Une symbolique végétale, vitale et spirituelle
Si l’Arbre m’était conté (2)… Selon les différences culturelles, l’arbre en lui-même peut faire l’objet d’un culte ou bien c’est ce qu’il représente qui va motiver une pratique rituelle ou nourrir une pensée spirituelle… L’arbre mythique baigné par la lumière céleste possède une très grande puissance végétale et vitale… Il évoque la croissance, la fertilité, la renaissance… L’idée de fécondité se rapporte aussi à l’image de l’arbre généalogique et au symbolisme alchimique du creuset…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2022 –

Quatre essences d’arbres trônent dans le jardin de La Dame à la Licorne : le Pin, le Chêne, le Houx et l’Oranger…
MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion
L’ARBRE SACRÉ, UN PRINCIPE VITAL ET CÉLESTE
L’arbre mythique symbolise un pont, une échelle ou un chemin entre le monde visible et le monde invisible… C’est une image universelle du cosmos vivant, mais aussi d’un principe d’ascension du monde profane et terrestre vers un autre monde céleste et supra-cosmique…
Du Ciel à la Terre et de la Terre au Ciel
Les dieux, les esprits ou les âmes des initiés empruntent le chemin de l’arbre cosmique…entre le Ciel et la Terre ou entre la Terre et le Ciel. Comme l’évoque l’échelle de Jacob dans la bible…, et peut-être aussi les arbres et la Tente de La Dame à la licorne, pourvue d’un pilier central, sur la sixième tapisserie du musée de Cluny (France) À Mon Seul Désir…

Comparable à l’arbre cosmique dans le monde des symboles, l’échelle suggère un pont entre le monde d’ici-bas et le monde sacré, divin ou métaphysique…
Sur un médaillon sculpté de la cathédrale de Chartres, l’échelle symbolise l’accès au monde du Sacré… Et le Livre renvoie à la Connaissance : exotérique (accessible à tous) avec le Livre Ouvert ou ésotérique (secrète, recherchée par les initiés) avec le Livre Fermé…
Le principe originel du Feu ou de la Vie
Mircea Eliade nous explique comment l’arbre mythique porte en lui les germes et les semences des êtres humains à l’état virtuel… L’historien des religions mentionne la croyance d’une tribu d’Australie selon laquelle l’esprit des enfants, comparé à un grain de sable, se niche dans des arbres…
Quand l’esprit de l’enfant se détache, il part s’introduire dans le ventre de sa mère par le nombril… Selon d’autres croyances, le principe du Feu ou le principe de la Vie réside à l’intérieur de certains arbres, sachant que l’on peut extraire par frottement le feu ou l’essence vitale (sève, résine, jus…)

L’arbre source de vie et de fertilité
Le thème de l’arbre de Vie alimente des croyances et des pratiques magico-religieuses autour de la fertilité. L’arbre mythique nourri par la lumière céleste possède une puissante énergie de croissance féconde…
Parfois deux arbres s’accouplent ou bien l’arbre unit en lui les principes mâle et femelle… Dans l’Inde ancienne, les Yakshî et les Yaksha sont des déités des arbres et de la végétation…
La fertilité symbolique de l’arbre, naturelle ou spirituelle, se marie souvent à celle de l’eau, de la pierre et du serpent… Dans le sud de l’Inde, une pratique très ancienne vise à favoriser la fertilité féminine : la fiancée s’unit rituellement à un manguier ou à un arbre fruitier…

Les fruits de l’amour…
Les oranges, comme d’autres fruits à pépins (grenades, pommes, raisins…) symbolisent la fécondité… Dans la tradition vietnamienne, on offrait autrefois des oranges aux jeunes couples. En Chine ancienne, offrir une orange à une jeune fille signifie une demande en mariage…
C’est que l’amour est comme un arbre, il pousse de lui-même, jette profondément ses racines dans tout notre être, et continue souvent de verdoyer sur un cœur en ruine… Victor Hugo, Les Contemplations, 1856.

