Vie d’Artiste : Qui-êtes-vous Johannes Vermeer ? (deuxième partie)

D'après La Dame assise au Virginal, Johannes Vermeer, vers 1675 IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

Interview imaginaire de l’artiste hollandais

Qui-êtes-vous Johannes Vermeer ? Deuxième partie… Dans les toiles de Johannes ou Jan Vermeer, les hommes jouent le plus souvent un rôle secondaire. Sauf pour l’Astronome et Le Géographe, dont les portraits semblent incarner la science, le savoir et la réflexion sur l’univers… Le personnage masculin, c’est encore l’artiste-peintre dans son atelier… Si le visiteur peut se montrer bienveillant, attentionné, empressé ou séducteur auprès des jeunes femmes, l’énigme de la pensée féminine demeure inviolable…

Lire la première partie de l’interview imaginaire Vie d’Artiste : Qui-êtes-vous Johannes Vermeer ? (I)

Vermeer : l’art du huis-clos ouvre sur l’Universel

Par Maryse Marsailly @blogostelle
– Dernière révision décembre 2018 –

D'après La Jeune Fille à la Perle, détail, Johannes Vermeer, 1665-1666, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Jeune Fille à la Perle, détail, Johannes Vermeer, 1665-1666, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

Johannes Vermeer, qu’entendez-vous par l’énigme de la pensée féminine ?

Vermeer prend le temps d’une profonde respiration… La contemplation du mystère féminin renvoie au secret de la maternité, à la possible naissance de l’enfant… Comme je viens de vous le dire, La Jeune Femme à la Balance au ventre bien rond porte un enfant… Ainsi, la rondeur parfaite de la perle évoque une féminité universelle, le principe de la création, de la naissance ou de la renaissance…

Générée par l’huître, un coquillage vivant dans la mer, la perle concentre en elle une image de la sexualité féminine et de la création… La perle symbolise aussi la recherche ou la capacité spirituelle à atteindre la pureté ou la perfection…

On retrouve tout cela dans La Jeune Fille à la Perle ?

Oui bien sûr, même si ce portrait féminin anonyme cache bien son jeu derrière les apparences… Je me suis concentré sur le pouvoir d’envoûtement d’un regard à la fois rêveur et interrogateur… La jeune femme interpelle l’observateur par cette douce et poétique expression qui invite à la rencontre…

D'après La Jeune Fille à la Perle, Johannes Vermeer, 1665-1666, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Jeune Fille à la Perle, Johannes Vermeer, 1665-1666, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

L’artiste poursuit… Et la claire sensualité de la bouche de La Jeune Fille à la Perle appelle peut-être un baiser… Les couleurs et les matières du turban bleu et de l’habit forment un écrin précieux pour ce visage lumineux, à l’ovale parfait, paré là encore de la rondeur et de l’éclat d’une perle… Ici, la jeune femme ne se concentre pas sur une activité particulière, mais elle paraît entièrement absorbée par le regard d’autrui.

… Vous pourriez dire qu’elle fixe l’objectif du photographe… Ses traits doux et sensuels suggèrent une timide expression de séduction, une profondeur des sentiments, sans toutefois dévoiler le secret de ses pensées… Nous sommes finalement totalement séduits par cette impalpable beauté, vous ne trouvez-pas ?…

Oui, complètement… parlez-nous de vos premières toiles…

Vermeer, ferme les yeux un moment et se souvient… Pour commencer, j’expérimente une unique fois un thème mythologique avec Diane et ses Compagnes, en 1654. Puis un sujet biblique avec Le Christ chez Marthe et Marie, en 1655… La toile de Diane me permet d’expérimenter le rendu de la lumière solaire, la vibrance des couleurs et une douceur de l’atmosphère à la vénitienne…

D’après Diane et ses Compagnes, 1655-1656, IVMeer ; et Le Christ dans la Maison de Marthe et Marie, vers 1655, IVMeer ; Johannes Vermeer. (Marsailly/Blogostelle)

Le Christ chez Marthe et Marie s’inspire de l’évangile de Saint Luc. Marie, au pied de Jésus, écoute dans une attitude de contemplation. Ce travail inaugure mes premières recherches picturales autour d’une lumière douce et chaude, d’une harmonie des teintes et des transparences. Je me concentre aussi sur l’expression intériorisée de mes personnages et sur les détails de la corbeille de pain de Marthe qui selon l’évangile de Saint Luc assure le service pendant que Marie boit les paroles de Jésus…

Vous abandonnez très vite la mythologie et le biblique?

