Le labyrinthe emprisonne ou libère
Symbolisme : triskèle, svastika et labyrinthe (4) … La symbolique du labyrinthe nous mène aussi à la signification des mandalas, composés de lignes complexes. Si les nœuds, les fils et les chaînes peuvent également signifier un parcours ponctué d’aléas, ils renvoient par ailleurs aux liens qui nous entravent ou nous unissent, ainsi qu’à la “trame cosmique” qui se “tisse” dans l’univers. Le labyrinthe s’identifie encore à “une loge invisible”…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mai 2023 –

MINI-SOMMAIRE. 1. Le Sacré : le symbolisme du triskèle, du svastika et du labyrinthe – Triskèle versus svastika, symboles cosmiques – 2. Le Sacré : du svastika au labyrinthe, la quête de la transcendance – Comme Thésée, suivre “le fil d’Ariane”… – 3. Le Sacré : la symbolique du labyrinthe, espace sacré, défensif et initiatique – Le parcours complexe du labyrinthe – 4. Le Sacré : du labyrinthe à l’entrelacs, on chemine sur le fil – Le labyrinthe emprisonne ou libère.
LE LABYRINTHE AU TRACÉ MULTIPLE
Des mandalas bouddhiques aux paysages des lettrés chinois en passant par les compositions de jardins, le thème sacré du labyrinthe, “loge invisible”, évoque un parcours semé d’embûches…
Labyrinthe et mandala
Le mandala, une image rituelle
La symbolique du labyrinthe nous conduit aussi à celle des mandalas, diagrammes symboliques, composés de tracés compliqués. Dans les deux cas, on évoque une série d’épreuves ou de dangers associés à un cheminement spirituel vers “le centre caché”… et que tous ne pourront pas atteindre…

Dans l’hindouisme et le bouddhisme, les mandalas forment des figures mystiques et rituelles. Sous la forme de diagrammes géométriques variés, les mandalas résument symboliquement le cosmos, les différentes relations qui se créent dans l’Univers et entre les êtres…, ainsi que les liens qui s’établissent entre le monde matériel et le principe spirituel…
Un support pour la méditation
Dans le bouddhisme tibétain Vajrayana, les moines tracent des mandalas comme supports pour la méditation. On réalise deux sortes de mandalas : les mandalas sur thangka, peints sur une toile et protégée de tissu, que l’on peut enrouler et transporter avec soi ; et les mandalas éphémères, dessinés à l’aide de sables colorés.

Dans le tantrisme hindou et bouddhique, le mandala représente l’évolution et l’involution de l’univers par rapport à un point central. Dans le bouddhisme, le mouvement circulaire de la roue symbolise la Loi ou Dharma auquel sont soumis tous les êtres vivants…
Voir aussi l’article La Roue tourne pour l’Univers…
Une image archétypale du “Soi”
Selon Carl Gustav Jung, le mandala est une image archétypale du “Soi” universel, dont la perception peut être inconsciente ou devenir consciente dans le “processus d’individuation”.
Pour Jung, ce périple intérieur trouve une correspondance avec la symbolique alchimique, notamment celle du labeur de l’alchimiste pour réaliser le Grand Œuvre, grâce au « feu qui ne brûle pas ».

Le mandala, un parcours d’éveil
Selon le Dalaï-Lama « L’initiation de Kalachakra est l’une des plus importantes du bouddhisme car elle prend tout en compte : le corps et l’esprit humain, l’aspect extérieur total – cosmique et astrologique. Par sa pratique complète, il est possible de réaliser l’Éveil en une seule vie…
… Nous croyons fermement en son pouvoir de réduire les tensions, nous l’estimons apte à créer la paix, la paix de l’esprit et par conséquent la paix dans le monde. » (L’Initiation de Kalachakra, de Dalaï-lama XIV Tenzin Gyatso, 2001)


