Gaule Romaine. Les cultes orientaux de Cybèle, d’Isis et de Mithra se propagent en Occident

D'après le culte de Mithra, Gaule Romaine, Histoire de l'Art. (Marsailly/Blogostelle)

Les Mystères de Mithra en Gaule

Vers la fin du IIe siècle et surtout au cours du IIIe siècle, des cultes orientaux se diffusent en Gaule Romaine, dont celui de Mithra qui ouvre les esprits à la notion de Salut. Outre la vénération de divinités gauloises et romaines, des offrandes et des formules de dédicaces très particulières attestent que l’on honore également en Gaule certaines divinités orientales, telles Cybèle et Attis, Isis et Apis-Sérapis, Mithra…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour avril 2024 –

D'après le dieu Mithra sur une céramique sigillée de Lezoux, Auvergne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Mithra sur une céramique sigillée de Lezoux, Auvergne, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. – 52 avjc : conquête romaine de la Gaule par César. IIe-IIIe siècle : La Pax Romana – Fin IIIe siècle : premières incursions barbares – IVe siècle : fin de l’Antiquité – Ve siècle : les grandes invasions barbares. Chronologie Rome-Gaule romaine

EN GAULE ROMAINE ET AU DELÀ, UN MONDE SPIRITUEL COSMOPOLITE

Au cours des IIe et IIIe siècles , les influences des cultes orientaux apparaissent dans le monde culturel gréco-romain, séduisent des empereurs à Rome, et se répandent sur l’ensemble des territoires de l’empire romain. Les cultes d’Ishtar, de la déesse Isis, de Cybèle et de Mithra se propagent…

D'après une déité orientale ailée sur une céramique sigillée, Barzan, Ier -IVe siècle, Charente-Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une déité orientale ailée sur une céramique sigillée, Barzan, Ier -IVe siècle, Charente-Maritime, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un engouement pour les doctrines orientales

En Gaule Romaine, comme ailleurs dans l’ensemble de l’Empire Romain, on adopte des divinités orientales. De nouvelles pratiques cultuelles voient le jour à côté des cultes traditionnels romains et gaulois…

Diverses divinités orientales honorées en Gaule

Diverses divinités orientales sont honorées en Gaule comme dans le monde romain : les divinités égyptiennes Sérapis et Isis, le dieu syrien Jupiter Dolichenus, les déités d’origine perse Mithra et Sol, Sol Invictus et les divinités phrygiennes Cybèle et Attis…

Le succès des doctrines orientales s’explique peut-être par l’engouement pour la spiritualité qui anime alors toutes les franges de la société antique à la fin du IIe siècle et au cours du IIIe siècle.

D’après Cybèle et ses Lions, IIIe siècle avjc, plaque en argent doré, sanctuaire de Aï Khanoum, Afghanistan, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Cybèle et ses Lions, IIIe siècle avjc, plaque en argent doré, sanctuaire de Aï Khanoum, Afghanistan, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)

Rome cultive la tolérance et la mixité religieuse

Les empereurs romains cultivent la tolérance et la mixité religieuse à des fins politiques. Cela leur permet d’asseoir encore davantage le pouvoir de Rome dans les différentes régions conquises par l’empire, comme par exemple dans la cité de Palmyre.

Caracalla, par exemple, n’hésite pas à faire ériger à Rome un temple consacré au dieu égyptien Sérapis auprès du sanctuaire du Jupiter Capitolin. En Gaule, on peut voir une déité orientale ailée sur une céramique sigillée de Barzan, en Charente-Maritime. Ce motif rappelle certaines déités mésopotamiennes.

Voir aussi l’article  Le Sacré en Mésopotamie : des divinités coiffées de tiares à cornes…

D'après une figuration de Cybèle, déesse phrygienne orientale, fin IIe -IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une figuration de Cybèle, déesse phrygienne orientale, fin IIe -IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des cultes à Mystères

Parmi les fidèles, certains se font initier à des cultes à Mystères, dont les adeptes partagent des rites secrets. Dans les Mystères de Mithra, fondés sur 7 degrés initiatiques, le sang du taureau sacrifié purifie l’initié. On vénère aussi en Gaule la déesse phrygienne Cybèle et son parèdre, Attis, coiffé comme Mithra du bonnet phrygien.