Oui… Motivé par la vie ordinaire de mon temps davantage que par les sujets mythiques ou religieux, L’Entremetteuse est la première toile sur laquelle j’exprime l’originalité de ma touche artistique… Ce qui me distingue, je crois, c’est mon aspiration à mettre en lumière et à sublimer différemment la vie de tous les jours…

C’est aussi mon goût pour la simplicité et le dépouillement, qui s’allie au plaisir de dépeindre les ornements complexes et colorés des tapis, des tentures, des étoffes ou encore de soigner le rendu des instruments de musique… Par la suite, je consacre mon art à mon sujet de prédilection : la figure féminine, dont la pose et la pause suggèrent l’intensité de son for intérieur…

D'après L'Entremetteuse, Johannes Vermeer, 1656, datée et signée. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Entremetteuse, Johannes Vermeer, 1656, datée et signée. (Marsailly/Blogostelle

L’artiste explique… Certains voient dans L’Entremetteuse, signée et datée en 1656, une inspiration de l’école caravagesque d’Utrecht, dont les peintres, au cours de la première décennie du XVIIᵉ siècle, ont séjourné à Rome pour parachever leur formation… Ainsi, Hendrick Ter Brugghen (1588-1629), Gerrit von Honthorst (1590-1656) et Dirck van Baburen (1570-1624) ramènent à Utrecht l’art extraordinaire du Caravage (Michelangelo Merisi da Caravaggio, mort en 1610)…

La Jeune Femme Assoupie, peint dans vos jeunes années, s’inscrit dans la peinture de Genre ?

Oui, je peins la Jeune Femme Endormie en 1657, et je m’inspire déjà de la peinture dite de genre. Mais je tends à réduire les éléments du récit au minimum… Je recherche à la fois un effet de dépouillement et de netteté qui évoque le calme et le repos, un profond sentiment de tranquillité…

Le jeu des espaces sombres ou clairs me permet de créer une ambiance intime… Les couleurs vives des tentures, des vêtements ou des objets apportent une touche joyeuse à une atmosphère paisible et silencieuse… Mon goût pour la vérité optique et pour une description lumineuse et intemporelle des êtres et des choses s’affine…

D’après La Jeune Femme assoupie, Johannes Vermeer, 1657. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Jeune Femme assoupie, Johannes Vermeer, 1657. (Marsailly/Blogostelle)

Vermeer confie… Je laisse pénétrer la lumière extérieure dans mes intérieurs par une fenêtre ouverte ou grâce à la transparence des vitraux… Comme dans La Leçon de Musique qui représente une jeune femme jouant du clavecin (Virginal), ou dans L’Officier ou Le Cavalier et la jeune femme au visage éclairé et souriant…

J’aime les décors dépouillés : fenêtres à carreaux, sobre mobilier, toile de maître accrochée au mur ou carte géographique, quelques objets de la vie quotidienne… La clarté se diffuse dans la pièce et se déploie sous différentes formes de clair-obscur, de contre-jour ou de pénombre.

J’aspire à donner à mes peintures une atmosphère emplie de sensibilité et d’intimité… J’exprime la vie silencieuse des êtres et des choses comme dans un miroir… Je mets en place un point de vue, parfois renforcé par la présence d’une tenture ou d’un rideau, qui place le spectateur dans l’attitude de l’intrus qui surprend une scène d’intimité ou d’échange…

D'après La Lettre d'Amour, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Lettre d’Amour, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

Vous avez mis au point un procédé pictural qui vous est personnel ?