D’après une série de paysages, La Visite de l’empereur Kangxi, peinture chinoise, de Wang Hui, 1698, encre et couleur sur soie, début dynastie Qing, Chine ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Les sentiers de la sagesse chinoise
Labyrinthe et temples chinois…
Par ailleurs, dans les allées de certains temples chinois, on réalise des chemins au tracé tortueux. Ces sentiers jouent un rôle comparable aux méandres du labyrinthe pour éloigner les mauvaises influences, lesquelles se propageraient en ligne droite…
Les chemins multiples des paysages calligraphiques
Et, dans la tradition philosophique et calligraphique des peintres lettrés de la Chine ancienne, les représentations de paysages recèlent souvent de multiples chemins, évoquant les détours de la vie, l’expérimentation de divers sentiers, la recherche de la sagesse… Ainsi, ces routes multiples, inspirant aussi la composition de jardins, composent un parcours complexe…



D’après un Projet de jardin chinois, Petit Trianon, de Georges Louis Le Rouge, Nouveaux jardins à la mode, 1777, Paris, XVIIIe siècle ; le Palais d’été Yuanmingyuan, jardin de la Clarté parfaite, Giuseppe Castiglione pour l’Empereur Qianlong, dynastie des Qing, gravure 1783-1786, XVIIIe siècle ; et les labyrinthes de la Résidence de Würzburg, inspirés des jardins chinois, de Georges Louis Le Rouge, 1781-1786, Paris, XVIIIe siècle ; et (Marsailly/Blogostelle)
LE LABYRINTHE, UNE “LOGE INVISIBLE”
Le labyrinthe des artistes-bâtisseurs de cathédrales peut être considéré comme une sorte de “loge invisible”.

Le “labyrinthe intérieur”
Chacun peut appréhender le symbole du labyrinthe selon sa conscience personnelle, son intuition, ses convictions religieuses, son cheminement artistique, spirituel ou initiatique…
Du point de vue de la personne humaine, le cheminement dans le labyrinthe mène à l’intérieur de soi-même. Il peut représenter l’accès à un trésor ou à un sanctuaire caché au plus profond de l’inconscient.

Une expérience du sacré
Le “labyrinthe intérieur de l’individu” – selon ses convictions spirituelles, dogmatiques ou non – s’apparente à un temple où s’exprime un état de grâce, une rencontre avec la sagesse, l’Esprit saint, une vision transcendante et numineuse (expérience du sacré), une illumination…
Les bâtisseurs de cathédrales
Sur le labyrinthe de la nef de la cathédrale française de Reims, détruit en 1778, sont gravés au plomb, à l’origine, les noms des quatre architectes de l’édifice : Jean d’Orbais, Jean Le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons…

Sculpteurs et tailleurs de pierre
Le carnet de Villard de Honnecourt, actif entre 1225 et 1250, témoigne de l’art et des connaissances des bâtisseurs de cathédrales. Parmi les figures dessinées par Villard de Honnecourt, quatre sculpteurs se taillant les pieds forment la figure d’un svastika tournoyant…
Cette image rappelle que, pour les tailleurs de pierre, leur art s’identifie aussi à un “façonnage intérieur”. Ainsi, l’architecte, le maître d’œuvre et le maçon travaillent également sur eux-mêmes, transmuant leur être intérieur comme ils transforment la pierre brute en pierre cubique la plus parfaite possible…

La figure du svastika, symbole ancestral, suggère une référence à une conception spirituelle traditionnelle solaire, cosmique, universelle…
La transmission des secrets de métier…
Les corporations médiévales de bâtisseurs, hiérarchisées entre apprentis, compagnons et maîtres, possèdent des secrets de métier et pratiquent des rituels d’initiation qui, plus tard, vont inspirer les organisations (obédiences) de la franc-maçonnerie dite spéculative (philosophique) crées au XVIIIe siècle.
Les artistes-bâtisseurs transmettent les règles du métier dans le plus grand secret, et s’engagent à une assistance mutuelle. Les apprentis subissent une série d’épreuves initiatiques avant d’intégrer leur corps de métier.

