Les dieux celtiques de l’Autre Monde et leurs attributs, Odin et l’arbre cosmique

D'après la mythologie celtique, âge du Fer, Histoire du Sacré. (Marsailly/Blogostelle)

Lug le lumineux, Odin le sombre

Lug apparaît comme un dieu primordial et suprême du panthéon celtique. Dans la tradition irlandaise, une version ancienne évoque un caractère sombre et violent comparable à celui du dieu nordique Odin (ou Odhin). Les divinités celtiques et gauloises possèdent divers attributs : torque, roue, chaudron, lance, fronde, foudre, massue, lyre, corde, cerf, sanglier… Pour l’âme celtique, l’Autre Monde, le Sid, s’identifie à la Paix, à la Perfection et à l’Éternité…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Mise à jour novembre 2023 –

D'après Taranis-Jupiter, porteur de la roue, du foudre et de la corde, bronze, Ier siècle apjc, France, Gaule Romaine (Marsailly/Blogostelle)
D’après Taranis-Jupiter, porteur de la roue, du foudre et de la corde, bronze, Ier siècle apjc, France, Gaule Romaine (Marsailly/Blogostelle)

LUG, DIEU LUMINEUX DU PANTHÉON CELTIQUE

Inventeur de tous les arts, le dieu Lug ou Lugus serait, selon César, le Mercure Gaulois. Son nom signifie Lumineux. Dans la mythologie celtique, Lug apparaît comme une divinité primordiale et suprême du panthéon. Son emblème est le sanglier…

Lug, un dieu du Ciel ouranien

Des légendes irlandaises et médiévales qualifient le dieu Lug de polytechnicien. Il est à la fois forgeron, bronzier, menuisier, parfois même cordonnier et médecin. Mais Lug arbore aussi les attributs d’un dieu du ciel ouranien, type déité céleste de l’orage. Le sanglier de Lug et Taranis, dieu gaulois du Tonnerre, sont associés à la roue…

D'après un sanglier et roue, statère gaulois, bronze, Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, La Tène, âge du Fer, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un sanglier et roue, statère gaulois, bronze, Ier siècle avjc- Ier siècle apjc, La Tène, âge du Fer, Gaule celtique. (Marsailly/Blogostelle)

Le Sanglier, emblème du dieu Lug, fait-il tourner la Roue de l’Univers? Comme Chakravartî fait tourner la roue cosmique dans les doctrines de l’Inde ancienne…

Voir l’article Symbole universel, la roue tourne pour l’Univers…

Lug légitime le principe de souveraineté

Comme les dieux gréco-romains Zeus et Jupiter qui combattent des géants ou des titans, symboles des forces telluriques et dangereuses, le dieu druide Lug mène la bataille des dieux du ciel contre des êtres maléfiques. Victorieux, il s’empare du pouvoir royal et céleste. Lug légitime ainsi le principe de souveraineté…

Le grand dieu celtique Lug va laisser des traces en Gaule, où se trouvent de nombreuses forteresses de Lug, Lugu-dunum en latin. Lugdunum, future Lyon, est la capitale des Gaules à l’époque romaine.

D’après un dieu celte, personnages et sangliers, chaudron de Gundestrup, métal, Ier siècle avjc, Danemark ; sangliers, symbole de souveraineté et emblème du dieu Lug, bronze, La Tène, âge du Fer ; et une enseigne guerrière, sanglier, bronze, Ier siècle avjc-Ier siècle, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Sur le chaudron de Gundestrup, une divinité brandit deux personnages porteurs chacun d’un sanglier, emblème du dieu souverain Lug.

On rencontre également Lug ou Lugus en Irlande et au Pays de Galle, où il est nommé Lleu, c’est-à-dire à la main agile. Par ailleurs, l’équivalent gallois de Lug a laissé son souvenir dans des récits médiévaux très romancés.

