Le culte souterrain du Soleil Invaincu
Les Mystères de Mithra s’apparentent à un culte solaire qui tend vers le monothéisme et se rattache à la symbolique de la Lumière. Il comporte le sacrifice du Taureau, des rites, un repas rituel pris en commun, des références à l’astrologie… Dieu perse à l’origine, Mithra séduit dans le monde gréco-romain antique. On vénère Mithra dans des grottes ou des sanctuaires souterrains. Seuls les adeptes masculins sont admis à l’initiation. Le culte de Mithra pratiqué dans l’Empire Romain finira par disparaître au profit du christianisme.
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour avril 2024 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Rome Antique : Ier siècle avjc – IVe siècle. Culte de Mithra dans l’Occident Romain : fin IIe – IIIe siècle. En 313, l’empereur romain Constantin, victorieux au pont Milvius, promulgue l’édit de tolérance de Milan et officialise le christianisme.
SOL ET MITHRA, DEUX DIVINITÉS SOLAIRES
Sur les représentations mithriaques, la relation entre Mithra et Sol (dieu Soleil) apparaît mystérieuse. Mithra semble recevoir de Sol l’ordre de sacrifier le taureau. Pourtant, du point de vue du panthéon, Sol est une divinité mineure au regard de Mithra, dieu souverain en Perse.

Le Banquet sacré de Sol et Mithra
La relation très étroite entre Sol et Mithra s’exprime particulièrement dans les scènes du banquet sacré, au cours duquel les deux divinités solaires partagent et consomment la chair du taureau sacrifié par Mithra. Sur les inscriptions, Mithra est qualifié de Sol-Invictus qui signifie Soleil invaincu en latin.
Du banquet divin au banquet rituel
Au cours des Mystères de Mithra, le festin mithriaque se déroule dans la caverne cosmique. Mircea Eliade précise que Sol et Mithra sont servis par des personnages (parmi les initiés) qui portent des masques d’animaux…

Ce banquet divin devient le modèle des repas rituels organisés dans les cérémonies du culte de Mithra. Les mystes des Mystères de Mithra arborent des masques qui spécifient leur grade initiatique. Ils se chargent de servir le chef de la communauté appelé Pater.
Char solaire mithriaque
Sur les images mithriaques peintes et sculptées, les dieux Sol et Mithra se serrent parfois la main ou Sol se présente agenouillé devant Mithra. Certaines scènes en bas-reliefs représentent les ascensions au Ciel de Sol et de Mithra à la fin du banquet…

Sur d’autres scènes, Mithra semble courir derrière le char du Soleil. On retrouve le thème du char solaire avec les dieux grecs Hélios et Apollon, divinité solaire et dieu de la Lumière, des Arts et de la Divination.
Le serment du secret
Parmi toutes les divinités qui sont l’objet de cultes à Mystères, Mithra apparaît comme le seul à échapper à une destinée en relation à des épreuves, à la mort et à la résurrection.
Selon Mircea Eliade, il est possible que l’initiation mithriaque ne comporte pas de rite symbolique de mort et de résurrection. Par contre, il semble que les futurs initiés s’engagent par serment à garder le secret…

Voir aussi les articles Le Sacré. Mithra, dieu lumineux et salvateur de l’Orient Antique à l’Occident Romain et Gaule Romaine. Les cultes orientaux de Cybèle, d’Isis et de Mithra se propagent en Occident
LE MITHRAEUM DE SIDON
Une représentation du Taurobole provenant de Sidon (Louvre), dans l’antique Phénicie (Liban actuel), montre Mithra coiffé de son bonnet phrygien et vêtu d’une tunique ceinturée et d’une cape, immolant le taureau avec son glaive. Une iconographie complexe évoque aussi le cycle du temps et la régénération…