L’enseignement de l’architecture se fait aussi à l’aide d’un langage symbolique, parmi lequel figurent la règle, l’équerre, le compas, le fil à plomb…
Les Compagnons, héritiers de la tradition des bâtisseurs
Héritiers des bâtisseurs de cathédrales, les Compagnons du Devoir possèdent des rites et des symboles… Ils ont pour devise : Toute parole reçue que tu n’as pas transmise est une parole volée…


D’après des tailleurs de pierre, chantier d’église, Légende dorée, de Jacques de Voragine, manuscrit, vers 1485, XVe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)
Les Compagnons ont conservé les traditions des maçons médiévaux, qui conjuguent savoir-faire technique et artistique et accomplissement intérieur de l’être humain. Ainsi, l’initié reconnu tailleur de pierre reçoit “la cathédrale”, un symbole de l’unité́ entre l’art manuel et l’art philosophique…
LABYRINTHE, NŒUDS, CHAÎNONS ET ENTRELACS…
Le symbolisme du nœud (fil, chaîne, corde…), de la tresse et de l’entrelacs, comme aussi le tracé inextricable du labyrinthe, évoque un chemin dont le tracé se révèle plus ou moins enchevêtré…

La trame du Cosmos
Le fil du “Soi” relie tous les modes d’existence…
Selon le penseur René Guénon, le symbolisme du lien se rattache à celui du fil et du tissage. Le fil du tissage représenterait le Soi qui relie tous les modes d’existence entre eux et aussi les êtres à leur Principe – du point de vue du microcosme (plan humain) comme de celui du macrocosme (plan universel).
Le “nœud”, un point d’évolution ou de passage
Ainsi, le fil, la chaîne ou la corde peuvent se replier sur eux-mêmes pour former des nœuds et des entrelacs. Chaque nœud ou croisement d’entrelacs correspond à un point d’évolution – ou de passage -, qui implique un achèvement ou une “mort symbolique” à un état pour induire un nouveau commencement ou un nouvel un état.

« Tissu universel » et « trame du Cosmos »…
Pourtant, la succession apparente de nœuds ou de points peut s’identifier, du point de vue du Principe, à la simultanéité des états ou modes d’être dans l’univers. Dans le symbolisme du tissage, les fils de chaînes et les fils de trame s’entrecroisent.
Et ce sont les points de croisement qui forment l’ensemble du tissu universel. Comme pour les entrelacs, les fils sont comme des lignes de force qui définissent la structure du Cosmos…

L’ambivalence de “l’attachement”
Toutefois, l’ambivalence et le double sens inhérents à tous les symboles se retrouvent aussi dans le symbolisme des liens et des nœuds. Du point de vue humain, les liens entravent, enchainent ou unissent…
Ainsi, “ l’être manifesté” (être humain, animal, végétal, minéral…) est “attaché”, prisonnier de ses conditions d’existence et des limites d’une contingence dont il ne peut pas sortir…



D’après un tissage traditionnel Navajos, svastikas et chaînons, peuple indien, XXe siècle, Amérique du Nord ; un motif de chaînon, mosaïque romaine, détail, villa La Olmeda, à Pedrosa de la Vega, Palencia, Ier-IVe siècle, art antique ; et un chaînon-entrelacs, motif celtique. (Marsailly/Blogostelle)
Le nœud représente un point de fixité
Par ailleurs, la connexion établie par un lien (fil, motif tressé, corde, chaîne…) avec les autres états ou modes d’être échappe à chaque “ être manifesté”. Le nœud, qui représente plus particulièrement quelque chose de fixe, un état ou un moment déterminé, renforce la signification du lien.
Et si “l’attachement” – élément ambivalent lui aussi – peut paraître positif envers quelqu’un ou quelque chose, il peut également entraver… et il est parfois nécessaire de s’en affranchir…


