Arts de l’Inde, l’art des stûpas à Sânchî et à Bhârhut

Du makara védique aux Jâtaka bouddhiques

Découvrons l’art sacré des stûpas bouddhiques… La dynastie Çunga (Shunga) domine l’Inde du Nord aux IIe et Ier siècle avjc… Les sites d’art bouddhique de Sânchî et de Bhârhut, au Madhya Pradesh, s’enrichissent de sculptures pendant plusieurs siècles… Au XIXe siècle apjc, l’archéologue britannique Alexander Cunningham s’est efforcé de préserver les œuvres d’art des détériorations et du pillage sur divers chantiers de fouilles en Inde. Il a travaillé à Sânchî et à Bhârhut, au Madhya Pradesh, ainsi qu’à Sârnâth, en Uttar Pradesh…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour janvier 2019 –

D'après un lotus sculpté, bas-relief, Ier siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un lotus sculpté, bas-relief, Ier siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le lotus, symbole de naissance et d’accomplissement spirituel, est un motif que l’on rencontre dans le bouddhisme comme dans l’hindouisme…

REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Art Naïf des stûpas du IIe siècle avjc au Ier siècle apjc.
– La dynastie Çunga au IIe siècle avjc (176 – 64 avjc) – La dynastie Kanva vers 72 ou 78 avjc à environ 28 avjc. – La dynastie Satavahana vers 30 avjc à environ 220 apjc, qui règne en Inde du Nord et en Inde du Sud. Chronologie générale Les arts de l’Inde Ancienne

LES STÛPAS BOUDDHIQUES SANCTIFIENT LE SITE DE SÂNCHÎ

Les stûpas de l’Inde ancienne, érigés au IIe siècle avjc, sont des monuments funéraires. En principe, ils abritent les reliques de grands personnages, de saints hommes. Sânchî, stûpas sont construits dans la pierre blanche et sont parfois implantés à flanc de colline. Les stûpas les plus célèbres sont dédiés à des maîtres bouddhiques. Sânchî, est un site exclusivement bouddhique…

Quand la dynastie Çunga usurpe le pouvoir Maurya…
Au IIe siècle avjc, la dynastie Çunga (176 avjc – 64 avjc) renverse celle des Maurya… Mais son rayonnement ne semble pas aussi important que celui des Maurya au IIIe siècle avjc, quand le roi Açoka patronnait un art avant tout spirituel…

D’après le stûpa n° 2 au sommet plat, l’un des plus anciens à Sânchî, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le stûpa n° 2 au sommet plat, l’un des plus anciens à Sânchî, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le faîtage des stûpas avec mât et parasol a le plus souvent disparu…

La dynastie Çunga règne dans le Nord de l’Inde au Madhya Pradesh, et sans doute en Uttar Pradesh. Les Çunga installent leur capitale à Vidisha, non loin de Sânchî . La dynastie Çunga sera remplacée à son tour par celle des Kalva qui s’impose durant quarante-cinq ans seulement…

Les stûpas matérialisent l’Enseignement du Buddha
L’art bouddhique se développe sous la dynastie Çunga…, on creuse et on sculpte des cavernes, qui sont des temples ou des monastères bouddhiques.

Les sanctuaires abritent un dagoba (un stûpa abrité) et les plafonds arborent une fausse charpente sculptée dans la pierre … On érige également des grands stûpas en pierre en plein air… comme à Sânchî. Ces monuments reliquaires bouddhiques symbolisent l’enseignement du Buddha (appelé Loi).