Le corbeau, messager de Sol
Sur les reliefs de Sidon, le corbeau apparaît comme le messager de Sol (dieu Soleil, Hélios chez les Grecs). L’oiseau renvoie sans doute à l’inspiration envoyée par Sol à Mithra pour mettre à mort le taureau et ainsi sauver le monde. Sur certaines représentations, ce sont des rayons solaires dirigés vers Mithra qui insufflent au dieu la nécessité de son acte sacrificiel…
Serpent, scorpion, chien…
Un chien et un serpent viennent s’abreuver du sang de l’animal sacrifié. On aperçoit aussi un scorpion venu piquer les testicules du taureau, réservoir de sperme fécondant et symbole de fertilité…

Fertilité et régénération de la Nature
Le scorpion et le serpent peuvent évoquer les forces maléfiques et destructrices qui seront vaincues par Mithra. Par ailleurs, scorpion et serpent sont des animaux xxx, associés à la fertilité des sols. Le chien, animal psychopompe (guide des âmes), renvoie peut-être au passage par la mort…
L’image du sacrifice du Taureau se rattache aussi aux conséquences bénéfiques de l’immolation de l’animal. Le sacrifice engendre la régénération de la Nature, des animaux et de la végétation… Sur certaines représentations du sacrifice de Mithra, on peut apercevoir des plantes…
Les porteurs de torches Cautopatès et Cautès
L’image principale du sacrifice du taureau du mithraeum de Sidon s’accompagne aussi de plusieurs statues sculptées en ronde bosse (en trois dimensions). On retrouve les deux porteurs de torches Cautopatès et Cautès.


D’après Cautès, torche haute, symbole du Levant, de la Lumière et du renouveau ; et Cautopatès, torche baissée, symbole du Soleil Couchant et de l’obscurité, mithraeum de Sidon, marbre, IVe siècle, Phénicie, Liban, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Cautopatès et Cautès se rattachent au cycle Solaire. Cautopatès tenant sa torche vers la bas symbolise le Couchant et l’obscurité, la nuit, la mort. Avec sa torche haute, Cautès incarne le Levant, le triomphe de la lumière et le renouveau…
Une dimension cosmique et astrologique
Le Soleil, la Lune et le zodiaque
Dans la mythologie de Mithra, le sacrifice du taureau et la régénération de la Nature qui s’ensuit possèdent une dimension cosmique et astrologique. La scène se déroule sous l’égide du Soleil et de la Lune, figurés en très haut-relief sur la représentation de Sidon.

Lune-Artémis et Soleil-Hélios
Le relief du mithraeum de Sidon présente sur ces quatre angles les figures des quatre saisons sous l’égide de la Lune-Artémis et du Soleil-Hélios, en bustes dans des médaillons. Autour de la scène centrale du taurobole, Mithra immolant le taureau, se déploient également les symboles des signes astrologiques.
Les quatre saisons et les signes astrologiques
La figure de l’automne porte une couronne de vigne auprès d’un panier de raisins, entourée des signes des Gémeaux, du Cancer et du Lion. À côté du Soleil-Hélios et du signe des Poissons, se trouve la figure de l’été auprès d’une gerbe de blé. Sous le corbeau, messager de Sol, on aperçoit le signe du Verseau.

Le printemps couronné de fleurs
Sous les signes de la Vierge et de la Balance, la figure de l’hiver, couronnée de roseaux, est associée à un canard. De son côté, auprès d’un panier bien rempli, la figure du printemps se pare d’une couronne de fleurs, non loin des signes du Capricorne et du Sagittaire.
L’astronomie et l’astrologie, que l’on rencontre à Babylone au IIe millénaire avjc, se développent encore à l’époque de l’antiquité gréco-romaine.


D’après la figure du Printemps couronnée de fleurs avec panier, les signes Capricorne et Sagittaire ; la figure de l’Hiver, avec couronne de roseaux et canard, signe de la Balance ; haut-relief, Mithra immolant le Taureau, marbre, 389, mithraeum de Sidon, IVe siècle, Saïda, Liban, époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Influences célestes
L’astrologie se fonde sur un ensemble symbolique céleste, des analogies et des correspondances. Cette pratique se rapporte aux influences des astres sur les phénomènes naturels et sur la destinée des êtres humains…
On rencontre l’astrologie dans quasiment toutes les anciennes civilisations du monde, à des époques reculées, quand les observations astronomiques se chargent alors de sens et nourrissent le sacré, les mythes et les croyances…

