Osiris et Seth, l’essence de l’équilibre
Le dieu Osiris, roi du royaume d’Égypte, enseigne l’agriculture aux populations, met en place des lois et apparaît comme l’initiateur de la civilisation. Son frère, le dieu Seth, est le puissant seigneur des déserts, des montagnes et des orages. Osiris et son épouse Isis, Seth et Horus, fondent la légitimité mythique de la souveraineté égyptienne incarnée par le premier pharaon, Horus…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Époque Thinite vers 3400-2980 avjc. Ancien Empire 2980-2475 avjc. Moyen Empire 2160-1788 avjc. Nouvel Empire 1580-1090 avjc. Troisième période intermédiaire 1090-663 avjc. Basse Époque 663 avjc – 332 avjc (domination Perse 525 avjc – conquête Alexandre le Grand 332 avjc). Époque ptolémaïque 332-30 avjc. Époque Romaine 30 avjc- IVe siècle.
OSIRIS, DIEU-ROI CIVILISATEUR
Le dieu Osiris incarne la légitimité du trône, l’ordre et le modèle exemplaire de la gouvernance, dont Horus, premier pharaon mythique, deviendra l’héritier. Seth personnifie une puissance sauvage et une grande force physique, génératrice du désordre ou nécessaire pour défendre l’équilibre universel et la royauté…

Osiris, fils de Geb et de Nout
La mythologie égyptienne de l’Ennéade d’Héliopolis raconte que le dieu Terre Geb et la déesse Ciel Nout donnent naissance à quatre enfants. Ce sont les dieux Osiris et Seth et les déesses Isis et Nephthys. Osiris, Seth, Isis et Nephthys sont donc frères et sœurs…
Osiris le civilisateur règne sur la Terre…
Osiris a pour épouse la déesse Isis, et Seth a pour compagne Nephthys. Selon la tradition mythique, c’est à Osiris qu’est confiée la responsabilité de régner sur la Terre et de gouverner pour le bien de l’Humanité.

Osiris, souverain exemplaire, enseigne l’agriculture aux habitants de l’Égypte et met en place des lois. Il initie la civilisation et incarne le souverain modèle…
Osiris, dieu originel de la fertilité et de la végétation
Osiris possède une dimension funéraire
À l’origine, le dieu Osiris se manifeste comme un dieu de la fertilité et de la végétation. Ensuite, à partir de l’Ancien Empire, l’importance et l’extension du culte d’Osiris lui permet sans doute d’assimiler d’autres divinités souterraines (chtoniennes) et d’acquérir aussi une dimension funéraire.


D’après une Osiris, le corps enveloppé d’un linceul, statue, bois stuqué peint à l’origine et métal, 332 – 30 avjc, époque ptolémaïque ; Osiris, statuette votive creuse de Ankhpakhered, bois peint, 379 – 342 avjc, XXXe dynastie, Basse époque ; Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Statues votives et pilier Djed d’Osiris
Certaines statues votives d’Osiris sont creuses et contiennent un papyrus du Livre des Morts. Ainsi, chaque défunt se place sous la protection d’Osiris, devenu roi de l’Au-delà et de l’Éternité.
Par ailleurs, Osiris possède une dimension cosmique avec le pilier Djed qui représente la « colonne vertébrale » du dieu, symbole de la stabilité universelle…

OSIRIS PORTEUR DE SALUT
Osiris, souverain du royaume des Morts
Le dieu Osiris se rattache à la crue du Nil, à la fertilité, à la Lune et à la royauté. Mais c’est en tant que souverain du royaume des Morts et en maître de l’Éternité que le dieu Osiris, divinité ressuscitée, donc porteuse de salut, va connaître une grande popularité dès le Moyen Empire…
Le plus souvent, les textes de l’Égypte Ancienne contiennent des bribes ou des allusions du mythe d’Osiris. À l’époque, chaque Égyptien est censé connaître l’histoire d’Osiris…


D’après le nom partiel d’Osiris, peinture, mastaba d’Irukaptah Khenu, boucher en chef, Ve dynastie, nécropole de Saqqarah, Ancien Empire ; et le hiéroglyphe d’Osiris ; Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Le hiéroglyphe du nom Osiris comporte un “trône”, comparable à celui de la coiffe de la déesse Isis, son épouse et un motif d’œil. L’œil oudjat (« intact ») d’Horus évoque l’intégrité et la complétude. Le dieu porte la croix ansée Ankh, « Vie », sur ses genoux. Cette croix de Vie est particulièrement associée à la déesse Isis, épouse d’Osiris.
Voir aussi l’article Le culte d’Osiris, dieu de l’Au-delà et de l’Éternité, prend de l’ampleur au Moyen Empire – La triade Osiris-Isis-Horus

