Orient ancien. Sous l’empire d’Agadé, de Sargon à Naram-Sin, un art royal sublime la figure des souverains d’Akkad

D’après la stèle de Victoire de Narâm-Sîn, grès, vers 2230 avjc, Agadé, Mésopotamie, butin de Suse. (Marsailly/Blogostelle)

Les artistes d’Agadé renouvellent l’art sumérien

La Mésopotamie, très vaste région, se retrouve unifiée un temps sous la dynastie d’Akkad, entre 2340 et 2200 avjc. La dynastie d’Akkad fondée par le roi Sargon prend la tête de l’empire d’Agadé. Du règne de Sargon à celui de Naram-Sin, l’art devient un instrument au service d’un idéal impérial.  Héritiers des codes de l’art sumérien, les artistes akkadiens expriment et perpétuent avant tout l’image idéalisée du prince et les graveurs d’Agadé réinterprètent l’art des sceaux-cylindres…

Par Maryse Marsailly (@mblogostelle)
– Dernière révision novembre 2018 –

D’après le masque dit de Sargon, possible portrait du fondateur de la dynastie d'Akkad ou de celui d’un roi d’Agadé, bronze, époque d'Agadé, 2340 avjc - 2200 avjc, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le masque dit de Sargon, possible portrait du fondateur de la dynastie d’Akkad ou de celui d’un roi d’Agadé, bronze, époque d’Agadé, 2340 avjc – 2200 avjc, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Fin dynasties archaïques sumériennes vers 2340 avjc. Empire d’Agadé sous la dynastie d’Akkad fondée par le roi Sargon : 2340 – 2200 avjc. Règne de Naram-Sin : 2254 – 2218 avjc.  Époque Néo-sumérienne : 2150 – 2100 avjc. Prince de Lagash vers 2150. Règne de Gudea vers 2130. Ur-Nammu fonde la IIIe dynastie d’Ur vers 2100 avjc. Chronologie Orient ancien

LE ROI SARGON FONDE L’EMPIRE D’AGADÉ

Tout au long de la période des dynasties archaïques, les cité-états sumériennes rivalisent et se font la guerre pour obtenir la suprématie en Mésopotamie… Vers 2340 avjc, Sargon, prince d’origine sémite aux ambitions universalistes, parvient à imposer un premier empire fondé sur une administration centralisée…

D’après une divinité coiffée d'une tiare à cornes, arrosant l'arbre sacré sous l'égide de Nergal, dieu Soleil, stèle, vers 2340 avjc - 2200 avjc, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une divinité coiffée d’une tiare à cornes, arrosant l’arbre sacré sous l’égide de Nergal, dieu Soleil, stèle, vers 2340 avjc – 2200 avjc, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Nergal, dieu Soleil protecteur d’Agadé

Dans la tradition d’Akkad, Nergal, Soleil Brûlant de l’Été et divinité guerrière, est le dieu protecteur de la monarchie d’Agadé.. Dans le monde mythique mésopotamien, le roi soigne et arrose l’arbre sacré, nourrit et abreuve le troupeau sacré comme le font les déités du monde céleste…

La capitale d’Agadé reste inconnue

Sargon, un haut personnage de la cité de Kish (actuel Irak) prend le contrôle de cette ville vers 2340 avjc… Il étend ensuite son autorité et fonde la dynastie d’Akkad. Le roi Sargon lance plusieurs expéditions lointaines et se retrouve à la tête du premier empire de l’histoire considéré comme tel…

D'après la stèle de Victoire de Sargon, roi d'Akkad, diorite, vers 2300 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Victoire de Sargon, roi d’Akkad, diorite, vers 2300 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La capitale de l’empire d’Agadé, située alors en Babylonie (Irak actuel), n’a pas été retrouvée… C’est à Suse (Iran actuel) que les principaux témoignages de cette brillante époque se sont conservés, ramenés plus tard comme butin de guerre par un souverain élamite (Iran Ancien) du XIIe siècle avjc…

Désormais, on parle l’Akkadien…

Dans le royaume d’Agadé on parle l’Akkadien, une langue différente du sumérien mais plus facile à pratiquer. Les Akkadiens, peuples sémites, adaptent l’écriture inventée par les sumériens pour transcrire leur langue qui devient la langue officielle… Pour les écrits, on conserve l’écriture cunéiforme en akkadien ou parfois encore en sumérien.

