Le Sacré en Égypte ancienne. La déesse Isis aux Dix mille noms “capable de prendre toutes sortes de formes”

D'après la déesse Isis universelle, histoire du sacré. (Marsailly/Blogostelle)

Isis, « Maîtresse des étoiles »

La déesse Isis, souveraine de Philae, qualifiée de « maîtresse des étoiles« , est honorée aussi à Dendéra où elle s’identifie à Hathor. En Égypte Ancienne, les activités sacrées se fondent sur le calendrier lunaire. La Lune se rattache à Thôt, dieu scribe, maître du Temps et des sciences. Selon Plutarque, la déesse égyptienne « Qui a dix mille noms » prend « toutes sortes de formes ». Le nom hébreu d’Ève, « la vivante », rappelle l’essence divine d’Isis, « vénérable Mère des dieux, donneuse de vie”

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour mars 2024–

D’après la déesse Isis et Nephtys dans la barque d'Osiris, encadrée par les âmes des ancêtres royaux de Nekhen et de Pé, Dendéra, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Isis et Nephtys dans la barque d’Osiris, encadrée par les âmes des ancêtres royaux de Nekhen et de Pé, Dendéra, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Époque Thinite vers 3400-2980 avjc. Ancien Empire 2980-2475 avjc. Moyen Empire 2160-1788 avjc. Nouvel Empire 1580-1090 avjc. Troisième période intermédiaire 1090-663 avjc. Basse Époque 663 avjc – 332 avjc (domination Perse 525 avjc – conquête Alexandre le Grand 332 avjc). Époque ptolémaïque 332-30 avjc. Époque Romaine 30 avjc- IVe siècle.

ISIS DANS LE CIEL DE DENDÉRA

La déesse Isis de Philae, présentée comme « adorée dans le Ciel » et « souveraine des étoiles, » apparaît dans les cieux de la vaste salle hypostyle du temple d’Hathor de Dendéra. La grande déesse égyptienne Isis-Hathor acquiert une dimension universelle jusque dans le monde gréco-romain…

D’après la salle hypostyle, temple d'Hathor, la course du Soleil, des planètes et des dieux, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la salle hypostyle, temple d’Hathor, la course du Soleil, des planètes et des dieux, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Fresque céleste dans le temple d’Hathor

On retrouve la déesse Isis, dont la bouche est souffle de vie, dans le grand temple d’Hathor de Dendéra, en Haute-Égypte, consacré là encore au couple divin Isis et Osiris. Ce vaste sanctuaire d’Hathor, élevé par Pépi Ier, un pharaon de la VIe dynastie sous l’Ancien Empire, prend de l’importance à l’époque Ptolémaïque.

En Égypte Ancienne, les activités sacrées se fondent sur le calendrier lunaire. Thôt, scribe des dieux est le maître de la Lune, du Temps et des Savoirs. Il est accompagné de 14 déités qui évoquent le cycle des 14 jours de la Lune descendante et montante…

D’après la barque de la Lune, et les 14 déités du cycle Lunaire, vers 50 avjc, temple d'Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la barque de la Lune, et les 14 déités du cycle Lunaire, vers 50 avjc, temple d’Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Une carte mythique du monde céleste

À Dendéra, les artistes ptolémaïques créent une immense fresque du Ciel au plafond de la haute et immense salle hypostyle du temple d’Hathor. De nombreuses divinités, des planètes, des constellations, des signes du zodiaque, des animaux…, évoluent dans une gigantesque carte mythique du monde céleste.

La course du Soleil

Dans les fresques du temple d’Hathor, de nombreux symboles et des personnages mythologiques circulent en barque… évoquant ainsi la course du Soleil, des dieux, des étoiles et des planètes…

Le Soleil nocturne, avalé par la déesse Ciel Noun, renaît à l’aube de sa mère céleste sous la forme de Khépri-scarabée ou du disque solaire.