La déesse grecque Hécate
Dans le mithraeum de Sidon, on rencontre aussi la déesse grecque Hécate sculptée dans le marbre. Une divinité liée au monde souterrain, associée ici à Mithra. Sur la base de la sculpture de Sidon, se trouve une inscription sous forme de dédicace : Moi… Gerontios, pater nomimos, en témoignage de reconnaissance, j’ai consacré (cette statue) en l’an 500 de l’ère de Sidon, soit en 395.
Déesse magicienne, Hécate apporte la prospérité
Divinité grecque, Hécate descend des Titans mais se montre fidèle à Zeus-Jupiter qui confirme les privilèges de la déesse sur terre, en mer et dans le ciel. Hécate, associée à la Nouvelle Lune et à la déesse Diane, apporte la prospérité.

Par ailleurs, évoquée par les sorciers et les magiciens qu’elle protège, Hécate est liée au monde des Ombres. Déesse magicienne, Hécate est également associée aux carrefours.
Hécate, déesse à trois corps féminins
Le plus souvent, la déesse Hécate fait l’objet de représentations cultuelles, pourvue d’un triple corps adossé à une colonne ou un pilier. Accompagnée d’un chien, Hécate est coiffée d’un calathos en forme de corbeille et tient des torches.
Selon son iconographie traditionnelle, la déesse se manifeste avec trois corps féminins. La déesse Hécate désigne parfois la face sombre ou secrète du principe féminin associé à la magie…

De Mithra au Bon Pasteur
Mithra portent le taureau sur ses épaules
Une statue du mithraeum de Sidon représente Mithra portant le taureau sur ses épaules. Des images comparables représentent le Christ portant l’agneau sur ses épaules.
Si l’image du Bon Pasteur renvoie au thème des brebis égarées, l’agneau symbolise aussi, dans la tradition chrétienne, le Christ se sacrifiant lui-même pour sauver l’Humanité. Le sacrifice de Mithra sauve le monde en immolant le Taureau…


D’après Mithra portant le Taureau, mithraeum de Sidon, IVe siècle, Phénicie, Liban ; Le Christ Bon Pasteur, l’une des plus anciennes statues sur ce thème, IIIe siècle, Vatican ; époque Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
Mithra, lion et serpent
Un étrange personnage à tête de lion
Une autre statue du mithraeum de Sidon représente Mithra ailé et léontocéphale (tête de lion). Un serpent s’enroule autour de son corps nu. D’autres sculptures de l’époque romaine représentent Mithra léontocéphale (parfois avec aussi des pattes de lion), ailé et associé au motif du serpent.
Un haut-relief du Mithraeum de Vienne, en Gaule Romaine, représente Mithra ailé et léontocéphale. Auprès du dieu, se tient un porteur de torche accompagné d’un cheval. La tête de lion, la gueule grande ouverte, semble menaçante, comme pour impressionner et mettre en garde le spectateur…



Divinités léontocéphales
La figure mythique de Mithra ailé et léontocéphale rappelle les images d’autres divinités, tel le dieu grec Cronos (Kronos) et le Saturne Romain qui dévorent leurs enfants. Cronos se retrouve assimilé à Chronos, dieu du Temps, lui aussi dévorateur de sa progéniture.
Les Grecs puis les Romains assimilent Cronos à Chronos (en grec) par une mauvaise compréhension du nom oriental qui le désigne. Ils en font un dieu du Temps. Son élément est le Feu, c’est pourquoi on utilise du miel et non de l’eau pour la purification qui précède la cérémonie…

Une conception cyclique du Temps
Ce personnage léontocéphale peut également évoquer Aiôn, dieu associé à la durée de la vie et à la destinée, au Temps et à l’Éternité (éon). Le serpent, grâce à ses mues, apparaît comme un symbole de renaissance et de régénération.
Le culte de Mithra semble se rapporter à une conception cyclique du Temps, comme le laisse penser le serpent à 7 spires de ses Mystères et les évocations astrologiques. La notion de cycle renvoie à des thèmes spirituels qui relèvent de l’Éternel Retour et d’une espérance de Salut…
La symbolique du serpent
L’artiste qui sculpte en haut-relief l’autel du Mithraeum de Bordeaux, nous présente un Mithra léontocéphale. Il l’installe dans une niche à pilastres de style gréco-romain, avec aiguière et patère à libation.