La notion de Salut attaché à certaines formes de spiritualités orientales, peu connue dans la tradition romaine, se propage. La pratique de cultes à Mystères et de l’initiation insuffle une conception du Salut qui favorise peut-être la propagation de la religion chrétienne…

D’après les bustes de Cybèle et d’Attis, son parèdre coiffé du bonnet phrygien, IIe -IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Cybèle, grande déesse phrygienne

Agdistis en Phrygie

Divinité d’origine phrygienne, on honore Cybèle sous le nom de Agdistis en Phrygie (actuelle Turquie), en Asie Mineure. Dans son sanctuaire à Pessinonte, on la représente par un bétyle, une pierre noire météorite. Son culte comporte des danses en état d’extase et des mutilations rituelles.

D'après la déesse phrygienne Cybèle, Kybélê-Agdistis, VIe siècle avjc, Anatolie, Ankara, Turquie, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse phrygienne Cybèle, Kybélê-Agdistis, VIe siècle avjc, Anatolie, Ankara, Turquie, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)

Cybèle – Kybélê, « Gardienne des Savoirs »

Le culte de Cybèle se diffuse en Grèce et à Rome au IIe siècle avjc. Vers 204-205 avjc, les Romains emportent la pierre noire sacrée de Pessinonte jusqu’à Rome où ils introduisent le culte de Cybèle pour suivre les indications de la Sibylle. On vénère Cybèle comme Grande Déesse, Déesse Mère et Mère des dieux. En grec ancien, Kybélê, signifie Gardienne des Savoirs…

Cybèle, Mère des Dieux

Cybèle figure parmi les plus grandes déesses de l’Antiquité, à côté de l’égyptienne Isis, de la babylonienne Ishtar et de la Cérès-Déméter gréco-romaine. Les grecs identifient encore Cybèle à Rhéa, fille du Ciel et de la Terre, épouse de Cronos et Mère des dieux. On assimile aussi Cybèle à l’ancestrale déité anatolienne Kubaba…

D'après une statuette d'Attis, compagnon aimé de Cybèle, bronze, IIe-IIIe siècle, Turquie, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statuette d’Attis, compagnon aimé de Cybèle, bronze, IIe-IIIe siècle, Turquie, Orient antique. (Marsailly/Blogostelle)

Le mythe de Cybèle et du berger Attis

Déité des cimes boisées à l’origine, Cybèle a pour parèdre le beau berger Attis (ou Atys) qu’elle aime. Selon les versions, Attis contrarie la déesse de différentes manières. Furieuse, Cybèle le fait sombrer dans la folie et le jeune homme tente de se mutiler (s’émasculer) avant d’être transformé en pin par la déesse, un arbre toujours vert qui symbolise l’immortalité.

Une grande fête annuelle, entre le 15 et le 27 mars, réactualise le mythe de Cybèle et d’Attis. Le point culminant des orgies et des célébrations est le Jour du Sang, un jour de deuil parachevé par le sacrifice d’un taureau. Ce jour du sang précède un lendemain considéré comme Jour de Résurrection…

D'après une scène de Sacrifice du Taureau, mosaïque, caserne des Vigiles du Feu, Ostie, Ier-IIIe siècle, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une scène de Sacrifice du Taureau, mosaïque, caserne des Vigiles du Feu, Ostie, Ier-IIIe siècle, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

Syncrétisme religieux

En Gaule, en Germanie, en Turquie, en Syrie…

Le phénomène dit de syncrétisme religieux se déploie dans toutes les régions sous tutelle de l’empire Romain, de la Gaule à la Germanie et jusqu’en Turquie et en Syrie. Les Romains tolèrent les croyances et les pratiques sacrées des peuples qu’ils soumettent. Ainsi, divinités orientales et dieux romains cohabitent par exemple dans les temples de la cité de Palmyre, où Baal comme Jupiter sont vénérés…

Voir aussi l’article Dans l’antique Palmyre, les caravanes relient l’Orient à l’Occident romain

Le Jupiter et la Junon de Doliché

Comme pour Mithra, le Jupiter de Doliché (une cité antique de l’actuelle Turquie) se rattache à un culte à Mystères venu d’Orient. Le culte du Jupiter de Doliché se propage lui aussi aux IIe et IIIe siècle dans l’empire romain via les militaires et les commerçants. Sur la plaque votive de Heddernheim, en Allemagne, Jupiter Dolichénien est couronné d’une Victoire.

