Les artistes sumériens exaltent la dévotion des souverains

L’art royal sous les dynasties d’Ur et de Lagash…

Nous sommes au milieu du IIIe millénaire avjc en Mésopotamie… La culture sumérienne continue de s’épanouir entre 2600 ans avjc et 2340 avjc, au cours de la période des dynasties dites archaïques. Pendant un temps, le pays de Sumer se retrouve morcelé en différents territoires gérés par des cités-royaumes rivales… Puis les premières dynasties d’Ur et de Lagash prennent le dessus et mènent la civilisation sumérienne à son apogée… Les scribes rédigent des textes littéraires et inaugurent le récit historique…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2018 –

D'après une statue d'albâtre et lapiz-lazuli, vers 2700–2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, temple de Nintu, Khafadjé, Irak actuel, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue d’albâtre et lapiz-lazuli, vers 2700–2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, temple de Nintu, Khafadjé, Irak actuel, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Cette statue d’orant provient d’un sanctuaire de la déesse-mère sumérienne Nintu(r), assimilée à la grande déesse Ninhursag, la Dame de la Montagne

Bloc-notes + Une aventure ? L’épopée de Gilgamesh (Mésopotamie) : des tablettes du XIIIe siècle avjc racontent l’épopée du roi Gilgamesh en quête d’immortalité… (il aurait régné vers 2600 avjc sur la cité d’Uruk (ou Ourouk )… Un livre ? L’Histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer (1956).

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
La période des dynasties archaïques sumériennes vers 2900 avjc – 2340 avjc. – Première période vers 2900 – 2700 avjc. – Deuxième période vers 2700 – 2600 avjc. Ur-Nanshe fonde la première dynastie de Lagash, vers 2500 avjc. – Troisième période des dynasties archaïques vers 2600 -2340 avjc. – Fin du IIIe millénaire avjc : l’Empire d’Agadé sous la dynastie d’Akkad, et IIIe dynastie d’Ur, XXIe- XXe siècle avjc. Chronologie générale  Proche et Moyen Orient antiques

LES DYNASTIES D’UR ET DE LAGASH DYNAMISENT LA CIVILISATION SUMÉRIENNE

Si la première dynastie d’Ur, actuel Tell al-Muqayyar en Irak, se distingue par l’importance de sa nécropole royale, on connaît très peu de choses de la IIe dynastie d’Ur. La cité sumérienne rayonne surtout sous la IIIe dynastie d’Ur, vers 2100-2000 avjc… Vers 2600 ans avjc, c’est la cité-royaume de Lagash (Irak actuel) qui impose sa suprématie au pays de Sumer et rayonne en Mésopotamie…

D’après une image d’architecture de temple, et transaction du prêtre Ushumgal, en sumérien, vers 2900-2700 avjc ; et  une maison-autel, en miniature, terre cuite, temple d’Ishtar, vers 2400 avjc, Assur, Irak actuel ;  époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Au pays de Sumer, on invente la littérature…
De Ur (Tell al-Muqayyar) à Lagash et Girsu (Al-Hiba et Tello) en Irak actuel, au pays de Sumer, et jusqu’à Mari (Tell Hariri), en Syrie actuelle, on rédige alors des textes historiques et des récits… Des inscriptions accompagnent souvent les monuments. Les scribes gravent des écrits contemporains sur des tablettes d’argile ou sur des stèles de pierre.

Ou encore, les scribes établissent des documents de fondation qui témoignent de l’histoire des royaumes mésopotamiens… Dès le milieu du IIIe millénaire avjc, les Sumériens créent différents textes littéraires, comme des récits mythiques, des essais, des contes, des hymnes, des épopées ou encore des lamentations, des proverbes et des mises en garde sous forme de malédictions en cas de non respect des traités ou des engagements à l’égard des dieux…

D'après un texte de fondation, temple de Ningirsu, par Ur-Nanshe de Lagash, vers 2600-2300 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un texte de fondation, temple de Ningirsu, par Ur-Nanshe de Lagash, vers 2600-2300 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Commémorations et consécrations
Certains documents commémorent des événements ou des consécrations, en particulier les inscriptions votives des statues, des stèles, des cônes de fondation, des sceaux-cylindres, des tablettes d’argile, des vases… Ces ouvrages d’art sont alors le support privilégié pour raconter une histoire, et l’écriture, dédicace ou commémoration, permet de s’attirer la faveur des dieux…

On se lance dans le récit historique…
Dans certains cas, les inscriptions relatent des événements du passé, nourries par un goût inédit du détail historique… Ainsi, sous la dynastie des princes de Lagash, certains textes évoquent le temps où les cités-royaumes rivalisent pour imposer leur suprématie à leur voisine ou régler des problèmes de territoire.