D’après Nout qui avale le Soleil, temple de Dendérah, de Pépi Ier, VIe dynastie, à l’époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Nout qui avale le Soleil, temple de Dendérah, de Pépi Ier, VIe dynastie, à l’époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le Soleil nocturne s’identifie au dieu Osiris

Le Soleil nocturne s’identifie à Osiris, dieu ressuscité, grâce à la quête, au savoir et au pouvoir de son épouse Isis, dont la parole ranime celui qui ne respire plus… Le maître de l’Éternité circule dans sa barque, accompagné des déesses Isis et Nephtys. Le trio est encadré par les âmes des ancêtres royaux de Nekhen et de Pé, déités à tête de chacal et de faucon…

D’après le Sagittaire, le Scorpion et Thôt babouin dieu Lune, vers 50 avjc, temple d'Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Sagittaire, le Scorpion et Thôt babouin dieu Lune, vers 50 avjc, temple d’Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le Zodiaque de Dendéra

Le monumental Zodiaque de Dendéra (ou Dendérah), sculpté en bas-relief sur une dalle de grès, provient du grand sanctuaire de Dendéra consacré aux déesses Hathor et Isis et au dieu Osiris. Il est aujourd’hui conservé au musée du Louvre, à Paris.

Le Zodiaque de Dendéra

Ce disque céleste est daté vers 50 avjc, à l’époque du règne de Cléopâtre VII. À l’origine, cette carte du Ciel orne le plafond de l’un des sanctuaires édifiés sur le toit du temple d’Hathor. Le zodiaque de Dendéra provient d’un sanctuaire destiné aux célébrations de la résurrection d’Osiris.

Le zodiaque de Dendéra remonte à une date définie, entre le 15 juin et le 15 août en 50 avjc, grâce à la disposition de 5 planètes connues parmi les constellations, selon un schéma qui se reproduit environ tous les mille ans…

D'après le zodiaque de Dendéra, carte du Ciel, 15 juin - 15 août, vers 50 avjc, dalle sculptée dans le grès, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le zodiaque de Dendéra, carte du Ciel, 15 juin – 15 août, vers 50 avjc, dalle sculptée dans le grès, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Planètes, constellations et décans.

Le disque céleste de Dendéra repose sur quatre caryatides (figures féminines), assistées de déités à tête de faucon. Il comporte les planètes, les 12 constellations du zodiaque et les trente-six décans.

Les décans sont en correspondance avec des groupes d’étoiles utilisés dans le calendrier Égyptien, qui est fondé sur des cycles lunaires de 30 jours et sur le lever héliaque de l’étoile Sothis divinisée (Sirius).

D'après les caryatides, zodiaque de Dendéra, vers 50 avjc, Ier siècle avjc, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les caryatides, zodiaque de Dendéra, vers 50 avjc, Ier siècle avjc, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Une ronde de 36 personnages…

Sur le pourtour du cercle céleste, une ronde de 36 personnages symbolise les 360 jours de l’année égyptienne. Pour assurer une correspondance entre les calendriers lunaire et solaire, sacré et civil, on ajoute aux 360 jours de l’année égyptienne 5 jours supplémentaires – épagomènes – en correspondance avec la naissance des dieux Osiris, Horus l’ancien, Seth, Isis et Nephtys…

À l’intérieur, figurent les constellations et les signes du zodiaque. Parmi eux, on peut distinguer le Bélier, le Taureau, le Scorpion, le Capricorne. D’autres signes, davantage représentés à la manière égyptienne, possèdent une iconographie complexe.

D’après la Grande Ourse, jambe de taureau, zodiaque de Dendéra, vers 50 avjc, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Grande Ourse, jambe de taureau, zodiaque de Dendéra, vers 50 avjc, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La Petite et la Grande Ourse

Ainsi, l’image du Verseau rappelle celle du dieu Nil Hâpy, tenant dans ses mains deux vases d’où jaillit l’eau de la crue. Au centre, se trouvent les constellations du Ciel du Nord, dont la Grande Ourse, qui prend la forme d’une patte de taureau. En face de la Petite et de la Grande Ourse, une déesse hippopotame Taouret-Thouéris matérialise la constellation du Dragon.