D'après le culte de Jupiter Dolichenus, Heddernheim, plaque votive, IIe -IIIe siècle, Allemagne, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le culte de Jupiter Dolichenus, Heddernheim, plaque votive, IIe -IIIe siècle, Allemagne, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Junon et les jumeaux divins

Monté sur le dos du Taureau, le Jupiter de Doliché de la plaque votive de Heddernheim arbore ses armes-attributs : la Bipenne (hache double), le Foudre et le Glaive. La scène divine se déroule sous l’égide de Sol, dieu Soleil. Dessous, la Junon de Doliché, coiffée d’une tiare et portant un sistre comme la déesse égyptienne Isis, se tient devant une biche…

En Égypte ancienne, le sistre apparaît comme l’instrument de musique privilégié des chanteuses dans les temples pour rythmer les chants de la liturgie. De part et d’autre de Junon, on aperçoit deux jumeaux, dits Castores, qui évoquent des caryatides et qui rappellent les Dioscures. On voit aussi les personnifications de la Lune et du Soleil…

D'après Cautès et Cautopatès coiffés de bonnets phrygiens, culte de Mithra, Boulogne-sur-Mer, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Cautès et Cautopatès coiffés de bonnets phrygiens, culte de Mithra, Boulogne-sur-Mer, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Dans l’architecture, les caryatides (ou cariatides) sont des supports sous formes de statues féminines. Au masculin, on les appelle les atlantes. Les Dioscures sont Castor et Pollux, fils jumeaux de Zeus et de Léda. Castor est mortel, Pollux est immortel. Inséparables, Zeus accepte de les immortaliser tous les deux sous la forme de la constellation des Gémeaux.

Ainsi, les jumeaux divins de la plaque votive de Heddernheim renvoient au thème de l’immortalité. Mais ils se rattachent sans doute aussi à la symbolique de la Lumière et de l’Obscurité et au cycle solaire.

Une notion que l’on rencontre avec les porteurs de torches, Cautès et Cautopatès, qui accompagnent le dieu Mithra. Cautès et Cautopatès symbolisent le Soleil Levant et le Soleil Couchant, la Lumière et l’Obscurité…

D'après un buste du dieu Sérapis, fin IIe siècle, basalte, Egypte ancienne, période Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un buste du dieu Sérapis, fin IIe siècle, basalte, Egypte ancienne, période Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sérapis et la déesse Isis

Le culte de Sérapis (ou Sarapis), divinité de l’Égypte ptolémaïque, se développe sous le roi Ptolémée Ier Sôter. Le nom de ce dieu dérive de Ouser-Hapi, qui désigne le Taureau sacré Apis.

La coiffe de Sérapis, ornée d’un épi de blé, renvoie à la symbolique de la végétation qui meurt et ressuscite, au mystère de la graine en terre qui renaît et rapporte multiplication et abondance…

Par ailleurs, Sérapis apparaît comme un dieu guérisseur, lié aussi au monde de l’au-delà, dans la lignée du dieu égyptien Osiris et des dieux helléniques Hadès et Dionysos (Pluton et Bacchus chez les romains).

Les cultes égyptiens de Sérapis et de la déesse Isis, épouse du dieu Osiris ressuscité et mère d’Horus, se répandent eux aussi dans le monde antique gréco-romain…

D'après la déesse Isis, avec sistre et vase à libation, Villa Adriana, IIe siècle, marbre, Tivoli, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Isis, avec sistre et vase à libation, Villa Adriana, IIe siècle, marbre, Tivoli, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi les articles Le Sacré en Égypte ancienne : Isis et les multiples visages de la déesse égyptienne ; La déesse Isis aux Dix mille noms, « Mère de toutes choses » et La déesse Isis aux Dix mille noms, “capable de prendre toutes sortes de formes”

DES SANCTUAIRES SOUTERRAINS POUR S’INITIER AUX MYSTÈRES DE MITHRA

Les cultes orientaux se diffusent en Gaule par l’intermédiaire des militaires, dont la ferveur se tourne volontiers vers le culte de Mithra. En Gaule, comme à Rome et dans les provinces romaines, on construit des temples de Mithra, les mithrae (mithraeum au singulier).