Arbre, union mystique et fécondité
Pour favoriser la fécondité, on rencontre des coutumes ancestrales dans les régions de la Méditerranée, en Occident comme en Orient. En Inde, les femmes qui n’arrivent pas à avoir des enfants accrochent des tissus rouges ou colorés à un arbre, souvent situé non loin d’une source, dans l’espoir d’une maternité…
Dans diverses contrées d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Nord, on organise des mariages mystiques avec des arbres… La future épouse ou le futur époux s’unit rituellement à un arbre pour favoriser sa fertilité et s’assurer une descendance.

Mircea Eliade nous explique comment, dans certaines cultures traditionnelles, le mari et la femme qui ont des difficultés à enfanter plantent un couple d’arbres, mâle et femelle, avec deux de leurs tiges enlacées…
La vitalité et la fécondité des arbres sont censées rejaillir sur leur propre fertilité, à force de patience… Il faut attendre une dizaine d’années avant que l’épouse, seule, se rende à nouveau auprès des deux arbres fiancés…
… La femme dépose une pierre, gravée d’un duo de serpents, entre les racines des deux arbres plantés rituellement. Cette pierre a longtemps baigné dans les eaux sacrées d’une rivière ou d’un étang… Grâce à cette union mystique, la femme deviendra mère…


D’après l’Arbre de Mai enrubanné de La Nef des Fous, Jérôme Bosch, XVe-début XVIe siècle ; et l’Arbre de mai, Brueghel dit le Jeune, XVIIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
La fête du Mai
On rencontre la tradition de la fête du Mai dans différentes contrées européennes… Malgré des apparences folkloriques, ces festivités remémorent un rite ancestral de fertilité. On célèbre le renouveau de la nature, au mois de mai, en plantant un arbre enrubanné ou son substitut sous forme de poteau…
Le thème chrétien du mariage mystique…
On retrouve l’idée de fécondité interprétée sur un plan spirituel dans le thème chrétien du mariage mystique… Le mariage mystique symbolise le sein de Marie fécondée par l’Esprit Saint ou l’âme du mystique fertilisée par l’illumination divine…
Dans la religion chrétienne, l’église (la communauté des croyants) comme la Jérusalem céleste sont considérées comme épouse du Christ… Dans les représentations chrétiennes du mariage mystique, l’arbre est omniprésent…


D’après le Mariage Mystique de Sainte Catherine, deux versions de Véronèse, XVIe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
Le thème du Mariage Mystique de Sainte Catherine, s’inspire de La Légende Dorée de Jacques de Voragine, auteur italien du XIIIe siècle, qui raconte la vie légendaire des saints chrétiens…
DE L’ARBRE-ANCÊTRE À L’ARBRE MYTHIQUE GÉNÉALOGIQUE
Beaucoup de légendes ancestrales évoquent l’arbre de vie sous la forme des pères-arbres ou des mères-arbres. Le culte des aïeux va finalement s’exprimer dans l’arbre-ancêtre… que l’on va retrouver sous la forme de l’arbre généalogique…
Un ancêtre né dans un arbre
Certaines croyances mythiques, dans les cultures arctiques et chez les peuples autour du pacifique, se rapportent à l’image d’un immense arbre cosmique… Cet arbre sacré possède des branches qui peuvent atteindre le troisième ou le septième Ciel…

L’arbre mythique joue un rôle central dans la mythologie comme dans les rites des cultures ancestrales de nombreux peuples. Et l’arbre sacré est souvent relié à un ancêtre mythique chez les peuplades qui croient descendre d’un ancêtre né dans un arbre…
La lignée biblique, de Jessé à Jésus
On retrouve le thème de l’arbre mythique dans le monde chrétien sous la forme de l’arbre de Jessé… Dans la bible, cet arbre mythique représente la chaîne des générations qui mène de Jessé à la Vierge et au Christ en passant par le roi David…