Des phénomènes célestes

Des planètes dans les constellations

Les cinq planètes connues à cette époque s’associent alors avec des signes du zodiaque. Vénus, nommée le dieu du matin, se trouve derrière le Verseau.

Jupiter, désigné sous le nom de Horus qui dévoile le mystère, apparaît auprès du Cancer. Mars, dit Horus le rouge, apparaît sur le dos du Capricorne. Mercure est mentionné comme l’Inerte et Saturne comme Horus le taureau.

D’après la déesse Isis et Thôt babouin, éclipse solaire du 7 mars 51 avjc, zodiaque de Dendéra, détail, grès, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Isis et Thôt babouin, éclipse solaire du 7 mars 51 avjc, zodiaque de Dendéra, détail, grès, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Deux éclipses : solaire et lunaire

La disposition de ces planètes parmi les constellations ne se reproduit, à l’identique, que tous les mille ans environ. C’est pourquoi cette « photographie » du Ciel a pu être datée entre le 15 juin et le 15 août 50 avjc par un astrophysicien. En outre, deux éclipses sont évoquées, à l’endroit exact où elles se sont produites…

Ainsi, l’éclipse solaire du 7 mars 51 avjc est représentée par un cercle dans lequel la déesse Isis retient un babouin par la queue pour empêcher la Lune de cacher le Soleil. Le babouin incarne Thôt, scribe des dieux, divinité de la Sagesse, mais aussi dieu Lune.

L’éclipse lunaire, datée du 25 septembre 52 avjc, prend la forme de l’œil oudjat d’Horus. Oudjat signifie être intact et correspond donc à la Pleine Lune, invisible au moment des éclipses lunaires.

D’après l’œil oudjat d’Horus, entre le Bélier et le Poisson, éclipse lunaire du 25 septembre, 52 avjc, zodiaque de Dendéra, détail, grès, temple d'Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’œil oudjat d’Horus, entre le Bélier et le Poisson, éclipse lunaire du 25 septembre, 52 avjc, zodiaque de Dendéra, détail, grès, temple d’Hathor, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Astronomie et astrologie

Le Zodiaque de Dendéra figure parmi d’autres chefs-d’œuvre de l’art de l’Égypte ancienne conservés au musée du Louvre (Paris). Ce monument sculpté arrive en France en 1821 grâce à l’autorisation du pacha d’Égypte Méhémet-Ali (mort en 1849, à Alexandrie).

Carte du Ciel ou zodiaque

Les spécialistes interprètent ce trésor provenant du temple d’Hathor comme une carte du Ciel et non comme un horoscope ou une image astrologique.

Cependant, pour les anciens Égyptiens, l’influence de certaines constellations et décans peut avoir des conséquences néfastes ou bénéfiques sur la destinée ou la santé. Comme aussi chez les peuples des antiques civilisations de Mésopotamie.

D’après les signes du Lion et de la Balance, temple d’Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les images des signes du zodiaque, tels qu’ils sont encore connus, sont représentés en Égypte à partir de l’époque gréco-romaine : périodes Ptolémaïque (332 avjc – 30 avjc) et Romaine (30 avjc – 337).

Voir aussi l’article La déesse Isis, icône universelle de Philae, Osiris à Biggeh

La bibliothèque d’Alexandrie

Influences mutuelles égyptiennes, babyloniennes et grecques

Le Zodiaque de Dendéra illustre des influences mutuelles entre les cultures égyptiennes, babyloniennes et grecques dans le domaine de l’astronomie et de l’astrologie. Des mouvements de populations sont orchestrés par les Assyriens, au VIIIe siècle avjc, puis les contacts avec les Babyloniens, au VIe siècle avjc, sont nombreux…

D’après la barque de la Pleine Lune et Thôt ibis, temple d'Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la barque de la Pleine Lune et Thôt ibis, temple d’Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Par la suite, les conquêtes perses (525 avjc), puis grecques sous l’égide d’Alexandre le Grand (332 avjc), favorisent des échanges de savoirs et de techniques. Alexandre le Grand fonde Alexandrie en 332-331 avjc, dite Alexandrie La Grande ou Alexandrie L’Égyptienne.

