Le livre : La Vénus d’Ille, Prosper Mérimée
PAUSE LECTURE… Une nouvelle écrite en 1835 et publiée en 1837. Mérimée, qui fut inspecteur des Monuments Historiques, trouve son inspiration à l’occasion d’un voyage dans le Roussillon en 1834… Il y découvre le site archéologique d’un temple antique consacré à Vénus… Archéologue, le narrateur de la Vénus d’Ille nous raconte son aventure fantastique dans la ville d’ Ille-sur-la-Têt, dans les Pyrénées-Orientales… Il fait la connaissance de monsieur de Peyrehorade, antiquaire, qui lui fait découvrir des vestiges antiques et une mystérieuse statue…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2019 –

LA VÉNUS D’ILLE LE PITCH
Sur ses terres, M. de Peyrehorade a découvert une statue de Vénus qui remonterait à l’époque romaine… : Des yeux blancs ? Sans doute ils sont incrustés dans le bronze. Ce sera peut-être quelque statue romaine. Mais la figure de bronze d’une étrange beauté intrigue, inquiète même… Un accident se produit quand la statue se renverse sur un ouvrier…
C’est une idole, vous dis-je ; on le voit bien à son air. Elle vous fixe avec ses grands yeux blancs… On dirait qu’elle vous dévisage. On baisse les yeux, oui, en la regardant …
Le narrateur aperçoit la mystérieuse statue…
Le narrateur, archéologue, rencontre les Peyrehorade, qui préparent le mariage de leur fils, Alphonse, avec mademoiselle de Puygarrig, jeune fille fortunée. Monsieur de Peyrehorade s’enthousiasme pour la statue de Vénus qu’il a découverte… Il propose au narrateur de lui montrer cette fascinante beauté dès le lendemain…
Le soir venu, notre archéologue ouvre la fenêtre de sa chambre et aperçoit, au loin, la mystérieuse statue… Deux garçons apostrophent la Vénus. L’un d’eux lui jette une pierre, qui rebondit sur la statue et revient le frapper tel un boomerang… faisant fuir les jeunes intrus… Le lendemain, comme promis, monsieur de Peyrehorade présente la statue à son hôte…

L’intention marquée de l’artiste de rendre la malice…
Face à cette antiquité, le narrateur exprime son ressenti : J’observais avec surprise l’intention marquée de l’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la méchanceté. Tous les traits étaient contractés légèrement : les yeux un peu obliques, la bouche relevée des coins, les narines quelque peu gonflées…
… Dédain, ironie, cruauté, se lisaient sur ce visage d’une incroyable beauté cependant. En vérité, plus on regardait cette admirable statue, et plus on éprouvait le sentiment pénible qu’une si merveilleuse beauté pût s’allier à l’absence de toute sensibilité…
Monsieur de Peyrehorade montre le socle de la statue à l’archéologue : J’y lus ces mots : Cave Amantem… En voyant l’expression diabolique de la dame, je croirais plutôt que l’artiste a voulu mettre en garde le spectateur contre cette terrible beauté. Je traduirais donc : Prends garde à toi si elle t’aime…

L’anneau passé au doigt de la statue…
Le fils Peyrehorade, Alphonse, montre au narrateur la belle bague sertie de diamants qu’il destine à sa future épouse. Le mariage se prépare pour le vendredi… Monsieur de Peyrehorade fait remarquer que Vendredi est le jour de Vénus, la déesse de la beauté… Le jour des Noces, l’archéologue tente de dessiner le portrait de la statue…
Dès huit heures j’étais assis devant la Vénus, un crayon à la main, recommençant pour la vingtième fois la tête de la statue, sans pouvoir parvenir à en saisir l’expression.
Le narrateur croit entendre des pas légers… puis lourds…
De son côté, monsieur de Peyrehorade, telle une offrande, dépose des roses aux pieds de la déesse et la prie de protéger les jeunes mariés… Mais au cours d’une partie de jeu de paume, le futur époux Alphonse passe au doigt de la statue la bague destinée à la mariée pour ne pas la perdre … Alphonse tente de récupérer l’anneau passé au doigt de la statue, en vain …
Au cours de la nuit, le narrateur croit entendre des pas légers… puis lourds… Puis le matin arrive… et c’est le drame… Le jeune marié, étendu sur le lit, git raide mort. Il porte des marques sur le torse comme s’il avait été étreint dans un cercle de fer… alors que sa jeune épouse semble prise de folie… Dans le jardin où se trouve la statue romaine, le narrateur examine une série d’empreintes de pas dans les deux directions opposées…
CES ÉTRANGES STATUES ANTIQUES…
D’après les Danaïdes, statues en bronze, Villa des Papyrus, Herculanum, Ier siècle apjc (avant 79, Vésuve ), Naples, art Romain ; Aphrodite-Vénus, qui détache sa sandale, bronze, bijoux en or, époque Romaine ; une statue colossale d’Athéna, dite Pallas de Velletri, vers Ier siècle apjc, art Romain (copie d’un bronze crétois de Crésilas, vers 430 avjc) ; un bronze, copie romaine du thème original grec dit Vénus pudique, Antico, 1460–1528 apjc, Naples ; Vénus et la Pomme d’or, Pier Jacopo di Antonio Alari-Bonacolsi, dit Antico, bronze, 1460–1528, Mantoue, Italie. (Marsailly/Blogostelle)
BIOGRAPHIE DE PROSPER MÉRIMÉE
– 1803. Prosper Mérimée, romancier et critique français, naît le 27 septembre, à Paris. Il est le fils de Jean-François-Léonor Mérimée, peintre et chimiste français, professeur de dessin à l’Ecole Polytechnique. Sa mère, Anne-Louise Moreau, descend de Marie Leprince de Beaumont (femme de lettres et auteur de contes). Très tôt, Prosper Mérimée côtoie le monde de l’art. En 1811, il étudie au lycée Napoléon (actuel lycée Henri IV)
– 1819-1820. Mérimée commence des études de droit, après son baccalauréat, sur les conseils de son père. Il s’intéresse aussi à la littérature anglaise. 1822. Mérimée travaille sur une tragédie, Cromwell. Il en fait une lecture chez son ami Viollet-Le-Duc.
Mérimée parvient à fréquenter les salons parisiens, et rencontre Alfred de Musset, Victor Hugo et Stendhal (Henri Beyle), avec qui il entretient des liens d’amitié. 1823. Mérimée obtient sa licence de droit. De constitution fragile, il est exempté de service militaire.