L’arbre émerge du flanc de Jessé
Parmi les illustrations du commentaire de saint Jérôme sur Isaïe, une image montre l’arbre émergeant du flanc de Jessé. La Vierge aux proportions colossales tient l’enfant…
Marie semble émerger de la ramure de l’arbre qui jaillit du ventre de Jessé. Un ange présente l’église de Cîteaux (XIIe siècle), un autre la couronne de la Vierge, et la colombe du Saint-Esprit plane…

L’arbre mythique peut illustrer une généalogie mythologique ou légendaire ou encore les ascendants d’une famille royale, les ancêtres d’un peuple ou d’une cité… L’Arbre de Jessé de Jacques de Besançon illustre la Légende Dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle) qui évoque les 43 générations menant de Jessé à Jésus…
La descendance des rois de Juda
Dans l’iconographie médiévale, on rencontre souvent l’image de l’arbre de Jessé sur les enluminures, les sculptures ou les vitraux… L’arbre émerge de la bouche, du flanc ou du nombril de Jessé, père de David, lui-même père de Salomon… Le roi David porte une harpe et Salomon est reconnaissable à son turban…



D’après l’Arbre de Jessé : psautier (recueil de psaumes) de Scherenberg, XIIIe siècle apjc, Strasbourg ; de Gérard de Saint-Jean, peintre néerlandais, XVe siècle ; et portail, cathédrale de Beauvais, XIIIe siècle, France.(Marsailly/Blogostelle)
À l’origine, cette filiation charnelle menait de Jessé à Joseph, père de Jésus… avant de mener de Jessé à la Vierge Marie, mère du Christ et affiliée à la lignée de David. Parfois les branches de l’arbre évoquent en détail la lignée des 12 rois de Juda, les aïeux de Jésus… Mais la filiation de Jésus est également spirituelle et se rattache aux 12 prophètes bibliques…
LES ARBRES DE JÉRÔME BOSCH
Vers 1486, Jérôme Bosch est cité comme membre d’une confrérie, La Confrérie Notre Dame, proche d’une secte considérée comme hérétique, Les Frères du Libre-Esprit. Le peintre néerlandais choisit de se nommer Bosch, qui signifie Bois…

L’arbre est omniprésent dans l’art de Jérôme Bosch… La totalité de l’œuvre, sous la forme de trois panneaux, présente le Jardin des Délices encadré par l’Enfer et le Paradis.
Le peintre qui signe Bosch…
Les registres de La Confrérie de Notre Dame (1509) mentionnent l’artiste néerlandais : Jheronymus Van Haken (ou Hieronymus Van Haken), le peintre qui signe Bosch…
Inspiré par le nom de son village natal aux Pays-Bas, Jérôme Bosch (1450 – 1516) choisit pour nom d’artiste Bosch, un mot qui signifie Bois… Le peintre souhaite sans doute se singulariser vis à vis des autres artistes de sa famille et vis à vis des différentes écoles des Pays-Bas comme Bruges, Louvain ou Tournai…



D’après Saint Jean à Patmos, ange et arbre ; Vagabond ou Le Fils perdu et l’arbre, Jérôme Bosch, XVe-début XVIe siècle, Pays-Bas ; et Le Mat du Tarot de Marseille. (Marsailly/Blogostelle)
Le périple aventureux de l’artiste commence auprès d’un arbre… Le vagabond de Jérôme Bosch rappelle étrangement le personnage symbolique du Mat (fou ou sage) du Tarot de Marseille. L’arbre semble concrétiser un axe essentiel, il soutient et construit certaines compositions de l’artiste…
Bois sec et bois vivant
Se distinguer n’est peut-être pas l’unique raison pour Jérôme Bosch de choisir le nom de Bosch : l’arbre et le bois sont très présents dans ses œuvres, sous forme de bois sec ou mort…

… mais également sous forme de bois vivant, avec des arbres, des arbustes ou des pousses aux nuances verdoyantes de-ci de-là… Ce qui laisse penser que pour ce maître de la peinture flamande, l’arbre et le bois sont une véritable source d’inspiration…
De la souffrance à l’espoir d’une rédemption… ?
Dans des scènes habitées de symboles et empreintes de mystère, Jérôme Bosch exprime à la fois un monde infernal, la peur, l’angoisse, la misère humaine, la grossièreté, la monstruosité…