La capitale des rois Ptolémaïques

La cité, qui devient la capitale des rois Ptolémaïques, est célèbre pour son immense bibliothèque. Les monumentales archives d’Alexandrie auraient abrité environ 700 000 manuscrits, avant de subir un incendie au moment de la révolte de la cité contre César, vers 48-47 avjc…

D’après la Pleine Lune-œil oudjat, et Thôt dieu Lune, vers 50 avjc, temple d'Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Pleine Lune-œil oudjat, et Thôt dieu Lune, vers 50 avjc, temple d’Hathor, Dendéra, époque Ptolémaïque, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le phare disparu d’Alexandrie

Sous le règne de Ptolémée Ier Sôter, on érige encore le phare d’Alexandrie, inauguré par son fils et successeur Ptolémée II Philadelphe. Au sommet de cette tour de 135 mètres de haut, un feu réfléchi par des miroirs produit une lumière visible de très loin en mer.

Considéré dans l’Antiquité comme l’une des sept merveilles du monde, le phare d’Alexandrie s’écroule en 1303. En 1994, les archéologues découvrent ses vestiges sous l’eau…

LA DÉESSE ISIS SELON PLUTARQUE

Selon Plutarque (vers 50 – 125 apjc), dans son traité De Iside et Osiride, la grande déesse égyptienne « Qui a dix mille noms » prend « toutes sortes de formes »…

D'après le couple Osiris et Isis, offrande d'encens, chapelle d'Osiris, temple funéraire de Séthi Ier, Abydos, Nouvel Empire, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le couple Osiris et Isis, offrande d’encens, chapelle d’Osiris, temple funéraire de Séthi Ier, Abydos, Nouvel Empire, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La déesse « Qui a dix mille noms »

Plutarque explique… « Plus communément on l’appelle Myrionyme, ou Qui a dix mille noms, parce que la raison divine la rend capable de prendre toutes sortes de formes. Elle (la déesse Isis) a un amour inné pour le premier être, le souverain de toutes choses, qui est le même que le bon principe »…

« Elle repousse le principe du mal »

« Elle le désire, elle le recherche…. au contraire, elle (la déesse Isis) fuit, elle repousse le principe du mal ; et quoiqu’elle soit le récipient, la matière des opérations de l’un et de l’autre, cependant elle a toujours une pente naturelle vers le meilleur des deux ; elle s’offre à lui volontiers, afin qu’il la féconde, qu’il verse dans son sein ses influences actives, qu’il lui imprime sa ressemblance »…

D’après la déesse Isis, incarnation du trône, tombe de Horemheb, XVIIIe dynastie, Thèbes ; Isis, couronnée de la coiffe d’Hathor, tombe du prince Amonherkhepshef, fils de Ramsès III, Vallée des Reines, XXe dynastie ; Nouvel Empire, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La déesse Isis, matrice universelle

« (La déesse) Isis est dans la nature comme la substance femelle, comme l’épouse qui reçoit tous les germes productifs. Platon dit qu’elle est le récipient universel, la nourrice de tous les êtres… »

Plutarque dit encore… Elle (la déesse Isis) éprouve une douce joie, un vif tressaillement, lorsqu’elle sent en elle les gages certains d’une heureuse fécondité ; car la production des êtres est l’image de la substance qui la rend féconde, et l’être produit est la représentation imprimée dans la matière du premier être… (Plutarque, 53, De Iside et Osiride).

D’après Isis allaitant Horus, bronze, incrustations d’argent, VIIe siècle avjc, Basse Époque ; maternité, possible déesse Isis et Horus, vase dit bouteille à lait, terre cuite, XVIIIe dynastie, Nouvel Empire, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

« Une heureuse fécondité« 

Isis, archétype féminin universel

Épouse d’Osiris et mère d’Horus, la déesse Isis incarne à la fois le trône légitime de l’Égypte, la maternité, la fidélité conjugale. Par ailleurs, sous différentes formes et détentrice de nombreuses qualités, Isis est encore une grande déesse céleste, magicienne et prêtresse funéraire, déesse serpent…