Deux serpents à tête de dragon
Cette image de la divinité mithriaque, à tête et pattes de lion, se distingue des autres figurations classiques des mithraea. On représente ici un dieu déhanché, comme en mouvement.
Son déhanchement rappelle le tracé sinueux des deux serpents à tête de dragon qui s’enroulent autour de ses jambes. Ces deux serpents rappellent aussi le thème de la Kundalinî et les serpents du caducée d’Hermès, dieu guérisseur.
Par ailleurs, des représentations de Phanès entouré du zodiaque montrent ce dieu orphique ailé, un serpent s’enroulant autour de son corps…

Doctrine orphique et Salut de l’âme
On retrouve l’idée du Salut de l’âme dans la doctrine orphique. Dans la Grèce antique, le mythe d’Orphée inspire l’Orphisme, un courant spirituel né au VIe siècle avjc. L’Orphisme évoque lui aussi la notion de Salut. Phanès, dieu orphique créateur, est représenté ailé, un serpent s’enroulant autour de son corps, entouré du zodiaque…
Des communautés fermées et secrètes
Selon la doctrine orphique, le Salut et la vie éternelle dépendent de la manière dont nous menons notre vie la terre… L’Orphisme prône une vie ascétique qui seule peut sauvegarder la pureté de l’âme de l’impureté du corps. Les adeptes de ce mouvement se regroupent dans des communautés fermées et secrètes…

Ce serait sous l’influence de l’orphisme que les Grecs se seraient représentés Zeus comme origine et fin de toute chose. Ils auraient ainsi poussé la synthèse jusqu’à la première conception de l’unité divine. Le thème de l’origine et de la fin de toute chose se retrouve dans l’alpha et l’oméga chrétien…
Les orphéotélestes prennent le bâton de pèlerin
Les disciples d’Orphée, les orphéotélestes, prennent le bâton de pèlerin pour enseigner aux populations le mysticisme, l’ascétisme et des idées révolutionnaires, comme la rédemption, l’ascendance divine, la chute de l’homme, la migration de l’âme…

Le serpent à 7 spires des Mystères de Mithra
Par ailleurs, le serpent à 7 spires des Mystères de Mithra, peut symboliser le cycle des solstices, l’alternance de l’obscurité et de la lumière en correspondance avec les porteurs de torches, Cautopatès et Cautès, les 7 jours de la semaine…
En outre, la mue cyclique du serpent évoque la régénération et la symbolique du serpent renvoie au pouvoir guérisseur et à la fertilité.
Voir aussi l’article La spirale, symbole cosmique et initiatique.
SEPT GRADES INITIATIQUES MITHRIAQUES
Des textes et des inscriptions nous renseignent sur l’organisation des 7 grades de l’initiation mithriaque. Corbeau (corax), Épousée (nymphus), Soldat (miles), Lion (leo), Perse (Perses), Courrier du Soleil (heliodromus) et Père (Pater) correspondent aux divers degrés acquis dans l’initiation aux Mystères de Mithra…

7 degrés sous l’égide de 7 planètes
Le Lion, quatrième grade mithriaque
Dans l’initiation aux Mystères de Mithra, le lion symbolise le quatrième des sept grades initiatiques. Sa clé permet d’ouvrir symboliquement les portes, en particulier pendant la cérémonie qui commémore la naissance de Mithra qui émerge de la Pierre.
Ce moment définit le commencement de l’année nouvelle, comme c’est le cas aussi pour Janus, le dieu romain à double visage, déité des commencements et des fins, du passage et des portes…