Sur les traces de Lug…, des lieux et des villes

En France, plusieurs endroits portent des noms qui renvoient au dieu Lug. Lyon, dans le Rhône ; Laon, dans l’Aisne ; Laudun, dans le Gard ; Loudun, dans la Vienne ; Loudon, dans la Sarthe ou encore, Leiden, au Pays-Bas…

D'après le dieu gaulois d'Euffigneix, Ier avjc-IVe siècle apjc, Haute-Marne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu gaulois d’Euffigneix au sanglier, Ier avjc-IVe siècle apjc, Haute-Marne, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le terme pluriel Lugoves, qui signifie les trois Lugus, apparaît dans deux inscriptions gallo-romaines, en Suisse et en Allemagne.

On rencontre aussi le terme Lugu-selva, qui signifie la propriété de Lug, dans une inscription à Périgueux. Quelques dérivés comme Lugurix, à Genouilly, dans le Cher, ou Lugius, à Narbonne, se rapportent à l’origine au dieu Lug. On trouve aussi ce nom en Grande-Bretagne dans Luguvallium, ancien nom de Carlisle…

Lug cumule toutes les connaissances

L’essentiel des témoignages celtiques au sujet de Lug provient de la littérature mythique irlandaise. À la tête du panthéon irlandais, le dieu Lug apparaît comme le chef de file des Túatha Dé Dánann, la tribu de la déesse Dana. Le récit mythique de Cath Maighe Tuireadh (ou Bataille de Moytura) raconte ses aventures…

D'après un dieu celte, personnages et sangliers, chaudron de Gundestrup, métal, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un dieu celte, personnages et sangliers, chaudron de Gundestrup, métal, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Lug au long bras

La version la plus ancienne se trouve dans un manuscrit du XVe siècle, mais cette histoire très ancienne était déjà connue avant le Xe siècle. Lug cumule tous les savoir-faire et toutes les connaissances : on le qualifie de polytechnicien et on le surnomme dieu au long bras

Lug possède la puissance de la magie

Selon les récits mythologiques irlandais, le dieu Lug réunit à lui seul tous les pouvoirs et toutes les qualités divines des autres dieux. Par la puissance de sa magie, il assure la victoire sur les êtres maléfiques, les Fomoires, qui oppriment l’Irlande.

D'après le chaudron de Gundestrup, mythologie celtique, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le chaudron de Gundestrup, mythologie celtique, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Lug terrasse Balor avec sa fronde

Fils du Fomoire Delbaeth qui symbolise la forme indifférenciée et d’Eri, l’Irlande, Lug réussit à vaincre son grand-père Balor (l’éclair?). Le dieu Lug terrasse Balor d’un coup de pierre avec sa fronde…

Mais on présente également Lug comme le fils de Cian, qui signifie Lointain. Et Cian est lui-même le fils de Diancecht, dieu-médecin… Enfin, dans la littérature mythique, Lug est le père du grand héros de l’épopée d’Ulster, Cuchulainn…

DIEUX CELTIQUES AUX ATTRIBUTS VARIÉS

Les divinités celtiques et gauloises possèdent plusieurs sortes d’attributs mythiques, comme le torque, la roue, le chaudron, la lance, la fronde, le foudre, la massue, la lyre, le lien ou l’attache, le fil ou la corde, le sanglier, le cerf, parfois la tige ou le crin…

D'après un dieu barbu et roue, chaudron de Gundestrup, métal, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un dieu barbu et roue, chaudron de Gundestrup, métal, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Une divinité suprême fait tourner la roue de l’univers? Le décor du chaudron de Gundestrup évoque un univers mythologique peuplé de déités et d’animaux réels et mythiques…

Taranis, dieu gaulois du Tonnerre

Arbre sacré, le chêne attire la foudre

À l’époque de la Gaule Romaine, les divinités celtiques perdurent ou bien sont mises en correspondance avec certains dieux du panthéon romain. Le dieu celte du Tonnerre, Taranis, pourvu de la roue, du foudre (symbole de sa puissance et de l’Orage) et de la corde, est particulièrement populaire. La racine celtique de son nom, Taran, signifie tonner. En irlandais torann exprime le tonnerre.