L’arbre creux, arbre-matrice, évoque une gestation mystique…
… et peut-être aussi grâce à la présence des arbres et du bois l’espoir d’une rédemption… Sur le tableau L’Ermite Antonius, on aperçoit le Christ en croix, niché dans le creux de l’arbre… sur celui de la Tentation de Saint Antoine, Jérôme Bosch installe son personnage à l’intérieur de l’arbre-matrice…
ARBRE ANDROGYNE ET ARBRE MATRICE
Le symbolisme de l’arbre possède une part d’ambivalence… Il semble que dès l’origine l’Arbre de Vie exprime une image androgyne. L’arbre s’identifie également quelquefois à une matrice…

Les arbres sont parfois sexués, associés peut-être ici aux trois âges de la vie, à la condition humaine, à la naissance et à la mort. Le Soleil (masculin) et la Lune (féminin) symbolisent deux principes à la fois opposés et complémentaires…
Des images d’un Arbre de Vie mâle et femelle
Certains arbres se rattachent au principe masculin, comme le chêne, d’autres au principe féminin, comme le tilleul… ou encore l’arbre mythique réunit en lui les deux principes à la fois… Dans l’iconographie médiévale encore et même plus tard, on rencontre des images d’un Arbre de Vie mâle et femelle, en occident comme en Orient…


D’après Alexandre le Grand et l’Arbre qui Parle, à la fois mâle et femelle, manuscrit Shah Namêh, Firdawsi, XIVe siècle, Iran médiéval ; et l’Arbre Waq Waq qui parle, inspiré de Qazvini (XIIIe siècle), manuscrit safavide, XVIe siècle, Iran ancien. (Marsailly/Blogostelle)
Un univers de créatures fantastiques et un Arbre de Vie à la fois féminin et masculin, lunaire et solaire, des têtes d’animaux qui évoquent la création…
L’arbre-matrice
Dans l’univers des symboles, le tronc de l’arbre qui s’élève vers le ciel évoque une force et une puissance phallique et solaire qui féconde le monde. L’arbre porteur d’une frondaison épanouie, l’arbre fruitier et l’arbre creux se rattachent à l’idée de matrice…
C’est au cœur de la matrice que la vie se développe et grandit ou que le renouveau se prépare… Il s’agit du principe féminin de gestation, lunaire et fertile… Et l’on raconte que la mythique Fontaine de Jouvence qui permet de rajeunir prend sa source dans un chêne creux…
L’Arbre – Athanor
Les alchimistes comparent parfois l’athanor à un arbre… L’athanor est le fourneau dans lequel les alchimistes placent le récipient qui contient leur matière… C’est dans cette matrice ou creuset que s’opère grâce au feu la transmutation et la croissance de l’or philosophal ou de la pierre philosophale…
L’ARBRE DE VIE, AU DELÀ DE L’ÉPHÉMÈRE
Mircea Eliade explique comment l’arbre mythique inspire une idée de force et de puissance sacrée… Certains arbres sont toujours verts… d’autres ont une croissance naturelle rythmée par la perte et la repousse périodique de leurs feuilles… L’arbre est un symbole de régénération cyclique et de pérennité…

Des feuillages persistants ou caduques
Le laurier et les arbres au feuillage persistant symbolisent l’immortalité… Les arbres à feuilles caduques et les arbres fruitiers se rapportent au thème de la régénération périodique de la végétation, de la vie et du monde…
Ce symbolisme se rattache à celui du cycle de la mort et de la renaissance… L’arbre meurt et renaît sans cesse… L’amandier, le premier à fleurir, annonce le printemps et incarne les commencements fragiles du renouveau…