Serviteurs et Participants
On sait que même les enfants à partir de 7 ans peuvent être admis aux premiers grades. Selon Mircea Eliade, ils reçoivent peut-être un enseignement spirituel, apprennent des chants et des hymnes…
Deux groupes distincts constituent la communauté des mystes : les Serviteurs et les Participants. Pour rejoindre les Participants, l’initié doit avoir acquis au moins le grade de Léo…
Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Lune, Soleil, Saturne
Chacun des 7 grades de l’initiation aux Mystère de Mithra se déroule sous la protection d’une planète. Ainsi Mercure protège le degré de Corbeau (corax), Vénus celui d’Épousée (nymphus), Mars celui de Soldat (miles), Jupiter celui de Lion (léo)…

La Lune protège le grade de Perse (Perses) et le Soleil celui de Courrier du Soleil (heliodromus). Saturne veille sur l’initiation au plus haut grade, celui de Père (Pater)…
Des planètes et des métaux
Le mithraeum d’Ostie et celui de Santa Prisca, à Rome en Italie, témoignent des références astrales impliquées dans le culte de Mithra. Par ailleurs, le théologien Origène (185-254) mentionne une échelle à 7 traverses façonnées en différents métaux.
Chaque métal possède une correspondance avec une planète. En astrologie, le plomb s’associe à Chronos – Saturne, l’étain, le bronze et le fer à Arès – Mars, l’alliage de cuivre à Aphrodite -Vénus, l’argent à la Lune et l’or au Soleil…



D’après des degrés initiatiques mithriaques : Épée, Croissant de Lune, Étoile, Faucille ; Bêche, Sistre, Éclair ; et Torche, Couronne, Fouet ; mosaïque, mithraeum d’Ostie, Italie, Rome Antique. (Marsailly/Blogostelle)
Le corbeau, messager du Soleil
Selon le philosophe platonicien Porphyre (IIIe-début IVe siècle), les initiés au grade de Corbeau sont des auxiliaires. Par ailleurs, dans le mythe de Mithra, le corbeau se présente comme le messager qui transmet à Mithra l’ordre du Soleil (Sol) d’immoler le taureau…
Les symboles propres au grade d’Épousée (nymphus) sont le flambeau (le flambeau des mariages) et un diadème : deux emblèmes qui se rattachent à Vénus. L’Épousée possède aussi une lampe, symbole de la Lumière Nouvelle qui éclaire alors l’initié…

Baptême et épreuves initiatiques
Les détails du déroulement de l’initiation mithriaque selon chaque grade nous sont inconnus. Mais la littérature chrétienne qui condamne les sacrements de Mithra évoque un baptême…
Mithra est la « seule couronne » du myste
Ce baptême consacre probablement l’introduction du néophyte (le candidat à l’initiation) dans sa nouvelle vie d’initié et prépare sans doute au grade de Soldat (miles)…
On présente une couronne au candidat aux Mystères de Mithra qui se doit de la refuser tout en affirmant que Mithra est sa seule couronne. Le myste est ensuite marqué au front au fer rouge (selon Tertullien, 160-220) ou purifié à l’aide d’une torche ardente (selon Lucien, IIe siècle)…

Du miel et des épreuves initiatiques
On verse du miel sur les mains et la langue de l’initié au grade de Lion (Leo). Le miel est considéré comme la nourriture des nouveau-nés et des bienheureux. Selon la tradition iranienne, le miel provient de la Lune…
Un auteur chrétien du IVe siècle raconte comment dans l’initiation aux Mystères de Mithra on bande les yeux des candidats, entourés d’un groupe gesticulant et imitant le cri du corbeau ou le rugissement du lion.
D’autres postulants, les mains liées, doivent sauter par-dessus un fossé rempli d’eau. Un membre de la communauté armé d’une épée vient alors en libérateur couper leurs liens (faits de boyaux de poulets…).