Comme d’autres divinités reliées par leurs noms et par leur culte au chêne, Taranis possède un lien étroit avec cet arbre sacré qui attire la foudre

D’après le dieu Taranis et sa Roue, pilier sculpté, bas-relief, Alsace, Ier-IV siècle, Gaule romaine ; Taranis, porteur de la roue, du foudre et de la corde, bronze, Ier siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Le chêne, arbre cosmique et arbre de Vie

Chez les peuples indo-européens, le chêne personnifie à la fois l’arbre Cosmique, l’arbre de Vie et le centre symbolique du monde. Taranis est également associé à certains oiseaux annonciateurs du temps, comme pour l’orage ou la venue du printemps…

Les déités celtiques et gauloises sont en premier lieu des dieux de l’orage. Ils contrôlent les saisons, apportent la pluie et assurent la fertilité. Ces divinités renvoient aussi à la hiérogamie ancestrale qui unit le dieu de l’Orage à la Grande Déesse de la fécondité, sous la forme de Grande Mère tellurique ou de la Terre-Mère…

D'après une scène de culte du dieu Taranis, sacrifice, mosaïque, Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une scène de culte du dieu Taranis, sacrifice, mosaïque, Saint-Romain-en-Gal, IIIe siècle apjc, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Un panthéon celtique et romain

Les dieux gaulois sont connus grâce à des auteurs latins, à des monuments, à des sculptures et à des inscriptions d’époque romaine.  Héritage spirituel celtique et tradition gauloise perdurent et se marient aux apports romains. Dans le monde gallo-romain, Mercure comme Apollon sont qualifiés de Atepo-marus, qui signifie à la grande protection.

Ces dieux apparaissent comme deux divinités importantes du panthéon gallo-romain, à côté de divinités typiques de la tradition celtique et gauloise, tels Taranis et Toutatis. En grec et en latin, on invoque aussi Zeus-Sôter, dieu Sauveur ou Apollon-Medicus, dieu Médecin.

D'après le Mercure de Lezoux, dieu gaulois, Auvergne, Ier-IVe siècle, Gaule Romaine, France. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Mercure de Lezoux, dieu gaulois, Auvergne, Ier-IVe siècle, Gaule Romaine, France. (Marsailly/Blogostelle)

Les dieux solaires Grannus et Belenus

En gaule, on pratique le culte des dieux solaires Grannus et Belenus (ou Belenos) dans de nombreux endroits, mais il semble qu’ils ne désignent pas un seul et même dieu.

Le nom de Belenus se rattache également à la connaissance des plantes médicinales. Ce dieu gaulois peut être rapproché de l’Apollon-Médecin pour son savoir médical, un savoir attribué également au dieu grec Hermès, Mercure romain.

Des spécialités divines interchangeables

Différents qualificatifs mettent en lumière des spécialités divines interchangeables, et souvent partagée par diverses déités. En Gaule, Grannus évoque la première barbe, Joventus-Carus aime la jeunesse

D'après le dieu gaulois Cernunnos entre Apollon et Mercure, relief, Ier-IIIe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu gaulois Cernunnos entre Apollon et Mercure, relief, Ier-IIIe siècle, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Ces divinités renvoient au dieu solaire et lumineux Apollon en tant que divinité de la Jeunesse et des jeunes gens. Par ailleurs, le dieu gaulois Cernunnos s’intègre dans une trilogie auprès d’Apollon et de Mercure, divinités gréco-romaines.

Toutatis, un dieu guerrier tutélaire et protecteur

Toutatis, « Celui de la tribu« 

Le nom de Toutatis ou Teutates signifie Celui de la tribu. Il s’agit d’un terme générique qui peut être attribué à diverses divinités protectrices. Ce sont les dieux tutélaires d’une communauté ou d’un clan. Et certains dieux possèdent des épithètes ou des surnoms…

D'après un dieu, duo, et cavalier, chaudron de Gundestrup, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un dieu, duo, et cavalier, chaudron de Gundestrup, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

La chevelure abondante et la barbe des personnages celtiques du chaudron de Gundestrup peuvent symboliser le pouvoir du chef, du héros ou du dieu. Peut-être des déités tribales ou tutélaires?

