Mésopotamie, la quête de la figure idéale à Mari

L’esprit de Sumer inspire les artistes de Mari

Au cours de la dernière période des dynasties archaïques sumériennes, les artistes de Mari, comme ceux de la cité d’Ur, composent des mosaïques raffinées. Les sculpteurs renouvellent aussi l’art de la statuaire, empreinte d’une expression idéalisée… Les artistes syriens de Mari revisitent les canons de l’art sumérien…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2018 –

D’après une femme et son kaunakès de cérémonie, coquille, fin IIIe millénaire avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une femme et son kaunakès de cérémonie, coquille, fin IIIe millénaire avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Bloc-notes + Une aventure ? L’épopée de Gilgamesh (Mésopotamie) : des tablettes du XIIIe siècle avjc racontent l’épopée du roi Gilgamesh en quête d’immortalité… (il aurait régné vers 2600 avjc sur la cité d’Uruk (ou Ourouk )… Un livre ? L’Histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer (1956).

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
La période des dynasties archaïques sumériennes, vers 2900 avjc – 2340 avjc. – Ur-Nanshe fonde la première dynastie de Lagash, vers 2500 avjc. – Troisième période des dynasties archaïques vers 2600 -2340 avjc. – Fin du IIIe millénaire avjc : empires d’Agadé et de Lagash, dynastie d’Akkad fondée par le roi Sargon : 2340 avjc – 2200 avjc. – Ur-Nammu, fonde la IIIe dynastie d’Ur vers 2100 avjc. Chronologie Proche et Moyen Orient antiques

LOIN DE SUMER, LA CITÉ SYRIENNE DE MARI PROPAGE L’ÂME ARTISTIQUE SUMÉRIENNE

Située loin de Sumer, à la lisière de l’Irak et de la Syrie, cette importante cité-royaume du IIIe millénaire avjc illustre l’excellence du rayonnement de la civilisation sumérienne… Découverte par André Parrot en 1933, la cité de Mari (Tell Hariri, actuelle Syrie) émerge des sables vers 2900 ans avjc…

D'après la statue du roi Ishqi-Mari, avec son inscription au dos, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la statue du roi Ishqi-Mari, avec son inscription au dos, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Le roi de Mari…
La statue du roi Ishqi-Mari, retrouvée dans le temple d’Ishtar en 1934, porte une inscription qui précise le nom du personnage, Lamgi-Mari, roi de Mari, ce qui permet alors aux archéologues d’identifier Tell Hariri avec l’antique cité sumérienne de Mari…

Une cité, un palais, des temples…
À l’époque des dynasties archaïques sumériennes, on érige déjà à Mari un imposant palais entre 2750 et 2600 avjc, recouvert ensuite par d’autres constructions… Les premières constructions monumentales de Mari, au cœur des vallées de l’Euphrate et du Khabur, remontent au début du IIIe millénaire avjc. On élève un palais royal et plusieurs sanctuaires importants vers 2600-2300 avjc, comme ceux d’Ishtar, d’Ishtarat ou de Ninni-Zaza…

L’ORIGINALITÉ DES ARTISTES DE MARI

À la recherche de l’harmonie…
À Mari, l’art de la statuaire idéalise les figures… Les sculpteurs de cette période représentent des personnages au visage avenant ou souriant, au crâne nu, au regard puissant grâce à leurs grands yeux incrustés. Les fidèles portent le traditionnel kaunakès en peau de mouton. Les artistes de Mari insufflent alors une force tranquille à leurs statues…

D’après une statue d’orant, Selim, frère du roi, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri ; et la statue votive dite de l’intendant Ebih-Il, albâtre, vers 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri ; actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Au cours de la deuxième moitié du IIIe millénaire avjc, les artistes glorifient la royauté, illustrent la piété des souverains et des hauts personnages, parfois sur des stèles de grandes dimensions, mais surtout dans la statuaire. Les sculpteurs recherchent l’harmonie dans les figures et les expressions…

Un modèle idéalisé et gracieux
Pour perpétuer leurs prières, les fidèles se font représenter par leur statuette dans les temples de Mari… Ainsi, les artistes sculptent de nombreuses figures d’orants et d’orantes dans l’attitude de la prière… Souvent debout, parfois assis, les personnages portent une longue jupe et tiennent leurs mains jointes sur leur poitrine…