L’artiste répond, visiblement concentré… Oui, Je fais partie des premiers artistes à travailler sur l’abstraction des effets visuels… Cette recherche en matière d’abstraction préfigure ce que vous nommerez plus tard l’impressionnisme…

Mon secret ? Détacher franchement les tons, laisser briller doucement les couleurs en les isolant, nuancer la netteté des éléments pour donner de la profondeur à mes toiles, comme le ferait un artiste photographe de votre époque… Je veille aussi à soigner les moindres détails de mes compositions avec application.

Je modèle certains de mes rendus par petites touches pour distribuer de la clarté, de la transparence ou des reflets. Et je me plais à diffuser une lumière dont la magie des clairs-obscurs transcende le monde de tous les jours… J’aspire à dépeindre un instant d’éternité, un présent éternel…

D’après La Jeune Femme à l’Aiguière, et détail des reflets, Johannes Vermeer, 1664-1665. (Marsailly/Blogostelle)

On retrouve ce travail de la touche dans la Laitière et la Dentellière…

Oui… Je peins La Laitière en 1658…  Cette figure individuelle, complètement absorbée par son activité, illustre la beauté de la simplicité… J’aime peindre l’humain… mais sous la forme d’une figure unique, présentée ici à mi-corps et dotée d’une présence plastique presque monumentale… Cette consistance de l’être relève de la vie quotidienne mais s’inscrit aussi dans un univers intemporel…

La Laitière est là encore l’expression d’un instantané, ici et maintenant… Cette image propose en même temps un saut dans l’éternité pour cette figure qui verse son lait dans une attitude de quasi recueillement, éclairée par une discrète lumière latérale qui provient de la fenêtre et se reflète sur le mur en doux halo… J’interprète les objets au premier plan comme des natures mortes, dont les accords colorés vivifient et réchauffent la scène…

Vermeer, prenant un air confidentiel, ajoute encore… J’étudie aussi la profondeur de champs… Je ponctue certains motifs de touches picturales pour apporter un effet de flou, comme sur la corbeille de pain et le pichet de ma Laitière, alors que le clou fiché dans le mur et le panier apparaissent plus nets… Je crée des fondus lumineux grâce à cette ponctuation de gouttes de couleurs et d’éclats superposés… Ainsi, j’élabore ma mise au point sur le deuxième plan…

D’après La Laitière et détail, Johannes Vermeer,1658. (Marsailly/Blogostelle)

Je recherche là une simplicité magnifique qui transfigure mes modèles, comme animés par une inspiration spirituelle au cœur même de leur activité toute ordinaire et quotidienne… et pour cela j’utilise un procédé que vous pourriez qualifier de photographique… À mon époque, nous connaissons déjà le principe de la chambre noire connu sous le nom de camera osbcura, mais les artistes peintres s’intéressent aux effets de la perspective depuis longtemps…

Comme le néerlandais Van Hoogstraten et sa Boîte à Perspective?

L’artiste renchérit, souriant… Oui … Vers 1655 -1660, Samuel Van Hoogstraten (1627-1678) élabore sa Boîte à Perspective. Ouverte sur un grand côté pour laisser pénétrer la lumière, Hoogstraten peint sa boîte sur ses 5 faces intérieures. Il ménage ensuite des trous sur les côtés pour que l’observateur puisse jeter un coup d’œil dans la boîte… et découvrir ainsi l’intimité d’un foyer hollandais… L’effet de perspective est surprenant !…

D'après La Boîte à Perspective, de Samuel van Hoogstraten, 1655-1660. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Boîte à Perspective, de Samuel van Hoogstraten, 1655-1660. (Marsailly/Blogostelle)

Mais vous savez, dès la Renaissance, avec Léonard de Vinci (1452-1519), jusqu’au XVIIIe siècle avec le vénitien Canaletto (1697-1768), des artistes peintres utilisent le principe de la chambre noire pour copier des images sur une feuille de papier sur laquelle elles sont projetées… et ainsi travailler sur la perspective…

À l’origine, c’est le mathématicien médiéval Abu Ali al-Hasan Ibn al-Haytham, Alhazen en latin (965-1040), qui conçoit la première boîte noire…. En 1685, le chanoine Johann Zahn (1631-1707) modernise le principe de la boîte noire, dite camera osbcura. Cet instrument optique permet d’obtenir une image d’un objet projeté sur une surface plane, qui  apparaît fidèle à la réalité grâce à un miroir incliné…

Et la Dentellière ?