Toutatis, dieu guerrier

L’emploi d’un surnom pourrait s’expliquer par la notion de tabou ou de dangerosité : on s’interdit de nommer le dieu par son nom véritable parce que ce nom est sacré, ou bien, il faut éviter que le nom du dieu soit connu par des ennemis qui pourraient l’invoquer. En Gaule Romaine, on rencontre souvent l’assimilation Toutatis-Mars-Teutates.

Toutatis est également un dieu guerrier… Le nom gaulois Teutates est mentionné dans La Pharsale du poète romain Lucain (Ier siècle apjc). Ce serait la variante ou une forme ancienne de touta-qui, dont le sens se rapporte à peuple, tribu, nation, et que l’on peut rapprocher du Túatha Dé Dánann, la Tribu de Dana, de la tradition irlandaise…

D'après une déesse celtique, animaux et roues, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, art celte, Danemark, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une déesse celtique, animaux et roues, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, art celte, Danemark, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Sur le chaudron de Gundestrup, une déesse avec des seins ronds, accompagnée de rouelles fleuries et d’animaux évoque la fertilité, la fécondité et la végétation. Serait-elle aussi une Maîtresse des Animaux?

Divinités féminines tutélaires et déesses

Brigantia déesse tutélaire des Brigantes

Parfois, il existe une correspondance entre le nom d’un peuple celte et le nom de son dieu tutélaire : le peuple des Brigantes de Grande-Bretagne honore ainsi Brigantia, qui signifie Éminence, Supériorité.

On retrouve un souvenir de cette divinité ancestrale en Irlande. Cette ancienne déesse celte des Arts et de la Poésie va devenir la patronne de l’Irlande. Sainte Brigide, mère abbesse de l’abbaye de Kildare, est fêtée le 2 février, au début du printemps…

D'après une déesse celtique, torque, oiseaux, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après une déesse celtique, torque, oiseaux, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Les Mères ou Matres, divinités secourables

En Gaule, les divinités féminines, Les Mères – ou Matres ou Matrones – apparaissent comme secourables, mais surtout comme très puissantes.

On peut les rapprocher des trois Parques romaines – Clotho, Lachésis, Atropos – qui président à la destinée des êtres humains en filant, dévidant et coupant le fil de la vie. Les Mères président à la naissance, à la vie et à la mort.

Appelées Les maîtresses en Italie du nord, Les Très Proches en Gaule Narbonnaise, Les Mères possèdent souvent un nom local pour les invoquer. Elles sont souvent personnalisées par une rivière, une montagne ou une source. Par exemple La Marne, Matrona est la Grande Mère, La Charente, Carantona est La Très Aimante…)

Voir aussi les articles Un panthéon gaulois et romain en Gaule (1) et Un panthéon gaulois et romain en Gaule (2)

D'après la déesse gauloise Epona, IIIe siècle apjc, Loiret, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la déesse gauloise Epona, IIIe siècle apjc, Loiret, France, Gaule Romaine. (Marsailly/Blogostelle)

Épona, divinité féminine gauloise sur sa jument, renvoie à la fécondité, à la souveraineté, à l’intronisation royale, aux chevaux et aux cavaliers…

Épona, déesse gauloise

Le nom de cette déesse se rattache à Epo et à l’indo-européen Ekwo qui signifient Cheval. Elle est connue surtout grâce à ses représentations à cheval, en particulier en Rhénanie. Il semble que cheval et cavaliers soient des références culturelles significatives dans le monde indo-européen, celtique et gaulois.