Un espace de circulation rituel autour du stûpa…
Si de nombreux stûpas avaient été élevés à Sânchî à l’époque d’Açoka, beaucoup ont disparu… recouverts de pierres ou remaniés au IIe siècle avjc… À l’époque de la dynastie Çunga, la construction de ces grands monuments funéraires, pleins et hémisphériques, se poursuit…

Les stûpas s’élèvent sur une base rehaussée d’une plate-forme circulaire qui supporte une balustrade. Cette barrière, vedica, permet de créer un espace de circulation rituel pour déambuler dans le sens solaire autour du stûpa… Selon les cas, une à quatre entrées permettent d’accéder au couloir de déambulation…

D’après des stûpas bouddhiques érigés à Sânchî ; et des lions, chapiteaux de Sânchî, dynastie Çunga, IIe et Ier siècles avjc ; Madya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Sous la dynastie Çunga, aux IIe et Ier siècles avjc, on élève de vastes stûpas bouddhiques en pierre en plein air… Les lions symbolisent la force spirituelle du prêche du Buddha…

Des reliques bouddhiques reposent dans les stûpas
Originellement, le stûpa n’est pas un monument exclusivement bouddhique, d’autres courants spirituels utilisent des stûpas pour abriter les reliques de leurs saints hommes, comme les Jaïns. Il est possible que la conception du stûpa remonte même à la lointaine époque védique…

La plate-forme circulaire du stûpa supporte une énorme partie hémisphérique au sein de laquelle se trouve l’Anda, l’œuf, dans lequel se trouve fiché un mât orné d’un ou plusieurs parasols (mais le faîtage des stûpas a souvent disparu)… Les précieuses reliques sont déposées dans l’Anda, à la base du mât…

D'après la Roue de la Loi et Lions, pilier d'Açoka, Sânchî 3, Madya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Roue de la Loi et Lions, pilier d’Açoka, Sânchî 3, Madya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le stupa n° 2 de Sanchi, un haut lieu construit à flanc de colline
Une barrière haute d’environ deux mètres entoure et délimite le stupa n° 2, érigé sur le flanc d’une colline… Son dépôt de reliques révèle qu’il est dédié à des maîtres du bouddhisme… Le stûpa n° 2 forme un hémisphère en pierre dont le sommet est plat. Ce sommet plat porte à l’origine une petite construction carrée et un mât accompagné d’un ou plusieurs parasols…

En Inde, dans le bouddhisme comme dans l’hindouisme, l’organisation de l’espace des lieux sacrés matérialise en général les quatre directions cardinales, Est, Ouest, Nord et Sud… Les quatre entrées du stûpa n° 2 de Sânchî se situent ainsi en concordance avec les points cardinaux. Ces entrées possèdent des avancées en chicane…

D'après un makara, créature mythique, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un makara, créature mythique, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le makara est une créature mythique associée à l’eau et à la fertilité…

Des bas-reliefs animent le décor les balustrades des stûpas
Les reliefs sculptés de Sânchî illustrent les commencements d’un art figuratif dont les figures sont empreintes de naïveté. Les inscriptions et les styles vestimentaires que l’on rencontre dans les représentations permettent de faire remonter le stûpa n° 2 au IIe siècle avjc…, c’est l’un des plus anciens…

Le sommet plat du stûpa n° 2 permet d’intégrer à l’ensemble une petite structure pyramidale composée d’éléments superposés en encorbellement, entourée d’une petite barrière et ornée d’un mât et d’un parasol, le tout aujourd’hui disparu… Si les sculpteurs réalisent la balustrade du stûpa dans la pierre, il la façonne à l’image d’une barrière en bois, faite de traverses et de montants…

Un décor sculpté et des bas-reliefs circulaires enrichissent et rythment la vedica (barrière ou balustrade)… Des montants verticaux croisent des traverses bombées des deux côtés. L’ensemble est fixé grâce à un système de mortaises (cavités) dans lesquelles s’emboîtent les traverses…

D’après la déesse Lakshmî baignée par deux éléphants, bas-relief, Sânchî, stupa n° 2, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Lakshmî baignée par deux éléphants, bas-relief, Sânchî, stupa n° 2, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Bain rituel, purification, consécration… les éléphants baignent Lakshmî, déesse de l’Abondance