D'après un haut relief, Mithra sacrifie le Taureau, IIe siècle, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un haut relief, Mithra sacrifie le Taureau, IIe siècle, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Des temples de Mithra en Gaule Romaine

À l’époque romaine, membres de l’armée, pirates et commerçants se déplacent parfois vers de lointaines contrées… Parmi les cultes à Mystères venus d’Orient, le culte du dieu perse Mithra rencontre un certain succès en Gaule.

Des mithraea, temples souterrains ou semi-enterrés

On érige plusieurs temples souterrains ou semi-enterrés, des mithraea, consacrés à cette divinité solaire. Ainsi, on vénère Mithra dans le grand sanctuaire des Bolards en Bourgogne, à Strasbourg en Alsace ou encore à Bordeaux en Gironde au IIIe siècle…

D'après un sanctuaire de Mithra, pilier à relief  du Taurobole, mithraeum San Clemente, Ier siècle, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un sanctuaire de Mithra, pilier à relief  du Taurobole, mithraeum San Clemente, Ier siècle, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

On retrouve des modèles de temples souterrains comparables en Italie à la même époque, comme à Ostie, à Capoue et à Rome avec le mithraeum situé à plusieurs mètres au-dessous de la basilique Saint-Clément-du-Latran…

Une nef souterraine voûtée et des banquettes

Les sanctuaires de Mithra possèdent une petite nef voûtée dans laquelle on installe des banquettes pour les fidèles et les initiés. La nef des temples de Mithra débouche sur une salle ou une simple niche.

On dépose là autels, statues et bas-reliefs, dont l’iconographie évoque la mythologie mithriaque. Parmi les objets cultuels, on utilise des lampes, des couteaux, des coupelles et des offrandes de monnaies…

D'après un sanctuaire de Mithra, salle voûtée, banquettes et pilier à relief  du Taurobole, mithraeum San Clemente, Ier siècle, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un sanctuaire de Mithra, salle voûtée, banquettes et pilier à relief  du Taurobole, mithraeum San Clemente, Ier siècle, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

Les mystes, des personnes venues recevoir l’initiation, s’installent sur les banquettes installées le long du couloir, sur les côtés. Cet espace sacré mène à la statue de Mithra, au bas-relief ou à la fresque qui représente le sacrifice du taureau, le taurobole.

Un culte venu de Perse

Le culte de Mithra se présente comme une religion à Mystères d’origine indo-perse. À l’époque romaine, ce sont les pirates et les mercenaires étrangers qui ramènent à Rome les pratiques spirituelles du culte de Mithra. Ce grand dieu perse séduit les empereurs romains et les soldats…

D'après un possible Mithra coiffé du bonnet phrygien, marbre italien, Arles, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un possible Mithra coiffé du bonnet phrygien, marbre italien, Arles, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Mithra, dieu de la Lumière

Le Mitra védique lutte contre les Ténèbres

Dans le monde védique de l’Inde ancienne, Mitra signifie en sanscrit à la fois ami et contrat. Parfois associé au dieu Varuna avec qui il partage la souveraineté sur le panthéon védique, Mitra lutte contre les Ténèbres…

Ce dieu lumineux et bienveillant est le garant des traités et des engagements entre les êtres humains. Il préside à l’harmonie de la société, aux affaires juridiques et au domaine sacerdotal…

Dieu de la Lumière, de la Justice et des serments

Mithra est le dieu de la Lumière et de la Justice et veille au respect des alliances et des serments. Les rois perses jurent par Mithra. Le dieu protège les guerriers, la propriété, les troupeaux, assure la prospérité des êtres humains, guérit les malades, fait tomber la pluie… Par ailleurs, Mithra peut aussi se montrer redoutable pour punir les parjures et les trahisons.