Le sumérien devient le langage des érudits (comme le Grec ancien ou le Latin chez nous)… Au moment de l’avènement de la dynastie d’Akkad, la vie culturelle et artistique mésopotamienne évolue surtout avec la mainmise des monarques sur les arts…

D'après une inscription akkadienne, statue de Manishtusu, roi d’Akkad, diorite, 2270-2250 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une inscription akkadienne, statue de Manishtusu, roi d’Akkad, diorite, 2270-2250 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La stèle de Suse au nom du roi Sargon

Parmi les stèles retrouvées à Suse, la stèle du roi Sargon provient d’un butin de guerre ramené par un roi élamite au XIIe siècle avjc. C’est à ce jour la seule image connue avec certitude du roi Sargon, dont le nom apparaît sur l’inscription en akkadien…

On retrouve la composition sumérienne en registres et la coiffe royale traditionnelle avec chignon et serre-tête. Le roi d’Akkad arbore aussi une épaisse et longue barbe… Le thème du souverain à la tête de ses troupes comme le défilé des prisonniers (en haut) se rattachent encore à l’iconographie du monde sumérien précédent.

D'après la stèle de Victoire de Sargon, roi d'Akkad, diorite, vers 2300 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Victoire de Sargon, roi d’Akkad, diorite, vers 2300 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Sargon, premier roi d’Akkad devenu légendaire

Une légende raconte l’histoire de Sargon d’Akkad, ce fils de personne devenu roi , qui incarne la figure idéale du souverain mésopotamien… Le récit mythique précise que Sargon, fils d’une prêtresse, est d’origine sémite.

Sargon livré aux flots du fleuve

Sargon naît en secret avant d’être livré aux flots du fleuve, dans une corbeille renforcée de bitume. Protégé par la grande déesse Ishtar, l’enfant arrive à Kish où devenu un homme il renverse le roi et prend le pouvoir…

D'après Moise Exposé sur les Eaux, Nicolas Poussin, 1654 apjc, XVIIe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Moise Exposé sur les Eaux, Nicolas Poussin, 1654 apjc, XVIIe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)

Sargon sauvé des Eaux, comme le Moïse biblique

Trois copies tardives de l’histoire légendaire de Sargon remontent aux VIIe -VIe siècle avjc. L’auteur de ces écrits et la date de leur rédaction restent inconnus à ce jour. Le texte met en scène Sargon lui-même qui raconte sa vie et comment sa mère confie son enfant aux Eaux du Nil……

« Je suis Sargon, le roi puissant, le roi d’Agadé. Ma mère était une grande prêtresse. Mon père, je ne le connais pas (…) Ma mère me conçut et me mit au monde en secret. Elle me déposa dans une corbeille de jonc, dont elle ferma l’ouverture avec du bitume… Elle me jeta dans le fleuve sans que j’en puisse sortir… »

« La déesse Ishtar se prit d’amour pour moi… »

Sargon poursuit son récit : « … Le fleuve me porta ; il m’emporta jusque chez Aqqi, le puiseur d’eau. Aqqi, le puiseur d’eau, en plongeant son seau me retira du fleuve. Aqqi, le puiseur d’eau, m’adopta comme son fils et (…) me mit à son métier de jardinier. Alors que j’étais ainsi jardinier, la déesse Ishtar se prit d’amour pour moi et c’est ainsi que pendant cinquante-six ans, j’ai exercé la royauté… »

D'après Moïse Sauvé des Eaux, Nicolas Poussin, 1638 apjc, XVIIe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Moïse Sauvé des Eaux, Nicolas Poussin, 1638 apjc, XVIIe siècle, France. (Marsailly/Blogostelle)

Le récit biblique raconte une histoire comparable à propos de Moïse, dont le berceau est confié au Nil… De même, la mère de Moïse rend étanche le couffin à l’aide de bitume… mais le bitume est un matériau mésopotamien, presque introuvable en Égypte…

LE ROI SARGON IMPOSE UN ART OFFICIEL

Premier souverain d’Agadé, Sargon impose un art officiel, dont le thème principal illustre les victoires d’Akkad. Dans les ateliers royaux, les artistes sculptent en série des stèles monumentales. Ce sont des blocs de pierre imposants de forme presque pyramidale…

Des stèles célèbrent les victoires d’Akkad

Les stèles sculptées trouvent leur place dans les temples des principales cités de l’empire l’Agadé… Pour différencier le premier souverain d’Akkad du roi de Babylone et d’Assyrie Sargon II (vers 721 – 705 avjc), on nomme le premier roi d’Agadé Sargon l’Ancien, Sargon Ier ou Sargon d’Akkad

D’après un filet de prisonniers, stèle de victoire d'un roi d'Agadé, diorite, vers 2335-2280 avjc, période de Sargon d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un filet de prisonniers, stèle de victoire d’un roi d’Agadé, diorite, 2335-2280 avjc, période de Sargon d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La stèle de victoire d’un roi d’Agadé

Le filet de prisonniers de la stèle d’un roi d’Agadé rappelle le filet du dieu Ningirsu sur la stèle d’Eannatum, roi de Lagash, dite Stèle des Vautours, à l’époque des dynasties archaïques sumériennes… Le filet symbolise la puissance et le triomphe du roi sur ses ennemis…

Voir aussi l’article La puissance orageuse de Ningirsu, dieu sumérien de Lagash

Des trésors artistiques emportés à Suse

C’est au XIIe siècle avjc (vers 1100-1200 avjc) que la capitale d’Agadé est pillée par un souverain élamite du nom de Shutruk-Nahhunte. Il ramène avec lui de nombreuses œuvres d’art akkadiennes dans son butin de guerre jusqu’à Suse, sur le plateau iranien.