L’ancestrale déesse Lakshmî à Sânchî
L’un des bas-reliefs en médaillon du stûpa n° 2 de Sânchî évoque la déesse Lakshmî, une divinité féminine dévouée à la fortune et à l’abondance… Deux éléphants versent de l’eau à l’aide de petits vases pour baigner la déesse…

Cette scène de consécration renvoie à l’adoption par le bouddhisme d’une très ancienne déité… Comme souvent dans l’art de l’Inde ancienne, les déesses ou les femmes sont représentées la poitrine et le ventre nus, dans des attitudes très sensuelles. La déesse Lakshmî porte un drapé, des bijoux et un bandeau dans ses cheveux…

Les artistes de Sânchî sculptent aussi de nombreux motifs floraux, des roues, et des animaux réels ou mythiques. On rencontre le paon, le lion, la gazelle, l’éléphant, le poisson, le makara… Les sculptures abondent plus particulièrement sur les piliers, au niveau des entrées des stûpas…

D’après un makara et poisson, médaillon sculpté, Bhârhut, IIe siècle avjc, dynastie Çunga, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un makara et poisson, médaillon sculpté, Bhârhut, IIe siècle avjc, dynastie Çunga, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème iconographique du makara
Sânchî abrite l’une des représentations les plus anciennes du makara… À l’origine, cette créature mythologique sert de monture au dieu védique Varuna… Il s’agit d’une sorte de monstre marin à tête de crocodile et à trompe d’éléphant, pourvu de nageoires et parfois d’écailles… Sur le relief de Sânchî n° 2, le makara à deux pattes ne porte pas d’écailles…

Avec des variantes de forme et de style, on rencontre fréquemment le thème du makara ou celui des serpents-nagâs dans l’art de l’Inde ancienne comme dans l’art de l’Asie du Sud-Est. Ces ancestrales créatures mythiques perdurent très longtemps dans l’iconographie artistique…

La présence symbolique et spirituelle du Buddha…
À Sânchî n° 2, les décors composés des reliefs sculptés semblent profanes au premier coup d’œil. Pendant longtemps, on ne se permet pas en Inde ancienne de représenter le Bouddha ou les divinités hindoues qui inspirent un trop grand respect…

D'après un cavalier, médaillon, Sanchî 2, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un cavalier, médaillon, Sanchî 2, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Il faut attendre la fin du Ie siècle et le IIe siècle apjc, pour que le personnage de l’Éveillé apparaisse dans les représentations bouddhiques… Les sculptures bouddhiques du stûpa n° 2 sont encore peu nombreuses et se concentrent au niveau des entrées… sans doute pour accueillir les visiteurs ou les pèlerins…

Des empreintes de pieds, la roue de la Loi, l’arbre pipal …
Dans un premier temps pour évoquer Buddha, les artistes vont donc suggérer sa présence par des symboles…, comme ses empreintes de pieds, un trône ou un siège vide, la roue de la Loi ou roue du dharma qui symbolise son enseignement, l’arbre pipal qui évoque l’Éveil (Boddhi) de Buddha à Bodhgayâ ou encore par des images de gazelles qui rappellent le premier sermon de Buddha dans le parc aux gazelles à Sârnâth.

Les Jâtaka racontent les vies passées du Buddha
Selon la doctrine bouddhiste, Buddha a connu plusieurs incarnations avant d’atteindre le Nirvana dans la dernière… On appelle Jâtaka les vies antérieures de Buddha. Certains reliefs de Sanchî 2 représentent des personnages : sont-ils profanes ou sont-ils des évocations de Buddha dans ses existences antérieures ?