D’après le chêne, le pin et le houx, tapisserie La Dame à la Licorne, À Mon Seul Désir, détails, vers 1500, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
La sève et les fruits de l’Arbre de Vie
Dans le monde des symboles, la sève de l’arbre de Vie s’identifie à un concentré vital ou à la rosée céleste… Pour les alchimistes, la rosée céleste descend des cieux et féconde leur labeur… La rosée céleste comme les fruits de l’arbre de Vie peuvent donner l’immortalité…
Le nombre 12 et la quête de l’immortalité
L’arbre de l’Éden porte 12 fruits… La Jérusalem céleste compte 12 portes et son arbre de Vie porte 12 fruits solaires… Les pommes d’or du jardin des Hespérides sont au nombre de 12… Le nombre 12 symbolise le renouvellement cyclique, la permanence dans l’éphémère… et renvoie à la quête de l’immortalité…



D’après l’iconographie alchimique : arbre et naissance de l’or philosophal ; une image de l‘arbre alchimique des métaux et des planètes, XVIIe siècle ; et l’Arbre du Paradis, John Lydgate, The Fall of Princes, XVe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
Sur une illustration alchimique, l’arbre jaillit d’un personnage androgyne (à la fois masculin et féminin), et l’enfant symbolise l’accomplissement du grand œuvre alchimique…
Les fruits de l’arbre-athanor
L’iconographie alchimique utilise encore l’image de l’arbre pour exprimer les correspondances entre les métaux et les planètes qui leur sont associées, comme l’or et le Soleil, l’argent et la Lune, le cuivre et Vénus… Ces motifs prennent la forme des fruits de l’arbre-athanor…
Arbre de Vie, plante sacrée et immortalité
Dans de nombreuses mythologies et traditions, l’arbre ou la plante mythique s’associe intimement à l’obtention de l’immortalité…

En Iran, dans la mythologie perse, l’immortalité réside dans la sève de la plante sacrée Haoma. Selon les doctrines de l’Inde ancienne, on extrait le breuvage d’immortalité du Soma, à la fois plante sacrée, breuvage et déité…
Selon les croyances, la substance d’immortalité peut résider dans la résine des conifères, dans la sève ou dans les fruits de l’arbre ou encore dans une fontaine située auprès de l’arbre de vie ou de l’arbre cosmique, qui souvent ne font qu’un…

Les arbres sont très présents dans les œuvres des calligraphes et des Lettrés de la Chine Ancienne, dont les compositions évoquent souvent un cheminement… Le pin et les conifères restent toujours verts…
L’Arbre de Vie et le principe de symétrie
On rencontre l’Arbre de vie au Japon sous le nom de Himorog, situé symboliquement dans la Terre Centrale… À Java, dans le théâtre des ombres, on montre l’Arbre de Vie associé à la Montagne Centrale…
En Iran ancien, l’Arbre de Vie apparaît entre deux animaux affrontés sur de nombreux motifs décoratifs… En Mésopotamie, l’arbre sacré se rattache aussi au thème de l’immortalité. Très souvent représenté, notamment sur des sceaux cylindres, l’arbre mésopotamien peut être associé à des animaux, à des êtres mythiques ou divins, à des astres…

Le plus souvent, les compositions s’appuient sur la symétrie des motifs ou des personnages autour de l’axe central formé par l’arbre de vie. Ces images semblent illustrer simultanément le thème du lieu sacré, du centre du monde, du face à face, du double, du reflet…
La pêche de la vie éternelle de Hsi Wang Mu
Dans la tradition chinoise taoïste, les pêches de Hsi Wang Mu contiennent l’immortalité… La divinité taoïste Hsi Wang Mu (ou Xi Wangmu, la Mère et Reine de l’Occident) demeure dans un palais de jade situé sur le Kunlun céleste…
Le Kunlun apparaît comme un lieu mythique où croissent les herbes d’immortalité et les pêches de longue vie. Les Huit Génies donnent à Hsi Wang Mu la pêche de la vie éternelle… En Chine, le jade est également un symbole d’immortalité…