D'après une barbe votive en or, dédicace d'une reine d'Umma pour la vie de son époux Gishakidou, vers 2400 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une barbe votive en or, dédicace d’une reine d’Umma pour la vie de son époux Gishakidou, vers 2400 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Chaque état est alors sous la gouvernance d’un roi-prince héréditaire. À l’époque des dynasties archaïques mésopotamiennes, chaque chef de principauté exerce son pouvoir politique et guerrier. Le souverain, sorte de vicaire du dieu tutélaire de la cité-royaume, assume aussi un rôle sacerdotal…

Ur, Lagash, Girsu et Mari…
On a pensé un temps que le site de Tello (actuel Irak) correspondait à la ville de Lagash. Mais suite à de nouvelles fouilles, les archéologues découvrent finalement que Tello correspond à l’antique cité de Girsu…

Les cités d’Ur, de Girsu et de Lagash deviennent des carrefours incontournables pour le commerce et les échanges et prospèrent… Les premières dynasties sumériennes d’Ur et de Lagash instaurent leur suprématie politique et culturelle. La civilisation sumérienne rayonne alors jusqu’à Marie, en Syrie…

D’après des statuettes d’Ilmeshar, temple du Roi du pays, IIIe millénaire avjc, cité de Mari, Tell Hariri, Syrie actuelle ; et les vestiges d’Umma, site de Tell Jokha, cité rivale de Lagash sous le roi Eannatum, actuel Irak ; époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

L’épanouissement d’un art royal dans les états d’Ur et de Lagash
Au pays de Sumer, les inscriptions permettent de comprendre l’émergence et l’importance d’un art royal qui s’exprime sur des monuments comme les stèles, les plaques perforées, ou encore la statuaire. Le plus souvent, on commémore la construction des sanctuaires ou bien on célèbre les exploits guerriers des souverains victorieux…

Les sculpteurs façonnent aussi des statuettes d’orants, fidèles anonymes ou identifiés grâce à leur dédicace. Ces représentations de personnages en prière sont alors déposées dans les temples par les dévots pour perpétuer leur piété auprès des divinités…

D’après une statuette votive, couple enlacé, gypse, vers 2250 avjc, cité de Mari, Syrie actuelle, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statuette votive, couple enlacé, gypse, vers 2250 avjc, cité de Mari, Syrie actuelle, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Tendresse et dévotion partagées sur une petite sculpture votive d’environ 13 centimètres de haut… Le couple porte le traditionnel kaunakès… Voir aussi l’article Les sculpteurs sumériens expriment la ferveur des orants

Lagash et Girsu, les deux capitales du royaume de Lagash
Le royaume de Lagash s’impose dans le monde sumérien et se singularise de ses rivaux en possédant deux capitales sur les sites d’El-Hibba, antique Lagash, et de Tello, ancienne Girsu, situés en Irak actuel. C’est à Tello, grâce à l’archéologie, que l’on redécouvre la civilisation sumérienne et la période appelée parfois pré-sargonique (avant l’époque du roi Sargon)…

D’après les vestiges de l’antique Girsu, site de Tello, IIIe millénaire avjc, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les vestiges de l’antique Girsu, site de Tello, IIIe millénaire avjc, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Lagash profite de terres fertiles
Comme d’autres principautés au IIIe millénaire avjc, Lagash profite des terres fertiles de la grande plaine alluviale de la Mésopotamie méridionale (du Sud).