D'après un personnage et des animaux, bas-relief, Sanchî 2, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un personnage et des animaux, bas-relief, Sanchî 2, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Trois thèmes bouddhiques principaux inspirent les sculpteurs : la dernière incarnation du Buddha, le récit de ses vies antérieures, et l’évocation de l’Éveil des sages qui ont précédé Siddhârta Gautama. Chacun d’eux se rattache à une essence particulière d’arbre boddhi et leur présence est suggérée par un siège vide… Voir aussi l’article Bouddhisme et Jaïnisme, des nouvelles sources d’inspiration artistique

L’ART DES SCULPTEURS MAGNIFIE LE STÛPA DE BHÂRHUT

À l’époque de la dynastie Çunga, on élève à Bhârhut un stûpa colossal paré de décors sculptés aux formes variées. Ce vaste monument de grès rouge est aujourd’hui ruiné… Les artistes composent des reliefs superposés et rectangulaires, des reliefs circulaires ou semi-circulaires. Sur un même relief historié, on peut raconter plusieurs épisodes d’une même histoire. Anecdotique au premier abord, l’art de Bhârhut se concentre en vérité sur l’essentiel d’un message spirituel…

D’après les empreintes du Buddha, symbole de sa spirituelle présence, relief historié, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les empreintes du Buddha, symbole de sa spirituelle présence, relief historié, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les vestiges du stûpa de Bhârhut
Le stûpa de Bhârhut se distingue à l’origine par des dimensions impressionnantes…. Comme à Sanchî n° 2, le stûpa de Bhârhut possède lui aussi quatre avancées et quatre entrées en chicane qui introduisent le visiteur ou le pèlerin dans l’espace de déambulation…

Le stûpa de Bhârhut est également pourvu d’une barrière de pierre de plus de deux mètres de haut pour l’entourer dont les montants, les traverses et les extrémités sont sculptés. Construit en grès rouge, il ne reste du monument qu’une petite partie de sa balustrade, des éléments sculptés des entrées et quelques vestiges d’une porte monumentale, un torana…

Les sculpteurs décorent la rampe de la balustrade sur ses deux côtés… un Yaksha, une Yakshî, un cavalier, un personnage peut-être royal et des scènes bouddhiques comme celle de l’Éveil du Buddha animent la vedica…

D’après un décor de balustrade, médaillons et Yakshî, déité de la végétation, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un décor de balustrade, médaillons et Yakshî, déité de la végétation, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Des compositions en médaillons sur la balustrade
À Bhârhut, on sculpte également les traverses de la barrière qui sont rythmées par de grands médaillons… Le musée de Calcutta abrite de nombreux reliefs travaillés dans le grès rouge… Les vestiges des sculptures de la balustrade remontent au IIe siècle avjc et parfois au Ier siècle avjc.

Selon Cunningham qui découvre les lieux en 1873, le stûpa de Bhârhut devait posséder à l’origine quatre toranas comme le laisse penser des fragments d’inscriptions, quatre portes installées sur l’extérieur mais dans l’alignement de la balustrade circulaire. De son côté, l’Indien Ananda Coomaraswamy pense qu’il n’y avait qu’une seule et unique porte à Bhârhut…

D’après le torana (porte) reconstitué de Bhârhut et ses makaras, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le torana (porte) reconstitué de Bhârhut et ses makaras, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La présence mythique du makara et de la déesse Lakshmî
Certains auteurs pensent que le stûpa de Bhârhut a pu être érigé par Açoka avant d’être agrandi et remanié sous les Çunga. Le grand torana reconstitué de Bhârhut affiche une ligne plutôt élégante et élancée…

… Il supporte trois linteaux entièrement sculptés sur lesquels des makaras viennent s’intégrer et s’enrouler dans les extrémités. Des lions croisés trônent en haut des deux jambages, piliers composés de quatre colonnes rassemblées en faisceau…

Dans la culture bouddhique le lion symbolise la puissance de l’Enseignement du Buddha, une voix (et une voie) comparée au rugissement royal de ce majestueux animal. Provenant du seul torana visible de nos jours, on retrouve les thèmes du makara et de la bienveillante déesse Lakshmî qui prodigue fortune et abondance…, comme à Sânchî n° 2.