Par ailleurs, des contes gallois du Moyen-Âge racontent comment Rhiamon, une reine injustement punie, sert de monture au premier venu. Épona comme Rhiamon sont des figures féminines rattachées aux mythes de souveraineté royale et aux rituels d’intronisation qui font souvent intervenir des chevaux. Épona semble aussi renvoyer à la fertilité…

D'après des cavaliers coiffés de symboles, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des cavaliers coiffés de symboles, chaudron de Gundestrup, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Croyance celtique en l’immortalité de l’âme

La tradition irlandaise évoque l’Autre Monde nommé le Sid ; Tir na mBéo, la Terre des Vivants ; Tir na mBán, la Terre des Femmes ; ou encore Mag Meld, la Plaine des Plaisirs. La pensée spirituelle celtique, dont il reste des traces en Irlande, semble se rattacher à un monde mythologique associé au chaudron miraculeux et à un lieu mythique d’éternité…

Dans le Sid, on est éternellement jeune, sans souffrance, sans maladie ni vieillesse. La littérature mythique raconte l’histoire de la jeune femme qui, dans son vaisseau de cristal, vient chercher un mortel à qui elle promet amour et félicité sans fin. Pour l’âme celtique, l’Autre Monde, appelé le Sid, s’identifie à la Paix, à la Perfection et à l’Éternité…

D'après un dieu celte et cerfs, chaudron de Gundestrup, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un dieu celte et cerfs, chaudron de Gundestrup, métal or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Dans l’univers spirituel celtique, les relations des êtres humains avec les dieux de l’Autre Monde échappent aux normes du temps fini. Lors de la fête de Samain, le 1er novembre, on peut se rendre dans l’Autre Monde.

Mais ceux qui y séjournent quelques heures ou quelques jours y demeurent en réalité plusieurs siècles. Ils ne peuvent plus revenir au temps profane sans en mourir.

Métempsychose et réincarnation?

La croyance en l’immortalité de l’âme nourrit la pensée spirituelle celtique. Mais les interprétations varient selon les auteurs : pour certains, contrairement à d’autres, cette croyance ne s’accompagne pas nécessairement de métempsychose ou de réincarnation…

D’après une figure fantastique, fibule, bronze, Slovenské Pravno, Slovaquie, vers 400 avjc ; et un visage zoomorphe, bronze, style plastique, IIIe siècle avjc, mobilier funéraire, Orval, Manche ; La Tène, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Certaines étranges figures zoomorphes ou fantastiques des mobiliers funéraires de l’âge du Fer évoquent-elles le thème de la métamorphose ?

Les états multiples de l’être

D’autres auteurs rattachent le thème de la métamorphose à la théorie métaphysique des états multiples de l’être : la puissance ou l’énergie spirituelle peut ainsi se manifester selon divers modes et selon différents plans de conscience…

Dans la culture ancestrale celtique, les divinités sont étroitement associées au monde animal et ont le pouvoir de changer de forme. Ainsi, les dieux inspirent des symboles zoomorphes : ours, corbeau, sanglier, cerf, cygne…

D’après un dieu celtique coiffé de bois de cerf, qui brandit deux triskèles, phalère, or, Ier siècle avjc, La Tène, deuxième âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

La mythologie irlandaise évoque en particulier deux personnages capables de se métamorphoser en animal : Tuan mac Cairill, qui signifie Fils de Cairell et Fintan, qui a le sens de Blanc-Ancien.

Les récits racontent comment ces deux druides primordiaux vivent plusieurs millénaires… depuis l’époque du Déluge jusqu’à celle de saint Patrick et de ses successeurs… Tuan mac Cairill et Fintan transmettent ainsi la connaissance spirituelle et le savoir traditionnel de l’Irlande…

Coiffée de bois de cerf, une mystérieuse déité représentée sur le chaudron de Gundestrup a été assimilée au dieu celtique et gaulois Cernunnos. Il trône à l’image d’un Maître des animaux ou d’un Seigneur des Fauves.