La puissante cité sumérienne doit aussi sa prospérité aux voies d’échanges qui mènent jusqu’à la riche plaine de Suse et au plateau iranien… Un consul de France en poste à Bassora, à la fin du XIXe siècle, entreprend des fouilles à Tello, antique Girsu, et découvre des statues qui remontent à la première dynastie de Lagash…

Ces œuvres sculptées confirment alors l’existence des Sumériens et de leur art. Une existence déjà pressentie grâce au déchiffrement de certains textes cunéiformes. Des écrits assyriens évoquent des textes plus anciens et conservent le souvenir d’une civilisation plus ancienne en Assyrie, celle de Sumer…

D’après une maquette de l'antique palais de Girsu-Tello, IIIe millénaire avjc, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une maquette de l’antique palais de Girsu-Tello, IIIe millénaire avjc, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

LE RITUEL MÉSOPOTAMIEN DES DOCUMENTS DE FONDATION

L’architecture monumentale née en Mésopotamie s’accompagne semble-t-il d’un rituel commun à l’ensemble des contrées de l’Orient Ancien. Les Mésopotamiens déposent des tablettes de textes, des cônes ou des clous prophylactiques (qui protègent, comme des talismans) dans les fondations des temples et des palais… Ces objets portent des inscriptions rituelles et commémoratives…

Scène d’adoration ou de consécration?
Sur le bas-relief dit de la Figure aux Plumes, le souverain-prêtre paré de son serre-tête royal se tient devant des éléments d’architecture, deux hampes qui symbolisent le temple…  La composition évoque une scène d’adoration ou peut-être une cérémonie de consécration d’un sanctuaire…

D'après un haut personnage et temple, bas-relief dit Figure aux Plumes, détail, vers 2700 avjc, antique Girsu-Tello, Irak actuel, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un haut personnage et temple, bas-relief dit Figure aux Plumes, détail, vers 2700 avjc, antique Girsu-Tello, Irak actuel, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La coiffe serre-tête du personnage suggère un personnage royal, devant le temple ou le palais qu’il fait peut-être bâtir ou consacrer…

… L’inscription évoque le grand dieu de l’Orage Ningirsu (divinité de Girsu et Lagash), et mentionne le nom de son temple, l’e-ninnu, qui signifie brillant… Les deux plumes qui ornent la coiffe du personnage renvoient peut-être aux plumes de l’aigle à tête de lion,  Im-dugud, qui personnifie la nué de l’Orage, acolyte et emblème du grand dieu guerrier de l’Orage Ningirsu …

C’est quoi un clou de fondation ? C’est un objet rituel…
Chez les Sumériens et les Mésopotamiens du IIIe millénaire avjc, on dépose des documents dans les fondations des temples et des palais au moment de leur construction… Ces documents prennent la forme de clous, de cônes ou de tablettes en argile, de stèle en pierre ou en métal…

D'après un galet commémoratif, roi En-anatum de Lagash, élévation de temple, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, Irak actuel, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un galet commémoratif, roi En-anatum de Lagash, élévation de temple, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, Irak actuel, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les Mésopotamiens consacrent les temples et les palais
Commémoratif, le document de fondation a sans doute aussi pour fonction de consacrer le temple ou le palais et d’obtenir ainsi la protection des dieux. Cet objet rituel pérennise ainsi la propriété d’une divinité sur un sanctuaire ou sur un lieu, ou immortalise un traité sous l’égide d’un dieu…

On cherche aussi probablement à se prémunir des éventuels dangers liés au monde souterrain (chthonien) et aux démons… Le document de fondation officialise aussi la puissance et la dévotion d’un roi bâtisseur. Ces objets sacrés gravés de signes cunéiformes figurent parmi les plus anciens documents historiques connus…

D'après un fragment de cône d'Uruinimgina, prince de Lagash, terre cuite, vers 2350 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un fragment de cône d’Uruinimgina, prince de Lagash, terre cuite, vers 2350 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Un Traité de Paix entre un roi de Lagash et un prince d’Uruk
Un cône de fondation en argile porte des inscriptions qui précisent que l’objet est voué par le roi de Lagash, Entemena, au dieu de la cité de Bad-Tibira.

Ce document commémore le traité de paix conclu entre le roi Entemena de Lagash (qui règne vers 2404-2375 avjc) et le prince Uruk (actuel Warka, Irak). L’inscription cunéiforme précise : En ce temps-là, Entemena, le prince de Lagash, et Lugal-Kinishe-dudu, le prince d’Uruk, firent (un traité de) fraternité.