D’après une stèle de victoire d'un roi d'Akkad, prisonniers les mains liées, diorite, vers 2300 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une stèle de victoire d’un roi d’Akkad, prisonniers les mains liées, diorite, vers 2300 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La cité élamite abrite ainsi quantité de monuments, de sculptures et d’inscriptions qui remontent à l’époque d’Agadé. Certains écrits mentionnent les noms des rois d’Akkad et parfois leurs sanctuaires…

Les sculpteurs au service de la monarchie

Un art de cour codifié

Les rois sémites d’Agadé fondent le premier empire universel… Ils prennent le contrôle de la création et de la production artistique, qui devient l’expression et l’instrument de l’idéologie royale et impériale. Les artistes travaillent désormais sous l’égide du souverain. La diversité des œuvres sculptées s’évanouit pour laisser place à un art de cour codifié…

D’après une stèle de victoire d'un roi d'Akkad, prisonniers les mains liées, diorite, vers 2300 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une stèle de victoire d’un roi d’Akkad, prisonniers les mains liées, diorite, vers 2300 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les artistes d’Agadé taillent le grès et la diorite

Si les sculpteurs akkadiens travaillent un art de cour, ils se distinguent par une habileté technique inédite. Ils maîtrisent parfaitement la taille du grès ou de la diorite, des pierres très dures et particulièrement difficiles à sculpter. Les artistes s’essayent aussi à davantage de réalisme dans le rendu anatomique des personnages…

Une statuaire quasi grandeur nature

La diorite, belle pierre noire et brillante, n’existe pas en Mésopotamie et on l’importe des régions du golf arabo-persique, sans doute du pays d’Oman… Autre particularité des artistes d’Agadé : ils innovent en créant de plus en plus de sculptures de grandes dimensions… jusqu’à réaliser des personnages quasi grandeur nature.

L’héritage des canons de l’art sumérien

Parmi les stèles de victoire d’Agadé qui relatent différents épisodes de guerre, une œuvre fragmentaire montre un guerrier d’Akkad une lance à la main, et conduisant des prisonniers dont les mains sont attachées dans le dos par des liens…

D'après une stèle de Victoire, vers 2300-2250 avjc, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une stèle de Victoire, vers 2300-2250 avjc, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème du défilé de prisonniers, la présentation des personnages (les épaules de face, les visages et jambes de profil) et l’attention portée au dessin et au modelé sculptural s’inspirent des canons traditionnels de l’art sumérien.

Au commencement, sous le règne de Sargon, l’art et la manière des œuvres d’Agadé restent proches du style sumérien des dynasties archaïques, un art qui rayonne déjà dans l’ensemble de la Mésopotamie.

Par contre, la diversité et l’originalité des sujets s’amenuisent… L’inspiration iconographique se résume surtout désormais au thème de la victoire des rois sur leurs ennemis…

D'après une stèle de Victoire, détail des anatomies, vers 2300-2250 avjc, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une stèle de Victoire, détail des anatomies, vers 2300-2250 avjc, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Un réalisme anatomique de plus en plus étudié

À l’époque précédente des dynasties archaïques, on rencontre surtout des statuettes, entre 20 centimètres et 40 centimètres de haut, assez stylisées, même si la qualité des expressions est parfois impressionnante. Au temps d’Agadé, la représentation de l’anatomie humaine évolue de manière significative.

Les artistes expriment une recherche de réalisme de plus en plus poussé… La qualité du modelé des corps nus, le plus fidèle possible à la réalité anatomique, et l’élégance des lignes et des formes sont une véritable prouesse pour des sculpteurs qui travaillent une pierre très dure comme la diorite…

Cette pierre volcanique, noire et brillante, s’apparente à un matériau précieux, qui valorise encore davantage un art destiné à magnifier la personne royale et l’empire… En outre, la diorite favorise les effets de la lumière…

D'après la statue de Manishtusu, roi d’Akkad, avec inscription en akkadien, diorite, 2270-2250 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la statue de Manishtusu, roi d’Akkad, avec inscription en akkadien, diorite, 2270-2250 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Manishtusu, troisième roi d’Akkad

La diorite, un matériau luxueux qui vient de loin

Très appréciée des rois d’Agadé pour leurs stèles et leurs statues, la diorite provient de loin, notamment du pays d’Oman et du golfe Persique… Dans un texte gravé sur tablette d’argile, le roi Manishtusu lui-même explique…