D’après le bain de la déesse Lakshmî, médaillon sculpté en bas-relief, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le bain de la déesse Lakshmî, médaillon sculpté en bas-relief, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

À Bhârhut, un petit stûpa nous raconte une histoire…
Parmi les décors du stûpa de Bhârhut, l’un des bas-reliefs historiés représente un stûpa dont le dôme hémisphérique est surmonté par une petite barrière quadrangulaire.

L’ensemble représente une surélévation de plateaux carrés et en encorbellement, à décor de moulures. On ne sait pas si dans la réalité les trois étages du stûpa sont construits en un seul bloc ou un par un… Un mât à parasol est fiché au sommet du monument.

Les personnages se distinguent par leurs dimensions plutôt disproportionnées et par un rendu assez archaïque. Deux êtres surnaturels et ailés volettent de chaque côté de l’édifice funéraire…

D’après la représentation d'un stûpa et personnages ailés, bas-relief, Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la représentation d’un stûpa et personnages ailés, bas-relief , Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

À Bhârhut, les Jâtaka et les vies antérieures du Buddha
La rampe du stûpa de Bhârhut sert aussi de support à un décor couvrant de motifs de liane et d’éléphants. Dans les méandres de la rampe, apparaissent des petites scènes sculptées dans un style assez naïf…

Il s’agit de divers épisodes Jâtaka qui racontent les vies antérieures du Buddha. L’Éveillé est représenté en fonction de ses diverses incarnations passées. Ces scènes historiées en bas-relief ressemblent à des contes en images…

Bhârhut et le conte du grand Cerf au pelage doré…
Sur la rampe de la balustrade de Bhârhut décorée d’une liane porteuse de fruits et de parures, un des bas-reliefs Jâtaka illustre l’histoire du grand Cerf au pelage doré. Cette légende bouddhique raconte un épisode de la vie de l’Éveillé dans l’une de ses précédentes incarnations…

Le futur Buddha fut un grand Cerf au pelage doré qui vivait en retrait. On raconte comment un jeune héritier ayant rapidement dilapidé toute sa fortune se jeta à l’eau pour se suicider avant d’être sauvé par le roi des Cerfs… qui lui fait promettre ensuite de ne pas révéler le lieu de sa retraite. Le jeune homme promet…

D’après le Jâtaka du Cerf, médaillon sculpté en bas-relief, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Jâtaka du Cerf, médaillon sculpté en bas-relief, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

… Un grand Cerf merveilleux
En ville, la reine rêve d’un grand Cerf merveilleux et le roi offre une récompense pour une chasse qui permettra de trouver le Cerf au pelage doré… Cupide, le jeune homme trahi sa parole pour toucher la récompense et conduit le au roi dans sa chasse au Cerf. L’animal au pelage doré s’entretient avec le roi qui renonce alors à l’abattre…

… Choqué par l’ingratitude du jeune homme, le roi s’apprête à le condamner à mort…, mais le grand cerf pardonne le fautif et lui sauve la vie encore une fois. L’originalité des Jâtaka s’exprime par le propos moral qui clôt chacun de leur récit, comme dans des fables populaires.

Un riche décor sculpté habille la vedica de Bhârhut…
Des cavaliers sur leur monture, cheval ou éléphant, semblent monter la garde au niveau des entrées du stûpa de Bhârhut. Les personnages sont vêtus à la mode de l’époque… avec des drapés courts pour les hommes comme pour les femmes.