La barque solaire d’Osiris
Dans le temple d’Hathor, au-dessus de la barque solaire d’Osiris, accompagné des déesses Isis et Nephtys, apparaît le Soleil Levant Khepri sous la forme du scarabée ailé. Sur les côtés, les âmes des ancêtres royaux de Nekhen et de Pé, à tête de chacal et de faucon, saluent la royale embarcation.
Le Soleil Levant, l’une des facettes de Rê, renvoie à la résurrection d’Osiris qui, ainsi, s’identifie au dieu solaire renaissant quotidiennement à l’aube…
Voir aussi l’article Le culte solaire nourrit la symbolique funéraire
SETH, IMPRÉVISIBLE SEIGNEUR DU DÉSERT
Frère d’Osiris, le dieu Seth, est le seigneur et maître des déserts et des montagnes, des lieux hostiles et arides et du monde sauvage. Seth préside aussi aux tempêtes, aux orages, au tonnerre, et aux phénomènes imprévisibles, dangereux, violents…

Seth ne renonce jamais à la lutte
Le dieu Seth, dit aussi “Celui du Sud” (la Haute- Égypte) ou “Celui des bandelettes”, est très vigoureux et très puissant. Doté d’une force physique incomparable et très combatif, comme les animaux sauvages, Seth ne renonce jamais à la lutte.
On l’associe d’ailleurs à l’hippopotame mâle, un animal redouté pour ses attaques. Imprévisible et jaloux (notamment de son frère Osiris), Seth peut mettre en danger l’harmonie réglée par Maât, déesse de la Vérité, de la Justice et de l’Ordre universel.

Cependant, Seth peut aussi mettre sa force et sa puissance de combat au service du dieu Rê, de l’ordre, de la royauté et de la protection du cycle de la vie…
L’étrange figure de Seth aux longues oreilles
Les artistes représentent le dieu Seth avec une longue queue fourchue et une tête de canidé indéfinissable, qui rappelle celle des renards du désert.
Le sceptre Ouas, symbole de puissance divine
Cette figure étrange, aux longues oreilles et au museau recourbé, rappelle aussi le motif au sommet du sceptre Ouas, long bâton dont l’extrémité inférieure est fourchue. Attribut des dieux, le sceptre Ouas symbolise la puissance divine…



D’après le dieu Seth à tête de canidé, stèle du roi Thoutmosis, linteau, temple de Seth, XVIIIe dynastie, et un grand sceptre Ouas, tête de canidé, symbole de pouvoir divin, faïence bleu, temple de Noubt dédié à Seth, Naqada, 1427- 1401 avjc, XVIIIe dynastie ; Nouvel Empire. Tête de canidé du sceptre Ouas, faïence, Basse Époque, ; Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Seth uni à des déesses orientales
Seth devient plus tard la divinité des pays étrangers. En tant que tel, l’époux de Nephtys se voit aussi attribuer des parèdres orientales : les déesses Anat, sœur de Baal et déesse guerrière, et Astarté, épouse de Baal, puis la déesse Ishtar babylonienne. Ces déesses sont alors considérées alors comme des « filles de Rê ».

Les déesse Astarté et Anat
Ainsi, sur une stèle en calcaire, la déesse Astarté, parèdre de Seth, reçoit une offrande de Ramsès II. La grande déesse orientale prend les traits d’Anat ou d’Astarté, déesse de la Fécondité et de la Guerre, sœur et épouse de Baal, dieu de l’Orage. Elle se manifeste aussi sous la forme d’Inanna ou Ishtar, déesse mésopotamienne de l’Amour, de la Fécondité et de la Guerre…

Seth possède une nature complexe et ambiguë
Seth incarne la force guerrière
Dieu impétueux, dangereux et imprévisible, Seth apparaît comme une divinité à la nature sauvage, complexe et ambiguë. Il se soumet finalement à Horus après un terrible combat remporté par le jeune dieu. Horus venge ainsi son père, Osiris, assassiné par son oncle Seth.
Le dieu Seth devient alors le bras armé du royaume d’Égypte auprès d’Horus, premier pharaon mythique. Ainsi, Seth apporte sa très puissante force guerrière aux pharaons qui partent au combat…

Le dieu Seth terrasse Apophis
Le dieu Seth apparaît aussi parfois auprès de Rê, dont il protège la barque solaire au cours de son périple dans les ténèbres de la nuit. Ainsi, Seth combat le monstrueux serpent Apophis qu’il transperce de sa lance.
Comme sur un papyrus de la prêtresse Heruben ou Herouben, (XXIe dynastie), dont une autre image montre aussi un personnage divin à tête de Lion terrassant Apophis avec des couteaux. Animal sauvage et puissant, le lion évoque le dieu Seth…