D'après le Taurobole, culte de Mithra, relief du Mithraeum de Sarrebourg, IIe-IIIe siècle, Moselle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Taurobole, culte de Mithra, relief du Mithraeum de Sarrebourg, IIe-IIIe siècle, Moselle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le sacrifice de Mithra

Mithra sacrifie le taureau primordial

À l’époque de la Gaule Romaine, chaque sanctuaire de Mithra possède une image peinte ou sculptée de Mithra tauroctone, sacrifiant le taureau. Mithra, coiffé de son bonnet phrygien, tient l’animal par les naseaux, le plaque au sol et le frappe au cœur, le plus souvent en détournant la tête…

Sur un relief du musée du Louvre, on aperçoit le chien qui lèche le sang de l’animal blessé, le scorpion qui mord les testicules du taureau, le serpent qui peut-être le pique. Et des épis de blé, symbole de la végétation et du renouveau, jaillissent de la queue du Taureau immolé.

La semence du taureau recueillie par la Lune…

Un mythe perse tardif raconte comment la végétation naît de la moelle du taureau primordial. Le récit précise aussi que les différentes espèces animales émanent de la semence du taureau recueillie par la Lune.

D'après le Sacrifice de Mithra, Taureau, scorpion, serpent et chien, fin Ier siècle, Angers, France, Gaule Romaine.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Sacrifice de Mithra, Taureau, scorpion, serpent et chien, fin Ier siècle, Angers, France, Gaule Romaine.  (Marsailly/Blogostelle)

Sur les représentations, le Soleil – Sol ou le Rayon Solaire semblent inspirer Mithra, pourtant dieu solaire et souverain, garant de l’Ordre universel et de la Justice.. Sol inspire-t-il le dieu Mithra ou bien lui donne-t-il un ordre?

Mithra sauve la Création

Une promesse de Salut

Selon la mythologie mithriaque, le scorpion symbolise les forces du Mal qui cherchent à détruire la Vie. Mais il permet aussi de récupérer la semence fertilisante…

Grâce au sacrifice du taureau, Mithra sauve la Création. Le sang répandu et la semence de l’animal primordial purifient et fécondent la Terre. Après avoir sacrifié le taureau, Mithra monte sur le char céleste du Soleil…

D'après le Sacrifice de Mithra immolant le Taureau, marbre blanc, restauré par Pacetti et Franzoni au XVIIIe siècle, Vatican. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Sacrifice de Mithra immolant le Taureau, marbre blanc, restauré par Pacetti et Franzoni au XVIIIe siècle, Vatican. (Marsailly/Blogostelle)

« Le sang porteur d’éternité »

Pour les adeptes du culte de Mithra, le Sacrifice du Taureau symbolise une promesse de Salut. Les fidèles expriment cette espérance dans leurs prières : Et nos seruasti eternali sanguine fuso, ce qui signifie une idée que l’on pourrait exprimer par…

Et nous, tu nous as sauvés en répandant le sang porteur d’éternité…

Comme le Christianisme, avec lequel il va rivaliser entre le Ier siècle et le début du IVe siècle dans l’Empire Romain, le culte de Mithra propose une initiation et une spiritualité fondée sur la notion du Salut…

D'après le Taurobole, culte de Mithra, mithraeum de Bourg-Saint-Andéol, Ardèche, Rhône-Alpes, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Taurobole, culte de Mithra, mithraeum de Bourg-Saint-Andéol, Ardèche, Rhône-Alpes, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Culte de Mithra

Le roi Parthe Mithridate Ier affirme sa filiation à Mithra

À l’origine, le culte indo-iranien de Mithra ne se présente pas comme un culte à mystères. En Perse, il s’agit de la religion officielle à laquelle le roi participe en personne par des libations (offrandes liquides, vin, huile, lait…) et des danses sacrées.