Des montagnes au-delà de la Mer inférieure, il tira des pierres noires ; il (les) chargea sur des bateaux et il (les) amarra au quai d’Akkad. Il façonna sa statue (et la) voua à Enlil…

Manishtusu, fils de Sargon, roi d’Agadé

Des stèles de l’époque d’Agadé représentent Manishtusu (vers 2270-2255 avjc), fils de Sargon et troisième roi de la dynastie d’Akkad, qui règne vers 2270 et 2254 avjc. Les scènes de victoire se perpétuent.. Selon les canons officiels, le souverain apparaît victorieux avec des captifs dans un filet ou assommant ses ennemis,

D'après la statue de Manishtusu, roi d’Akkad, avec inscription en akkadien, diorite, 2270-2250 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la statue de Manishtusu, roi d’Akkad, avec inscription en akkadien, diorite, 2270-2250 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La statue de Manishtusu, roi d’Akkad

Une statue en diorite de presque 90 centimètres, mutilée et abîmée, nous présente Manishtusu, deuxième successeur de Sargon… La sculpture porte une inscription gravée en akkadien.

Cette œuvre en ronde bosse provient elle aussi du butin de Suse. Le torse et les mains jointes (retrouvées à part) du personnage sans tête (acéphale) sont interprétés avec sobriété… Malgré un travail sur une pierre très dure, le sculpteur obtient un rendu exceptionnel de l’anatomie des mains du personnage.

Le modelé minutieux du drapé de l’habit royal

L’artiste soigne aussi le modelé du drapé de l’habit royal dont les plis sont minutieusement interprétés. À cette période, le costume royal évolue…

Le monarque akkadien arbore maintenant une nouvelle coiffure dite au au bol et porte une robe dont la partie haute est drapée sur son épaule. La jupe, bordée par une sorte de frange, se resserre au niveau de la taille grâce à une ceinture drapée.

D’après L'obélisque de Manishtusu, roi d’Akkad, inscription akkadienne, stèle en diorite, 2270-2250 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’obélisque de Manishtusu, roi d’Akkad, inscription akkadienne, stèle en diorite, 2270-2250 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

L’obélisque de Manishtusu

Manishtusu fait aussi ériger une grande stèle de forme pyramidale de 1,40 mètre de haut dite obélique. Ce véritable monument est couvert sur ses quatre faces d’inscriptions cunéiformes, dont les textes sont rédigés en akkadien, sous la forme de 1519 cases…

Le roi d’Akkad distribue des propriétés à ses officiers

Les écrits de cette stèle précisent que le roi Manishtusu d’akkad réalise d’importantes transactions foncières dans la région de Kish, dont la lignée d’Akkad est originaire…

Le souverain acquiert quatre vastes domaines qu’il distribue ensuite en lots à ces grands officiers, sans doute pour s’assurer leur fidélité. Les textes de chacune des faces résument l’acquisition des quatre propriétés…

D’après L'obélisque de Manishtusu, roi d’Akkad, inscription akkadienne, stèle en diorite, 2270-2250 avjc, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’obélisque de Manishtusu, roi d’Akkad, inscription akkadienne, stèle en diorite, 2270-2250 avjc, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le kudurru et donations des terres

On retrouve plus tard la tradition d’ouvrages sculptés dédiés aux donations des terres, notamment chez les souverains kassites de la deuxième moitié du IIe millénaire avjc. Parmi ces monuments de pierre dénommés kudurru, souvent décorés de symboles ou de signes divins, le plus connu est le kudurru de Meli-Shipak (XIIe siècle avjc)…

Le Kudurru de Meli-Shipak II, roi de Babylone : voir aussi l’article L’Orient ancien. Une mosaïque culturelle et artistique, littéraire et mythologique

L’ART SUMÉRIEN DES SCEAUX REVISITÉ PAR LES GRAVEURS D’AKKAD

À l’époque d’Akkad, les ateliers de graveurs de sceaux travaillent aussi sous le patronage des souverains… Les artistes de la glyptique perpétuent la tradition sumérienne des sceaux-cylindres mais renouvellent le style des compositions. Ils revisitent les thèmes traditionnels associés à des inscriptions. Un riche répertoire mythologique évoque les cycles de la Nature…

D'après Shamash, dieu Soleil, un jeune dieu guerrier (Ninurta), Ea dieu des Eaux sur son trône, cylindre d'Ur, vers 2300 avjc, période d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Shamash, dieu Soleil, un jeune dieu guerrier (Ninurta), Ea dieu des Eaux sur son trône, cylindre d’Ur, vers 2300 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