Selon Mircea Eliade, certaines scènes peintes du mithraeum de Capoue semblent illustrer quelques-unes de ces épreuves mithriaques…
Simulacre rituel et mise en scène
Parmi les peintures du mithraeum de Capoue, Mircea Eliade mentionne un myste nu et assis, les yeux bandés et peut-être les mains liées dans le dos. Un personnage se tient derrière lui, alors qu’un autre personnage se trouve en face de lui.
Cet officiant ou prêtre, vêtu à l’orientale et coiffé du bonnet phrygien, dirige son épée vers le candidat. D’autres images montrent le candidat nu, agenouillé ou encore étendu sur le sol…

Le myste assiste aussi à un meurtre symbolique et on lui présente l’épée rouge du sang de la victime immolée. Il est possible aussi que certains rituels initiatiques prennent la forme de combats contre un épouvantail…
Un historien raconte comment l’empereur romain Commode a souillé les Mystères de Mithra en commettant un véritable homicide au lieu de simuler la mise à mort d’un candidat…
Culte et rituels mithriaques
Le culte à Mystères de Mithra et ses secrets semblent puiser à la source de l’ancestral héritage perse-iranien auquel se marie le monde mythique gréco-romain…
Le panthéon mithriaque marie orient et occident
Dans le panthéon mithriaque, les dieux grecs et romains côtoient de grandes divinités orientales, tels le dieu perse Zurvan, créateur de Ahura Mazda, principe du Bien, et de Angra Mainyu ou Ahriman, principe du Mal et de l’Obscurité…

Un culte pratiqué à Rome par les soldats
Chaque communauté d’initiés au culte de Mithra, le conventicule, comporte au maximum une centaine de membres. À Rome, on peut compter une centaine de sanctuaires, ce qui représente 10 000 fidèles environ.
Le culte secret de Mithra reste réservé essentiellement aux militaires, ce qui circonscrit l’étendue de sa pratique. La diffusion des Mystères mithriaques dépend alors du mouvement des légions romaines…
Vertus mithriaques et tradition romaine
Plébiscité par les soldats, le culte de Mithra séduit les profanes grâce aux valeurs de discipline, de tempérance et de morale pratiquée par ses membres. Par ailleurs, ces vertus relèvent aussi de la tradition philosophique et spirituelle romaine, ce qui explique peut-être pourquoi des empereurs romains eux-mêmes ont choisi de s’adonner aux Mystères de Mithra…

Exaltation des valeurs guerrières
Le thème des vertus guerrières rappelle le monde ancestral indo-européen où l’on cultive l’exaltation de la guerre et des valeurs masculines. À l’époque de l’âge du Fer, dans l’univers culturel celte, les valeurs guerrières fondent les croyances, les dieux et les rituels.
Le combat et le courage du guerrier, vainqueur ou vaincu, apparaît comme un sacrifice, une offrande. Mais les Mystères de Mithra apportent aussi une idée nouvelle de Salut du Monde…
Mithra ne subit pas l’épreuve de la mort
L’héroïsme exalté du combattant évoque alors une expérience quasi spirituelle et la mort au combat relève d’une sorte d’extase. Le culte de Mithra se distingue des autres cultes à Mystères égyptiens ou phrygiens en étant totalement fermé aux femmes, et Mithra est le seul dieu des Mystères à ne pas connaître l’épreuve de la mort ou des Enfers…

Le rituel mithriaque ne comporte pas d’orgies
La langue de la liturgie est le latin… On recrute les chefs des Mystères de Mithra parmi les populations italiques ou chez les peuples des provinces romaines. Ce n’est pas le cas dans les autres religions orientales du Salut, qui sont régies par un corps sacerdotal égyptien, syrien ou phénicien…
Une autre différence distingue le culte de Mithra des autres cultes à Mystères : le cérémonial mithriaque ne comporte ni sauvagerie ni orgies rituelles…
Mystères mithriaques et christianisme
Une forme spirituelle originale
Ernest Renan, philosophe et historien du XIXe siècle, relève à quel point les Mystères de Mithra connaissent un grand engouement aux IIIe et IVe siècle et comment ils se diffusent dans toutes les provinces de l’empire romain, sous une forme spirituelle originale…