Ce texte serait à ce jour le plus ancien document diplomatique connu… On connaît quelques 46 cônes d’argile semblables retrouvés à Tello, dans l’ancienne cité de Girsu. Ces objets gravés remontent à 2500-2400 avjc, à l’époque des dynasties archaïques sumériennes…

D’après le cône d'Enmetena, traité de paix avec un roi d'Uruk, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le cône d’Enmetena, traité de paix avec un roi d’Uruk, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les premiers historiens sont scribes et archivistes…
Les textes du cône d’Enmetena expliquent comment les royaumes sumériens de Lagash et d’Umma règlent leurs litiges à propos d’un problème de frontière…

Le scribe raconte l’histoire de ce conflit depuis le début, quand le roi de Kish, Mesalim, règne alors sur le pays de Sumer, vers 2600 avjc. Mais les princes d’Umma ne respectent pas le traité d’alliance durant trois générations…

Il est dit : Enlil, le roi de tous les pays, le père de tous les dieux, par sa ferme parole, délimita la frontière… Mesalim, le roi de Kish, la mesura à la corde d’arpentage (et) y érigea une stèle … Enmetena, le prince de Lagash, eut beau envoyer des messagers à Ila au sujet de ce talus, Ila, le prince d’Umma, voleur de domaines, diseur de vilenies, déclarait : Le talus-frontière… est à moi…

D'après le traité de paix d’Enmetena de Lagash et de Lugal-kinishe-dudu d'Uruk, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le traité de paix d’Enmetena de Lagash et de Lugal-kinishe-dudu d’Uruk, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Enmetena invoque Enlil, dieu suprême du panthéon
Le récit précise que finalement Enmetena fait reconstruire un fossé ou un talus pour délimiter fermement son territoire. Le souverain plaide sa cause devant Enlil, dieu suprême du panthéon sumérien pour garantir son droit.

Le récit s’achève sur une malédiction contre l’homme d’Umma qui oserait franchir le talus-frontière… Ainsi, le scribe et archiviste du roi de Lagash écrit comme un historien, même s’il ne présente pas forcément les choses de manière tout à fait objective…

D'après un écrit sumérien, le prêtre Lu'enna annonce au roi de Lagash la mort de son fils au combat, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un écrit sumérien, le prêtre Lu’enna annonce au roi de Lagash la mort de son fils au combat, vers 2400 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

On sculpte des documents de fondation aussi à Mari
On rencontre aussi des documents de fondation à Assur (Irak actuel) ou dans la cité de Mari (Syrie actuelle). À Mari, fondée au milieu du IIIe millénaire avjc, on dépose des clous fichés dans un anneau, des tablettes dépourvues d’inscriptions (anépigraphes) ou encore des maquettes urbaines dans les murs ou les fondations des constructions…

À cette époque, les documents de fondation affichent aussi le pouvoir des souverains de la riche cité-royaume de Mari, qui contrôlent les réseaux d’échanges marchands…

D'après un galet de fondation, dieu et déesse avec un cône ou un clou de fondation, vers 2100 avjc, Suse, Iran actuel, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un galet de fondation, dieu et déesse avec un cône ou un clou de fondation, vers 2100 avjc, Suse, Iran actuel, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

La tradition des documents de fondation se pratique aussi à Suse (Iran ancien), qui se rattache à cette période à la sphère culturelle mésopotamienne… On reconnaît les divinités mésopotamiennes à leur coiffe à rangs de cornes…

Des bas-reliefs perforés
À côté des statuettes d’orants que les fidèles déposent dans les temples, les artistes mésopotamiens sculptent des plaques en bas-reliefs décoratives, historiées et votives… Le plus souvent, les sculpteurs taillent le calcaire ou une pierre tendre pour composer des sujets narratifs, qu’ils organisent en registres superposés.