Dans les représentations funéraires, le reptile géant Apophis symbolise les forces du désordre et de la destruction qu’il faut combattre pour assurer la continuation de la vie… Ne pas confondre Apophis avec le serpent Mehen, coiffé d’une couronne royale qui, lui, protège la cabine du dieu Soleil au cours de sa navigation nocturne dans le monde d’en bas, la Douât
Seth protège le divin Soleil et la royauté
Seth l’imprévisible joue un rôle nécessaire
La tête du dieu Seth rappelle celle du renard des sables, un animal du désert. Seth apparaît comme le semeur des troubles violents qui menacent l’équilibre du monde régi par la déesse Maât. Combattu et à chaque fois vaincu, Seth l’imprévisible joue pourtant un rôle nécessaire en permettant l’avènement d’une ère nouvelle…

Seth participe à l’équilibre universel…
Ainsi, dans la mythologie égyptienne, son meurtre perpétré par Seth permet à Osiris de ressusciter, de devenir le dieu des morts et de l’éternité. Et ainsi de créer l’espoir et le Salut. Seth permet aussi à Horus, fils légitime d’Osiris, de devenir le premier pharaon de l’Égypte unifiée.
Voir aussi l’article Le mythe d’Osiris, de la déesse Isis et de leur fils Horus
Parfois au-devant de la barque de Rê, le dangereux dieu Seth met sa redoutable force au service de la vie et transperce de sa lance les ennemis du dieu Rê au cours du périple nocturne de la divinité solaire.

Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le dieu Rê crée le Premier Jour et L’Art de l’Égypte ancienne, les artistes illustrent des univers mythiques
Seth se soumet à l’autorité royale d’Horus…
Seth confère aussi à pharaon sa puissance guerrière. Sur un relief sculpté en creux du temple de Ramsès II, le roi est couronné à la fois par Seth et par Horus. Un symbole politique, quand la force de combat de Seth se soumet à l’autorité royale d’Horus, mais aussi un symbole d’équilibre cosmique…


D’après Seth et Horus, couronnant Ramsès II temple de Ramsès II (1279-1213 avjc), XIXe dynastie, Abou Simbel ; et le dieu Seth, tête de canidé, détail, groupe sculpté, temple de Ramsès III, Thèbes, XXe dynastie ; Nouvel Empire, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
L’union de la Basse et de la Haute Égypte
Seth, protecteur de la royauté auprès d’Horus
On rencontre le dieu Seth, protecteur de la royauté, auprès du dieu Horus, sur des images du couronnement de pharaon. Seth et Horus sont encore représentés ensemble, encadrant tous les deux le motif du Sema-Taouy, symbole de l’union des Deux-Terres, de la réunion de la Basse et de la Haute Égypte sous l’autorité royale.
Sur une stèle du roi Thoutmosis, Horus et Seth relient les papyrus de la Basse-Égypte, au Nord, et les lys ou lotus de la Haute-Égypte, au Sud. Cette image emblématique forme le Sema-Taouy, symbole des Deux-Terres unifiées dans le royaume d’Égypte.

Déesse cobra Ouadjet et déesse Vautour Nekhbet
La Basse-Égypte, au Nord du pays (Delta), et la Haute-Égypte, au Sud, possèdent leurs symboles et leurs divinités propres. La Basse-Égypte est placée sous l’égide de la déesse Cobra Ouadjet, et de l’ancestrale et guerrière déesse Neith. Ses emblèmes sont la Couronne Rouge, l’abeille, et le papyrus, plante aquatique.
La déesse Vautour Nekhbet veille de son côté sur la Haute-Égypte, dont les symboles sont la Haute Couronne Blanche, le jonc (roseau) et le lys ou le lotus. Le roi de Haute et de Basse-Égypte est « Celui qui appartient au jonc et à l’abeille « , dont le double pouvoir royal s’exprime dans la double couronne, le Pschent.

Sur le pectoral de Toutankhamon, le dieu Osiris, coiffé de la couronne Atef, est ainsi encadré par les déesses de la Basse et de la Haute Égypte, Nekhbet et Ouadjet. Un autre motif représente le pilier Djed d’Osiris encadré par les déesses Isis et Nephtys.
Les ennemis « traditionnels » de l’Égypte
Sur le socle d’une statue du roi ptolémaïque Nectanébo II, apparaissent neuf arcs pour désigner les peuples soumis par pharaon, et concrètement placés sous les pieds du roi… Au-dessus des neuf arcs, deux oiseaux incarnent les égyptiens de la Basse Égypte, au Nord, et de la Haute Égypte, au Sud.
Les neuf arcs évoquent les ennemis traditionnels du royaume, que l’on retrouve sur les côtés du socle sous la forme de prisonniers ligotés, entourant le nom du Roi. Quatre peuples au Nord et cinq peuples au Sud sont ainsi placés sous l’autorité royale.

