La déesse Isis à Philae, Osiris à Biggeh
Sous les pharaons Nectanebo, les architectes égyptiens élèvent un temple majestueux consacré à la déesse Isis-Hathor sur l’île de Philae, en Haute Égypte, au Sud du pays. Face au temple de la déesse Isis, mère d’Horus, se trouve celui de son époux Osiris sur l’île de Biggeh. Au XXe siècle, le sanctuaire de Philae est démonté et transporté sur l’île d’Aguilkia. Le culte de la déesse Isis prend une dimension universelle, perdure à l’époque romaine et jusqu’au début du VIe siècle apjc.
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière révision novembre 2023 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Époque Thinite vers 3400-2980 avjc. Ancien Empire 2980-2475 avjc. Moyen Empire 2160-1788 avjc. Nouvel Empire 1580-1090 avjc. Troisième période intermédiaire 1090-663 avjc. Basse Époque 663 – 332 avjc (domination Perse 525 avjc – conquête Alexandre le Grand 332 avjc). Époque ptolémaïque 332-30 avjc. Époque Romaine 30 avjc- IVe siècle.
LE TEMPLE DE PHILAE CONSACRE LA DÉESSE ISIS-HATHOR
Les commencements du temple de la déesse Isis de Philae remontent à la Basse époque, sous la XXVIe dynastie et le règne d’Amasis. Puis la construction du sanctuaire s’enrichit sous la XXXe dynastie et les rois Nectanebo. La mère d’Horus est qualifiée de « Souveraine et régente de Philae », où elle se fond avec la déesse Hathor…

Le temple de Philae installé sur l’île d’Aguilkia…
Les architectes égyptiens, dès l’origine, élèvent sur l’île de Philae le plus grandiose sanctuaire égyptien consacré à la déesse Isis.
En 1974, le sanctuaire est démonté et transporté sur l’île d’Aguilkia, entre Louxor et Assouan, pour le sauver des eaux, grâce notamment à l’engagement de Christiane Desroches-Noblecourt, archéologue française et première femme égyptologue.


D’après Le Temple de la déesse Isis de Philae, de David Roberts, 1838, aquarelle ; et un plan du sanctuaire de Philae, temple d’Isis, XIXe siècle, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Les Ptolémaïques poursuivent les constructions à Philae
La construction du temple de Philae débute sous les Nectanebo. Nectanebo Ier élève la porte du premier pylône et un kiosque au sud-ouest de l’île. Puis les travaux d’architecture et de sculpture se poursuivent à Philae sous le règne de Ptolémée II Philadelphe, à l’époque Ptolémaïque.
Les successeurs sur le trône d’Égypte puis les empereurs romains, parachèvent encore la magnificence de cet important sanctuaire consacré à la déesse Isis…


D’après le temple d’Isis et ses pylônes et le pavillon de Nectanebo, temple d’Isis de Philae, XXXe dynastie-époque romaine, île d’Aguilkia, Assouan ; et la déesse Isis et le roi Nectanebo II, relief calcaire peint, XXXe dynastie, Basse époque, Sérapéum de Saqqara ; Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
La déesse Isis-Hathor « Maîtresse des Jubilés »
L’élévation des colonnes et les chapiteaux du sanctuaire d’Isis évoquent les lotus, les papyrus et la végétation des marais. Ces thèmes iconographiques rappellent ainsi le marécage primordial. Certains chapiteaux dits hathoriques arborent l’emblème de la déesse vache Hathor…
La déesse Isis, mère d’Horus et incarnation du trône Égypte s’approprie les attributs d’Hathor, divinité de la fécondité, de la beauté, de l’amour et de la musique. Les Grecs assimilent Hathor, déesse porteuse de joie, à Aphrodite.

Philae, symbole du culte universel d’Isis
Grande magicienne, la déesse Isis permet à son époux Osiris de ressusciter et de régner sur le monde de l’au-delà. Elle se transforme, à l’époque Ptolémaïque, en une divinité féminine universelle. Le temple de Philae, où elle règne en souveraine divine, en est le symbole…
Des inscriptions de Philae présentent d’ailleurs l’épouse d’Osiris comme la maîtresse des Jubilés, qui prolonge les années de celui (le roi) qui lui est consacré, ou encore qui prolonge les années de celui qui lui est dévoué (H. Junker, Pylon 76).



D’après des colonnes à motifs végétaux et hathoriques ; l’enfilade du temple d’Isis ; et des chapiteaux hathoriques, temple de Philae, XXXe dynastie-époque romaine, Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
La déesse Isis retrouve Osiris dans l’île de Biggeh
Des processions d’Isis
Au cours de la période d’activité cultuelle, tous les dix jours, l’effigie de la déesse Isis quitte le saint des saints du temple de Philae pour rejoindre le sanctuaire de son époux, Osiris, sur l’île de Biggeh (Senem en égyptien ancien).
Ce lieu sacré, nommé Abaton, abrite le tombeau mythique d’Osiris selon la tradition égyptienne. L’île de Biggeh se situe à quelques centaines de mètres de l’île de Philae…

Le Décret de l’Abaton de Biggeh
Dans le sanctuaire de Philae, des textes gravés sur la porte d’Hadrien, dits Décret de l’Abaton, précisent que nul être humain n’est autorisé à débarquer sur l’Abaton de Biggeh, un lieu hautement sacré.
Seul le grand prêtre et les membres du clergé se rendent chaque jour dans le temple d’Osiris pour prendre soin du dieu. Les inscriptions précisent que « Dans sa barque, la déesse Isis s’y rendra tous les 10 jours pour y accomplir la libation.. ». En revanche, il reste peu de vestiges du sanctuaire originel d’Osiris construit sous Ptolémée III.

Le saint des saints de Biggeh a disparu
Selon certains spécialistes, le temple d’Osiris de Biggeh pourrait même remonter à une période antérieure à l’époque Ptolémaïque. Le sanctuaire d’Osiris est ensuite agrandi à l’époque romaine, comme l’illustre sa grande arche, sous le règne d’Auguste. Mais le saint des saints (le cœur spirituel du sanctuaire) a complètement disparu…



D’après le temple d’Isis de Philae, ses pylônes et sa cour, XXXe dynastie-époque romaine, île d’Aguilkia, Assouan. Et une aquarelle de David Roberts, portique du temple d’Isis à Philae, XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
Le Bosquet sacré de l’île de Biggeh
Dans le texte hiéroglyphique du Décret de l’Abaton, le dieu Thôt décrit le Bosquet sacré de l’île de Biggeh qui entoure la tombe mythique du dieu Osiris. Thôt, scribe des dieux, divinité de la Sagesse et de la Lune, précise que les lieux ne manqueront pas de lait et que des offrandes sont faites 365 jours par an (par les prêtres).



D’après les vestiges de l’Abaton, temple de Biggeh, David Roberts, gravure peinte, 1838, XIXe siècle ; les ruines de l’île de Biggeh, tombeau mythique d’Osiris, document photographique, région d’Assouan, en Haute-Égypte ; et le hiéroglyphe désignant le dieu Osiris ; Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Le décret déclare encore que cet endroit hautement sacré doit rester silencieux et inaccessible… « Aucun homme ne devra jamais y pénétrer, ni personne y marcher« . La chasse comme la pêche y sont interdites « dans un rayon de 40 coudées… »
L’ABATON, TOMBEAU MYTHIQUE D’OSIRIS
Considéré au II millénaire avjc comme le tombeau mythique d’Osiris, le sanctuaire de l’Abaton de l’île de Biggeh jouit d’une très haute importance. Abaton signifie inaccessible en grec.

La Butte d’Osiris abrite la sépulture divine
En Égyptien, on désigne l’Abaton sous le nom de butte pure ou île pure. Par ailleurs, en égyptien on désigne encore l’île de Biggeh sous le terme de Senmet ou Senmout, qui désigne probablement une aire plus vaste que l’île-sanctuaire elle-même.
Biggeh est en effet entourée d’autres îles, ainsi que des terres cultivées de la région de la première cataracte, située à la frontière de la Nubie. Le culte voué à Osiris dans cette contrée a sans doute connu son apogée durant la Basse époque et l’époque Ptolémaïque…
Sur des reliefs de Philae la déesse Isis redonne le souffle de la Vie à son époux Osiris et Osiris et Isis ailée reçoivent des offrandes de pharaon.


D’après la déesse Isis, Ankh (Vie) et Osiris et Osiris et la déesse Isis ailée recevant des offrandes royale, reliefs, 380 avjc- 300 apjc, temple d’Isis de Philae, XXXe dynastie-époque romaine, Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Un relief de l’époque ptolémaïque représente le tombeau mythique d’Osiris sous la butte sacrée surmontée d’un arbre et le hiéroglyphe d’Osiris. La colline dite Butte d’Osiris qui abrite la sépulture divine renvoie au tertre primordial d’où émerge le Soleil le Premier Jour…
Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le dieu Rê crée le Premier Jour
Le bosquet sacré de l’Abaton
La végétation du bosquet sacré qui entoure la tombe d’Osiris, à Biggeh, comprend, à l’époque, plusieurs essences d’arbres, dont le verdissement évoque la résurrection. Osiris, dieu ressuscité, règne sur le monde des morts et sur l’éternité. En outre, les arbres fruitiers symbolisent la fonction nourricière d’Osiris.

La symbolique de l’arbre de Vie
Le fruit du jujubier – la jujube – est comestible et le palmier-dattier produit des dattes. Le figuier-sycomore, qui avec l’acacia représente l’arbre de vie dans l’iconographie de l’Égypte Ancienne, produit des figues. Le décret de l’Abaton mentionne des offrandes de palmes et les dattes font l’objet d’une utilisation rituelle.
Par ailleurs, le jujubier comme l’acacia portent des épines, ce qui contribue sans doute à écarter les intrus du tombeau sacré. Le jujubier se rapporterait aussi à la symbolique du dieu de la Sagesse Thôt.
Le dieu Osiris est qualifié de Celui qui est dans l’acacia, possible référence à son corps dans un coffre caché dans un acacia dans le mythe d’Osiris.

Le palmier-dattier, symbole fertile et maternel
Le palmier-dattier possède une fonction maternelle qui renvoie à la déesse Isis. On rencontre aussi l’arbre sacré – sycomore ou palmier-dattier – sur les images funéraires, associé à une déesse céleste et nourricière.
À Thèbes, dans l’hypogée de Thoutmosis III, une peinture représente l’Arbre de Vie nourricier (acacia) allaitant le roi. À Philae, les palmes et les dattes sont représentées sur les chapiteaux…
On rencontre aussi des images de palmier-dattier associé à la fécondité dans l’iconographie de l’Orient ancien, comme sur un relief avec une déesse-mère allaitant auprès de l’Arbre de Vie, ou encore sur une mosaïque de l’époque Byzantine, dans l’église dite du Siège de Marie, à Kathisma, non loin de Bethléem.
Voir aussi l’article L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant.



D’après un chapiteau à motif de palmes et dattes et un chapiteaux à motif végétal ; temple d’Isis de Philae, XXXe dynastie-époque romaine, Assouan, Égypte, . Et palmier-dattier en mosaïque, église du Siège de Marie, Kathisma, proche de Bethléem, Cisjordanie, Palestine, période byzantine. (Marsailly/Blogostelle)
L’arbre vénérable de Biggeh
Distinct du bosquet sacré, l’arbuste ou l’arbre qualifié de vénérable se dresse sur le tertre qui renferme la tombe mythique d’Osiris. Des inscriptions de Philae confirment que « le sarcophage (d’Osiris) reverdit l’arbre iwy vénérable de Biggeh… »
L’arbre sacré vénérable symbolise ainsi une puissance verdoyante et nourricière. Il rappelle en outre que le dieu Osiris est à l’origine une divinité de la végétation, de l’agriculture et du blé qui apporte renouveau et nourriture…

Un arbre miraculeux abrite la dépouille d’Osiris
Dans la légende d’Osiris, le coffre renfermant la dépouille du dieu assassiné par son frère Seth se retrouve à Byblos, déposé là par les flots. Un arbre, dont la rapidité de la croissance semble miraculeuse, enveloppe alors le coffre dans son écorce, abritant et cachant ainsi les restes du dieu… que la déesse Isis retrouvera…
Osiris s’assimile aussi à un arbre de l’Occident
Par ailleurs, le palmier-dattier serait la manifestation végétale des lymphes (les substances aqueuses) d’Osiris. Le dieu s’assimile aussi à un arbre de l’Occident (non défini) dans le rituel de l’embaumement. Pour les anciens égyptiens l’Occident désigne l’au-delà…
Voir aussi l’article Le Sacré en Égypte ancienne, le culte solaire nourrit la symbolique funéraire
Le culte d’Osiris de Biggeh à Abydos
Osiris momifié repose sur le dos du crocodile
Sur l’un des reliefs de Philae, Osiris momifié repose sur le dos du crocodile dans les marais. Avant de renaître et de régner sur son trône, en présence de son épouse Isis et de son fils Horus.

Le crocodile renvoie à Seth, incarnation des forces du désordre, dieu assassin d’Osiris vaincu par Horus. Le crocodile est encore une forme de Sobek, puissante divinité créatrice des eaux et de la fertilité…
Dans le mythe d’Osiris, la déesse Isis, avec l’aide d’Anubis, reconstitue la dépouille d’Osiris qui, après avoir été momifié, ressuscite et devient le souverain du royaume de l’au-delà et de l’éternité. Parfois c’est son fils Horus qui réveille son père Osiris…
Voir aussi Le mythe d’Osiris, de la déesse Isis et de leur fils Horus – La quête de la déesse Isis
Abydos, sanctuaire de la triade Osiris-Isis-Horus
Selon les traditions mythiques, ce serait sur l’île de Biggeh que le corps du dieu Osiris aurait été inhumé, après que son épouse Isis ait rassemblé ses membres épars.

Par ailleurs, la déesse aurait enseveli la tête de son époux à Abydos. Autre lieu saint, autre tombeau mythique. C’est à Abydos que l’on érige le plus important sanctuaire consacré à Osiris et à la triade Osiris-Isis-Horus…
Isis « Dame de la butte sacrée et Maîtresse de vie«
Un hymne gravé sur le grand pylône du temple de Philae loue la déesse Isis comme une divinité suprême…
« Vénérable Mère des dieux, donneuse de vie, maîtresse de Philae… puissante, souveraine des dieux… Adorée dans le ciel, souveraine des étoiles… Isis maîtresse de vie, dame de la butte sacrée, Souveraine et régente de Philae… »

Le texte sacré qualifie la déesse de dame de la butte sacrée. Cette colline renvoie au tombeau mythique d’Osiris, dit butte d’Osiris, représentée par ailleurs sur un relief du temple d’Amon à Karnak.
La Butte sacrée évoque aussi le tertre primordial d’où s’élève le Soleil au premier jour. Osiris ressuscité dit Onnophris c’est aussi le Soleil renaissant chaque jour, comme une répétition du Premier jour et de la Première fois…
Voir aussi les articles Le Sacré en Égypte ancienne, un dieu solaire aux multiples facettes et Le Sacré en Égypte ancienne, le dieu Rê crée le Premier Jour

La triade d’Éléphantine honorée à Biggeh
Khnoum-Rê, Satis et Anouket-Anoukis
Si dans le temple de Biggeh on adore principalement Osiris-Onnophris (Osiris ressuscité) et son épouse Isis qui forment une triade avec leur fils Horus, premier pharaon mythique, on rend également sur cette île-sanctuaire un culte à la triade divine de l’île d’Éléphantine…
Ce trio père-mère-enfant se compose de Khnoum-Rê, de Satet-Satis – assimilée à Sothis, Maîtresse de l’année et déesse qui se rattache à l’inondation annuelle – et de leur fille Anouket-Anoukis.

Anouket-Anoukis, déesse de la première cataracte
Sur un relief d’Éléphantine, le pharaon Ramsès IV, devant un autel chargé d’offrandes, accomplit une libation et encense la triade d’Éléphantine.
Le dieu Soleil apparaît sous la forme de Khnoum à tête de bélier, la déesse Satis est coiffée de la Couronne Blanche du Sud et de deux cornes de gazelle, et leur fille Anouket-Anoukis porte une haute coiffe.
Déité de la première cataracte du Nil et Maîtresse de Nubie, on vénère encore Anouket-Anoukis dans un temple sur l’île de Sehel qui lui est consacrée, non loin d’Assouan…


D’après la déesse Anouket-Anoukis, barque de procession, bois peint, et détail, vers 1250 avjc, XIXe dynastie, Nouvel Empire, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle).
Le Mammisi, chapelle de la naissance divine
Temple de la Naissance dédié à Horus
Le vaste sanctuaire de la déesse Isis de Philae se déploie sur 65 mètres de long. Le temple comprend des colonnades qui mènent les visiteurs jusqu’au au premier pylône du sanctuaire.
Des reliefs mettent en scène le roi Ptolémée XII (le père de Cléopâtre). Ce pharaon combat des ennemis captifs en présence d’Horus et de la déesse Isis portant la coiffe d’Hathor.



D’après le temple d’Isis de Philae : colonnade de la cour, entrée du Mammisi, sous Ptolémée III Evergète Ier, et vue intérieure, XXXe dynastie-époque romaine, île d’Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Horus, dieu enfant et dieu fils
On pénètre ensuite dans la grande cour centrale, sur laquelle donne la chapelle consacrée à la naissance divine, le Mammisi. Ce sanctuaire est dédié à Horus enfant.
Horus enfant est vénéré ici sous les traits du jeune Harpocrate grec (Har-Pa-Khrat), sous la forme de Hor sa Aset qui le désigne en Horus fils d’Isis (Harsiesis en grec) et en tant que fils d’Hathor et du dieu Faucon Horus d’Edfou, sous le nom de Horsomtous, Horus unificateur des Deux Terres.

Par ailleurs, dans l’immense sanctuaire dédié à la déesse Hathor de Dendéra, qui consacre aussi la déesse Isis, se trouve un Mammisi, voué à la naissance de la déesse Isis…
De la salle hypostyle à la chapelle d’Osiris
À Philae, un second pylône conduit à une vaste salle hypostyle à 10 colonnes – hypostyle signifie que le plafond est supporté par des colonnes. Cet espace s’ouvre sur cinq salles et aussi sur un imposant passage, dit passage de Tibère, qui mène à une porte reliée au mur d’enceinte du temple d’Isis.
Un escalier conduit à la chapelle d’Osiris, dont les fresques évoquent le cortège funéraire du dieu. Des bas-reliefs représentent la déesse Isis, son époux Osiris et leur fils Horus, premier pharaon mythique.


D’après le temple d’Isis de Philae, enfilade de colonnes, XXXe dynastie-époque romaine, déplacé sur l’île d’Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne ; et une illustration de David Roberts, XIXe siècle (Marsailly/Blogostelle)
Des constructions de l’époque romaine
Par ailleurs, au nord de l’ensemble du temple de Philae, se trouve le temple d’Auguste et l’arc de triomphe de Dioclétien. Un petit temple est encore consacré à la déesse Hathor, avec laquelle s’identifie par ailleurs la déesse Isis.
En ces lieux sacrés, se distingue aussi le pavillon quadrangulaire de Trajan, orné de 14 colonnes aux chapiteaux variés. La porte d’Hadrien, à l’ouest de l’île, correspond aux vestiges d’un sanctuaire dédié à Osiris, disparu de nos jours. Seuls subsistent une entrée monumentale élevée par l’empereur Hadrien et deux murs latéraux.


D’après le temple d’Hadrien et le kiosque de Trajan, temple d’Isis de Philae, époque romaine, déplacé sur l’île d’Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Cette chapelle d’Osiris fait face, à l’origine, à l’île de Biggeh, où se trouve le sanctuaire du dieu et sa tombe mythique. Parmi les inscriptions de La porte d’Hadrien, l’une d’elle est considérée comme étant le dernier texte hiéroglyphique connu (daté fin IVe siècle-IIIe siècle).
Voir aussi l’article Les images et les hiéroglyphes perpétuent l’essence de l’éternel

DE PHILAE À POMPÉI
On honore la déesse Isis jusqu’au début du VIe siècle
Le temple de Philae consacré à la déesse Isis, celui d’Edfou dédié au dieu Faucon Horus et le sanctuaire d’Abydos voué à Osiris figurent parmi les sanctuaires de l’époque Ptolémaïque les mieux conservés.
Le temple d’Isis à Pompéi
La déesse Isis, devenue très populaire, le reste encore à l’époque romaine, honorée jusqu’au début du VIe siècle… On élève notamment un majestueux petit temple d’Isis à Pompéi.