Les artistes sumériens perforent les plaques sculptées en leur centre pour ensuite fixer ces objets sur les murs des espaces votifs des sanctuaires à l’aide d’une cheville. Fonctionnelles, ces plaques sont probablement utiles au système de fermeture des portes…

… et possèdent sans doute de surcroît une signification rituelle ou peuvent répondre à un besoin cultuel. La sculpture des plaques en bas-relief perforées figure parmi les réalisations singulières des artistes de la période des dynasties archaïques sumériennes. Les sujets de prédilection sont le banquet et la guerre…

D'après des scènes de banquet, bas-relief perforé, vers 2700 - 2650 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des scènes de banquet, bas-relief perforé, vers 2700 – 2650 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La convivialité des banquets et des scènes guerrières…
Le décor d’une plaque organisé en trois registres illustre deux scènes de banquet : un thème traditionnel représenté aussi très fréquemment à cette époque sur les reliefs ou les sceaux gravés… Au registre supérieur, des convives féminins et masculins portent en main une coupe. Des serviteurs les assistent, un musicien joue d’une harpe…

… Dessous un autre convive lève sa coupe dans une barque, rare représentation connue d’un banquet sur l’eau. De part et d’autre, les images d’un capridé et d’un bovidé évoquent peut-être les ripailles à venir…

Parmi les quelque cent vingt bas-reliefs perforés retrouvés pour la plupart dans les grandes cités de l’aire culturelle sumérienne, l’un d’eux provient du temple Ovale de Khafadjé (Irak actuel). L’artiste sculpte dans le calcaire un relief votif d’une trentaine de centimètre, dont le décor se déploie sur trois registres. En haut, s’anime une scène de banquet. Dessous, des portefaix – des personnages qui portent des fardeaux – s’activent…

D’après le relief perforé dit du Nouvel An, banquet, porteurs et char, vers 2700 avjc, Temple Ovale, Khafadjé, Irak actuel, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Chars de combat et porteurs de tributs
Si les sujets de prédilection de ces plaques en bas-reliefs s’inspirent du thème du banquet, avec des personnages assis, des serviteurs et des scènes de libations, c’est-à-dire des offrandes rituelles de boisson aux dieux, les sculpteurs évoquent aussi le monde de la guerre. Les artistes représentent par exemple des chars de combat et des porteurs de tributs…

UR-NANSHE, ROI BÂTISSEUR ET MAÎTRE DE CÉRÉMONIE

Par sa grande taille, par la qualité de son exécution et par la richesse de son iconographie la plaque sculptée d’Ur-Nanshe figure parmi les chefs-d’oeuvre de l’art mésopotamien… L’image et le texte commémorent la construction du temple…

Ur-Nanshe, fondateur de la dynastie de Lagash
Travaillée dans le calcaire vers 2550 – 2500 avjc, le bas-relief d’Ur-Nanshe représente le souverain considéré comme le fondateur de la première dynastie de Lagash, vers 2500 avjc… Cette dynastie verra se succéder neuf souverains en près de deux siècles…

D’après Ur-Nanshe, roi de Lagash, bas-relief votif, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ur-Nanshe, roi de Lagash, bas-relief votif, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Cette plaque votive commémore la construction d’un temple à Lagash, cité-royaume qui honore Ningirsu en tant que divinité principale et tutélaire. L’artiste représente le roi Ur-Nanshe en famille et le met en scène dans ses deux principales fonctions royales de roi-bâtisseur et de roi-prêtre qui préside au banquet sacré…

Le royaume de Lagash
L’inscription sumérienne en cunéiforme gravée sur la plaque d’Ur-Nanshe précise le nom du personnage principal : le souverain de Lagash. Lagash fait alors partie des cités-royaumes qui, au IIIe millénaire avjc, se déploient sur la vaste plaine de la Mésopotamie du Sud. La situation géographique privilégiée de la cité de Lagash, sur la route qui mène à la plaine de Suse et au plateau iranien, favorise sa prospérité…

À l’époque de la dynastie de Lagash, on érige en Mésopotamie de nombreux ouvrages d’architecture profane et sacrée. Les bâtisseurs construisent aussi par exemple des remparts et des canaux, comme à Mari (Syrie), et des sanctuaires sont consacrés pour chacune des grandes divinités des cités-royaumes…

D’après Ur-Nanshe, roi de Lagash, bas-relief votif, banquet au registre inférieur, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ur-Nanshe, roi de Lagash, bas-relief votif, banquet au registre inférieur, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La plaque d’Ur-Nanshe exalte la personne royale
Caractéristique de l’époque des dynasties sumériennes archaïques, la plaque perforée d’Ur-Nanshe est ornée d’un décor historié en bas-relief réparti en deux registres. L’artiste exalte le rôle du souverain mésopotamien comme édificateur et comme protecteur à l’égard de son peuple et de sa cité.