C’est par l’intermédiaire des colonies grecques d’Asie Mineure que le culte de Mithra s’introduit dans le monde gréco-romain. Le roi Parthe Mithridate Ier (171-138 avjc), par le choix de son nom, affirme ainsi sa filiation au dieu Mithra…

D'après une statue de Cautopatès, Soleil Couchant, culte de Mithra, Mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gironde, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue de Cautopatès, Soleil Couchant, culte de Mithra, Mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gironde, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Son fils Antiochus Ier fait graver une inscription Apollon-Mithra-Hélios-Hermès, qui assimile Mithra aux dieux grecs Hélios et Apollon, divinités solaires, et à Hermès, déité entre autres du passage et de l’initiation…

Une histoire de pirates…

Selon l’historien Plutarque (IIe-début IIIe siècle), l’introduction des cultes à Mystères en Italie se fait via des pirates capturés par Pompée, vers 67 avjc. Ces pirates ciliciens (la Cilicie se situe alors dans le Sud de l’Anatolie) luttent contre l’impérialisme de Rome et sont des alliés du roi du Pont, Mithridate VI Eupator.

Plutarque raconte comment les fidèles de Mithra pratiquent l’initiation et des sacrifices rituels dans des grottes secrètes. L’auteur latin précise que, au cours de cette initiation, les adeptes s’engagent par serment…

D'après une statue de Cautès, Soleil Levant, culte de Mithra, Mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gironde, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une statue de Cautès, Soleil Levant, culte de Mithra, Mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gironde, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le culte de Mithra se répand dans l’empire romain

Les pratiques spirituelles mithriaques séduisent les légionnaires romains qui répandent le culte du dieu perse dans l’Empire Romain. Au cours du IIe siècle, les Mystères de Mithra s’imposent dans les villes de garnison, en Italie, en Gaule, en Bretagne, en Afrique… et jusqu’au Danube.

À Rome, l’empereur Commode (180 – 192) et ses successeurs adoptent le culte de Mithra pour se concilier l’armée. On honore Mithra sur le Palatin et sur l’Aventin. Le mithraïsme aurait même failli devenir une religion officielle sous le règne de l’empereur Aurélien (270-275)…

D'après une dédicace au dieu Mithra, vase produit à Lezoux, terre cuite, début du IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une dédicace au dieu Mithra, vase produit à Lezoux, terre cuite, début du IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

La caverne de Mithra, lieu d’initiation

Au commencement, le mithraeum est une caverne… Les temples de Mithra vont en conserver la forme et l’esprit. On aménage le sanctuaire mithriaque comme une salle à manger destinée à réunir une douzaine de convives à la fois. On oriente le temple souterrain pour que le Soleil Levant vienne frapper la statue de Mithra au moment de l’équinoxe de printemps…

Des « banquets d’immortalité ».

De chaque côté du couloir ou de la statue du dieu, deux porteurs de torche veillent… Le personnage qui brandit sa torche levée, Cautès incarne le Soleil Levant, symbolise la Lumière, la végétation du printemps et de l’été. Le second, Cautopatès, Soleil Couchant, dirige sa torche vers le bas, il évoque l’Obscurité, le crépuscule et la période hivernale…

D'après un autel de Mithra, à pattes et tête de lion (léontocéphale), culte de Mithra, mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un autel de Mithra, à pattes et tête de lion (léontocéphale), culte de Mithra, mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Les adeptes de Mithra prennent leurs repas en commun dans le mithraeum, avec du pain, de l’eau… et sans doute aussi du vin. Ils prononcent aussi des formules rituelles. À l’occasion de ces banquets d’immortalité, les mystes consomment la viande d’un taureau. Les initiés au Mystères de Mithra organisent trois communions par jour, à chaque repas…

Mithra léontocéphale

À côté des représentations de Mithra immolant le Taureau ou partageant un Banquet Sacré avec Sol, on rencontre des images de Mithra léontocéphale, à tête et pattes de lion, avec un serpent ou deux qui s’enroulent autour de son corps… On retrouve le thème du serpent avec le serpent mithriaque à 7 spires, une évocation des 7 jours, des 7 planètes, des 7 grades initiatiques…

D'après Mithra à tête et pattes de lion (léontocéphale), culte de Mithra, Mithraeum de Vienne, Poitou, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Mithra à tête et pattes de lion (léontocéphale), culte de Mithra, Mithraeum de Vienne, Poitou, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le 25 décembre, date anniversaire du Soleil et de Mithra

Dans le culte de Mithra, le septième jour de la semaine est particulièrement sacré… comme le 25 décembre, quand on célèbre l’anniversaire du Soleil et celui de Mithra, un dieu né comme l’étincelle de la pierre à feu. Selon le mythe mithriaque, Mithra naît de la Pierre…

L’initiation aux Mystères de Mithra comporterait sept grades : le Corbeau, l’Époux, le Soldat, le Lion, le Perse, le Courrier et le Père. Chaque grade s’acquiert sous l’égide d’un astre qui symbolise une fonction rituelle.