Comme Hathor, déesse aux cornes de vache de l’amour, de la fécondité et de la beauté, avec laquelle elle s’identifie, Isis, matrice universelle, symbolise l’ancestrale puissance fertile et nourricière…,

D'après la déesse serpent Isis-Thermouthis, fertilité et pouvoir de guérir, terres cuites, Ie-IIIe siècle apjc, époque gréco-romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse serpent Isis-Thermouthis, fertilité et pouvoir de guérir, terres cuites, Ie-IIIe siècle apjc, époque gréco-romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article La déesse serpent Isis-Thermouthis et la féconde Taouret-Thouéris

Isis possède en outre le savoir et le pouvoir de la magie divine, les mystères du souffle de la vie et de la résurrection… Un mythe raconte comment la déesse Isis obtient le nom secret du dieu solaire Rê et devient ainsi son égal dans les domaines de la puissance divine et de la connaissance…

Voir aussi les articles La déesse Isis obtient le nom secret du dieu Soleil Rê et Le mythe d’Osiris, de la déesse Isis et de leur fils Horus

D’après la déesse Isis en pleureuse, coiffe-trône, fragment de sarcophage, toile stuquée ; Isis prêtresse funéraire, avec Nephtys et la momie d’Osiris, temple d’Hathor, Dendéra ; époque Ptolémaïque, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

ISIS « MAÎTRESSE DE VIE » VERSUS « ÈVE LA VIVANTE »

Dans son temple de Philae, la déesse Isis est qualifiée de maîtresse de vie. Par ailleurs, le nom hébreu d’Ève, la vivante, rappelle l’essence divine d’Isis mère du vivant.

Le nom de la femme qui jaillit du corps d’Adam apparaît dans la Genèse au chapitre trois, au moment où Adam et Ève sont chassés du jardin du Paradis. Il est dit… « L’homme appela la femme du nom d’Ève – c’est-à-dire La Vivante ‒, car c’est elle qui a été la mère de tout vivant » Genèse

D’après La Création d’Ève, de William Blake, 1822, Paradise Lost de John Milton, plume, encre, aquarelle, début XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Création d’Ève, de William Blake, 1822, Paradise Lost de John Milton, plume, encre, aquarelle, début XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Matrice cosmique et universelle

Le premier humain biblique

Thomas Römer (professeur de Bible hébraïque à l’université de Lausanne et professeur au collège de France explique (Le Monde des Religions, janvier-février 2018) : dans la Genèse, à l’origine, l’être humain est à la fois homme (ish, mâle) et femme (isha, femelle) au moment de la création.

Adam et Ève, sa moitié, son égale et son double

Adam, Adama en hébreu – qui signifie la terre, le sol – est façonné avec de l’argile… Puis le premier être humain est dédoublé… Selon le sens premier du mot hébreu, qui signifie côté, la femme, séparée du corps d’Adam apparaît à la fois comme sa moitié, son égale et son double…

D'après la séparation d'Ève (La vivante) d'Adam, La Genèse, détail, bible enluminée ayant appartenu à Bernard de Clairvaux, XIIe siècle, style Roman, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la séparation d’Ève (La vivante) d’Adam, La Genèse, détail, bible enluminée ayant appartenu à Bernard de Clairvaux, XIIe siècle, style Roman, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)

En revanche, le même mot traduit par côte modifie l’interprétation de cet événement primordial, qui attribue alors un rôle secondaire à Ève, alors extraite de la côte d’Adam, ainsi assimilée et réduite à un petit morceau.

Selon l’Ancien Testament, Homme et Femme composent ensemble l’être humain… il est dit dans la Genèse (3, 20): « Ainsi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme et ils deviennent une seule chair… »

La Vierge porteuse de vie

Sur les images d’un livre d’Heures de Charles VIII, La Vierge à l’Enfant chrétienne apparaît elle aussi comme une matrice cosmique et universelle, les pieds sur la Lune, porteuse de Vie et mère du vivant.