– 1825. Passionné par le théâtre espagnol, Mérimée, publie une série d’articles anonymes dans le Globe. Puis il “invente” une comédienne espagnole, dont M. Joseph Lestrange, personnage imaginaire, vient de traduire les œuvres.
Six pièces sont publiées sous le titre, Théâtre de Clara Gazul. La revue Le Globe découvre cette “mystification”… 1826. Mérimée fréquente les cercles littéraires parisiens et fait trois voyages en Angleterre.
– 1827. Mérimée rencontre Émilie Lacoste qui devient sa maîtresse. L’écrivain poursuit son oeuvre de mystification et publie La Guzla (anagramme de Gazul), tel un recueil de chants populaires censés écrits par Hyacinthe Maglanovitch. Mais comme pour le Théâtre de Clara Gazul, c’est Mérimée qui en est l’auteur…
– 1828. Mérimée, blessé en duel par le mari d’Émilie Lacoste, débute la publication de nouvelles qui vont favoriser sa réputation. 1829. Il publie Chronique du règne de Charles IX, évoquant les guerres de religion du XVIe siècle, et des nouvelles : Mateo Falcone, Vision de Charles IX, Tamango, Federigo, L’Enlévement de la Redoute.

– 1830. La pièce de Mérimée, Le Carrosse du Saint-Sacrement, jouée par l’actrice Augustine Brohan, dont l’écrivain est amoureux, provoque un scandale en raison du ton antireligieux de l’auteur. Mérimée publie Le Vase Étrusque et La Partie de Trictrac.
Sous La Monarchie de juillet (entre 1830 et 1848), Mérimée bénéficie de facilités, de contacts et de faveurs. En voyage en Espagne, l’écrivain fait la connaissance du futur Comte de Montijo, père d’Eugénie (4 ans), future épouse de l’empereur Napoléon III. Début de son amitié avec la famille d’Eugénie…
– 1831. Chef de bureau au secrétariat général du ministère de la Marine, Mérimée entre dans la haute administration grâce à des protections. Puis il est nommé chef de cabinet du Comte d’Argout, ministre du Commerce et des Beaux-Arts.
– 1832. Mérimée est Maître des requêtes au Conseil d’État. Il est chargé de la mise en œuvre des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de choléra. L’écrivain publie Lettres à une inconnue. 1833. L’homme de lettres entretient une liaison éphémère avec George Sand et publie La Double Méprise.
Prosper Mérimée est inspecteur général des monuments historiques
– 1834. Mérimée, passionné par l’archéologie et les voyages, devient inspecteur général des monuments historiques. Il publie Les Âmes du purgatoire. 1835. Mérimée est Secrétaire de la Commission des monuments historiques. L’auteur publie ses notes d’un voyage dans le Midi de la France, séjour qui lui inspire sa nouvelle La Vénus d’Ille, publiée en 1837.
-1836. Début de la liaison entre Mérimée et Madame Delessert, aquarelliste. Mort de son père. L’écrivain publie ses notes sur son voyage dans l’Ouest de la France. 1838. Mérimée publie ses notes d’un voyage en Auvergne.
– 1839. Mérimée est vice-président de la Commission des monuments historiques. Il voyage en Italie en compagnie de son ami Stendhal. 1840. L’auteur publie ses notes de voyage en Corse, qui lui inspirent sa nouvelle, Colomba. 1841. L’écrivain visite la Grèce et la Turquie. 1842. Mort de Stendhal.