DE L’ARBRE DE VIE BIBLIQUE À LA SAINTE CROIX…
L’Arbre de Vie évoque également la manifestation divine dans la tradition judéo-chrétienne. L’arbre de la première alliance, l’arbre de la Genèse, l’arbre de la Croix et l’arbre de la nouvelle alliance censée régénérer l’humanité sont symboliquement et spirituellement intimement liés…

Dans l’iconographie chrétienne, la croix élevée au sommet de la montagne, le mont Golgotha (Golgotha signifie « crâne »…), rappelle l’image ancestrale de l’arbre cosmique ou arbre du monde et rejoint l’idée universelle de l’axe cosmique.
L’arbre qui pousse sur le tombeau d’Adam…
Jacques de Voragine, s’inspirant de l’Évangile apocryphe de Nicodème, raconte dans sa Légende Dorée « l’histoire de la Vraie Croix », dont l’origine remonte aux commencements bibliques, quand l’archange Michel donne à Seth, fils d’Adam, une graine de l’Arbre de Vie qu’il dépose dans la bouche de son père disparu.
De la tombe d’Adam croît alors un bel arbre… dans le bois duquel est taillée, des générations plus tard, la croix du Christ rédempteur pour racheter la faute du premier homme…

L’arbre qui pousse sur le tombeau d’Adam est d’abord abattu sur ordre du roi Salomon pour servir à la construction du pont Siloé. Mais la reine de Saba rend visite à Salomon et découvre la poutre de bois sacré.
Suite à une prémonition, l’impératrice révèle à Salomon que ce bois se rattache à la venue du Messie, dont, précisent d’autres versions, la Passion sur la croix mettra fin au royaume des Juifs… Salomon décide de faire retirer la poutre de Saint Bois du pont et de l’enfouir…


D’après la reine de Saba, le Saint Bois et Salomon, La légende de la Vraie Croix, de Piero della Francesca, fresques, 1452-1466, basilique San Francesco d’Arezzo, XVe siècle, Renaissance italienne. (Marsailly/Blogostelle)
La Légende dorée de Jacques de Voragine
Dans la basilique San Francesco d’Arezzo (basilique Saint François d’Assise), le peintre italien Piero della Francesca réalise un cycle de fresques, Leggenda della Vera Croce – en français La légende de la Vraie Croix ou Sainte Croix – dont l’iconographie s’inspire principalement de La Légende dorée du dominicain Jacques de Voragine (XIIIe siècle)…
La Vraie Croix du Golgotha…
Plus tard, à Jérusalem, les Romains découvrent la poutre de Saint Bois dans la piscine probatique. On utilise son bois pour élever les trois croix sur lesquelles Jésus et les deux larrons sont crucifiés.

Les bassins de la piscine probatique, à la Porte des brebis, sont alors destinés aux ablutions rituelles et aux animaux qui seront sacrifiés au Temple, notamment pour La Pâques. Après l’exécution du Christ et des deux larrons, les trois croix sont censées avoir été jetées dans un fossé auprès des remparts de Jérusalem, tout près du Golgotha…
Hélène, mère de Constantin, retrouve la Sainte Croix…
Les récits légendaires racontent encore que c’est Hélène, la mère de Constantin, empereur converti au christianisme, qui est à l’origine de l’Invention de la relique de la Vraie Croix (fête du Recouvrement).

Lors d’un pèlerinage, Hélène redécouvre les trois croix à Jérusalem, sous un temple consacré à la déesse Vénus. Parmi les trois croix de bois, on identifie la Vraie Croix grâce à une résurrection miraculeuse… La Vraie Croix devient source de miracles… avant d’être dérobée, au VIIe siècle, par le roi perse, Chosroès II.
L’empereur byzantin Héraclius, victorieux des Perses, reprend la croix sacrée et la ramène à Jérusalem (fête de l’Exaltation)… Ainsi, d’Adam à Jésus et de l’Arbre de Vie à la Vraie Croix, la symbolique de la renaissance et de la rédemption se perpétue… Par ailleurs, pour certains alchimistes le Christ s’identifie à la pierre philosophale, symbole d’immortalité comme aussi l’arbre de Vie…