L’iconographie se concentre sur la construction du temple et sur le banquet sacré. Le prince de Lagash est accompagné de son épouse, de ses fils, et de hauts dignitaires. Ur-Nanshe apparaît donc en souverain bâtisseur de temples et préside au banquet…

Une inscription en langue sumérienne précise : Ur-Nanshe, le roi de Lagash, le fils de Gunidu, a bâti le temple de Ningirsu ; il a bâti le temple de Nanshe ; il a bâti l’Apsûbanda. Le sculpteur présente Ur-Nanshe, debout et assis, le crâne rasé et revêtu du kaunakès, selon les codes traditionnels mésopotamiens.

D’après Ur-Nanshe, roi bâtisseur de Lagash, et sa corbeille, bas-relief votif, vers 2550-2500 avjc ; et un personnage, nacre, motif au nom d’Akurgal, fils du roi Ur-Nanshe, vers 2500 avjc, Girsu-Tello, actuel Irak ; époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Images et inscriptions se marient pour relater la haute piété du souverain de Lagash, bâtisseur de temples…

Le souverain, garant de la prospérité du royaume…
Le décor qui orne le relief d’Ur-Nanshe résume les cérémonies de fondation et d’inauguration des temples, que symbolisent le port du panier de briques et le banquet rituel. Car, dans la tradition mésopotamienne, en échange de la prospérité que les dieux leur accordent, il revient aux êtres humains d’assurer l’entretien des sanctuaires, le service des divinités et leurs repas et boissons…

Dans la réalité, le roi et sa suite dégustent les mets déposés dans le temple tous les jours auprès des statues des dieux…

La fondation et la préservation des temples apparaît donc comme la vocation par excellence du souverain, qui assure ainsi protection et prospérité à ses sujets et à son royaume…

L’artiste symbolise la grandeur et la force du roi…
La composition en deux registres du relief d’Ur-Nanshe met clairement en exergue la personne royale, élevée par son rang au-dessus des autres hommes. Sa grandeur est reconnaissable au premier coup d’œil par la dimension imposante que lui donne l’artiste de manière conventionnelle…

D'après Ur-Nanshe, prince de Lagash, qui porte le Kaunakès, détail, vers 2550-2500 avjc, dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ur-Nanshe, prince de Lagash, qui porte le Kaunakès, détail, vers 2550-2500 avjc, dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

… Ainsi, les personnages de sa famille et les fonctionnaires sont représentés plus petits, dans le respect de la hiérarchie à la cour. Un serviteur et quatre fils, disposés sur deux rangs, accompagnent le souverain de Lagash. Par ailleurs, sur d’autres bas-reliefs de l’époque, la grande taille du roi suggère aussi sa capacité à dominer et à écraser ses ennemis…

Le roi, simple fidèle… porte le traditionnel Kaunakès
Ur-Nanshe porte une jupe à mèches laineuses, le kaunakès, l’habit traditionnel sumérien. Ce vêtement particulier fait d’une peau de mouton ou d’une peau de chèvre se singularise par ses séries de petites languettes…

Les souverains, les prêtres et les prêtresses le portent en certaines circonstances, ou encore les orants – fidèles en prière – et les dévots… On retrouve le motif du kaunakès dans la statuaire et sur les sceaux-cylindres gravés…

En Mésopotamie, tout le monde peut vouer sa statue au dieu de la cité… Les statues, très abondantes à cette époque, expriment comme les reliefs un style vivant et varié. Plus tard, la monarchie et la cour vont monopoliser la statuaire… mais pour le moment, le roi apparaît encore comme un fidèle parmi les fidèles, en toute simplicité…

D'après une scène de banquet, empreinte de sceau-cylindre de la reine Pû-abi, tombes royales d'Ur, Irak actuel, vers 2500 - 2600 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes,  Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une scène de banquet, empreinte de sceau-cylindre de la reine Pû-abi, tombes royales d’Ur, Irak actuel, vers 2500 – 2600 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes,  Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

L’art sumérien répond à des conventions
Les artistes sumériens tendent à interpréter des figures idéalisées… Pour cela, ils brossent les traits aquilins des personnages dans un esprit de schématisation. Les crânes sont rasés sauf pour le roi qui peut porter un serre-tête… Les sujets, représentés de profil de la tête aux pieds, sont ainsi assez stéréotypés.