D'après La Genèse, bible enluminée ayant appartenu à Bernard de Clairvaux, XIIe siècle, style Roman, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Genèse, bible enluminée ayant appartenu à Bernard de Clairvaux, XIIe siècle, style Roman, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)

Dans la pensée chrétienne, l’enfant Jésus devenu un homme meurt sur la croix avant de ressusciter dans les Cieux, devenant ainsi Le Sauveur du monde et des êtres humains. Dans la tradition égyptienne, c’est Osiris, dieu assassiné et ressuscité qui apporte une promesse de Salut pour tous…

La Vierge à l’Enfant et l’arbre de Jessé

Les images du livre d’Heures de Charles VIII sont commentées en vers, en moyen français. L’une de ses illustrations montre la Vierge à l’Enfant au centre de l’arbre de Jessé. Telle la mère du vivant, cette figure maternelle domine l’ensemble et paraît se fondre avec l’arbre généalogique lui-même, dont l’image rappelle celle de l’arbre de Vie…

D’après la Vierge à l’Enfant au centre de l’arbre de Jessé, Les Heures de Charles VIII de France, Utopia, armarium codicum bibliophilorum, Cod. 111, XVe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Vierge à l’Enfant au centre de l’arbre de Jessé, Les Heures de Charles VIII de France, Utopia, armarium codicum bibliophilorum, Cod. 111, XVe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)

L’arbre de Jessé illustre la lignée royale de David à Jésus, dont la figure centrale est la Vierge à l’Enfant, tout comme la déesse Isis, mère d’Horus, premier pharaon mythique, incarne la légitimité du trône dans l’Égypte ancienne.

Ces deux mères enfantent des sauveurs de lignée « royale », Horus et Jésus. En outre, le dieu Osiris incarne la résurrection…

Le livre d’heures Utopia est offert par l’éditeur parisien Anthoine Vérard au roi de France Charles VIII (1470 apjc -1498 apjc). À la marge de chacune de ses pages, huit petites images racontent des épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament.

D’après la Vierge à l’Enfant au centre de l’arbre de Jessé, Les Heures de Charles VIII de France, Utopia, armarium codicum bibliophilorum, Cod. 111, XVe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Vierge à l’Enfant au centre de l’arbre de Jessé, Les Heures de Charles VIII de France, Utopia, armarium codicum bibliophilorum, Cod. 111, XVe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)

La symbolique du serpent

Le serpent biblique, l’animal le plus rusé

Dans la Genèse, le serpent est décrit comme la plus rusée de toutes les bêtes des champs que le seigneur dieu avait faite

Si le dogme de l’Église en a fait le diable, attribuant par la même occasion le péché originel à Ève, ce qui est une interprétation complètement abusive – voire une aberration, selon Thomas Römer –, le serpent se manifeste plutôt comme l’instigateur d’une transgression.

Et par l’intermédiaire du serpent biblique, c’est comme si dieu lui-même invitait le couple humain à la transgression…

Le serpent, animal rusé, donc intelligent, possède quelque chose de prométhéen. Dans la mythologie grecque, le titan Prométhée dérobe le feu dans le Ciel pour le transmettre à l’humanité, puni par Zeus pour cette transgression, il est enchaîné sur le Caucase, où un aigle vient lui ronger le foie…

D'après Eve, Adam, le serpent et l'arbre du Paradis, Saint-Trophime, style Roman, XIIe siècle, Arles, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Eve, Adam, le serpent et l’arbre du Paradis, Saint-Trophime, style Roman, XIIe siècle, Arles, art Médiéval. (Marsailly/Blogostelle)

Par ailleurs, le nom de Lucifer signifie porteur de lumière, c’est-à-dire de conscience. Les notions de choix et de libre-arbitre sont en effet impossibles sans conscience… Par ailleurs, dans la pensée sacrée, la lumière, archétype universel, symbolise la conscience et le feu spirituel qui ne brûle pas comme le disent les philosophes alchimistes…

