumérien et akkadien. Les souverains Amorrites assoient partout leur pouvoir, sauf en Élam et en Anatolie…
À venir : L’Orient ancien au IIe millénaire avjc…
Une aventure ? L’épopée de Gilgamesh (Mésopotamie) : des tablettes du XIIIe siècle avjc racontent l’épopée de Gilgamesh en quête d’immortalité, un roi qui aurait régné vers 2600 avjc sur la cité d’Uruk (ou Ourouk )… Un livre ? L’Histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer (1956).
L’épopée de Gilgamesh : voir aussi l’article L’Orient ancien. Une mosaïque culturelle et artistique, littéraire et mythologique

Antiquités orientales : Le Metropolitan Museum of Art au Louvre : THE MET AU LOUVRE – THE MET NEAR EASTERN ANTIQUITIES IN DIALOGUE (29 février 2024 – 28 Septembre 2025). PDF : api-www.louvre.fr/sites/default/files/2024-04/MET-Mobile-EN.pdf