Un pan du vêtement se passe entre les jambes et forme un drapé à l’arrière, un autre pan de tissu retombe sur le devant en plissé… On porte des turbans agrémentés d’un tissu enroulé en boule, des bandeaux dans les cheveux, un drapé sur le bas du corps, parfois une écharpe et des bijoux…

Les reliefs historiés nous racontent la vie quotidienne dans le monde profane d’une façon très détaillée : architecture, mode et objets… On peut voir des chasse-mouches, des miroirs, des bijoux, des parasols, des livres, des lampes…

D’après un cavalier à dos d’éléphant, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc ; un portrait féminin sculpté, stûpa de Bhârhut, début Ier siècle avjc ; et un personnage masculin coiffé de son turban à boule, bas-relief circulaire, stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc ; Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Des personnages divins et profanes
Les bas-reliefs en médaillon et les personnages de la barrière en grès rouge attirent le regard des visiteurs… Des divinités debout, à dos d’éléphant, à cheval, accompagnées d’animaux ou de sortes de gnomes semblent veiller sur les lieux. Ces devatâs (dieux) sculptés sont identifié par des inscriptions et côtoient des personnages profanes.

Certains personnages portent des bannières peut être royales, comme dans un défilé… l’une des bannières est ornée d’un génie-oiseau (Kinnara)… On rencontre aussi des femmes munies d’un miroir. Le traitement et le modelé des animaux contrastent avec le rendu assez sommaire des personnages aux traits plats et simplifiés…

D’après un roi-nâgâ, déité aquatique de la fertilité ; un yaksha au trait naïf coiffés d’un turban à boule, et médaillons sculptés ; et un cavalier portant une enseigne ; strong>stûpa de Bhârhut, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

YAKSCHΠET YAKSHA, DÉITÉS DE LA VÉGÉTATION ET DES ARBRES

Les Yakschî, déités ancestrales des arbres
À Bhârhut, parmi la profusion de représentations à caractère sacré, on rencontre diverses divinités traditionnelles comme le dieu de la richesse, un roi nagâ, ou des Yakschîs et Yakshas…

Les Yakschî sont des divinités des arbres qui appartiennent à la tradition ancestrale de l’Inde ancienne. Elles sont en général représentées debout auprès d’un arbre dont elles tiennent une branche d’une main et touchent le tronc du pied. Une de leur jambe est repliée…

D'après une Yakshî parée, Bharhût, début Ier siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une Yakshî parée, Bharhût, début Ier siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les arbres et le bois dans la tradition bouddhique…
Les Yakshî arborent un grand bandeau plat sur la tête, au moins une natte, et sont parées de bijoux. On retrouve les Yakshî dans l’iconographie bouddhique où les arbres et le bois jouent un grand rôle…

… comme le pipal de l’éveil, l’ashoka sous lequel la mère de Buddha lui donne naissance, le jambosier sous lequel le saint médite, le manguier sous lequel il réalise un miracle, le sal sous lequel il s’éteint physiquement. Et selon la tradition bouddhique, dans le passé, chacun des prédécesseurs du Buddha a atteint l’éveil sous un arbre spécifique…

D’après des Yaksha et arbre de l’éveil, Bhârhut, médaillons sculptés, vers le IIe siècle avjc, Madhya Pradesh ; une Yakshî, déité de la végétation, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne ; et une évocation de la naissance de Buddha dans le jardin de Lumbini, devenu un lieu de pèlerinage, peinture, Laos. (Marsailly/Blogostelle)

La reine Maya s’accroche à la branche d’un arbre, dans une attitude qui rappelle celle des ancestrales Yakschî…

Les Yaksha, divinités agrestes de la végétation
Comme les Yakschî, les Yaksha sont également des déités des arbres, de la nature et de la végétation, qui remontent aux très anciennes traditions de l’Inde. Considérés comme bienveillants, on rencontre les Yaksha dans l’iconographie bouddhique, jaïn et hindoue.