Vermeer, le regard brillant, poursuit… Avec ma Dentellière, le temps est suspendu à un fil… Un fond gris, doux et clair me permet d’exalter les jeux de couleur… La jeune dentellière évoque une figure de la petite bourgeoisie de Delft… Penchée sur son ouvrage, elle s’applique à manier fuseaux, épingles et fils sur sa table de travail… Le livre déposé au premier plan, peut-être une Bible, crée une touche studieuse ou spirituelle, qui fait écho à l’expression très concentrée de la jeune femme… dont le ressenti secret est comparable à un livre fermé…

D'après La Dentellière, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Dentellière, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

Le livre est aussi un objet de la vie quotidienne, comme son coussin à couture qui permet de ranger le nécessaire à dentelle… J’aime observer et distribuer des objets familiers auprès de mes personnages. Je les combine dans mes compositions… Ainsi, des meubles hollandais, des tapis, des tentures, des tableaux accrochés au mur ou posés sur un clavecin, des pièces de vaisselle, ou encore des instruments de musique trouvent leur place sur mes toiles…

Le thème de La dentellière, que l’on rencontre souvent dans la littérature et la peinture hollandaise évoque dans la société bourgeoise les vertus domestiques féminines… Mais il s’agit aussi, comme dans La Laitière, de donner à l’univers quotidien une dimension fascinante…

Les fils de La Dentellière ne rappellent-ils pas les Trois Parques romaines, Nona, Decima et Morta  ou les  Moires grecques Clotho, Lachesis et Atropos, représentées comme des fileuses de la destinée humaine… Qui sait…

D'après La Dame assise au Virginal, Johannes Vermeer, vers 1675 IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Dame assise au Virginal, Johannes Vermeer, vers 1675 IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

L’artiste reprend, détendu… Les objets traités avec soin en natures mortes s’inscrivent pour moi dans un univers intemporel… Quant à La Dentellière, conservé au Louvre à Paris depuis 1870, je suis très touché de savoir que le grand Auguste Renoir (1841-1919) la considère comme le plus beau tableau du monde, avec le Pèlerinage à l’île de Cythère d’Antoine Watteau (1684- 1721)… Il paraît même que Salvador Dalí (1904- 1989) aurait été impressionné…

Votre art repose sur un important travail visuel ? Comment procédez-vous pour guider le point de vue de l’observateur ?

Vermeer esquisse un large sourire… La présence charnelle et psychologique de ma Dentellière s’impose avec force dans une composition volontairement interprétée en petit format. Les dimensions réduites du tableau renforcent encore, selon moi, le sentiment d’intimité et de profondeur de la pensée…

Dans mes toiles, je cherche à mettre en scène les déformations optiques naturelles liées à l’observateur… Pour cela, je m’efforce de créer plusieurs profondeurs de champ et je suis très attentif à mes cadrages, parfois resserrés sur mes figures… Deux siècles plus tard, je crois que j’aurais pu devenir artiste photographe…

D'après La Dentellière, détail des touches, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Dentellière, détail des touches, Johannes Vermeer, 1669-1670, IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

L’artiste explique encore… Pour la Dentellière, la puissante netteté des détails, comme le fil blanc et fin qui semble glisser entre les doigts de la jeune femme, constitue le point central de la vision du spectateur… Au-delà, les formes se font plus floues, même au premier plan… Ainsi, les fils qui débordent du coussin ne sont pas traités avec autant de précision… Pour créer un effet visuel d’imprécision, je les travaille en touches de couleur presque abstraites…

J’utilise le même procédé pour le rendu de la tenture, peinte en petites touches de couleurs pures… Dans ma recherche picturale, la lumière sublime le modèle comme les objets, et contribue à créer un instantané à la fois intime et impalpable…

Là encore, je suis très heureux que mon art ait pu provoquer l’admiration de Vincent Van Gogh (1853-1890), qui évoque la beauté de l’ arrangement jaune citron, bleu pâle, gris perle de ma Dentellière (NDLA : en 1888, dans une lettre à Émile Bernard, peintre et écrivain)

D’après Le Géographe, et détail, signature IVMeer, Johannes Vermeer, 1668-1669. (Marsailly/Blogostelle)

L’Astronome et le Géographe, portraits masculins, sont des exceptions ?