L’importance de la végétation et de l’Arbre sacré

La végétation, évoquée par des arbres ou arbustes, semble avoir une grande importance dans la mythologie illustrée sur les sceaux d’Agadé. Et l’Arbre Sacré ou Arbre de Vie peut prendre une forme très stylisée ou ressembler à un palmier qui porte des fruits, signe de fécondité et d’abondance…

À la fin du IIIe millénaire avjc, les sujets iconographiques de la glyptique composés par les graveurs d’Agadé renouvellent l’interprétation artistique du répertoire mythologique…

D’après le sceau du scribe Zagganita, déités guerrières ailées, le dieu des Eaux Douces et de la Sagesse Ea et ses flots, 2340 avjc - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le sceau du scribe Zagganita, déités guerrières ailées, le dieu des Eaux Douces et de la Sagesse Ea et ses flots, 2340 avjc – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Un répertoire mythique et fabuleux

On découvre des épisodes de la cosmologie, la manifestation et les activités des dieux dans des paysages fabuleux, ou encore les combats dramatiques de divinités héroïques contre d’autres déités ou contre des animaux ou des monstres…

Des puissances naturelles personnifiées

Les forces naturelles apparaissent personnifiées par des divinités identifiées grâce à leurs attributs. On reconnaît Enki-Ea aux flots qui jaillissent de ses épaules, le Soleil Shamash à ses flammes, la grande déesse à ses épis…

Le Enki sumérien, Ea en akkadien, dieu de l’Abîme, des Eaux Douces et de la Sagesse semble détenir la suprématie, même si le chef du panthéon, Enlil, dieu de l’Atmosphère, confère la royauté mésopotamienne.

D’après la grande déesse aux Épis sous son aspect guerrier (Inanna-Ishtar), attributs Lion et Étoile, vers 2340 avjc - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la grande déesse aux Épis sous son aspect guerrier (Inanna-Ishtar), attributs Lion et Étoile, 2340 avjc – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La déesse aux Épis déploie ses rameaux

Pourvoyeuse de fertilité et protectrice des troupeaux, comparable à Inanna et Ishtar, la grande déesse aux Épis incarne elle aussi un principe essentiel…

Parfois ailée, cette déité céleste affiche quelques fois un aspect guerrier avec ses rameaux qui se transforment en armes redoutable…Comme Ishtar, déesse de l’Amour, de la Sexualité, de la Fertilité mais aussi de la Guerre…

Voir aussi l’article Le Sacré en Mésopotamie : la grande déesse aux Épis et le puissant dieu-Soleil

D'après le sceau du scribe Adda, le dieu Soleil émerge de la Montagne, vers 2300 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le sceau du scribe Adda, le dieu Soleil émerge de la Montagne, vers 2300 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Renouveau de la Nature

Sur le sceau du scribe Adda, le Soleil (Shamash en akkadien ou Nergal Soleil brûlant de l’été) semble émerger de la Montagne. Armé d’une scie, le dieu semble réapparaître après un séjour dans la monde souterrain…

Prisonnier dans la montagne, il disparaît ou meurt avant de renaître… La sortie ou la renaissance du Soleil se manifeste en présence d’autres divinités…

Les sceaux d’Agadé content les histoires des dieux

Ushmu, une déité à double visage

La grande déesse aux Épis (Inanna-Ishtar), ailée, et le dieu des Eaux Douces et de la Sagesse, Ea (akkadien) semblent accueillir la remontée de la divinité solaire. Ea (à l’origine Enki en sumérien) participe à la scène, accompagné de son acolyte, Ushmu, une déité à double visage…

D'après le sceau du scribe Adda, le dieu Soleil émerge de la Montagne, vers 2300 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle
D’après le sceau du scribe Adda, le dieu Soleil émerge de la Montagne, vers 2300 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle

Au côté de la grande déesse, campent un dieu guerrier-chasseur armé d’un arc, accompagné d’un lion. Le lion est l’un des attributs d’Ishtar, déesse de l’Amour mais aussi de la Guerre…

Voir aussi l’article Le Sacré en Mésopotamie : la grande déesse aux Épis et le puissant dieu-Soleil

Nergal, dieu Soleil brûlant de l’été

Les bourgeons d’un arbuste laissent imaginer l’arrivée prochaine du printemps et la renaissance de la Nature… Au point culminant de l’été, le dieu Soleil prend un aspect destructeur… il devient le brûlant Nergal et les fortes chaleurs dessèchent la végétation et le monde vivant…

D'après le dieu Soleil émergeant de la Montagne et l'ouverture du temple, empreinte de sceau, 2340 avjc - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, période d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Soleil émergeant de la Montagne et l’ouverture du temple, empreinte de sceau, 2340 avjc – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les premières bandes dessinées…

Les sceaux d’Agadé nous content les histoires des dieux… Le dieu guerrier ou chasseur et son Arc, la déesse ailée aux Épis pacifique ou guerrière, le dieu solaire et ses Flammes qui sort de la Montagne ou trône en triomphateur…