Le culte de Mithra supplanté par le christianisme
Dans Marc-Aurèle et la Fin du monde antique l’auteur donne son point de vue: si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance … le monde eut été mithriaste… Pas si sûr pense Mircea Eliade, les autres religions à Mystères sont ouvertes aux hommes comme aux femmes et séduisent par la notion de salut proposé à tous…
En interdisant l’initiation aux femmes, le culte de Mithra se retrouve donc enfermé dans ses propres limites. Ce qui explique peut-être aussi qu’il soit rapidement supplanté ensuite par le christianisme…
La dimension spirituelle du repas rituel
Dans toutes les religions à Mystères, on participe à un banquet sacré. Dans le culte de Mithra, le repas rituel des initiés réactualise le banquet divin partagé par Mithra et Sol après le sacrifice du taureau…

Banquet sacré, eucharistie et baptêmes
Ces banquets organisés sur le modèle divin possèdent une signification sacrée et spirituelle qui s’apparente à un sacrement, et sont peut-être le prototype de l’eucharistie chrétienne…
Certains chrétiens des IIe et IIIe siècles voyaient d’ailleurs dans les Mystères mithriaques un concurrent plus ou moins diabolique de leur religion.
Comme dans d’autres cultes à Mystères, on pratique le baptême initiatique dans le cérémonial mithriaque. Pour certains auteurs chrétiens, la marque au fer rouge du baptisé au culte de Mithra rappelle la signatio du sacrement baptismal chrétien…

Mithra et Jésus nés un 25 décembre
Par ailleurs, à partir du IIe siècle, on célèbre la nativité divine le 25 décembre, pour Mithra comme pour Jésus. Les deux formes de pensées religieuses auraient aussi en partage des croyances similaires au sujet de la Fin du Monde, du Jugement Dernier et de la Résurrection des Corps…
Une expérience personnelle et spirituelle
Déjà présents dans le terreau spirituel gréco-romain, ces scénarios mythiques se retrouvent dans divers cultes à Mystères. Ce qui importe alors est une expérience personnelle et spirituelle obtenue grâce à la conversion, les épreuves initiatiques et les cérémonies rituelles.
L’Empire Romain, de Mithra au christianisme
Mithra bienfaiteur de l’empire
On retrouve la mise en valeur et en lumière des sacrements chez les non chrétiens comme chez les chrétiens. Plusieurs empereurs ont choisi d’honorer Mithra et de soutenir son culte, souvent pour des raisons davantage politiques que religieuses. Ainsi à Cartenum, vers 307-308, Dioclétien consacre un autel à Mithra qualifié de bienfaiteur de l’empire.
Constantin officialise le christianisme
Puis en 312, la victoire de l’empereur romain Constantin au Pont de Vilnius change définitivement la donne. En 313, Constantin promulgue l’édit de tolérance de Milan et officialise le christianisme.

Le culte de Mithra disparaît et perdure à la fois…
En 382 l’édit de Gratien combat la pratique du culte de Mithra, interdite et sujette à persécutions. Cette fin annoncée officielle se confirme définitivement avec les édits l’empereur Théodose en 392…
Malgré la disparition du culte de Mithra, certains éléments des croyances mithriaques venues de Perse vont survivre au cours des évolutions spirituelles à venir. Au IIIe siècle, le manichéisme bouleverse les esprits et les âmes, et les influences de ce dualisme manichéen se prolongent encore longtemps au Moyen Âge…
Par ailleurs, certaines croyances venues du monde culturel perse, relatives à la nativité, à l’angéologie, au thème du mage, à la théologie de la lumière et de la gnose, à la connaissance dans sa portée métaphysique, vont finalement contribuer à nourrir la pensée du christianisme puis celle de l’islam…
ÉPOQUE GALLO-ROMAINE : 52 avjc – début IVe siècle – Édit de Milan de l’empereur Constantin en 313 : liberté religieuse et développement du christianisme – Fin IVe siècle et Ve siècle : fin de l’Antiquité – invasions barbares. VIe siècle : débuts du Haut Moyen Âge.
Mithraeum Bordeaux : document PDF Simulacra Romae : Burdigala-Bilan de deux siècles de recherches et découvertes récentes à Bordeaux. bib.cervantesvirtual.com/portal/simulacraromae/libro/c13.pdf
Mircea Eliade : Traité d’histoire des religions et Histoire des croyances et des idées religieuses
