Art celte, Hallstatt et La Tène
Entre le VIIIe et le premier siècle avjc, les civilisations de l’âge du Fer, héritières de celles de l’âge du Bronze, s’épanouissent en Europe. Un nouveau monde économique et social se développe. Il est fondé sur les échanges avec les civilisations phéniciennes, grecques, étrusques, puis romaines. Les peuples celtiques de l’âge du Fer sont qualifiés de barbares par les auteurs grecs et latins. Au premier âge du Fer, une puissante aristocratie guerrière contrôle une société de plus en plus hiérarchisée…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2023 –

Ce récipient utile à la cuisine et à la boisson possède aussi une importante signification funéraire et spirituelle dans l’univers de l’âge du Fer.
REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Âge du Fer : vers 750 – 52 avjc. La civilisation de Hallstatt : vers 750 – 450 avjc. La civilisation de La Tène : 450 – 52 avjc. Conquête de la Gaule par César : 52 avjc. Chronologie Âge du Fer
L’ÂGE DU FER, LE MONDE DIT BARBARE DES PRINCES GUERRIERS
À l’époque des civilisations de Hallstatt et de La Tène, l’univers culturel de l’âge du Fer connaît deux grandes périodes : celle de Hallstatt ou premier âge du Fer, dont le site éponyme est situé en Autriche, et celle de La Tène, du nom du site archéologique localisé en Suisse, sur les rives du lac de Neuchâtel…

Des tombes à chars sous tumulus
Des tertres de pierres et de terre
Au cours de l’âge du Fer, l’aristocratie guerrière se fait aménager des sépultures sous de vastes tumulus. Ainsi, des tertres de pierres et de terre abritent les tombes des princes et des princesses celtes…
Les tombes abritent un riche mobilier funéraire qui accompagne une classe d’individus manifestement privilégiés. Les tumulus apparaissent dès l’époque néolithique.
Voir aussi l’article Le néolithique : un souffle d’éternité habite des pierres gigantesques

Inhumation ou incinération et dépôts funéraires
Les défunts de l’élite celte peuvent être inhumés ou incinérés. Ils reposent dans leur tombeau accompagnés de leur char à quatre roues ou encore sont allongés dessus.
Les disparus emmènent aussi dans leur dernière demeure des armes, des parures et des pièces de vaisselle luxueuses. Un certain nombre d’objets de prestige proviennent des échanges commerciaux avec les peuples de la méditerranée…
Voir l’article Âge du Fer : les tombes celtes à char et leurs joyaux princiers
Phéniciens, Grecs, Étrusques… et peuples « barbares«
Dans la littérature grecque et romaine, les différents peuples du monde barbare sont cités comme des Celtes, des Germains, des Ibères, des Thraces, des Scythes…, en fonction des régions où ils vivent.

Ces peuples celtiques cultivent des contacts avec les civilisations méditerranéennes : phénicienne, grecque et étrusque. La Phénicie fonde Carthage en 814 avjc, avant d’étendre ses activités en méditerranée. La Grèce installe des colonies à partir du VIIIe siècle avjc.
Les Étrusques, dans la péninsule italienne, connaissent leur apogée au VIe siècle avjc. Rome proclame la république en 509 avjc. Puis l’impérialisme romain supplante l’hégémonie Étrusque…
L’ART DE LA FORGE EN GAULE CELTIQUE
La métallurgie du fer apparaît dès le deuxième millénaire avjc dans la région de la mer Noire. Cette technologie se diffuse à la fin du deuxième millénaire avjc de l’Anatolie à l’Iran, puis en méditerranée occidentale. En Europe et en France, comme leurs prédécesseurs de l’âge du Bronze, les artistes de l’âge du Fer excellent dans l’art de travailler le métal…
En Gaule « chevelue » on travaille le Fer
Les peuples de La Gaule dite chevelue se lancent dans le développement des forges. L’entretien des foyers exige beaucoup de bois que l’on trouve alors en abondance dans les forêts. En outre, le minerai de fer est beaucoup plus répandu que celui du cuivre ou de l’étain nécessaires à la fabrication du bronze.
Les Romains du Ier siècle avjc qualifient la Gaule de Gallia Comata (Gaule chevelue) pour désigner les territoires gaulois avant la conquête romaine. Ils s’inspirent des Gaulois aux cheveux longs et souvent moustachus. Le terme de Gaule chevelue a également été interprété comme une évocation d’une Gaule riche en forêts…