Le dieu Ea et ses Flots jaillissants et poissonneux, le vol de l’Oiseau ou de l’Homme-Oiseau, la déité aux Deux Visages… Le paysage mythologique mésopotamien, foisonnant, riche et énigmatique se présente comme une passionnante BD…

Parmi les images de prédilection, à côté de l’épiphanie (la manifestation) des dieux au moment du réveil de la Nature, on peut voir souvent des animaux nourris ou abreuvés… On retrouve là le thème ancestral du Maître des Animaux…

D'après des buffles abreuvés par des êtres mythiques, sceau de Sharkalisharri, roi d'Akkad, 2340 avjc - 2200 avjc, période d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des buffles abreuvés par des êtres mythiques, sceau de Sharkalisharri, roi d’Akkad, 2340 avjc – 2200 avjc, période d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Le mythique et ancestral Maître des Animaux

Sur une empreinte de sceau d’Agadé, une inscription au nom de Sharkalisharri, dernier roi d’Akkad, accompagne une scène mythique… Des créatures hybrides et étranges abreuvent des buffles…

Cette composition soignée et de grande qualité montre une évolution dans le modelé des personnages, qui devient plus sculptural… L’inscription précise : Le divin Sharkalisharri, roi d’Akkad, Ibni-sharrum, le scribe, (est) son serviteur…

Le dieu Nergal, Soleil Brûlant de l’Été

Un autre sceau akkadien évoque le dieu Nergal, personnification du Soleil Brûlant de l’Été… Il est accompagné de Gibil, le Feu, dont la torche embrase une victime… Une déesse semble passive ou impuissante, seul protagoniste à être représenté de face… Ses rameaux évoquent les émanations dues à une forte chaleur…

D’après la Victoire de Nergal, Soleil brûlant, et de Gibil, le Feu, armés de flammes et de flambeaux, vers 2350 - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, période d'Agadé, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la Victoire de Nergal, Soleil brûlant, et de Gibil, le Feu, armés de flammes et de flambeaux, vers 2350 – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, période d’Agadé, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Nergal, dieu Soleil brûlant de l’été, règne sur le monde souterrain (chtonien), symbolisé par la Montagne où se trouve une jeune déité de la végétation, captive, se préparant à naître ou à renaître…

Le Feu, personnifié par Gibil

Divinité guerrière, Nergal est le dieu tutélaire de la monarchie d’Agadé. On le rencontre sur de nombreuses images des sceaux.  Ses puissants rayons solaires et le Feu, personnifié par Gibil, qualifient sa redoutable domination. Nergal brûle et détruit la végétation…

Mais la renaissance du milieu végétal se prépare déjà, incarnée par un petit et tout jeune dieu porteur d’un rameau… Un thème qui rappelle le mythe grec de Myrrha qui, transformée en arbre à myrrhe, donne naissance au jeune Adonis, lui-même symbole de mort et de renouveau de la nature…

L’Épiphanie des dieux

Les puissances du renouveau

Souvent, dans les scènes mythologiques d’Agadé, une divinité principale et dominante apparaît sur un trône et semble présider à l’Ordre du Monde… Parfois, c’est l’apparition d’un couple divin ou encore la manifestation de plusieurs déités rassemblées qui président à une action collective…

Le temps mythique se déroule sous la forme d’épisodes dramatiques, dans lesquels combattent ou s’allient des dieux pour la suprématie… Des créatures monstrueuses et des sortes de héros participent aussi à ces tableaux mythologiques… Parfois, un jeune dieu symbolise le l’avènement prochain des puissances du renouveau…

D'après Nergal trônant et un jeune dieu au rameau, vers 2340 avjc - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, période Agadé, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Nergal trônant et un jeune dieu au rameau, vers 2340 avjc – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, période Agadé, antique Girsu-Tello, actuel Irak, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Gibil, le Feu armé de son flambeau

Sur un sceau de Nergal trônant et triomphant, un jeune dieu apparaît, installé à l’abri, alors qu’une déité lui offre un rameau. Le dessèchement de la végétation de la colline évoque la puissance excessive du Soleil de l’Été, renforcée par la présence de Gibil, le Feu, armé de son flambeau…

Tous les dieux mésopotamiens portent des tiares à cornes et le nombre plus ou moins important de paires de cornes renseignent sur leur puissance et leur place dans la hiérarchie du panthéon…

Voir aussi les articles Le Sacré en Mésopotamie : Des divinités coiffées de tiares à cornes…  et Ea, dieu de l’Abîme, des Eaux Douces et de la Sagesse