Si les visages et les jambes sont campés de profil, les épaules et les grands yeux sont visibles de face. Ce procédé iconographique rappelle le style et le canon égyptien… Ainsi, l’art sumérien semble répondre à des conventions, au service d’un idéal culturel ou spirituel…

D'après le roi Ur-Nanshe de Lagash et son panier, relief votif, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le roi Ur-Nanshe de Lagash et son panier, relief votif, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Ur-Nanshe, roi hiérophante…
En Mésopotamie, la tradition impose au souverain, garant de la prospérité du pays, la mission de construire la maison du Dieu. Cette tradition va perdurer longtemps… Le sculpteur représente Ur-Nanshe dans son rôle de hiérophante, sorte de haut prêtre qui préside aux grandes cérémonies, aux banquets sacrés et aux rituels de fondation et d’inauguration des sanctuaires…

Les artistes représentent donc le souverain portant une corbeille sur la tête pour mettre en lumière son rôle de constructeur de sanctuaires, en particulier du temple consacré au dieu principal de la cité…

Ur-Nanshe porte son panier…
Le registre supérieur du relief d’Ur-Nanshe montre le roi portant sur sa tête un panier censé contenir la première brique (la première pierre…) qui consacre la construction du nouveau sanctuaire, probablement celui de Ningirsu, dieu protecteur de Lagash.

Vêtu de sa jupe à mèches laineuses, le kaunakès, le souverain est accompagné de son épouse et de ses fils, ainsi que de hauts fonctionnaires. Chacun de ces personnages est identifié par son nom inscrit sur sa jupe.

D'après le Banquet, relief votif d'Ur-Nanshe, roi de Lagash, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Banquet, relief votif d’Ur-Nanshe, roi de Lagash, vers 2550-2500 avjc, époque des dynasties archaïques sumériennes, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le souverain, une coupe à la main…
Sous la scène de la construction du temple, le roi de Lagash préside le banquet sacré, une coupe à la main… Là encore il est accompagné de ses fils et de hauts dignitaires. Ce banquet rituel commémore l’édification du temple.

L’inscription mentionne l’édification de différents sanctuaires, dont celui de Ningirsu. Le texte précise aussi que le bois nécessaire à la construction du temple a été acheminé en bateau depuis le lointain pays de Dilmun

… Le texte raconte : les bateaux de Dilmun, de ce pays (lointain), ont charrié (pour lui) le bois. Il s’agirait de la plus ancienne mention connue du pays de Dilmun (actuelle île de Bahreïn, proche de l’Arabie Saoudite), par lequel transitent alors pierres dures et pierres précieuses, bois de construction et métaux en provenance de l’Inde ou de l’Oman. Dès cette époque, les princes des cités-royaumes sumériennes entretenaient des relations commerciales avec des régions lointaines…

D'après une carte de la Mésopotamie, époque des dynasties archaïques sumérienne, Lagash, Umma, Ur, Mari. (Marsailly/Blogostelle)

Sous les dynasties d’Ur et de Lagash, les artistes utilisent l’image et le texte pour raconter les hauts faits de leur souverains et la puissance des dieux… La stèle d’Eanatum (le grand-père d’Enmetena), dite Stèle des Vautours, commémore la victoire d’un prince de Lagash sur sa rivale, la cité d’Umma… La stèle de victoire du roi Eannatum, sous l’égide du dieu Ningirsu, figure parmi les plus anciens témoignages de récits considérés comme historiques…

Article suivant : La puissance orageuse de Ningirsu, dieu sumérien de Lagash

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Publié par Maryse Marsailly

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