D'après la naissance de Mithra de la Pierre, mithraeum de San Clemente, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la naissance de Mithra de la Pierre, mithraeum de San Clemente, Rome, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

Les adeptes jouent leur rôle selon leur grade…

Ainsi, l’adepte au grade de Corbeau, sous la protection de Mercure, verse à boire… L’époux est protégé par Vénus, le Soldat par Mars. Le grade de Lion, relié à Jupiter, a pour fonction rituelle de brûler de l’encens et de purifier ainsi les adeptes par le feu… Le Perse se place sous l’égide de la Lune et le grade du Courrier sous celle du Soleil, Hélios…

Le Père des Pères veille sur la communauté…

Un initié au grade de Père dirige chaque groupe d’adeptes de Mithra. Le Père des Pères préside lui à un ensemble de communautés mithriaques. Lorsque l’initié acquiert le grade de Soldat, il est probablement baptisé par le feu (marqué au fer rouge ?…). Chaque grade possède son masque et ses parures rituelles.

Les adeptes de Mithra croient à la montée des âmes au Ciel, à la Fin des Temps et au Retour de Mithra sur le Char du Soleil…

D'après l’un des symboles des grades initiatiques mithriaques, Patère, bâton (?), bonnet phrygien, faucille, mithraeum d’Ostie, mosaïque, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’un des symboles des grades initiatiques mithriaques, Patère, bâton (?), bonnet phrygien, faucille, mithraeum d’Ostie, mosaïque, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)

De Mithra au christianisme

Si le culte de Mithra se diffuse intensément dans l’armée, il reste assez méconnu et peu pratiqué par les populations. En outre, l’initiation aux mystères de Mithra est complètement fermée aux femmes, ce qui limite sa popularité, contrairement au christianisme accessible à tous…

Au IVe siècle, l’engouement pour les Mystères de Mithra disparaît peu à peu au profit du Christianisme avec lequel le mithraïsme a des similitudes, en particulier l’espérance du Salut…

D'après le Serpent aux Sept spires, 7 planètes et 7 jours, mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Serpent aux Sept spires, 7 planètes et 7 jours, mithraeum de Bordeaux, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

En 313, l’édit de Milan de Constantin (280-337) établit une liberté religieuse favorable au Christianisme. Lorsque le christianisme s’impose en Italie, l’église remplace le mithraeum. La période de l’Antiquité s’achève… Les Invasions barbares de la fin du IVe siècle et du Ve siècle bouleversent l’Europe et préfigurent l’avènement du Haut Moyen Âge. Une nouvelle ère commence…

Voir aussi les articles Histoire du Sacré : Le Sacré. Mithra, dieu lumineux et salvateur de l’Orient Antique à l’Occident Romain et Le Sacrifice de Mithra, dieu salvateur, engendre la régénération du Monde

Sommaire Rome antique – Gaule Romaine

Époque gallo-romaine, 52 avjc – début IVe siècle – Édit de Milan de l’empereur Constantin en 313 : liberté religieuse et développement du Christianisme –  Fin IVe siècle et Ve siècle :  fin de l’Antiquité – invasions barbares. VIe siècle : débuts du Haut Moyen Âge.

Un document PDF Simulacra Romae : Burdigala-Bilan de deux siècles de recherches et découvertes récentes à Bordeaux. bib.cervantesvirtual.com/portal/simulacraromae/libro/c13.pdf

Des livres? La guerre des Gaule, les commentaires de Jules César, rédigés au Ier siècle avjc (entre 58 et 51 avjc). Arelate, BD historique de Laurent Sieurac, avec Alain Genot, archéologue : Arles à l’époque de la Gaule romaine.  Une BD? Astérix le Gaulois (René Goscinny – Albert Uderzo).

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

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