– 1843. Mérimée est rapporteur de la Commission pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Il est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres. 1844. Il est élu à l’Académie française. L’auteur publie sa nouvelle, Arsène Guillot. 1845. Il publie Carmen, dont la célébrité doit beaucoup à l’opéra de Georges Bizet (1875). L’écrivain apprend le russe…
– 1848. Mérimé est membre de la Commission des arts et édifices religieux au ministère des Cultes. Il s’intéresse à la littérature russe et traduit Pouchkine. La revue des Deux Mondes publie La Dame de Pique, nouvelle fantastique d’Alexandre Pouchkine adaptée par Mérimée. L’écrivain publie H.B, en l’honneur de son ami Stendhal (Henri Beyle).
-1851. Mérimé est membre de la Commission chargée de l’inventaire des collections de Charles V et de Charles VI. 1852. Il est membre de la Commission du musée des souverains. 1853. L’écrivain est nommé sénateur à vie. Il publie Des monuments de France.
Figurant parmi les familiers de Napoléon III et d’Eugènie de Montijo, Mérimée devient l’une des cibles des opposants à l’Empereur. Il voyage en Espagne… 1854. Rupture avec Madame Delessert.
– 1855. Mérimée est Membre du jury de l’Exposition universelle pour la section architecture. Il connaît de graves troubles de la respiration. Il se rend dans le Midi, à Cannes, mais continue de voyager. L’écrivain traduit Le Coup de Pistolet de Pouchkine. 1858. Mérimée fait faire à Napoléon III et à l’impératrice sa fameuse dictée…

– 1862. Mérimée sert de nègre à Napoléon III pour la rédaction d’une Histoire de Jules César. Pour tenter d’améliorer sa santé, il acquiert une maison à Cannes. 1863. L’écrivain se partage entre l’Angleterre, Cannes, Paris et Biarritz. Il refuse le Ministère de l’Instruction publique. Mérimée rédige la préface de Pères et Enfants de son ami russe Tourgueniev.
– 1865. Mérimée rencontre Bismarck le 18 septembre. 1866. L’écrivain lit La Chambre bleue et Lokis à Madame Delessert. 1868. L’auteur publie sa nouvelle fantastique Lokis. Dernière participation à la Commission des monuments historiques.
-1869. Mérimée souffre de son asthme. 1870. L’écrivain, très attaché au régime impérial, tente en vain de s’opposer à sa chute. Mérimée s’éteint le 23 septembre, à Cannes, où il est inhumé, au cimetière anglais.
-1871. La Commune incendie son appartement, 52, rue de Lille, à Paris, où se trouve sa bibliothèque et ses papiers personnels. 1873. Publication posthume de Dernières Nouvelles.
QUI SONT LES DANAÏDES ?
Filles du roi de Libye, Danaos, les cinquante Danaïdes sont des princesses de la mythologie grecque. Le frère jumeau de Danaos, Égyptos, veut obliger les Danaïdes à épouser ses cinquante fils. Les princesses s’enfuient à Argos en Grèce accompagnées de leur père, mais les fils d’Égyptos finissent par les rattraper…

Les Danaïdes précipitées aux Enfers…
Danaos fait alors semblant d’accepter ces épousailles, et demande à chacune de ses filles de tuer son époux pendant la nuit de noces. Les Danaïdes suivent les conseils de leur père sauf l’une d’entre-elle, Hypermnestre, qui épargne Lyncée qui l’avait respectée… Plus tard, les Danaïdes épousent des hommes du pays d’Argos et donnent naissance aux Danaens.
Mais Lyncée décide de venger ses frères en massacrant toutes les Danaïdes et leur père. Les Danaïdes sont précipitées aux Enfers où elles sont condamnées à remplir une jarre sans fond, éternellement… L’attribut des Danaïdes est la jarre ou le tonneau… (Ovide, Métamorphoses, début du Ier siècle apjc )… De là provient l’expression Le tonneau des Danaïdes, pour exprimer une besogne ou une activité sans fin voire absurde…
D’après les Danaïdes, statues en bronze, Villa des Papyrus, Herculanum, Ier siècle apjc (avant 79, Vésuve ), Naples, Art Romain. (Marsailly/Blogostelle)
Bloc-notes + Lors de la dictée (figurant parmi les passe-temps de la cour de l’époque) attribuée à Mérimée, Napoléon III commet 75 fautes, l’impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul le prince de Metternich, ambassadeur d’Autriche, n’en fait que 3… Voir gallica.bnf.fr/essentiels/merimee/dictee-merimee ; Prosper Mérimée INHA ressources : inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/merimee-prosper.html
Consulter Le sommaire Pause Lecture
Consulter Le Sommaire du BLOG
Une très belle idée que cet article qui jette des ponts entre l’histoire et la littérature, entre la sculpture et l’écriture. Et pour ne rien gâcher, « La Vénus d’Ille » de Mérimée est un texte qui mêle fantastique et suspense avec brio. Une nouvelle qui plaît en général beaucoup aux lycéens …
Merci à vous, Maryse 🙂
J’aimeAimé par 2 personnes