D’après des liens-chaînes et svastikas, mosaïque byzantine, Ve siècle, basilique de la Nativité, Bethlehem ; et des entrelacs, Livre de Durrow, fin VIIe siècle, parchemin enluminé, haut Moyen âge, art anglo-saxon. (Marsailly/Blogostelle)
SUR LE FIL, TROUVER LA VOIE…
Le lien et l’entrelacs s’identifient à une route
Cependant, du point de vue métaphysique et universel, on embrasse la totalité des états d’être quand le lien correspond à ce qui unit à la fois les êtres entre eux, mais aussi les êtres et leur Principe (cause première, dieu, univers…).
Le lien ou l’entrelacs s’identifie alors à une route, comme pour le tracé de la spirale, du svastika ou du labyrinthe. Ce cheminement ou « voie » permet aux êtres de rejoindre leur Principe…
… pour certains un principe métaphysique, pour d’autres un monde divin, la Sagesse, le royaume de Dieu ou encore l’immortalité – selon les convictions spirituelles de chacun.



D’après la représentation d’une nonne, et motif de chaînon, enluminure, Bodleian Laud, 1260, XIIIe siècle, art médiéval ; et des nœuds-maillons et entrelacs, livre de Durrow, fin VIIe siècle, parchemin enluminé, haut Moyen âge, art anglo-saxon. (Marsailly/Blogostelle)
Transmuter ce qui “enchaîne” en ce qui “unit”
Pour représenter symboliquement le chemin vers le Principe, le fil vertical évoque une ascension : à un mât, à un arbre, à une corde…
Le même symbolisme du fil s’exprime de manière horizontale dans le labyrinthe et l’entrelacs. Le svastika et la croix marient fil vertical et fil horizontal. Les tracés complexes peuvent conduire à un retour au Principe, au Soi, au Centre, à l’Universalité…
Sur le plan individuel ces chemins symboliques peuvent exprimer une évolution spirituelle ou initiatique, qui permet à l’être d’élargir sa propre conscience, grâce à une transmutation de ce qui “enchaîne” en ce qui “unit”.

Le plan du cheminement et son reflet
En outre, la parfaite symétrie des graphismes du labyrinthe, du mandala, de l’entrelacs…, permet d’imaginer le plan d’un cheminement et, en même temps, le reflet de ce plan.
Un symbole peut apparaître sur le plan terrestre comme l’image inversée de sa source dans le monde métaphysique ou céleste : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, affirme la légendaire Table d’Émeraude citée par les alchimistes…
Voir aussi l’article 4. L’Arbre cosmique, l’Essence de la Réflexion (Sa racine était dessus, dans le ciel…)


D’après des motifs d’entrelacs et tourbillon-triskèle, Bréviaire à l’usage de Carpentras, parchemin, liturgie, XIVe siècle, art médiéval ; et des entrelacs, Adam et Ève, Genèse, bible enluminée de Bernard de Clairvaux, XIIe siècle, style Roman, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
Entrelacs, spirale, triskèle, tourbillon…
Sur une bible enluminée de Bernard de Clairvaux, les entrelacs conduisent le fil du récit de la Genèse, avec la création d’Adam et Ève… Sur un bréviaire médiéval, des motifs d’entrelacs se mêlent à ceux de la spirale et d’un tourbillon triskèle.
Si le graphisme et le symbolisme du svastika peut rejoindre celui du labyrinthe, le svastika possède lui, en son centre, un point de rotation induisant l’idée d’un moteur principiel, acteur immobile d’un mouvement…

… Comme aussi le tourbillon du triskèle, évocation du « tourbillon » cosmique qui produit la Manifestation (le monde manifesté).
Voir aussi l’article : Le symbolisme du triskèle, du svastika et du labyrinthe : Triskèle versus svastika, symboles cosmiques
De multiples détours autour d’un centre
Le plan du labyrinthe, dont les multiples détours se déploient autour d’un centre, tel une pelote dont il faut dénouer le fil, semble concrétiser en ses murs ce même principe d’expansion à partir d’un cœur central… Le pavement de la cathédrale d’Amiens marie labyrinthe et svastika…