Pour duper Rê, la déesse Isis utilise un serpent

Dans un récit mythique égyptien, la déesse Isis est qualifiée de « plus rusée que des millions d’hommes et que des millions de dieux et des millions d’esprits ». Comme le dieu Soleil souverain, la déesse Isis possède le savoir de ce qui existe dans le Ciel et sur la Terre…

 D'après la déesse Isis-Tyché et ses serpents, bronze, Ier siècle apjc, époque Ptolémaïque-Romaine, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Isis-Tyché et ses serpents, bronze, Ier siècle apjc, époque Ptolémaïque-Romaine, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Il manque uniquement à Isis la connaissance du nom secret de Rê pour devenir son égale. La déesse utilise alors une puissante magie, la ruse et un serpent pour voler le nom secret de Rê, mais cela est une autre histoire…

Voir l’article La déesse Isis obtient le nom secret du dieu Soleil.

La divinité féminine manifeste l’énergie créatrice

De même que la femme biblique, Ève La Vivante, compose avec son alter ego un être humain double, dans les conceptions sacrées de l’Inde ancienne, chaque dieu possède une parèdre ou une épouse, sa shakti (ou çakti), qui incarne l’énergie spirituelle créatrice et vivante du dieu lui-même…

 D’après la déesse Isis, Ankh, symbole de Vie, et Osiris, relief, vers 380 avjc- 300 apjc, temple d'Isis de Philae, XXXe dynastie-époque romaine, Aguilkia, Assouan, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse Isis, Ankh, symbole de Vie, et Osiris, relief, vers 380 avjc- 300 apjc, temple d’Isis de Philae, XXX dynastie-époque romaine, Aguilkia, Assouan, Égypte ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La déesse Isis et ses symboles de vie

En sanskrit, le mot shakti signifie pouvoir, puissance, force… Dans la pensée sacrée égyptienne également, la grande déesse aux multiples visages incarne la vie, dont les symboles sont Ankh et Tit. Le nœud d’Isis Tit symbolise le sang, la vitalité et la puissance de la déesse.

La forme du nœud d’Isis rappelle celle de la croix ansée Ankh, hiéroglyphe qui signifie Vie, un attribut de toutes les divinités égyptiennes. Ankh symbolise particulièrement la puissance vitale de la déesse qui ranime celui qui ne respire plus…

Le dieu Osiris, roi du royaume d’Égypte, enseigne l’agriculture aux populations, met en place des lois et apparaît comme l’initiateur de la civilisation. Son frère, le dieu Seth, est le puissant seigneur des déserts, des montagnes et des orages. Osiris, son épouse Isis, leur fils Horus et Seth, fondent la légitimité mythique de la royauté égyptienne incarnée par le premier pharaon, Horus…

Article suivant : Le Sacré en Égypte ancienne. Les dieux Osiris et Seth forment un duo mythique fondateur 

Sommaire HISTOIRE DU SACRÉ

Les sept merveilles du monde des Anciens étaient… En Mésopotamie : les murailles et les jardins suspendus de Babylone. En Égypte : les pyramides – notamment celle de Khéop – et le phare d’Alexandrie. En Asie mineure (actuelle Turquie) : le tombeau de Mausole élevé par Artémise II, reine de Carie, pour son époux Mausole (d’où le terme de mausolée), à Halicarnasse, et le temple de la déesse Artémis-Diane, à Éphèse. En Grèce : la statue de Zeus en or et en ivoire (chryséléphantine), à Olympie, en Élide, et le colosse de Rhodes, gigantesque statue en bronze du dieu Soleil Hélios… De nos jours, seule existe encore la pyramide de Kheops…

Un roman ? Sinouhé l’Égyptien, de Mika Waltari, les aventures de Sinouhé, médecin et espion du pharaon Aménophis IV (Akhénaton)… Un conte initiatique ? Her-Bak Pois Chiche, de Isha Schwaller de Lubicz, qui raconte l’éveil d’un jeune égyptien sous la XXe dynastie, dans la région de Thèbes (Karnak, Louxor)…

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

2 commentaires sur « Le Sacré en Égypte ancienne. La déesse Isis aux Dix mille noms “capable de prendre toutes sortes de formes” »

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