D'après le dieu-cerf, chaudron de Gundestrup, métal, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu-cerf, chaudron de Gundestrup, métal, or et argent, Ier siècle avjc, Danemark, art celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Le thème du Maître des animaux ou du Seigneur des Fauves remonte probablement à la Préhistoire. On le rencontre par ailleurs dans la civilisation de l’Indus et en Mésopotamie…

Voir aussi les articles L’univers spirituel des chasseurs-cueilleurs ; Les sculpteurs et graveurs des cités de l’Indus et Des peuples néolithiques du Levant… au génie de Sumer

ODIN ET L’ARBRE COSMIQUE

Dans les récits mythiques irlandais, une version ancienne donne à Lug un caractère obscur, sombre, vindicatif et violent. Ce profil est comparable à celui du dieu nordique Odin. De son côté, l’auteur romain Tacite (Ier-IIe siècle) mentionne la croyance des peuples germains en un dieu suprême…

D'après le dieu Odin, manuel de mythologie d'Alexander Murray, XIXe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Odin, manuel de mythologie d’Alexander Murray, XIXe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)

Le dieu nordique Odin, divinité guerrière associée aussi à la magie, sacrifie l’un de ses yeux dans la fontaine de Mimir pour y puiser toujours plus de sagesse…

Odin, dieu nordique guerrier et magicien

Tacite explique que les peuples nordiques vénéraient avant tout Mercure et Mars, c’est-à-dire le Wothan germanique ou le dieu Odin dans la mythologie scandinave. L’auteur latin mentionne aussi Tyr, dieu archaïque du ciel…

Odhin-Wothan et Thôrr-Donar

Mircea Eliade précise que Odhin-Wothan et Thôrr-Donar sont des dieux souverains, célestes et ouraniens. On retrouve le duo archaïque indo-européen du dieu souverain aux pouvoirs magiques et du dieu souverain guerrier et héros.

Odhin-Wothan et Thôrr-Donar possèdent et incarnent pour les uns une puissance spirituelle souveraine et pour les autres une redoutable force physique…

D'après le dieu nordique Thorr et sa hache- marteau, La bataille contre les Géants, Mårten Eskil Winge, 1872 , XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu nordique Thor et sa hache- marteau, La bataille contre les Géants, Mårten Eskil Winge, 1872 , XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Les nombreux attributs divins d’Odin

Dans la mythologie germanique, Thor, comme Jupiter dans l’antiquité romaine ou le dieu védique Indra dans l’Inde ancienne, détient le rôle de dieu de l’orage et du combat. Il est à la fois le champion des dieux et l’archétype du héros guerrier…

De son côté, Odin, impliqué également dans de nombreuses batailles, obtient la victoire grâce à sa magie. Parmi les nombreux attributs divins d’Odin, on rencontre la capacité d’ubiquité, l’art de la métamorphose ou le pouvoir de paralyser son adversaire par la peur en le liant…

Runes et pouvoirs magiques

Odin-Wothan évolue sur de multiples plans. Ce dieu nordique s’approprie les attributs des divinités agricoles et des divinités de la fécondité. Il devient également un dieu chthonien et funéraire, chef des âmes des héros défunts…

D'après le dieu Odhin armé d'un trident sur son cheval Sleipnir, manuscrit islandais du XVIIIe, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Odhin armé d’un trident sur son cheval Sleipnir, manuscrit islandais du XVIIIe, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)

Odin-Wothan apparaît comme le grand chaman qui reste suspendu à l’arbre du Monde, Yggdrasil, pendant neuf nuits. Il découvre ainsi les runes, l’art divinatoire et acquiert ses pouvoirs magiques.

Ce scénario évoque un rite d’initiation chamanique, dont certains des récits racontent comment les chamans naissent dans les arbres…

Yggdrasil, arbre cosmique, arbre de Vie

Yggdrasil signifie Le Cheval d’Odin

La mythologie nordique raconte comment Odin attache son cheval à l’arbre Yggdrasil. Le nom de cet arbre signifie Le Cheval d’Odin. If ou chêne, il symbolise le Cosmos et la Vie. Ses racines plongent au cœur de la Terre, dans le royaume des géants de l’Enfer.