LIENS, MAGIE DIVINE, SPIRITUALITÉ
Le lien, symbole de puissance magique et divine
Le filet, le lien ou la corde symbolisent encore une puissance divine et royale… Dans l’Inde védique, Varuna possède une puissante magie symbolisée par ses “lacets” magiques, que ce dieu souverain et magicien peut nouer et dénouer selon sa volonté.
Ainsi, le dieu Varuna est le maître de la mâyâ, puissance créatrice des êtres et des formes, qui peut être bénéfique ou maléfique.

Grâce à ses liens, que lui seul peut défaire, le dieu Varuna – garant de la « Norme universelle » et de « l’Ordre cosmique » – garantit le respect des contrats, maintient les êtres humains dans les filets de leurs devoirs et obligations.
Les filets de la mâyâ créatrice
Diverses traditions spirituelles de l’Inde interprètent la maya (mâyâ)et ses filets comme « L’illusion cosmique ». Ainsi, les êtres sont prisonniers des filets de l’illusion, dont ils peuvent se libérer grâce à leur évolution spirituelle.
Dans le bouddhisme et chez les Jaïns, il s’agit de se libérer de « l’Ignorance », d’atteindre le « Nirvana » et, ainsi, la « Libération » du cycle des réincarnations…

Le bodhisattva choisit de rester « lié » au monde
Parfois, on considère aussi les règles religieuses ou dogmatiques imposées, ainsi que les serments intérieurs et personnels, comme consentis en toute liberté. Dans ce cas, lien et liberté ne se contredisent pas…
Dans la doctrine bouddhique, par exemple, le bodhisattva choisit volontairement et librement de rester « lié » au monde, renonçant un temps à sa complète libération.
Par ce choix, le Bodhisattva, considéré par les fidèles comme un saint à qui l’on peut adresser des prières, s’incarne à nouveau pour aider autrui sur le chemin de la libération du cycle des renaissances…


D’après le dieu védique Varuna, maître des liens et de la magie, relief sculpté, XIe siècle, Bhubaneswar, Orissa, période médiévale ; un bodhisattva, faisant le geste de l’absence de crainte, schiste, Ier-IIIe siècle, époque Kouchane, Gandhâra, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Nœuds, liens, vie et destin
Le “nœud Tit” de la déesse Isis
Dans la symbolique de l’Égypte ancienne, le nœud Tit de la déesse Isis, celle qui ranime celui qui ne respire plus, concentre la puissance vitale.

La forme du nœud d’Isis rappelle celle de la croix ansée Ankh, hiéroglyphe qui signifie Vie, un attribut de toutes les divinités égyptiennes. La déesse Isis, Maîtresse des étoiles, s’identifie à la « Mère du Vivant »… Ainsi, le nœud Tit se rattache au principe de l’existence et de la vitalité…
Un “entrelacs” nordique…
Sur une représentation inspirée de la mythologie nordique, une série de nœuds formant une tresse ou une chaîne surplombe une embarcation (de pêcheurs?), alors que des eaux grouillent de poissons, évoquant la vie, la nourriture et l’abondance… pêche miraculeuse ou scène de passage?

La « tresse » au-dessus de la barque s’apparente à un serpent géant… protecteur ou menaçant?… Dans de nombreuses traditions, le serpent symbolise la fertilité, et parfois aussi la Connaissance…
Dans la mythologie nordique apparaît un gigantesque dragon-serpent de mer du nom de Jörmungandr.
Le serpent de Midgard, fils du dieu magicien Loki
Dit aussi “le serpent de Midgard”, frère du loup Fenrir et de Hel, déesse du monde des morts, Jörmungandr est le fils du dieu magicien Loki et de la géante Angrboda.
Lors d’une pêche, le dieu du Tonnerre Thor (ou Thôrr) combat le monstrueux serpent marin et le renvoie dans les profondeurs… Sur un tableau de Johann Heinrich Füssli, le dieu du Tonnerre Thor combat le serpent de Midgard à l’aide d’une chaîne et armé de son marteau-hache…