Le crâne d’Adam et le Christ en croix de Fra Angelico
L’axe symbolique de la croix symbolise une ascension par sa verticalité… mais la croix renvoie également à l’épisode biblique originel de l’arbre du paradis, au fruit défendu, à la chute d’Adam et Ève…
Sur une fresque du peintre italien Fra Angelico, la condition humaine est évoquée par un crâne et quelques os… sans doute ceux d’Adam, situé sur la fresque au-dessous de la croix, au cœur de la montagne (matrice?)… Le crâne rappelle aussi la tombe d’Adam sur laquelle croît l’arbre sacré dont le bois servira à fabriquer la croix du Christ rédempteur…

Un cheminement vers la rédemption
Mais le crâne évoque aussi la tête, c’est à dire un sommet, en correspondance avec le thème de la cime de l’arbre ou de la montagne, deux symboles d’ascension, du centre et de l’axe du monde… L’image de la croix symbolise encore le point culminant d’un sommet cosmique…
Le motif du crâne et des os se retrouve encore dans les vanités, ces tableaux sous forme de natures mortes qui nous rappellent notre condition humaine d’êtres mortels, la fugacité de notre vie terrestre et la futilité des choses non essentielles…
Mais, dans l’univers symbolique chrétien, ce même crâne renvoie aussi au cheminement qui mène de la faute originelle à la rédemption ou, sur un plan universel et individuel, d’un cycle à un nouveau cycle ou de insouciance à l’initiation…

La croix du Christ, alter ego de l’arbre originel
Le crâne-montagne du peintre Fra Angelico semble supporter la croix dont l’élan vertical mène au ciel… La croix du Christ, alter ego de l’arbre originel, symbolise à la fois la rédemption et le processus qui a mené à cette rédemption… Sans chute pas de rédemption…
Il s’agit, après la chute originelle de l’humanité, de la possibilité du recouvrement d’un mode d’être perdu grâce au sacrifice du Christ Sauveur… Le thème de la résurrection renvoie à l’idée d’éternité et d’immortalité… C’est un peu comme si la boucle était bouclée…

L’Arbre -Croix, symbole à la fois de la chute et de la rédemption.
L’arbre-croix, dualité et unité
Parmi les thèmes et l’iconographie chrétienne on rencontre aussi le motif de la croix feuillue ou de l’arbre-croix… Son graphisme en Y évoque à la fois la Dualité et l’Unité. Le Christ acquiert une dimension cosmique à l’image de l’arbre ou de l’axe du monde évoqué par la croix…
… une symbolique qui rejoint celle de l’échelle. L’image de l’arbre exprime à la fois les principes cycliques d’ascension, de descente, de réciprocité… sur le plan universel comme sur le plan individuel. Du point de vue symbolique, la généalogie qui mène de Jessé à Jésus illustre aussi une idée de cheminement et de progression.

Le symbole de l’Arbre réunit l’éphémère et l’éternel…
L’arbre de Vie c’est aussi l’arbre de la Connaissance…, l’arbre du Bien et du Mal du paradis terrestre… L’arbre et son fruit défendu qui provoquent la chute d’Adam et Ève devient l’arbre de la rédemption dans le symbole de la croix …
L’arbre-croix symbolise à la fois la chute d’Adam et Ève, le supplice de Jésus, la rédemption de l’humanité, la résurrection et l’ascension du Christ… La mort de Jésus permet une renaissance et le recouvrement de la lumière… Pour les Chrétiens, le thème de la résurrection du Christ aboutit à la conviction de la vie éternelle…

Arbre de Vie et Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal : les deux facettes d’un même principe ? Le symbole de l’arbre réunit la dualité et l’unité, l’éphémère et l’éternel…
MINI-SOMMAIRE L’ARBRE SACRÉ
1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
2 L’Arbre mythique : fertilité, généalogie et creuset
3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant
4 L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion