Une fête galante sous l’égide de la déesse Aphrodite
Le peintre français Jean-Antoine Watteau dit Antoine Watteau, illustre représentant de l’art Rocaille français du XVIIIe siècle, naît à Valenciennes le 10 octobre 1684. Il s’éteint le 18 juillet 1721, à Nogent-sur-Marne. Conservée au musée du Louvre, à Paris, sa célèbre toile, Pèlerinage à l’île de Cythère, fut le morceau de réception présenté par le peintre, en 1717, à l’Académie royale de peinture et de sculpture…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2021 –

L’ORIGINALITÉ DE WATTEAU
Antoine Watteau soigne une mise en scène dans laquelle évoluent différents groupes de personnages bien distincts, qui s’intègrent dans un décor à la fois théâtral et naturel. Un monde à la fois mythique et contemporain.
Antoine Watteau connaît une notoriété précoce
Exceptionnellement, Antoine Watteau a le privilège de pouvoir choisir le sujet de son morceau de réception pour le présenter à l’Académie royale de peinture et de sculpture qui, pressée par le peintre Charles de La Fosse, ami de l’artiste, décide d’accueillir à part entière le peintre parmi ses membres.

Le 30 juillet 1712, Antoine Watteau est agréé par l’Académie royale… Mais le passage obligatoire pour intégrer la haute institution artistique ne se fait pas sans difficultés : Antoine Watteau ne livre pas son ouvrage de réception dans les délais imposés. L’artiste, dont la notoriété précoce est déjà établie, privilégie alors ses nombreuses commandes privées… Watteau prend son temps…
Watteau à l’Académie royale
Cythère, un voyage allégorique
Ainsi, Antoine Watteau s’accorde cinq ans pour réaliser son morceau de réception, Pèlerinage à l’île de Cythère, avant de le présenter à l’Académie royale. Le peintre se fait rappeler à l’ordre plusieurs fois avant d’achever son tableau en huit mois. L’artiste devient finalement membre à part entière de l’Académie le 28 août 1717…
Le Pèlerinage à l’île de Cythère permet à Watteau d’entrer à l’Académie royale en tant que peintre de fêtes galantes. Ce tableau figure parmi ses oeuvres les plus importantes.

Cependant, les historiens d’art débattent encore à propos de l’interprétation de ce voyage allégorique dans l’île de Cythère sous l’égide de la déesse Aphrodite–Vénus. L’art de Watteau fait de lui un représentant apprécié de l’art Rocaille, qui séduit très tôt dans sa carrière les collectionneurs et les marchands d’art…
Watteau répète le thème de l’île de Cythère
Antoine Watteau peint son Pèlerinage à l’île de Cythère entre 1712 et 1717. Ce tableau devenu célèbre trône parmi les chefs-d’œuvre du musée du Louvre. L’artiste crée ainsi une version aboutie d’une même thématique, que lui-même répète à plusieurs reprises avec quelques modifications.
L’artiste a réalisé deux autres tableaux intitulés Embarquement pour Cythère. Une première composition, conservée au Städelsches Kunstinstitut de Francfort, en Allemagne, est peinte vers 1709-1710. Une autre version de l’île de Cythère, réalisé entre 1718 et 1719, se trouve château de Charlottenburg, à Berlin…

Sur le tableau de Francfort, une embarcation, supposée avoir émergé des profondeurs, se tient prête à transporter les pèlerins sur l’île de Vénus, Cythère – évoquée en arrière-plan. Là-bas, se tiendra une fête galante, une célébration de l’amour qui fait fi des conventions et des règles de la société de l’époque.
WATTEAU MÊLE LE NATUREL ET L’IRRÉEL
Un art achevé de la composition
Pour choisir ses motifs, Antoine Watteau aime s’inspirer de la vie de cour et des moments de convivialités organisés par la noblesse de l’époque. Mais l’artiste transcende les limites strictes de l’étiquette. Le peintre soigne une mise en scène dans laquelle évoluent différents groupes de personnages bien distincts, qui s’intègrent dans un décor à la fois théâtral et naturel…

Antoine Watteau crée un univers Rocaille, où s’entremêlent le réel et l’irréel, mais aussi une profusion végétale, minérale et aquatique. Pourtant, la luxuriance des décors et de la végétation s’accompagne d’un art rigoureux et achevé de la composition.
Le thème de la fête galante
De la peinture d’histoire à la fête galante
Le choix de l’île de Cythère, lieu mythique de la naissance d’Aphrodite-Vénus, s’apparente à un sujet qui relève de la peinture d’histoire, le genre considéré alors comme le plus noble par l’Académie royale…
Mais, sur le procès-verbal consigné par l’institution, apparaît la modification du titre du morceau de réception de Watteau : le premier titre, Pèlerinage à l’Isle de Cythère, rayé, est remplacé par un second titre, Une feste galante.

Un nouveau genre académique
Cette modification du titre du tableau de Watteau n’est sans doute pas le fruit du hasard… Les académiciens ont décidé de recevoir ce peintre talentueux au sein de leur institution.
Mais sans accepter, peut-être, de lui octroyer le titre de peintre d’histoire, pourtant sous-entendu dans le titre originel de sa toile, qui fait référence à l’île mythologique de Cythère et à la déesse de l’Amour…
L’Académie établit donc un nouveau genre qui sied davantage, selon elle, au travail d’Antoine Watteau : La Fête galante.
L’artiste inaugure en effet cette nouvelle thématique qui, bien sûr, ne peut pas rivaliser avec la peinture d’histoire, un art qui trône à cette époque au sommet de la hiérarchie de la peinture académique…


D’après La Fête Galante, avec la Camargo dansant, Nicolas Lancret, vers 1727-1728, huile sur toile ; et La Fête galante, de Jean-Baptiste Pater, vers 1728, huile sur toile, XVIIIe siècle apjc, période Rocaille, France. (Marsailly/Blogostelle)
WATTEAU, LANCRET, PATER…
Watteau, Lancret, Pater… peintres de fêtes galantes
Deux ans après Antoine Watteau, le peintre Nicolas Lancret (1690-1743) est reçu lui aussi à l’Académie royale comme peintre de fêtes galantes, une qualification de genre utilisée alors pour la deuxième fois.
Puis, en 1728, Jean-Baptiste Pater, né à Valenciennes et ami d’Antoine Watteau, intègre à son tour la célèbre l’institution sous la même étiquette…
Antoine Watteau célèbre l’amour
Au XVIIIe siècle, Aphrodite-Vénus, l’île de Cythère et les jeux de l’amour sont des thèmes à succès au théâtre. Et, comme d’autres parmi ses tableaux, L’Embarquement pour l’île de Cythère, de Francfort s’inspire probablement d’une mise en scène de théâtre.
On retrouve encore Vénus, le thème des amants et un décor théâtral dans Les plaisirs de l’Amour, une huile sur toile peinte par Watteau vers 1718-1719, conservée à Dresde…

Une mise en scène théâtrale
L’éloge de la volupté
Les appétits sensuels, les amours secrètes ou interdites, le jeu des amants, les séduisantes déesses Diane et Vénus, l’éloge de la volupté… sont des sujets en vogue au XVIIIe siècle.
Ces thèmes nourrissent également l’art de peintres comme François Boucher (1703-1770) ou Jean-Honoré Fragonard (1732- 1806), ou encore des écrivains comme Pierre Choderlos de Laclos avec ses Liaisons Dangereuses (1782)…
Au XVIIIe siècle, on a le goût du théâtre et de la comédie
Peut-être inspiré par certains opéras du XVIIe siècle, mais aussi par une comédie de Florent Carton Dancourt dit Dancourt, Les Trois Cousines, crée en 1700, les tableaux de Watteau sur le thème de l’île de Cythère et de l’amour évoquent l’itinéraire amoureux…



D’après Les Deux Cousines, Antoine Watteau, 1716 ; ci-dessous, d’après un galant et une dame, Pèlerine, comédie théâtrale de Dancourt, Les Trois Cousines, 1700, Watteau, gravure de Deplace ; XVIIIe siècle, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
Un autre tableau de l’artiste, peint en 1716, Les Deux Cousines, conservé au musée du Louvre, s’inspire également des thèmes galants et des jeux de l’amour sous l’égide de Vénus…
UNE SECONDE VERSION DES CYTHÈRE
Embarquement pour Cythère
On ne connaît pas, à ce jour, de gravure remontant au XVIIIe siècle qui serait réalisée d’après le célèbre Pèlerinage à l’île de Cythère du musée du Louvre. Mais il existe des estampes d’une seconde version, peinte par Watteau lui-même pour l’un de ses amis, Jean de Jullienne.
Cet amateur d’art a par ailleurs fait graver tous les tableaux de l’artiste. Ce collectionneur les avait presque tous acquis avant de les revendre… C’est Frédéric II de Prusse qui achète plus tard, pour sa collection, cette seconde version titrée Embarquement pour Cythère, aujourd’hui au château de Charlottenburg, à Berlin, en Allemagne.
Cette répétition peinte par Watteau présente des différences avec la version du Louvre, notamment un nombre plus important des personnages.

Il existe par ailleurs une gravure d’après cette version autographe (de la main même de l’artiste) de l’île de Cythère. La Bibliothèque nationale de France conserve une estampe réalisée en 1733, réalisée à l’eau-forte et au burin par le graveur Nicolas Henri Tardieu, dont quatre exemplaires sont connus.
Des ébats sous l’égide de Vénus
Watteau crée une ambiguïté poétique autour de Vénus
Sur L’Embarquement pour Cythère du château de Charlottenburg, Antoine Watteau modifie la statue de Vénus, représentée cette fois en pied sur un haut piédestal, et non plus en buste sans bras comme sur le tableau du Louvre.
Sur cette variante, la déesse de l’amour semble confisquer ou bien confier un carquois à l’un de ses cupidons, comme sur le tableau Les plaisirs de l’Amour… Afin de signifier peut-être la fin venue d’un moment d’amour soit, au contraire, la mission pour le cupidon d’en provoquer le désir…



D’après Les Fêtes Vénitiennes, détail, Antoine Watteau, 1718-1719 ; la statue de la déesse Vénus, Embarquement pour Cythère, répétition d’Antoine Watteau, 1718-1719, château de Charlottenburg, Berlin ; et Aphrodite, détail, Les plaisirs de l’Amour, Antoine Watteau, huile sur toile, 1718-1719 ; XVIIIe siècle, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
Watteau mêle mythe et réalité contemporaine
Ailleurs sur le tableau, d’autres amours évoluent librement autour des jeunes couples. Là encore, l’ambiguïté contribue au mystère poétique du tableau, entre impression joyeuse et nostalgique, entre insouciance et nécessité, entre commencement et achèvement…
Une grand-voile très vaporeuse…
Par ailleurs, sur L’Embarquement pour Cythère de Charlottenburg, les nuances sont davantage colorées. Sur cette toile apparaît la grand-voile d’un navire, gonflée par les vents, et une nuée de cupidons virevoltant dans le ciel. Au loin, émergent les terres de l’île de Cythère…

L’île de l’amour…
La vaporeuse grand-voile et les nombreux Amours voletant de Charlottenburg remplacent alors les brumes célestes de la version de Paris… Mais dans les deux cas, Watteau crée une atmosphère à la manière de Léonard de Vinci.
Une sensualité joyeuse et voluptueuse semble imprégner cette seconde composition, qui se démarque ainsi de celle du Louvre, dont l’ambiance crépusculaire évoque davantage la nostalgie.
Cependant, dans les deux tableaux, il règne sur l’île de l’amour une ambiance à la fois contemporaine et mythique, sensuelle et poétique, voluptueuse et ambiguë, réelle et irréelle…

Les pèlerins de Cythère…
Les deux titres des tableaux de Watteau – Pèlerinage à l’île de Cythère et Embarquement pour Cythère – ont donné lieu à des batailles d’experts autour de l’iconographie des compositions de l’artiste. On discute notamment à propos des pèlerins voyageurs : débarquent-ils sur Cythère ou bien repartent-ils de l’île de Vénus…?
Sur le Pèlerinage à l’île de Cythère du Louvre, on aperçoit cependant le buste de Vénus, dont le corps est chargée d’offrandes, avec guirlandes de roses, arc, carquois, flèches. Ce détail laisse imaginer que le rituel du pèlerinage à Cythère a déjà eu lieu ou bien qu’il se déroule en ce moment même…

Dans l’autre tableau, Embarquement pour Cythère, Vénus trône sur un piédestal, des cupidons à ses pieds. La déesse retire ou donne un carquois à l’un des petits amours volants… Dans les deux cas, galants et galantes s’apprêtent à quitter l’île, ou bien viennent d’y débarquer pour profiter de la bienveillance d’Aphrodite et de ses cupidons…
Une impression de rêverie légendaire
Par ailleurs, les spécialistes interprètent différemment la lecture de la composition du Pèlerinage à Cythère… ainsi que l’attitude des personnages, qui oscillent entre mélancolie du départ et bonheur de l’arrivée, douce tristesse et pudeur boudeuse, dédain amoureux et complicité…
Mais Antoine Watteau lui-même a-t-il voulu, peut-être, exprimer toutes les possibilités à la fois, donnant ainsi à son oeuvre une dimension intemporelle et mythique…?

Comme dans un songe…
Si l’ensemble revêt les atours d’une fête galante du XVIIIe siècle, l’atmosphère vaporeuse et lointaine des tableaux de Cythère, comme dans un songe, contribue à renforcer une impression de rêverie légendaire, hors du temps et de l’espace…
Selon Pierre Rosenberg (Watteau, 1984), ce pèlerinage allégorique d’Antoine Watteau dépeint autant un départ vers l’île qu’un départ de l’île de Cythère, assimilée à un non- lieu…
Des amants sur le chemin du désir
Antoine Watteau met en lumière des groupes isolés
Antoine Watteau n’a pas laissé d’esquisse préparatoire à son tableau Pèlerinage à l’île de Cythère… Mais l’artiste – de droite à gauche ou de gauche à droite – met en lumière différents groupes isolés de personnages.

Cette manière lui permet de multiplier les scènes et de mieux définir les individualités, voire d’accentuer les particularités psychologiques qui caractérisent les membres de cette société galante de passage à Cythère…
De l’approche à la conquête amoureuse
Un premier couple se détache de l’ensemble… Il est formé par une jeune femme, qui agite un éventail, auprès de laquelle s’agenouille un galant. Un cupidon potelé tente de réveiller la dame ou d’attirer son attention.
Cette scène évoque peut-être la rêverie… ou bien l‘indifférence, feinte ou non, pour décourager le prétendant ou, au contraire, pour aiguiser davantage le désir amoureux…

Non loin de là, une jeune beauté, tenue par la taille par son amant, se retourne… Son doux visage exprime à la fois une acceptation amoureuse sereine et la nostalgie d’un amour peut-être finissant…
… La jeune femme semble observer un autre couple, dont le jeune homme aide une demoiselle à se relever en la tenant par les mains. On peut voir en ces trois couples l’illustration de plusieurs moments amoureux : l’approche du galant, son attitude attentionnée et la conquête achevée de la dame…
Le commentaire d’Auguste Rodin
Ainsi, les trois couples de Cythère évoqueraient le cheminement du désir amoureux, l’approche de plus en plus impatiente des amants pour accomplir leur désir. Comme le pense d’ailleurs Auguste Rodin, qui commente le Pèlerinage à l’île de Cythère de Watteau…


D’après le jeune couple se tenant par les mains, détail, Pèlerinage à l’île de Cythère, Antoine Watteau, 1717, huile sur toile ; et le couple se tenant par les mains, version de Berlin, Embarquement pour Cythère, Antoine Watteau, 1718-1719, château de Charlottenburg ; XVIIIe siècle apjc, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
Auguste Rodin : Ce qu’on aperçoit d’abord (…) est un groupe composé d’une jeune femme et de son adorateur. L’homme est revêtu d’une pèlerine d’amour sur laquelle est brodé un cœur percé, gracieux insigne du voyage qu’il voudrait entreprendre. (…)
(…) elle lui oppose une indifférence peut-être feinte (…) le bâton du pèlerin et le bréviaire d’amour gisent encore à terre. À gauche du groupe dont je viens de parler est un autre couple. L’amante accepte la main qu’on lui tend pour l’aider à se lever. (…) Plus loin, troisième scène. L’homme prend sa maîtresse par la taille pour l’entraîner. (…)

UN INSTANTANÉ DE L’ÉPHÉMÈRE
Double lecture…
Les personnages du Pèlerinage à l’île de Cythère peuvent encore incarner la fragilité des sentiments, l’éphémère, le regret ou la nostalgie de ce qui n’est plus, de ce que l’on doit quitter…
En effet, la composition en éventail du tableau guide le regard du spectateur de la statue de Vénus vers le lieu de l’embarquement, où d’autres couples se préparent pour un départ imminent… Les teintes automnales de la composition renforcent encore un sentiment d’achèvement, de fin de saison, d’un moment de la vie finissant…
Et pourtant…, notre regard de spectateur peut aussi embrasser un mouvement qui nous mène au contraire du bateau vers la statue, d’un joyeux débarquement pour consommer la célébration de Vénus…

Et le flamboiement des couleurs évoquerait alors un épanouissement magnifique et harmonieux sous le signe d’Aphrodite… Cette double lecture crée un instantané de l’éphémère, de l’impermanence dans la permanence, d’une réalité rêvée…
Rodin : « La nacelle balance sur l’eau sa chimère dorée…«
Auguste Rodin poursuit ainsi son commentaire…. Maintenant les amants descendent sur la grève, et, (…) ils se poussent en riant vers la barque ; les hommes n’ont même plus besoin d’user de prières : ce sont les femmes qui s’accrochent à eux…
… Enfin les pèlerins font monter leurs amies dans la nacelle qui balance sur l’eau sa chimère dorée, ses festons de fleurs et ses rouges écharpes de soie. Les nautoniers appuyés sur leurs rames sont prêts à s’en servir. Et, déjà portés par la brise, de petits Amours voltigeant guident les voyageurs vers l’île d’azur qui émerge à l’horizon.

Un monde mythique où l’on ne fait que passer…
Les brumes mystérieuses du paysage
Pour son Pèlerinage à l’île de Cythère, Antoine Watteau élabore une construction très rythmée de sa composition et soigne la beauté des coloris. L’artiste insuffle un mouvement subtil à ses groupes de personnages, ainsi qu’à l’ensemble de son œuvre.
Le peintre des Fêtes galantes se distingue encore par la facture vibrante de sa touche, qui contribue à exprimer une originalité novatrice, notamment dans le traitement du paysage, dont les brumes poétiques et mystérieuses animent l’arrière-plan. Cythère s’apparente à un monde mythique où l’on ne fait que passer…

Antoine Watteau exploite et revisite ainsi les influences de Léonard de Vinci (Renaissance italienne) et de Pierre Paul Rubens (XVIIe siècle).
Ce maître de l’art pictural s’inscrit dans le mouvement Rocaille du XVIIIe siècle, qui touche la peinture mais aussi la sculpture, l’architecture, les décors, l’art du jardin…
Découvrir aussi L’art au XVIIIe siècle et La Galerie Dorée de l’Hôtel de Toulouse, les Ors de l’art Rocaille
Cythère, de l’Académie royale au musée du Louvre
Le Pèlerinage à l’île de Cythère d’Antoine Watteau repose dans un premier temps, à l’abri, dans les collections de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Le tableau rejoint ensuite le Museum de la République française en 1793…
… qui deviendra plus tard le Musée du Louvre – (successivement Musée central des arts (1799), Musée Napoléon (1804), Musée royal (1815), Musée national du Louvre (1848), Musée impérial du Louvre (1852), Musée national du Louvre (1870).
QUI EST APHRODITE-VÉNUS?
L’île de Cythère, située dans l’archipel des îles grecques, est considérée dans la tradition gréco-romaine antique comme l’un des lieux probables de la naissance d’Aphrodite -Vénus, déesse de l’Amour, de la Sexualité et de la Beauté. L’île devient un lieu sacré dédié à Aphrodite, au désir et au plaisir amoureux.

La déesse grecque Aphrodite – Vénus pour les Romains – figure parmi les douze divinités de l’Olympe les plus importantes du panthéon gréco-romain, sur lequel règne Zeus-Jupiter. La tradition mythologique regroupe diverses légendes au sujet de la déesse de l’amour…
Les poètes grecs Homère et Hésiode racontent…
Au VIIIe siècle avjc, l’auteur de l’Iliade et l’Odyssée, le poète grec Homère, présente Aphrodite comme la fille de Zeus et de Dioné, divinité ancestrale, fille d’Océanos et parèdre du souverain de l’Olympe.

De son côté, le poète grec Hésiode fait naître Vénus de l’écume des flots, créée par les organes sexuels du dieu Cronos tranchés par Ouranos, qui tombent alors dans la mer. Aphros signifie l’écume en grec…
Ainsi, sur sa coquille poussée par Zéphir, le dieu du vent d’Ouest, Aphrodite aborde l’île de Cythère… puis Paphos dans l’île de Chypre, où elle est aussi particulièrement vénérée…
BIOGRAPHIE Antoine Watteau
Le goût de Watteau pour les personnages de la comédie théâtrale et pour les fêtes galantes nourrit son œuvre… Jean-Antoine Watteau débute son apprentissage d’artiste, à l’âge de dix ans, chez le peintre valenciennois Jacques-Albert Gérin. Après la disparition de son maître, Watteau rejoint Paris en 1702 pour poursuivre son apprentissage chez Claude Gillot, graveur et décorateur de théâtre….

– 10 octobre 1684 – naissance à Valenciennes de Jean-Antoine Watteau, fils de Jean-Philippe Watteau, maître couvreur et charpentier assez aisé. Les parents d’Antoine Watteau encouragent, semble- t-il, la vocation artistique précoce de leur fils Antoine, alors placé en apprentissage chez différents peintres, à Valenciennes…
Le frère cadet d’Antoine sera lui à l’origine d’une dynastie de peintres actifs à Lille, à la fin du XVIIIe, Louis et son fils, François, neveux d’Antoine, dits les Watteau de Lille.


D’après le portrait d’Antoine Watteau, de Rosalba Carriera, pastel 1721, Trévise ; et un autoportrait de l’artiste à sa palette, Antoine Watteau, estampe, gravure de François-Bernard Lepicié ; XVIIIe siècle, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
– Vers 1702 – Antoine Watteau se rend à Paris. Pour perfectionner sa culture, l’artiste et fréquente les marchands d’estampes, parmi lesquels Pierre II Mariette (1634-1716), le père de Pierre Jean Mariette (1694-1774), graveur, libraire, historien d’art, marchand et collectionneur d’estampes qui, plus tard, possédera certains dessins de Watteau.
-1702-1707 – Antoine Watteau rencontre Claude Gillot (1673-1722), peintre d’histoire, de sujets mythologiques, de compositions sacrées, de scènes de genre, de portraits, d’intérieurs, mais encore dessinateur et graveur, qui l’invite à venir travailler chez lui.


D’après un portrait d’Antoine Watteau dit à la chaise, pastel de l’artiste vénitienne Rosalba Carriera, vers 1720 ; et La Chute d’eau, d’Antoine Watteau, avant 1715 ; XVIIIe siècle, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
L’artiste doit sans doute à Gillot son goût pour l’univers du théâtre et de la comédie, pour le décor et pour le dessin. Watteau reste dans l’atelier de son maître jusque vers 1707-1708.
-Vers 1708-1709 – Antoine Watteau quitte Claude Gillot pour rejoindre Claude III Audran, un graveur renommé. Le jeune peintre emmène avec lui l’artiste Nicolas Lancret, qui deviendra son émule. Claude III Audran est le concierge (conservateur) du palais du Luxembourg, où Watteau peut admirer la galerie de Marie de Médicis de Rubens, dont il fera de nombreuses copies…

Claude III Audran fait collaborer Watteau à ses réalisations officielles pour Meudon et le château de la Muette. Watteau intègre l’Académie comme élève. À partir de 1709, Watteau se constitue une clientèle en peignant des sujets militaires…
– À l’Académie, Watteau perfectionne sa formation. Il obtient, semble-t-il, le second prix de Rome, sans jamais se rendre en Italie. Vers 1709 Antoine Watteau revient un temps à Valenciennes et peint pour une clientèle d’amateurs, dont des sujets militaires pour le marchand Sirois. Il soumet à l’Académie ses premières toiles, inspirées de l’univers du théâtre. L’Académie l’agrée pour Les Jaloux, un tableau disparu mais connu grâce à la gravure.

– 1712-1717 – sous la pression de Charles de La Fosse, l’Académie royale décide d’accueillir, en 1712, Antoine Watteau parmi ses membres. On lui laisse le choix de son morceau de réception. L’artiste présente le Pèlerinage à l’île de Cythère en 1717. Il est reçu comme peintre de fêtes galantes, étiquette créée pour lui dans la hiérarchie artistique reconnue par l’institution.
– 1719-1720 – Antoine Watteau, souffrant (tuberculose), se rend à Londres, dans l’espoir de s’y faire soigner. Là, le peintre rencontre des artistes français qui exécutent des gravures d’après ses œuvres, dont l’influence va perdurer, par ailleurs, dans l’art anglais, notamment dans celui du peintre anglais Thomas Gainsborough (1727-1788 )…


D’après L’Enseigne de Gersaint, détails, Antoine Watteau, 1720, huile sur toile, château de Charlottenburg ; XVIIIe siècle, période Rocaille. (Marsailly/Blogostelle)
De retour à Paris, Antoine Watteau fréquente des amateurs séduits par son art. Ainsi, il fréquente des collectionneurs comme le comte de Caylus, Antoine de La Roque ou Jean de Jullienne. Ce dernier fera graver, par François Boucher notamment, un recueil des plus beaux dessins de Watteau…
Le peintre côtoie aussi des marchands d’art comme Sirois, Mariette ou Gersaint, pour qui il peint la célèbre Enseigne dite de Gersaint (château de Charlottenburg, Berlin), destinée à la boutique du pont Notre-Dame à Paris d’Edme-François Gersaint

Le tableau fut acquis vers 1744 par Frédéric le Grand de Prusse, ce qui explique sa présence actuelle à Berlin, au château de Charlottenburg. En outre, le financier Pierre Crozat le loge un temps. Watteau admire la collection de son hôte, d’après laquelle il fera des dessins.
-1721- La maladie d’Antoine Watteau s’aggrave… Le peintre, soutenu par son ami l’abbé Haranger, s’installe à Nogent-sur-Marne. Il s’éteint là, le 18 juillet 1721, à l’âge de trente-sept ans. L’artiste a chargé au préalable Gersaint de vendre ses œuvres.

Le marchand en obtient 3 000 livres, une somme importante pour l’époque – un carrosse (sans les chevaux) coûte alors 2000 livres et l’abonnement à un journal 7 livres… Par ailleurs, avant de mourir, des motivations religieuses auraient poussé Watteau à brûler les tableaux de nudités qu’il possèdait encore…