Les dieux mésopotamiens « lient » les destins…
En Mésopotamie ancienne, le destin de l’humanité, des rois et de chacun est lié aux décisions de l’Assemblée des Dieux, notamment au moment du Nouvel An… Dans les traditions de différentes civilisations, seuls les dieux ou des puissances possédant la magie ont le pouvoir de lier ou de délier…
Par ailleurs, en Mésopotamie, le filet évoque les ennemis emprisonnés, pour symboliser la puissance divine ou celle du roi vainqueur. Ainsi, le dieu guerrier de l’Orage Ningirsu, comme Enlil, peut abattre son grand filet. Ce symbole du filet et de la puissance divine sera repris dans la Bible…

Voir aussi l’article La puissance orageuse de Ningirsu, dieu sumérien de Lagash
Le lien renvoie à la symbolique de la clé…
Dans la tradition évangélique, l’acte de lier ou de délier renvoie à une obligation qui s’applique sur le plan humain comme sur le plan divin, créant ainsi le fondement de la justice divine et humaine.
Le lien renvoie également à la symbolique de la clé , aux portes du royaume des Cieux et de l’Enfer (l’Hadès grec) qui s’ouvrent selon le respect ou non des liens engagés…

Dans les Évangiles, le Christ dit à Pierre : “Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle…
… Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié.” (Matthieu, 16, 18-19)…
Lier ou délier une personne, une destinée…
Dans l’Ancien Testament, selon les exégètes (commentateurs) de la Bible de Jérusalem, l’acte de lier et de délier se rattache aussi à l’excommunication. Ainsi, on condamne ou on absout, ce qui correspond à lier ou à délier un ou une fidèle.

De façon plus large, lier et délier se rapportent à des décisions juridiques pour interdire (lier) ou pour permettre (délier). Les liens engagent librement ou non différentes parties.
Un « lien » qui emprisonne ou qui libère
Lier et délier…
Lier et délier renvoient, par exemple, à des obligations qui relèvent de la foi, comme dans l’histoire de Job, accablé, à la merci d’un pacte entre Dieu et Satan, avant d’être finalement « délié » par Dieu, et ainsi libéré de ses épreuves, recouvrant santé et prospérité…
Dans la tradition juive, pour évoquer la mise à l’épreuve d’Abraham et le Sacrifice d’Isaac, on parle de la “ligature” d’Isaac, parce que le fils d’Abraham est “lié” avant d’être “délié” par l’intervention divine. La voix de Dieu stoppe le geste du patriarche biblique prêt à sacrifier son fils, ainsi « délié » de l’exigence divine…

Les motifs tapissant des livres de Durrow et de Kell
Au tournant du VIIe et du VIIIe siècle, les créateurs anglo-saxons du Livre de Durrow, parchemin contenant les quatre Évangiles, ornent leurs enluminures de symboles et de motifs tapissant, parmi lesquels de nombreux entrelacs… Comme aussi pour le Livre de Kells (fin VIIIe siècle-début IXe siècle).
Le symbolisme de l’entrelacs, composé de motifs dont les courbes s’entrecroisent et s’enchevêtrent, rejoint celui du labyrinthe, mais aussi celui du lien, du fil, du nœud et du filet. Ainsi, l’entrelacs évoque un cheminement complexe, selon un tracé qui emprisonne ou qui libère…

Certains agencements de motifs d’entrelacs, de nœuds, de chaînons et de maillons évoquent un tissage… Ces ornements foisonnants et décoratifs au premier regard cachent peut-être aussi une conception spirituelle du “tissage universel”, au sein duquel tous les êtres évoluent, reliés les uns aux autres…