Auprès de l’arbre, jaillit la fontaine miraculeuse de Mimir, dont le nom se rapporte à la méditation et au souvenir. Le dieu Odin laisse un œil en gage dans la fontaine, grâce à laquelle il se rafraîchit et vient puiser régulièrement davantage de sagesse…

D'après le Loup Fenrir, associé à Odhin, et Yggdrasil, l'Aigle à la cime, la vipère sous les racines, XVIIe siècle, Islande, mythologie nordique.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Loup Fenrir, associé à Odhin, et Yggdrasil, l’Aigle à la cime, la vipère sous les racines, XVIIe siècle, Islande, mythologie nordique.  (Marsailly/Blogostelle)

Au pied d’Yggdrasil, les Nornes président au Destin…

Les récits mythiques racontent que non loin de l’arbre Yggdrasil se trouve également la fontaine Urd. C’est là que tous les jours les dieux tiennent conseil et dispensent la justice…

Les Nornes, qui tissent les fils du destin, règnent au pied d’Yggdrasil. Elles utilisent l’eau de cette fontaine pour arroser l’Arbre Sacré, lui redonner vigueur et jeunesse. Une chèvre, un aigle, un cerf et un écureuil veillent dans les branches d’Yggdrasil. Une vipère menace ses racines…

Le mythe du cycle cosmique

Cataclysme annoncé par la Volüspa

Lors du cataclysme annoncé par la Volüspa, c’est-à-dire la prédiction ou prophétie qui doit mettre fin au monde et instaurer une ère nouvelle, Yggdrasil sera fortement secoué… mais non abattu. Le tremblement de l’univers ne provoquera pas la destruction totale du Cosmos…

D'après l'Arbre Sacré Yggdrasil, par Oluf Bagge, graveur danois, XIXe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’Arbre Sacré Yggdrasil, par Oluf Bagge, graveur danois, XIXe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)

La lutte entre l’aigle d’Yggdrasil et le serpent (la vipère) trouve une correspondance dans la mythologie et l’iconographie de l’Inde ancienne avec le combat de l’aigle Garuda contre le reptile maléfique…

Le combat entre les ténèbres et la lumière

Oiseau mythique et céleste, parfois figuré sous une apparence humaine avec des ailes, on rencontre Garuda dans l’hindouisme et dans le bouddhisme. L’aigle Garuda est connu comme la monture de Vishnu…

Dans la lutte entre l’aigle d’Yggdrasil et le serpent, comme dans le combat du dieu germanique Thor contre le serpent de mer géant de Midgard, on retrouve le symbolisme cosmologique universel de la lutte entre la lumière et les ténèbres. Les deux grands principes solaire et ténébreux, souterrain (chthonien) s’opposent…

D'après La bataille de Thôrr contre le serpent de Midgard, Johann Heinrich Füssli, fin XVIIIe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)
D’après La bataille de Thôrr contre le serpent de Midgard, Johann Heinrich Füssli, fin XVIIIe siècle, mythologie nordique. (Marsailly/Blogostelle)

Arbre, végétation et transcendance

Le symbolisme de l’arbre se rattache à celui de la végétation. La végétation se révèle comme une hiérophanie : elle fait apparaître le divin et incarne et révèle le Sacré.

Arbre et plante ne sont pas sacrés en tant qu’ arbre ou plante. Ils le deviennent, nous explique Mircea Eliade, parce qu’ils participent à une réalité transcendante et signifient cette réalité transcendante.

Yggdrasil symbolise l’univers

L’arbre Yggdrasil symbolise l’univers. Mais aux yeux de la foi archaïque, n’importe quel chêne ou if peut devenir sacré s’il participe à ce même archétype. Un chêne ou un if quelconque peut symboliser l’arbre Yggdrasil, modèle universel et exemplaire…

Voir aussi l’article 3 L’Arbre de Vie, un concentré du Cosmos Vivant (dont l’arbre cosmique Yggdrasil)

D'après le chêne, arbre sacré, La Dame à la Licorne, 1500, détail, A Mon Seul Désir, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle).jpg
D’après le chêne, arbre sacré, La Dame à la Licorne, 1500, détail, A Mon Seul Désir, France, art médiéval. (Marsailly/Blogostelle).jpg

Le chêne celtique s’apparente à un temple naturel

Consacrer un lieu ou un arbre aux dieux

Pour les peuples d’Asie centrale, n’importe quel bouleau devient l’Arbre du monde par l’action de la consécration. Consacrer un lieu, un arbre ou un objet, c’est l’acte de le dédier aux dieux ou à dieu et de lui prodiguer un culte associé à des rituels.