L’APOGÉE DE L’ART D’AGADÉ SOUS LE RÈGNE DE NARAM-SIN

Sous le règne de Naram-Sin (2254 – 2218 avjc), quatrième roi d’Agadé, l’art akkadien évolue vers son apogée… La disposition traditionnelle en registres superposés disparaît au profit d’une mise en scène qui s’apparente à une analyse ou à un commentaire des faits… Narâm-Sîn se construit une image de monarque universel

D'après la stèle de Victoire de Narâm-Sîn, grès, vers 2230 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Victoire de Naram-Sin, grès, vers 2230 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

La Victoire de Naram-Sin, souverain divinisé

La stèle de la victoire de Naram-Sin

Sur la monumentale stèle de Victoire de Naram-Sin, sculptée dans du grès rose sur deux mètres de haut, une pierre très dure, la composition en registres de la tradition sumérienne disparaît… L’artiste élabore sa composition pour proposer au spectateur une vision analytique des événements.

Le roi Naram-Sin domine et surplombe l’ensemble de l’image… La mise en scène nous raconte la Victoire de ce conquérant akkadien sur les montagnards Loulloubi, un peuple du Zagros (une chaîne de montagne qui coure en Iran, Irak, Turquie).

D'après la stèle de Victoire de Narâm-Sîn, les guerriers, détail, vers 2230 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Victoire de Naram-Sin, les guerriers, détail, vers 2230 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Déjà, à l’époque des dynasties archaïques sumériennes, sur le bas-relief votif d’Ur-Nanshe (vers 2550-2500 avjc), le roi de Lagash est représenté plus grand que les autres personnages pour signifier sa grandeur…

Voir aussi l’article Les artistes sumériens exaltent la dévotion des souverains

Sur la stèle de Naram-Sin l’artiste akkadien va plus loin encore… Il sculpte un souverain de très grande taille qui se distingue nettement des autres.

Mais il insiste encore sur la puissance du roi en le parant d’un casque qui s’identifie à la tiare à cornes réservée traditionnellement aux divinités.. Naram-Sin apparaît donc sur cette stèle comme un dieu, et dans la posture d’un redoutable chef de guerre…

D'après la stèle de Victoire de Narâm-Sîn, les symboles célestes, détail, vers 2230 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la stèle de Victoire de Naram-Sin les symboles célestes, détail, vers 2230 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, butin de Suse, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Naram-Sin et le monde céleste

Sur la stèle de Naram-Sin l’armée d’Akkad, bien ordonnée, écrase ses ennemis en déroute. La scène se déroule dans un paysage où se profilent une montagne et un arbre stylisés. L’évocation d’une ascension s’exprime à la fois dans l’image de la montagne et dans le mouvement ascendant des personnages…

Au point le plus haut, se trouve Naram-Sin dont la haute stature, tel un dieu, rivalise avec la présence imposante de la montagne… Puis le sommet de la montagne se détache sur le Ciel, où brillent deux astres rayonnants.

Les rayons des deux astres évoquent une manifestation céleste… Peut-être le dieu guerrier protecteur d’Agadé, Nergal, Soleil de l’Été, associé à Ishtar, déesse de l’Amour, de la Fertilité et de la Guerre, dont le symbole est l’étoile… Ainsi, le triomphe du roi Naram-Sin, divinisé se déroule sous l’égide du monde divin…

D’après une stèle de Narâm-Sîn en Monarque Universel, vers 2230 avjc, époque d'Agadé, provient de Pir Hüseyin, actuelle Turquie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une stèle de Narâm-Sîn en Monarque Universel, vers 2230 avjc, époque d’Agadé, provient de Pir Hüseyin, actuelle Turquie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

L’archétype de la royauté universelle

Naram-Sin s’identifie au monarque de l’Univers

Naram-Sin mène une politique de conquête dans les cités. Cet ambitieux souverain d’Agadé se proclame lui-même le roi qui a apporté la paix dans quatre régions… Les quatre régions renvoient aux quatre directions de l’espace pour signifier l’universalité du pouvoir impérial. Ainsi, Naram-Sin s’identifie au monarque de l’Univers…

Un visage idéal, à l’expression souveraine

La copie d’un original en bronze reproduit la tête d’une statue qui représente peut-être Naram-Sin (provenant du musée de Bagdad). Le souverain est paré d’une coiffe royale très élaborée, avec des cheveux tressés, un chignon et un serre-tête royal.