Des objets résistants sortent des forges
Le Fer possède plusieurs avantages sur le bronze. Il est plus aisé de se procurer du minerai quels que soient les aléas de circulation. Le Fer permet aussi de réaliser des objets finis plus résistants et, matériau plus malléable que le bronze, il permet également d’obtenir des tranchants plus faciles à affûter.
Fusion à 1530 degré pour la métallurgie du fer
Le travail du fer est plus complexe que celui du Bronze. Il nécessite des températures beaucoup plus élevées : le Fer entre en fusion vers 1530 degrés. Le cuivre fond vers 1080 degrés et le bronze – alliage de cuivre et d’étain – aux alentours de 800 degrés…
Objets en bronze et en fer à l’époque de Hallstatt
Pendant la période de Hallstatt, le fer est utilisé surtout pour fabriquer certaines armes, en particulier des épées et des couteaux. Mais de nombreux objets sont encore réalisés en bronze, comme des poignards, des éléments de harnachements, des parures, des ceintures plates ou encore des objets de prestige et de la vaisselle…

Au cours de la civilisation de La Tène, à partir du IIIe siècle avjc, l’usage du bronze diminue et les créations en fer se multiplient avec, à côté des armes, de l’outillage et des parures.
Voir aussi l’article L’âge du bronze, arts, richesses et prestige
Un haut degré de savoir-faire technique
Si les artisans moulent le bronze, ils forgent le fer. L’art créatif de la métallurgie du Fer implique un haut degré de savoir-faire… Le travail du fer nécessite 5 étapes techniques : le grillage pour oxyder les éléments contenus dans le minerai. – la réduction au fourneau pour obtenir du minerai pur à partir des oxydes.
– le travail de la loupe de métal pour enlever ce qu’il reste d’impureté grâce à un martelage à chaud. On obtient ainsi des lingots de fer sous forme de métal mou. – la carburation du carbone dans le fer pur permet d’obtenir de l’acier. – enfin, le travail s’achève avec le forgeage pour la mise en forme de l’objet.

INFLUENCES MÉDITERRANÉENNES
Avec les influences des Grecs, des Étrusques puis des Romains dans le Sud de la France, une évolution particulière s’opère dans le Midi de la Gaule. Là, les négociants du monde méditerranéen, alors en plein essor urbain, mettent en place des échanges intensifs avec les peuples de l’Europe.
Les Celtes du Midi adoptent l’art de vivre méditerranéen
L’importante activité des commerçants grecs et étrusques favorise à cette époque l’importation et l’exportation des objets, des savoir-faire et des denrées… Grecs et Étrusques viennent chercher en pays celte des matières premières, comme le sel, l’ambre, les peaux, les fourrures, du bois et des esclaves…

De leur côté, les tribus celtiques peuvent acquérir des objets importés de belle qualité, que l’on retrouve dans les tombes des riches défunts, tels des services à boire grecs ou étrusques. Ainsi, les Celtes commercent avec les Grecs et les Étrusques, puis plus tard avec les Romains de l’époque impériale.
Vins et tradition des banquets grecs et étrusques
Par ailleurs, le goût des premiers gaulois pour la consommation du vin se rattache à la tradition des banquets grecs et étrusques. Certaines coutumes méditerranéennes sont adoptées par l’élite celtes qui affiche ainsi son appartenance à la haute société…
Les Grecs de Phocée s’installent à Massilia
Dès le VIIe siècle avjc, la présence de céramiques grecques et étrusques est attestée dans le Midi de la France. Ces objets sont peut-être des cadeaux diplomatiques offerts aux chefs celtes en échange de marchandises.

En 600 avjc, les Grecs de Phocée, en Asie mineure (aujourd’hui située en Turquie), installent une colonie à Marseille et fondent la cité phocéenne de Massalia. Les amphores de Massilia (Marseille), réalisées en céramique de qualité et en série, permettent de transporter et de stocker du vin ou de l’huile…
Les échanges commerciaux s’organisent dans le Midi
Si les Grecs installent des colonies, les étrusques établissent des comptoirs destinés aux échanges commerciaux. Les importations se diversifient et se multiplient entre les populations barbares et les commerçants grecs et étrusques.

À partir du Ve siècle avjc, Marseille devient un centre très important de production et de redistribution de produits locaux et italiques. Et les amphores massaliètes sont alors particulièrement réputées pour leur qualité…
De la pierre et des briques dans les cités du Midi
Du Ve siècle avjc au IIe siècle avjc, les techniques de construction méditerranéennes s’imposent peu à peu dans le Sud de la France. On construit des soubassements en pierres appareillées et des murs en briques crues. On organise un partage régulier de l’espace dans les cités.