Ainsi, en escaladant rituellement un arbre, le chaman s’élève à travers les cieux. Selon Mircea Eliade, dans la culture indo-européenne, la fusion symbolique de l’Arbre Cosmique et de l’Arbre de Vie sous la forme d’un chêne remonterait jusque dans la préhistoire…

D'après L'Antre des druides, estampe, dit Album Genévrier, planche 27, château de Fontainebleau, France, XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après L’Antre des druides, estampe, dit Album Genévrier, planche 27, château de Fontainebleau, France, XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

Selon Pline l’Ancien, les Druides sont les « hommes de Chêne »

Le chêne symbolise la force et la longévité. Cet arbre, qui attire la foudre, symbolise aussi la puissance et la souveraineté suprême céleste. Selon l’écrivain romain Pline l’Ancien (Ier siècle apjc), les druides sont les hommes de Chêne. L’auteur se réfère à l’étymologie du mot grec Drûs, chêne, et à l’analogie avec le nom de druide

Pour les Celtes, le chêne est un arbre sacré

Le chêne celtique s’identifie à un temple naturel habité par des nymphes. Par ailleurs, la dimension spirituelle du chêne va perdurer dans le temps. Et c’est un mythe particulièrement élaboré dans le Nord de L’Europe.

D'après le roi de France Saint Louis rendant la justice sous un chêne, à Vincennes, gravure du XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le roi de France Saint Louis rendant la justice sous un chêne, à Vincennes, gravure du XIXe siècle. (Marsailly/Blogostelle)

L’iconographie sur le thème du chêne et de la feuille de chêne va inspirer des motifs décoratifs dans des temples, des cathédrales et sur des objets d’art… Et la tradition légendaire va attribuer au roi de France Saint Louis (Louis IX) l’habitude de rendre la justice sous le chêne de Vincennes…

Voir aussi l’article 1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant.

Un héritage celtique au-delà de la conquête romaine

Panthéon, mythologie et rituel dès l’âge du Fer

Il semble que dès l’époque du premier âge du Fer (Hallstatt ), puis au second âge du fer (la Tène), s’élabore déjà un panthéon, une mythologie et un rituel qui alimentent la source de la spiritualité celtique et gauloise…

D’après un cheval, triskèle et hache, statère, Ier siècle avjc, Autun, peuple Eduens, La Tène ; le chaudron de Gundestrup, métal, Ier siècle avjc, Danemark ; art Celte, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)

Influencées dès le commencement par des thèmes sacrés qui remontent sans doute à l’univers mythique indo-européen, auxquels s’ajoutent des influences méditerranéennes, les croyances celtiques perdurent au-delà de la conquête romaine…

Si l’ancestrale tradition des druides disparaît avec eux, la culture celtique survit en Gaule Romaine dans les pratiques cultuelles. Bien plus tard, l’âme celtique renaît dans la foisonnante littérature mythique du Moyen-âge, dont l’un des personnages les plus célèbres est le druide Merlin…

Article suivant Le Sacré :  Âge du Fer, en Gaule celtique, les druides sont les spécialistes du sacré et du savoir

Sommaire L’âge du Fer

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Âge du Fer (Europe). Civilisation de Hallstatt : vers 750 avjc – 450 avjc, premier âge du Fer. La Tène : 450 avjc – 52 avjc, second âge du Fer. Conquête de César : 52 avjc. Gaule Romaine : Ier siècle avjc – IVe siècle. Édit de Constantin en 313 apjc : développement de la religion chrétienne

Qui sont les Celtes ? Who were the Celts?  par Julia Farley, Curator European Iron Age collection, British Museum. (source British Museum : blog.britishmuseum.org/2015/10/13/who-were-the-celts/

Mircea Eliade : Traité d’histoire des religions et Histoire des croyances et des idées religieuses

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

Commenter ?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.