Vermeer poursuit, de plus en plus jovial… Oui… Pour moi qui consacre mon art à dépeindre la figure féminine, L’Astronome (1668) et Le Géographe (1669) sont l’occasion de mettre en scène un homme dans le rôle principal, savant ou chercheur, surpris par l’observateur en état de grâce …

Certains pensent que ces deux toiles forment un ensemble à l’origine. Là encore, ces deux instantanés cherchent à emporter le spectateur hors du temps… C’est la vision d’une intense attention au présent… un présent qui est aussi éternité…

L’Astronome se penche sur le globe céleste, Le Géographe étudie la sphère terrestre… Tous deux sont représentés de profil, revêtus d’un habit d’intérieur, dans l’intimité de leur cabinet d’études, sorte de studiolo… Une douce clarté accompagne leur profonde réflexion, dans une atmosphère toute confidentielle…

L’artiste, un peu rêveur… L’Astronome semble caresser son globe céleste éclairé par la lumière de la fenêtre… Devant lui reposent un livre fermé, un ouvrage ouvert et un compas. Le Géographe, de son côté, tient son compas en main… La tenture rappelle celle de la Dentellière. On aperçoit aussi un planisphère avec ses cadrans et ses aiguilles.

D'après L'Astronome Johannes Vermeer, 1668, signé IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Astronome Johannes Vermeer, 1668, signé IVMeer. (Marsailly/Blogostelle)

Le visage éclairé de l’érudit, absorbé par la contemplation de son globe, invite à la méditation… Sur le mur, ma signature datée, IVMeer 1668, continue d’alimenter les interrogations des experts du XXIe siècle… Le tableau de Moïse Sauvé des Eaux, accroché sur le mur de L’Astronome, se retrouve dans le décor de La Dame Écrivant une Lettre et sa Servante (1670) …

Vermeer baisse le ton… Sur la table de L’Astronome et du Géographe reposent un livre ouvert et un livre fermé… Ces deux livres renvoient peut-être bien à la dimension symbolique de la connaissance, ouverte ou cachée…

Comme tous les personnages que je mets en scène, et dont les pensées échappent à l’observateur, la science symbolisée par le livre possède aussi sa part de mystère… L’Astronome comme Le Géographe, dont l’un se consacre au Ciel et l’autre à la Terre, possède chacun un globe dont la mise en lumière apporte une dimension d’universalité éclairée… Et la Terre et le Ciel ne sont-ils pas intimement reliés?…

D’après Une Dame debout au virginal, 1672-1673, IVMeer  ; et La Leçon de Musique Interrompue, 1660-1661 ; Johannes Vermeer. (Marsailly/Blogostelle)

Vous avez aussi semble-t-il un goût prononcé pour les instruments de musique ?

L’artiste acquiesce… Oui, la musique et très présente dans mes toiles… Et je prends un grand plaisir à travailler et à soigner le rendu des instruments, comme le luth, la viole, la guitare ou le virginal qui appartient à la famille du clavecin…

Je m’applique à peindre les volumes, le modelé des matières, comme la texture du bois, le détail des cordes ou encore les motifs complexes des ornements… Dans mon tableau Le Concert, j’élabore un espace intimiste qui évoque le chant et les musiciens…

D’après une Jeune Femme jouant de la Guitare, 1671-1672 ; La Femme au Luth, 1664 ; et Le Concert, 1665-1666 ; Johannes Vermeer. (Marsailly/Blogostelle)

Votre passion pour l’Art et pour la peinture en particulier trouve son point d’orgue dans votre toile L’Art de la Peinture ?