Seth à la force invincible protège l’Égypte
Mais, à l’époque de Nectanébo II, la liste des noms des peuples soumis est déjà mythique depuis longtemps et ne correspond pas à des populations contemporaines. Ce type de représentation traditionnelle vise surtout à rappeler la puissance de pharaon et de l’Égypte face à ses ennemis.
Cette invincible force guerrière s’incarne dans le dieu Seth, protecteur de la royauté et du pays… Si Horus personnifie la royauté mythique, bienveillante et exemplaire, Seth incarne le bras armé qui protège l’Égypte contre ses ennemis, provenant de l’intérieur comme de l’extérieur.

La double nature de Seth et d’Horus
Si Horus et Seth jouent un rôle dans l’équilibre politique du pays, ces divinités se rattachent aussi à la notion de justice universelle et d’équilibre universel, concrétisés sous la forme de la déesse Maât, grande et importante divinité, représentée ailée et coiffée d’une plume.
L’alliance de Seth et d’Horus
L’alliance de Seth et d’Horus exprime ainsi la dualité royale, mais aussi une dualité et complémentarité cosmique. Ce principe de dualité s’exprime par ailleurs dans l’art égyptien fondé sur une rigoureuse symétrie… Comme, aussi, on peut le voir dans l’art mésopotamien.

« Je suis Seth grand de puissance, je suis Horus grand de frayeur »
BIFAO 111 (2011), Yvan Koenig Histoires sans paroles (P.Deir al-Médîna, époque ramesside).
Seth remplacé par le dieu Thot
Plus tard, à la Basse époque, on ne considère Seth que son aspect sombre et dangereux : Seth est alors remplacé par Thot, dieu sage et savant, auprès d’Horus.
Par ailleurs, les Grecs assimilent Seth au terrifiant Typhon. Fils de Gaïa (la Terre) et du Tartare, sombre puissance primitive, Typhon est un monstre gigantesque, associé aux tempêtes et aux forces volcaniques…

Apophis-Typhon personnifie les forces du chaos
Dans la mythologie égyptienne, Apophis (Aapep ou Aapef) personnifie les forces du chaos, du mal et de l’obscurité, comme le Typhon grec. Mais, comme le monstrueux serpent Apophis, Seth ne peut jamais être complètement anéanti…
Apophis aspire à détruire la création divine, son nom signifie « géant » ou « serpent géant ». Le dieu solaire Rê doit le vaincre chaque nuit afin de renaître chaque matin. Le Soleil Rê assure ainsi la continuité de la recréation du monde et de la vie sur la Terre, chaque jour…
Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le dieu Rê crée le Premier Jour

Dans le cycle mythique Osiris-Isis-Horus, raconté par Plutarque, la déesse Isis, reconstitue le corps de son époux, découpé en morceaux par son frère Seth, son assassin. Le jeune dieu Horus, fils d’Osiris et de la déesse Isis, combat Seth, son oncle, et venge son père. Osiris ressuscité devient le souverain du royaume de l’Au-delà…
Article suivant Le mythe d’Osiris, de la déesse Isis et de leur fils Horus
De Iside et Osiride (Isis et Osiris), Œuvres morales, un traité mythologique et philosophique écrit en grec ancien par Plutarque (45 – 125), après 100 apjc, à partir des Textes des pyramides, des Textes des sarcophages et du Livre des morts.
Et aussi Le personnage séthien : Bulletin de l’institut français d’archéologie orientale, BIFAO 111 (2011), p. 243-256, Yvan Koenig, Histoires sans paroles (P.Deir al-Medîna 45, 46, 47). Voir ifao.egnet.net/bifao/111/14/
Des écrits sacrés ? Les Textes des Pyramides, qui remontent à l’Ancien Empire (entre 2980 – 2475 avjc) ; Les Texte des Sarcophages, depuis la fin de l’Ancien Empire et au Moyen Empire (vers 2160 – 1788 avjc) ; Le Livre pour Sortir au Jour (dit Livre des Morts), au Nouvel Empire (vers 1580 – 1090 avjc)…
Un roman ? Sinouhé l’Égyptien, de Mika Waltari, les aventures de Sinouhé, médecin et espion du pharaon Aménophis IV (Akhénaton)… Un conte initiatique ? Her-Bak Pois Chiche, de Isha Schwaller de Lubicz, qui raconte l’éveil d’un jeune égyptien sous la XXe dynastie, dans la région de Thèbes (Karnak, Louxor)…