Ce portrait, à qui l’on coupe les oreilles et la barbe, est volontairement défiguré dès l’antiquité. Le nez et l’un des yeux du personnage sont également endommagés. On peut tout de même admirer la belle expression de ce visage tranquille, dont l’expression idéalisée illustre la souveraineté…

D'après un portrait royal, copie en bronze d'un original, possible Narâm-Sîn, vers 2340 avjc - 2200 avjc, dynastie d'Akkad, époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un portrait royal, copie en bronze d’un original, possible Narâm-Sîn, vers 2340 avjc – 2200 avjc, dynastie d’Akkad, époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

L’interprétation artistique du visage royal exprime un symbole… Les traits ne reflètent pas le caractère d’une personnalité mais incarnent plutôt l’archétype de la royauté universelle… Ainsi, les artistes d’Akkad développent un style et un principe d’idéalisation pour sublimer l’image des souverains d’Agadé…

La « Malédiction d’Akkad »

Petit-fils de Sargon et premier souverain divinisé de son vivant, Naram-Sin fait lui aussi l’objet d’un récit mythique… mais beaucoup moins héroïque que celui de son grand-père. Gravée sur une tablette d’argile, La Malédiction d’Akkad est composée au début du IIe millénaire avjc, vers 2000 avjc.

Ce texte littéraire sumérien évoque la chute de la dynastie d’Akkad et raconte comment l’orgueilleux Naram-Sin déclenche la colère des dieux par son impiété et provoque ainsi la chute de l’empire d’Agadé…

D’après La Malédiction d'Akkad, tablette d’argile gravée, vers 2000 avjc, époque néo-sumérienne, Mésopotamie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La Malédiction d’Akkad, tablette d’argile gravée, vers 2000 avjc, époque néo-sumérienne, Mésopotamie, Orient ancien. (Marsailly/Blogostelle)

Au cours de son règne, Narâm-Sîn détruit des sanctuaires importants à Sumer, en particulier l’Ekur, à Nippur, le temple principal d’Enlil, divinité de l’Atmosphère et chef du panthéon sumérien… Selon le récit, c’est alors que les dieux maudissent la cité d’Agadé…

« Puisse l’abattement tomber sur ton palais… »

« Tous les dieux posèrent leur regard sur la ville (et) frappèrent Agadé d’une terrible malédiction… ville, tu t’es déchaînée sur l’Ekur qui était Enlil (lui-même)! Puissent les lamentations s’élever jusqu’au faîte de tes splendides remparts…

Agadé, là où avaient coulé tes eaux douces, puissent couler des eaux salées ! Puisse ton grain retomber au sillon, ton bois retourner à sa forêt, l’abatteur de boeufs abattre son épouse, ton égorgeur de moutons égorger son enfant, ton athlète être privé de sa force…

Puisse l’abattement tomber sur ton palais construit pour réjouir le coeur… Alors, sous le soleil de ce jour, il en fut vraiment ainsi… louée soit (la déesse) Inanna d’avoir détruit Agadé… »

D'après le dieu des Flots Ea et son acolyte Ushmu, scène de présentation d'un fidèle, empreinte de sceau-cylindre, vers 2200 avjc, fin époque d'Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu des Flots Ea et son acolyte Ushmu, scène de présentation d’un fidèle, empreinte de sceau-cylindre, vers 2200 avjc, fin époque d’Agadé, Mésopotamie. (Marsailly/Blogostelle)

Les scènes de présentation se multiplient

Sur une empreinte de sceau, une divinité et Ushmu, assistant au double visage d’Ea, introduisent un fidèle tête nue, auprès d’Ea, dieu de l’Abîme, des Eaux Douces et de la Sagesse, divinité dominante à l’époque d’Agadé…

Derrière Ea sur son trône, un taureau androcéphale veille… À l’époque suivante, néo-sumérienne, les scènes de présentation sont en vogue et les inscriptions prennent le pas sur l’image…

Entre 2150 et 2000 avjc environ, les montagnards vaincus par Naram-Sin finissent par l’emporter sur le royaume d’Agadé. S’ensuit un moment de troubles, une phase intermédiaire qui va déboucher sur une renaissance de la civilisation de Sumer sous le règne des princes de Lagash. On parle d’époque néo-sumérienne, une brillante période qui connaît son apogée sous le règne du célèbre prince-gouverneur Gudea…

Article suivant : Sumer le renouveau : la grandeur de la statuaire sous le règne de Gudea

Une aventure ? L’épopée de Gilgamesh (Mésopotamie) : des tablettes du XIIIe siècle avjc racontent l’épopée de Gilgamesh en quête d’immortalité, un roi qui aurait régné vers 2600 avjc sur la cité d’Uruk (ou Ourouk )… Un livre ? L’Histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer (1956).

L’épopée de Gilgamesh : voir aussi l’article L’Orient ancien. Une mosaïque culturelle et artistique, littéraire et mythologique

Antiquités orientales : Le Metropolitan Museum of Art au Louvre : THE MET AU LOUVRE – THE MET NEAR EASTERN ANTIQUITIES IN DIALOGUE (29 février 2024 – 28 Septembre 2025). PDF : api-www.louvre.fr/sites/default/files/2024-04/MET-Mobile-EN.pdf

Publié par Maryse Marsailly

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