D’après les vestiges d’un four gaulois et de constructions en pierres, Entremont ; Sud de la France, Gaule celtique, âge du Fer. (Marsailly/Blogostelle)
Les architectes construisent aussi des bâtiments quadrangulaires et des remparts de pierres, comme à Martigues, une ville divisée en îlots d’habitations, ou à Entremont, la capitale des Ligures. Ce peuple, non celte à l’origine et cité par les auteurs grecs, avait intégré la culture celtique locale.
La vigne, l’olivier, l’alphabet et la monnaie
À partir du IVe siècle avjc, l’implantation de la vigne et de l’olivier change le paysage dans le Midi de la France. À la fin du IIIe siècle avjc, les Celtes adoptent l’alphabet Grec. L’économie monétaire remplace progressivement le troc. Les échanges se multiplient grâce à des traités d’alliance entre Rome et Marseille.
En 125 avjc, les Romains annexent la Narbonnaise
Le Sud de la Gaule bascule assez rapidement dans l’entité économique et politique de Rome. En 125 avjc, les Romains annexent la région. Narbonne, fondé en 118 avjc, devient la capitale de la province romaine la Narbonnaise. Après les apports des Étrusques et des Grecs, le Midi se retrouve finalement très tôt sous influence Romaine…
Les Celtes et les Gaulois ne sont pas fermés sur eux-mêmes
Dans l’antiquité, limitée par le Rhin, la Méditerranée, les Alpes, les Pyrénées et l’Atlantique, la Gaule apparaît comme un territoire étendu, dont la cohésion se fonde sur la culture et l’âme celtiques d’une vaste communauté de peuples…

Les motifs géométriques, telles les rouelles et les spirales, distinguent l’art de la civilisation de Hallstatt du premier âge du Fer.
Mais les anciens Gaulois et les Celtes ne sont pas fermés sur eux-mêmes : dès le VIIe siècle avjc, ils entretiennent des échanges commerciaux avec les civilisations du bassin méditerranéen.
Les peuples de la Gaule celtique
Cependant, les contacts des Gaulois et des Celtes avec les Grecs précèdent de loin la conquête romaine. La colonie phocéenne de Marseille s’étend bien au-delà de ce qui va devenir la province romaine de la Narbonnaise…

En Gaule celtique, on rencontre des peuples celtes en Alsace, en Lorraine, en Franche-Comté, en Bourgogne et dans le Bassin parisien. Le reste du pays est occupé par des populations installées depuis l’époque néolithique : des Basques et des Ibères dans le Sud-Ouest, des Ligures dans le Sud-Est…
Les artistes celtes cultivent l’originalité
Les artistes celtes excellent dans l’art de la stylisation et dans celui de créer des formes fantastiques ou une rythmique géométrique. Leur talent très imaginatif les distingue des artistes plus classiques des civilisations méditerranéennes, même si les contacts et les échanges peuvent être également des sources d’inspiration…

Liberté de création et traditions stylistiques
L’art celte et gaulois exprime une façon originale de concevoir le monde, une manière inédite d’imaginer les formes. Le haut savoir-faire technique des artistes celtiques leur permet en outre d’exploiter très librement leur grande créativité.
Les traditions stylistiques de l’art celte vont perdurer à l’époque de la Gaule Romaine à côté des canons du classicisme romain. Puis, sous la dynastie mérovingienne, et, plus tard encore, dans l’art médiéval, certains motifs artistiques continuent de puiser à la source des lointains souvenirs celtiques…
Les artistes celtes aiment représenter des animaux ou des personnages fantastiques ou mythiques. Sur un fourreau d’épée en fer forgé, une sorte de licorne et d’étranges palmipèdes animent le décor…

De Hallstatt à La Tène, la civilisation celtique s’épanouit
Les peuples celtiques des civilisations de Hallstatt, au premier âge du Fer, et de La Tène, au deuxième âge du Fer, vont se développer et essaimer dans diverses contrées… Au IVe siècle avjc, ils se rendent en Italie, jusqu’à Rome. Les Gaulois de Brennus conquièrent une partie de l’Italie et s’associent à Denys, le tyran de Syracuse, contre les romains…
Les guerriers de la Gaule celtique s’emparent de Rome
Le Gaulois Brennus s’empare de Rome vers 390 avjc. Mais les Romains reprennent le dessus et finissent par défaire l’armée gauloise. Plus tard, au Ier siècle avjc, César riposte à cet affront des barbares et engage une conquête militaire et diplomatique pour soumettre les tribus de la Gaule celtique à Rome…

Cependant, à l’époque de la Gaule Romaine, les Gaulois conservent certaines de leurs traditions celtiques sacrées et artistiques, tout en s’adaptant à un art de vivre à la romaine…
Les peuples Celtiques forment des groupes guerriers qui vont conquérir de nouveaux territoires ou se fondre progressivement au reste de la population au cours du second âge du fer, à l’époque dite de La Tène, en imposant leur langue commune (à partir de différents dialectes) et leur civilisation. Leur histoire commence au premier âge du Fer avec les résidences et les nécropoles princières de Hallstatt…
Article suivant La formation de la civilisation celtique
Des livres? Princes et princesses celtes, de Patrice Brun. Le Pays des Celtes, de Laurent Olivier, conservateur au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Vercingétorix, de Jean-Louis Brunaux, archéologue, spécialiste de la civilisation gauloise.