Cependant, ce sanctuaire de Pompéi ne résiste pas, en 62 apjc, à un tremblement de terre qui le dévaste. Il sera ensuite restauré, mais de manière incomplète. L’édifice a conservé son podium, son portique, des colonnes, sa cella (la grande salle) et le sanctuaire réservé aux prêtres. Malgré ses dimensions modestes, le temple d’Isis de Pompéi impressionne par sa monumentalité…
L’admiration de Gérard de Nerval
Ainsi, au XIXe siècle, le poète Gérard de Nerval (1808-1855) raconte dans Les Filles du feu, Isis, 1854 : « Un des spectacles les plus curieux fut la cérémonie qui s’exécuta au coucher du soleil dans cet admirable petit temple d’Isis, qui, par sa parfaite conservation, est peut-être la plus intéressante de ces ruines…

Le temple d’Isis fermé sur ordre de Justinien
Ainsi, jusqu’en 551, date de sa fermeture par l’empereur byzantin Justinien Ier (527-565), le grand temple d’Isis de Philae reste l’un des plus importants de l’Égypte ancienne et de la Nubie.
Le culte de la déesse Isis perdure donc jusqu’au milieu du VIe siècle à Philae, alors que, par ailleurs, des temples égyptiens sont fermés après le décret de Théodose en 391, au IVe siècle, dans une Égypte christianisée qui devient copte…


D’après la déesse Isis, Horus et le roi Ptolémée XII Néos Dionysos, Philae, XXXe dynastie ; et des hiéroglyphes, IVe-IIIe siècle, porte d’Hadrien, temple d’Isis de Philae, île d’Aguilkia, Assouan, Égypte Ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
Épouse du dieu Osiris, mère du jeune Horus, la déesse Isis incarne le trône d’Égypte, la fécondité et la maternité. Le culte de la déesse Isis, souveraine de Philae et « maîtresse de Vie » se propage dans le monde gréco-romain où elle acquiert une dimension universelle. Plutarque évoque la déesse Isis « Qui a dix mille noms ». Et le nom hébreu d’Ève, la vivante, rappelle l’essence de la déesse, mère du vivant…
Article suivant : Le Sacré en Égypte ancienne. La déesse Isis aux Dix mille noms, « Mère de toutes choses »
Un roman ? Sinouhé l’Égyptien, de Mika Waltari, les aventures de Sinouhé, médecin et espion du pharaon Aménophis IV (Akhénaton)… Un conte initiatique ? Her-Bak Pois Chiche, de Isha Schwaller de Lubicz, qui raconte l’éveil d’un jeune égyptien sous la XXe dynastie, dans la région de Thèbes (Karnak, Louxor)…
En savoir plus : Ci-gît Osiris, L’Abaton de Biggeh d’après les sources textuelles et iconographiques, de Charly De Maré : Ci-gît Osiris, L’Abaton de Biggeh d’après les sources textuelles et iconographiques, de Charly De Maré – aspirant FNRS – F.R.S/ASP – FNRS-F.R.S Research Fellow, doctorant en Langues et lettres (égyptologie) – PhD Candidate in Literary Studies (Egyptology). pdf : cdn.uclouvain.be/groups/cms-editors-ciol/01-C.%20De%20Mar%C3%A9,%20Ci-g%C3%AEt%20Osiris,%20l%E2%80%99Abaton%20de%20Biggeh.pdf
Philixte – Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL) : ulb.be – cierl.ulb.ac.be/index.php ; Laboratoire UMR 8546 CNRS-ENS, « Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident » (AOrOc) archeo.ens.fr