Si dans la plupart de mes tableaux l’art est présent, avec des toiles d’artistes accrochées au mur ou posées sur un clavecin, comme dans La Dame assise au Virginal (vers 1675) ou La Dame debout au Virginal (1672-1673), je voulais peindre mon allégorie de la Peinture… l’art dans l’art…

Je réalise L’Artiste dans son Atelier vers 1670, à la fin de ma carrière d’artiste peintre… J’en profite pour travailler la perspective avec encore davantage de rigueur… Cette toile repose sur l’éclairage du modèle grâce à la lumière de la fenêtre… Le drapé du rideau suggère une intimité, celle du peintre au travail et la tranquille complicité entre le modèle et l’artiste…

Les modelés des couleurs et de la lumière créent un espace ouvert, découvert par l’observateur qui semble surgir de derrière la lourde tenture pour surprendre la scène… Le rideau cache et dévoile à la fois ce moment d’intimité volé par le spectateur… Quelques effets de touches, de grains lumineux et des jeux de reflets ajoutent encore de la consistance à l’impression d’espace…

D’après L’Allégorie de la Foi, 1670- 1674, une œuvre peinte à la fin de la vie de l’artiste ; et L’Art de la Peinture ; Johannes Vermeer, 1666-1667. (Marsailly/Blogostelle)

Vermeer fermant les yeux... Finalement, je quitte ce monde en décembre 1675, à l’âge de 43 ans, ruiné par une très fâcheuse crise économique… Marchand d’art, vous imaginez bien que les ravages de la guerre après l’invasion en 1672 des troupes de Louis XIV aux Pays-Bas, n’ont pas favorisé mon négoce… Et mon épouse, Catherine, devenue veuve, ne parviens pas à faire face aux créanciers… Avec encore de jeunes enfants à sa charge, elle adresse même en 1676 une supplique aux autorités… Je suis inhumé dans la Vieille Église de Delft…

Merci Johannes Vermeer…

La figure féminine de L’Allégorie de la Foi rappelle le thème de la Vierge de L’Immaculée Conception ou de L’Assomption, le pied sur le globe ou sur le croissant de Lune, parfois écrasant le serpent… Une image qui renvoie à la Femme de l’Apocalypse couronnée d’étoiles. Par ailleurs, le bleu et le rouge sont les couleurs attribuées traditionnellement à la Vierge Marie, mère de Jésus, à l’époque médiévale et à la Renaissance…

Au-delà de l’iconographie religieuse, le globe aux pieds de L’Allégorie de la Foi de Vermeer évoque aussi la dimension universelle de cette mystérieuse figure féminine… Un globe dont la rondeur rappelle celle de la perle et du ventre rond de la Jeune Femme à la Balance

D’après La Vierge sur le Globe, Bernardo Castello, 1557-1629, école piémontaise et génoise ; L’Immaculée Conception, Velasquez, 1618, XVIIe siècle ; L’Immaculée Conception,  Pietro Testa, 1612-1650, école florentine, XVIIe siècle ; et L’Immaculée Conception, Giovanni Battista Tiepolo, 1767-1768, XVIIIe siècle. (Marsailly-Blogostelle)

Bloc-notes + Le site du Rijksmuseum : à propos de du tableau La Ruelle (www.)rijksmuseum.nl/fr/decouverte-de-ladresse-de-la-ruelle-de-vermeer et aussi (www.)rijksmuseum.nl/en/rijksstudio/artists/johannes-vermeer

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Les Provinces-Unies des Pays-Bas aux XVIe-XVIIe siècles – 1579. Ligue d’Utrech : les Pays-Bas du Nord refusent la domination espagnole. Création des sept Provinces-Unies dont la Hollande. – 1584. Assassinat de Guillaume le Taciturne, prince d’Orange. –  1609. Trève de Douze ans, reconnaissance des Provinces-Unies. – 1648. Traité de Munster, officialisation des Provinces-Unies, autonomie administrative et direction militaire des princes français de la famille d’Orange. La Haye devient la capitale des princes d’Orange. -1650. mort de Guillaume II. – 1651. Rivalités avec la Grande-Bretagne. – 1672. Invasion des armées de Louis XIV, roi de France. – 1678. Paix de Nimeng, Louis XIV perd les Provinces-Unies… À la fin du XVIIe siècle, art hollandais et art français se sont enrichis mutuellement…

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Publié par Maryse Marsailly

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