D'après des Yaksha et arbre de l'éveil, Bhârhut, médaillons sculptés, vers le IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des Yaksha et arbre de l’éveil, Bhârhut, médaillons sculptés, vers le IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Certaines divinités mineures mais populaires et traditionnelles sont assimilées par les doctrines bouddhiques, hindoues et jaïns pour favoriser l’adhésion d’un plus grand nombre d’adeptes… Mais ces divinités mineures sont sans doute aussi reconnues pour leur signification sacrée… À Bhârhut, comme pour les personnages profanes masculins, les Yakshas arborent des turbans à boule… Voir aussi l’article L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant

DES RELIEFS HISTORIÉS RACONTENT DES ÉPISODES DE LA VIE DU BUDDHA…

À Bhârhut, la chevelure de Siddhârta repose dans le palais d’Indra…
De nombreux bas-reliefs historiés de Bhârhut sont consacrés à des thèmes bouddhiques et hindous. Ces images sculptées évoquent l’architecture et la vie quotidienne au IIe siècle avjc… L’une d’entre-elles illustre comment Siddhârta Gautama renonce à sa coiffure de prince…

Ses cheveux sont ensuite recueillis par les dieux… La chevelure de celui qui va devenir Buddha repose dans le palais d’Indra, posée sur un élément qui ressemble à un autel installé sous le dôme du sanctuaire… Le palais d’Indra, dieu védique de l’Orage qui perdure dans l’hindouisme, dessine un temple circulaire…

Le dôme du sanctuaire et la salle de l’Assemblée des Dieux
Des colonnes supportent le dôme charpenté du temple d’Indra adossé à un palais. Cet édifice sacré possède une porte monumentale à plein cintre, un auvent décoré et un assemblage à claire-voie (en bois dans les constructions réelles). Une inscription précise qu’il s’agit de la salle d’Assemblée des Dieux…

D'après L'Assemblée des Dieux, Bhârhut, bas-relief sculpté, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Assemblée des Dieux, Bhârhut, bas-relief sculpté, IIe siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Sur le relief de L’Assemblée des Dieux, la chevelure abandonnée par le prince Siddhârta Gautama repose dans le palais du dieu Indra…

Le futur Buddha quitte le palais de son père à la recherche de l’enseignement et de l’éveil. Il se défait alors de ses cheveux qui montent au Ciel des trente-trois dieux. La vie spirituelle évolue du védisme au brahmanisme… Les trente-trois dieux védiques originels continuent d’être vénérés dans l’hindouisme et sont également reconnus et adoptés par le bouddhisme…

Un spectacle de danse…
À Bhârhut, la taille des personnages est franchement disproportionnée par rapport aux éléments de l’architecture comme les colonnes, les portes ou les fenêtres. Sur le bas-relief du palais d’Indra, on assiste à un spectacle de danse qui se déroule au premier plan…

Pour suggérer à la fois la distance et l’espace, les artistes implantent les scènes de premiers plans au point le plus bas de leurs représentations. Les scénarios plus lointains sont placés plus ou moins haut pour évoquer une plus grande distance… À cette époque, les artistes ne connaissent pas les règles de la perspective et l’expriment en projetant un plan horizontal sur un plan vertical.

D'après un palais et la Roue de la Loi, IIe siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un palais et la Roue de la Loi, IIe siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les architectes du IIe siècle avjc élèvent des palais à deux étages…
Temple et palais : une architecture de pierre et de bois savamment conçue… Sur divers reliefs de Bhârhut, les sculpteurs évoquent une foule de personnages. Parfois des individus apparaissent aux balcons d’un palais ou au niveau de ce qui ressemble à une véranda ou à un espace ouvert sur l’extérieur, comme un péristyle…

Il semble que dès le IIe siècle avjc, les architectes construisent déjà des palais à deux étages munis de toits en berceau, et rythmés de baies et de balcons. Certaines ouvertures en plein cintre correspondent peut-être à des portes-fenêtres donnant accès à des balcons…

On utilise sans doute du bois pour construire le plateau des étages des palais. Une porte monumentale à auvent orné d’un arc décoratif ouvre parfois peut-être sur un temple… L’ensemble des reliefs historiés de Bhârhut laisse imaginer une architecture déjà très élaborée au IIe siècle avjc…

On peut apercevoir le motif de l’arc en plein cintre sur de riches demeures, sur des palais ou sur des temples. On retrouve ensuite le principe du plein cintre sur les immenses entrées des temples rupestres du premier siècle apjc…