D’après la statue votive dite de l’intendant Ebih-Il, albâtre, vers 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la statue votive dite de l’intendant Ebih-Il, albâtre, vers 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Ces personnages renvoient tous l’image d’un même idéal gracieux et paisible… Les sculpteurs mésopotamiens reproduisent ce type de sculpture durant plusieurs siècles. Si l’art et le style évoluent, les coiffures, les habits et surtout l’attitude des personnages féminins ou masculins reste longtemps fidèle à un modèle originel idéalisé…

La statue d’albâtre dite de l’Intendant Ebih-il
L’artiste représente un haut fonctionnaire de Mari qui voue sa statue à la déesse Ishtar, déesse de l’Amour et de la Fertilité, mais aussi déesse de la Guerre… L’art du sculpteur impressionne ici par le traitement rare et exceptionnel du vêtement du personnage, dont les mèches sont le plus souvent stylisées à cette époque avec des volants superposés.

L’Intendant Ebih-Il porte une peau de mouton dont la queue apparaît à l’arrière. Ici le sculpteur soigne particulièrement le rendu de la jupe en peau, enrichi d’une touche très réaliste, comme le modelé du siège en vannerie sur lequel trône le personnage, dont les pieds ont disparu…

D’après la statue votive dite de l’intendant Ebih-Il, albâtre, schiste, lapis-lazuli et de coquille, vers 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Dans le détail, l’artiste prend soin de préciser les traits d’un visage au profil aquilin… Grâce à des incrustations, il donne vie aux yeux immenses du personnage… Le sculpteur utilise une monture de schiste, du lapis-lazuli et de la coquille pour donner une forte intensité au regard de son personnage…

Pour la barbe, assez courte, l’artiste interprète des mèches ondulées et enjolivées, mises en lumière grâce à des sillons assez profonds, comme pour la jupe. Ce détail stylistique distingue l’art de l’atelier de Mari…

Un art qui perpétue la tradition sumérienne
Cette figure d’une cinquantaine de centimètres illustre de manière inédite le style de la statuaire mésopotamienne du milieu du IIIe millénaire avjc, un art qui perpétue la tradition sumérienne tout en la réinterprétant… Ce canon artistique deviendra une référence pour les époques suivantes…

D’après un couple de musiciens, albâtre, vers 2500 – 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari ; et un couple assis sur un banc,gypse, temple d’Ishtar, Mari ; Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

À Mari, les artistes créent l’image d’un être humain à la fois authentique et conforme à un idéal, dont le calme serein invite à la paix… Mais au style sumérien idéalisé et stylisé, qui rayonne à l’époque jusque dans les contrées syriennes, s’ajoute ici un désir de réalisme jusque-là inédit, et propre aux sculpteurs de Mari… Certaines images évoquent même la joie ou encore la tendresse…

Des statues de gypse rehaussées d’incrustations
À Mari, les sculpteurs utilisent le plus souvent le gypse local que l’on extrait des falaises de la région de l’Euphrate… Ils subliment la monochromie de cette pierre tendre grâce à des incrustations de lapis, de coquille et de bitume, en particulier pour souligner les yeux et les sourcils et donner de l’intensité au regard…

L’antique Mari abrite une rare et abondante collection de statues de grande qualité…. Si à l’époque des dynasties archaïques, les sculpteurs de Mari revisitent les canons de Sumer, ces artistes créatifs varient les attitudes, les expressions et affirment davantage le caractère tranquille et avenant des personnages…

D'après une statue d'orant, brèche rosée, vers 2500-2300 avjc, temple de Ninni-Zaza, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue d’orant, brèche rosée, vers 2500-2300 avjc, temple de Ninni-Zaza, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Un personnage caricatural à culotte bouffante
Une autre sculpture d’une vingtaine de centimètres porte une inscription traduite par Ur-Nanshe, grand chanteur ou par grand musicien

La statuette représente un personnage qui affirme son talent pour le chant… L’insistance portée sur la poitrine donne à cette figure une touche de féminité énigmatique… Les traits assez féminins du chanteur Ur-Nanshe rendent très original ce personnage revêtu d’une jupe bouffante, installé sur son coussin…

Il s’agit peut-être d’un membre de la cour royale du souverain Ur Nanshe. L’artiste insiste sur les traits du visage, extrêmement marqués, et qui dégagent quelque chose de caricatural… Le personnage ouvre de grands yeux étonnés et semble interpeller le spectateur…

D’après la statuette dite du chanteur Ur-Nanshe, vers 2500-2400 avjc, gypse, temple de Ninni-Zaza, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la statuette dite du chanteur Ur-Nanshe, vers 2500-2400 avjc, gypse, temple de Ninni-Zaza, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

D’autres personnages, parfois sculptés dans la chlorite (une pierre de couleur verte), expriment une sérénité souriante qui rappelle celle de l’intendant Ebih-Il… Leurs grands yeux aux arcades sourcilières très dessinées donnent de l’ampleur à leur regard expressif…

Des prêtresses et des officiantes de haut rang…
Parmi les nombreuses statuettes de Mari, se trouvent des images féminines… qui nous présentent des dames de la cour ou des prêtresses, parfois installées sur un trône. Ces figures hiératiques se distinguent par leur haute coiffe conique, le polos. Certaines portent aussi un voile…

Ces personnalités féminines solennelles sont revêtues du kaunakès. Cet habit traditionnel sumérien entièrement composé de mèches peut prendre la forme d’une robe. Leurs yeux sont là encore incrustés de pierre polychrome ou de coquille.

D’après une statuette d’orante, à haute coiffe, voile et kaunakès, albâtre, vers 2500-2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

La haute coiffe symbolise le sacerdoce féminin
Il semble que la haute coiffe et le voile sont des insignes du sacerdoce féminin… Ces prêtresses ou dames de haut rang se font représenter dans leur rôle sacerdotal ou rituel et déposent leur ex-voto dans le sanctuaire…

Parmi les sculptures de Mari, on rencontre le visage serein d’une femme parée de sa haute coiffe, le polos, un couvre-chef particulier à la région… Ce visage d’une quinzaine de centimètres sculptée dans l’albâtre représente sans doute une prêtresse ou une dame de la cour…

Cette personne souhaite exprimer et perpétuer sa piété dans le temple… On retrouve ce type de coiffe sur les décors de mosaïque de coquilles de Mari, qui racontent des scènes cultuelles auxquelles participent des femmes parées du polos. Il peut s’agir de prêtresses ou d’officiantes qui participent à des cérémonies rituelles…

D'après une statuette de prêtresse à haute coiffe, albâtre, vers 2500-2400 avjc, temple d'Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statuette de prêtresse à haute coiffe, albâtre, vers 2500-2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

 Comme pour d’autres sculptures de cette période, cette tête féminine coiffée du polos (musée du Louvre) devait être à l’origine rattachée au corps d’une statue à l’aide d’une mortaise creusé dans son cou.

La haute coiffe dite polos se compose probablement de tissu ou de feutre, dont la forme est maintenue à l’aide d’une armature. Ce système permet de créer une volumineuse coiffure qui prend l’aspect d’une tiare.

On fixe la coiffe grâce à un bandeau horizontal qui passe sur le front… Pour compléter cette parure, on porte des boucles d’oreilles en métal précieux ou en coquille… des bijoux qui le plus souvent ont disparu des petites statues…

D’après des officiantes ou prêtresses à haute coiffe, détail, Étendard, temple dit de Dagân, Mari, fin IIIe millénaire avjc, ; une statuette d’orante ou officiante, à haute coiffe, albâtre, vers 2500 – 2400 avjc, temple d’Ishtar, Mari et une tête féminine coiffée du polos, vers 2500-2300 avjc, Mari ; Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

L’ART DE LA MOSAÏQUE DE COQUILLE

À Mari, les artistes composent aussi des tableaux en mosaïque de coquille… On retrouve là encore une recherche d’harmonie et d’idéal dans les attitudes et les expressions variées des personnages, dans l’équilibre des volumes et la finesse des détails…

Un atelier de graveurs de coquille
Le palais du IIIe millénaire de Mari représente une découverte inédite pour les édifices de la période des dynasties archaïques… L’importance donnée à son enceinte sacrée le distingue des autres palais mésopotamiens. Parmi les vestiges de la cité, reposent plusieurs temples et de nombreux objets d’art qui remontent à 2500-2300 ans avjc… On a découvert aussi un atelier de graveurs de coquille dans le palais…

L’ÉTENDARD DE MARI

Des compositions peut-être votives
On pratique l’art de la mosaïque de coquille d’Ur à Mari… Ces compositions décoratives, et peut-être votives, sont destinées aux temples, aux palais ou encore aux bâtiments de l’administration. À Mari, les artistes composent des panneaux de mosaïque incrustés de coquilles nacrées ou non et d’ivoire sur un fond de pierre…

D'après l'Étendard de Mari, mosaïque incrustée, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’Étendard de Mari, mosaïque incrustée, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

L’Étendard de Mari, un chef-d’œuvre en morceaux
L’Étendard de Mari, un chef-d’œuvre retrouvé en morceaux provient du temple d’Ishtar, déesse de l’Amour, de la fertilité mais aussi divinité de la Guerre… Contrairement au modèle d’Ur (actuel Irak), l’Étendard de Mari (actuelle Syrie) n’est pas complet… Pour l’Étendard d’Ur voir aussi l’article La civilisation de Sumer : les brillants artistes de la cité d’Ur

À Mari, les panneaux-étendards sont détruits dès l’antiquité… Seules, les incrustations sont conservées, mais pour la plupart en petits morceaux. Des reconstitutions à partir des fragments retrouvés laissent penser que l’artiste réalise alors une mosaïque de 35 centimètres de large sur 70 centimètres de long.

D'après l'Étendard de Mari, procession, détail, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’Étendard de Mari, procession, détail, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Pour sa création, le mosaïste exploite surtout la coquille nacrée ou non, à laquelle il associe du schiste, du calcaire rouge, du bitume et du bois… L’ensemble du tableau en mosaïque de coquille se détache sur un fond de pierre sombre…

L’artiste découpe des motifs indépendants
Le graveur découpe des petites plaquettes de coquille pour créer des motifs et des personnages indépendants. Il grave aussi des lignes qu’il rehausse de bitume pour dessiner soigneusement les détails internes de ses sujets.

L’artiste compose ensuite des scènes en registres superposés qui, à l’origine, s’intègrent probablement dans un cadre, comme le laisse imaginer des baguettes de pierre rouge et de nacre retrouvées parmi plus de 600 fragments… À l’origine, ces incrustations sont enchâssées dans le bitume qui recouvre des panneaux de bois…

D’après le convive d’un banquet, coupe et rameau (de dattes?) à la main, coquille, temple de Ninni-Zaza, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Provenant du temple d’Ishtar, il est possible que l’Étendard de Mari possède une fonction votive… L’iconographie renvoie peut-être à un thème cérémoniel ou guerrier relatif au culte de la déesse Ishtar, à la commémoration d’une victoire historique, à l’image puissante et triomphante de la personne royale…

Le thème du taureau…
On retrouve le thème iconographique du taureau sur une enseigne de l’Étendard de Mari, sur les lyres des tombes royales d’Ur, sur des clous de fondation… Le taureau, incarne la force divine, créatrice, puissante et fécondante, comme les paires de cornes sur les coiffes des dieux mésopotamiens…

… Ainsi, le taureau se rattache à la divinité souveraine, chef du panthéon, qui peut être Elil, dieu suprême de l’Atmosphère, ou Ningirsu le grand dieu de l’Orage. Le beuglement du Taureau s’identifie au Tonnerre, dont on peut redouter le feu, mais qui apporte la pluie bienfaisante pour les cultures… La dimension sacrée du taureau remonte à l’époque néolithique… Voir aussi l’article Des peuples néolithiques du Levant… au génie de Sumer

D’après l’Étendard de Mari, un personnage porte une enseigne-taureau, détails, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri ; un clou de fondation-Taureau, bronze, vers 2100 avjc, et un clou de fondation en cuivre, dédicace de Shulgi à la déesse Nanshe ; vers 2100 avjc, Girsu-Tello, Irak actuel, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Banquet et scènes guerrières
La composition en registres de l’Étendard de Mari relève de la tradition sumérienne, comme les thèmes iconographiques guerriers ou ceux des convives assistant au banquet sacré… Les motifs de ce tableau en mosaïque de coquille mesurent entre 6 et 8 centimètre de haut environ…

Les décors représentent des scènes cultuelles, des processions de fidèles, des sacrifices d’animaux, des orants (des personnages en prière), l’organisation de festivités, le banquet sacré…

On aperçoit aussi des défilés de guerriers et de prisonniers, souvent nus, parfois attachés ou à terre. Des chefs militaires ou le souverain se déplacent ou paradent sur leurs chars tirés par des ânes…

D’après un guerrier armé d’une petite hache, coquille gravée, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri ; un guerrier et son prisonnier, coquille, palais de Mari, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie ; et un char de parade, Étendard d’Ur, détail, vers 2500-2300 ans avjc, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Du char de parade au char de combat…
À l’époque des dynasties archaïques, le char sumérien de parade participe à la célébration de la victoire royale et militaire… Probablement aussi à des cérémoniels sacrés. D’origine asiatique, le char sumérien est représenté sur l’Étendard d’Ur (vers 2500 avjc) et sur l’Étendard de Mari, de manière très lacunaire…

Ce véhicule de parade tiré par des ânes comporte alors une caisse montée sur quatre roues pleines… Jusqu’à l’arrivée du cheval en Mésopotamie, à la fin du IIIe millénaire avjc, au moment des migrations indo-européennes. Dans l’armée assyrienne, le char va devenir un redoutable instrument de guerre, pourvu de roues à six ou huit rayons.

D'après les éléments d’un char, Étendard de Mari, détail, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les éléments d’un char, Étendard de Mari, détail, temple d’Ishtar, vers 2500-2300 avjc, Mari, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Ce sont sans doute les Hyksôs qui introduisent en Égypte, vers 1700 avjc, le char attelé et le cheval… Ensuite les Égyptiens créent leur propre modèle, un véhicule monté sur deux roues à rayons et doté d’un timon pour atteler deux chevaux. Les artisans fabriquent une caisse en bois de frêne, ensuite décorée et parfois recouverte de cuir.

Véhicule de combat très maniable et efficace, le char égyptien est réservé au pharaon, aux dignitaires et à la poste royale. En Chine, une inscription sur os atteste de l’existence du char dès l’époque Shang (vers 1500 avjc)… Aux IIe et Ier millénaire avjc, des conducteurs chinois sont inhumés avec leurs chars et leurs chevaux…

LA PROSPÈRE ET BRILLANTE CITÉ ORIENTALE DE MARI

Dans l’antique cité de Mari, se dresse à l’origine un grand palais érigé vers 2850-2700 avjc, au cours des dynasties archaïques… Les archéologues découvrent trois palais superposés, parce que, par la suite, au cours du XVIIIe siècle avjc, on construit d’autres édifices à Mari, on agrandit, on remanie…

D’après une reconstitution de la cité de Mari et son plan circulaire, IIIe millénaire avjc, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une reconstitution de la cité de Mari et son plan circulaire, IIIe millénaire avjc, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Le plan circulaire de Mari
Les premiers bâtisseurs de Mari, au début du IIIe millénaire avjc, élaborent un plan circulaire et rayonnant qui se déploie sur 1900 mètres de diamètre… Ils entourent la cité d’une digue pour se prémunir des crues dévastatrices.

On protège aussi le cœur de la cité (1300 mètres de diamètre) à l’aide d’un rempart défensif de six mètres d’épaisseur, ouvert par plusieurs portes et renforcé par de puissantes tours… Parmi les vestiges les plus anciens, recouverts par des constructions plus tardives, on a retrouvé les quartiers des artisans…

Un réseau d’irrigation et un canal de navigation
Les constructeurs de Mari aménagent aussi un canal de navigation de 120 kilomètres de long, directement relié au fleuve Euphrate… Ainsi, on approvisionne la cité en eau et l’on facilite l’accès des bateaux jusque dans la cité.

D’après les vestiges de Mari, canalisations, IIIe millénaire avjc, Tell Hariri ; le visage d’un orant, détail, coquille, palais de Mari, vers 2500-2300 ans avjc, Tell Hariri ; et une maison circulaire, maquette, terre cuite, IIIe millénaire avjc, Mari ; Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Les archéologues découvrent encore un canal destiné à l’’irrigation des terres et des cultures ainsi qu’ un système hydraulique complexe. Le canal fluvial de Mari favorise la circulation et les échanges, depuis la plaine mésopotamienne jusqu’au Taurus, en altitude, un lieu riche en cuivre et en bois. Ainsi, la cité peut contrôler le trafic fluvial… et peut-être aussi par ailleurs le passage des caravanes…

Des taxes procurent des richesses à la ville et contribuent sans doute à sa prospérité. Et le réseau d’irrigation destiné à l’agriculture favorise aussi le développement à Mari d’un centre actif de la métallurgie du cuivre et du bronze…

Les maisons circulaires de Mari
Au centre de la cité de Mari, palais et temples semblent juxtaposés. Peut-être que ces constructions formaient à l’origine un même ensemble. La ville comprend un quartier réservé aux artisans et un quartier résidentiel.

Les maisons possèdent un espace central qui forme la salle principale de l’habitation, couverte et éclairée par des claires-voies ou des lanternes. Autour de cet espace central, on distribue les autres pièces. On a retrouvé sur les lieux deux maquettes d’époque qui illustrent une même organisation à partir d’un plan circulaire : la maison ronde.

D’après une scène de sacrifice d’un bélier, coquille non nacrée, temple de Shamash (dieu Soleil), Mari, IIe millénaire avjc, Tell Hariri ; le palais de Mari, élévation, reconstitution, IIIe-IIe millénaire avjc, Tell Hariri ; et un orant, coquille, palais de Mari, vers 2500-2300 ans avjc, Mari, Tell Hariri ; actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Une résidence palatiale remaniée au IIe millénaire avjc
Dans la cité de Mari, se dresse donc à l’origine un grand palais érigé vers 2850-2700 avjc… Remanié et agrandi au IIe millénaire avjc, l’ensemble palatial regroupe des sanctuaires, la résidence du souverain avec une salle du trône, une grande cour où se déroulent des cérémonies officielles…

Le palais possède aussi des appartements réservés aux reines et aux femmes, des réserves, un espace dédié à l’intendance, des cuisines et des offices pour stocker les denrées alimentaires, des quartiers pour les domestiques, une cour d’entrée… On élève aussi au IIe millénaire le Temple aux Lions et les sanctuaires de Ninhursag (considérée comme la parèdre du dieu Dagân) et de Shamash (dieu Soleil)…

D'après Ishqi-Mari, roi de Mari, détail, temple d’Ishtar (déesse de l'amour, de la fertilité et de la beauté), Mari, vers 2500-2300 avjc, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ishqi-Mari, roi de Mari, détail, temple d’Ishtar (déesse de l’amour, de la fertilité et de la beauté), Mari, vers 2500-2300 avjc, Tell Hariri, actuelle Syrie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Des archives à Mari…
Au IIIe millénaire avjc, les archives de Mari sont moins riches que celles d’Ebla (actuel Tell Mardikh en Syrie)… Par contre, les archives de Mari contiennent des documents datés, comptables, littéraires ou mythiques. Le texte d’un fragment de tablette se rapporte par exemple à la divination par l’interprétation des songes, l’oniromancie…

La longue histoire de Mari…
L’histoire de Mari raconte l’histoire de différentes périodes… L’époque des Dynasties archaïques, la période d’Agadé (jusqu’à l’époque du roi Narâm-Sîn), le temps de la IIIe dynastie d’Ur (dite aussi époque des Shakkanakku)… puis la période des souverains Amorrites, qui dominent la région à la fin du XIXe et au début du XVIIIe siècle avjc…

Finalement, selon des sources historiques, le souverain de Babylone Hammurabi détruit Mari en 1760 avjc… Durant une douzaine de siècles, la cité de Mari joue un rôle important dans l’histoire des contrées mésopotamiennes et syriennes… Sa destruction signe la fin d’une brillante et influente cité dans le monde de l’Orient Ancien…

D'après une carte, de Mari en Mésopotamie à la Vallée de l'Indus... (Marsailly/Blogostelle)
D’après une carte, de Mari en Mésopotamie à la Vallée de l’Indus… (Marsailly/Blogostelle)

Au milieu du troisième millénaire avjc, le temple d’Ishtar à Mari abrite d’autres trésors encore … La grande déesse de l’Amour, de la Fécondité et de la Guerre s’identifie à Inanna, ancestrale déesse sumérienne des troupeaux et de la fertilité… À la même époque, au-delà des limites de l’aire mésopotamienne, on dépose aussi des objets d’art dans les tombes d’Alaça Hûyûk, en Anatolie…

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Publié par Maryse Marsailly

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