D'après un palais et une scène d'hommage royal à Buddha, relief historié, IIe siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un palais et une scène d’hommage royal à Buddha, relief historié, IIe siècle avjc, Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

LE SONGE DE LA REINE MAYA, MÈRE DU BUDDHA

La reine Maya rêve d’un éléphant blanc…
Parmi les reliefs les plus tardifs de Bhârhut, aux environs du Ie siècle avjc, un médaillon sculpté représente la reine Maya endormie, vêtue d’un long drapé… Il semble que la manière de se vêtir évolue…

Au Ier siècle avjc, on abandonne les drapés courts pour de longs drapés féminins qui couvrent les jambes. La reine est allongée sur un lit dont les pieds sont sculptés et dispose d’une lampe. Cette composition anecdotique se présente comme une scène de la vie quotidienne…

En fait, une inscription nous précise qu’il s’agit de La Descente du bienheureux… Un éléphant blanc, l’enfant, apparaît en songe à la reine et pénètre dans son flanc. Cet épisode évoque l’immaculée conception liée à la conception et à la naissance du Buddha et se rapporte à la dernière incarnation de l’Éveillé…

La tradition bouddhique raconte comment l’éléphant blanc pénètre dans le flanc de sa mère, et comment au moment de sa naissance, l’enfant Siddhârta Gautama vient au monde en sortant également du flanc de sa mère sans la meurtrir. Ces deux thèmes sont souvent illustrés dans l’iconographie bouddhique…

D'après La Descente du bienheureux, médaillon sculpté, Ier siècle avjc, stûpa de Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Descente du bienheureux, médaillon sculpté, Ier siècle avjc, stûpa de Bharhût, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La reine Maya rêve d’un éléphant blanc… Le dieu Soleil et ses deux épouses sur son char à quatre chevaux. Originellement, dans la tradition védique, le char de Sûrya est tiré par 7 chevaux ou un unique cheval…

Le temple de Bodhgayâ construit sous la dynastie Çunga
Non loin de Bombay au Mahârâsthra, dans l’Ouest de l’Inde, quelques vestiges témoignent du grand temple bouddhique érigé à Bodhgayâ à la fin du règne des Çunga au Ier siècle avjc… C’est à Bodhgayâ que Buddha médite et atteint l’illumination sous l’arbre de la Boddhi ou arbre de l’Éveil.

À l’origine, ce haut lieu saint du bouddhisme ne comporte pas de stûpa mais un temple immense entouré d’une balustrade, disparu de nos jours… Comme pour la vedica du stûpa de Bharhût, les artistes sculptent la balustrade qui entoure le temple de Bodhgayâ … Des compositions claires, simples et vivantes évoquent là aussi le monde profane et le monde sacré…

Les thèmes iconographiques bouddhiques se concentrent sur la dernière vie du Buddha… Ces images sculptées côtoient des divinités hindoues et des scènes de la vie quotidienne… Parmi les représentations des temples, l’un d’eux possède déjà une entrée monumentale en plein cintre, dont l’immense porte est flanquée de deux portes plus petites…

D’après Sûrya, dieu Soleil, relief, balustrade de Bodhgayâ, Ier siècle avjc, Mahârâsthra, Ouest ; et un motif de spirale, détail du grand stûpa n° 1 de Sânchî, vers le Ier siècle avjc, Madhya Pradesh, Nord, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

L’époque de la dynastie Çunga s’achève… Entre le Ier siècles avjc et le Ier apjc, on érige des stûpas à Sânchî, dans le Nord de l’Inde, ainsi que les premiers temples rupestres. Le site bouddhique de Sânchî, au Madhya Pradesh, s’enrichit au rythme des évolutions artistiques, et son plus monumental stûpa, dit stûpa n°1, est érigé entre le IIIe et le Ier siècle avjc…

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Publié par Maryse Marsailly

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