Un art bouddhique et jaïn
Dans l’Inde ancienne, au VIe siècle avjc, deux maîtres dissidents du brahmanisme, Buddha et Mahâvira, révolutionnent la vie spirituelle au cours de l’époque védique. Né vers 560 avjc, le prince Siddhârtha Gautama devient Buddha, “l’Éveillé”. Fondateur du bouddhisme, Buddha prêche de nouveaux préceptes philosophiques et spirituels. Vers 540 avjc, Mahâvira réforme le jaïnisme dont les membres, les jina, vivent nus et de la mendicité…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2023 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Époque védique entre 1500 et IIIe siècle avjc. VIe siècle avjc : Buddha vers 560 avjc, bouddhisme. Mahâvira vers 540 avjc, jaïnisme. Conquête perse de Darius en 517 avjc. IVe siècle avjc : conquête grecque d’Alexandre Le Grand en 326 avjc – Reconquête de l’Indus par Chandragupta, fondateur de la dynastie Maurya… Chronologie Arts de l’Inde Ancienne
LA VOIE SPIRITUELLE DU BUDDHA
Au VIe siècle avjc, deux maîtres spirituels se présentent comme des dissidents du brahmanisme. Buddha fonde le bouddhisme et Mahâvîra réforme le jaïnisme. Ils proposent chacun une voie pour atteindre le Nirvâna, c’est-à-dire l’extinction du cycle des renaissances…
Siddhârtha, « Celui qui a atteint son but »
Siddhârtha Gautama ou Sakyamuni le Sage du clan des Sakya, vient au monde dans une noble famille indienne de la principauté de Kapilavastu. Il reçoit une éducation guerrière. À trente ans, Siddhârtha Gautama prend conscience de la misère humaine et décide de quitter sa famille et sa luxueuse demeure pour vivre sept années dans l’errance, l’ascèse et le jeûne…
Siddhârtha atteint l’éveil à la connaissance suprême, la bodhi. On l’appelle Buddha, qui signifie l’Éveillé ou Siddhârtha, Celui qui a atteint son but…

La Roue symbolise la Loi du Buddha
Le premier sermon du Buddha a lieu dans le Parc aux Gazelles à Sârnâth. L’enseignement ou Loi du Buddha, symbolisé par la roue, peut être associé à deux gazelles évoquant le premier prêche de L’Éveillé.
Buddha représenté par des symboles
Dans beaucoup de représentations bouddhiques, les traces de pieds, la roue de la loi ou encore l’arbre de l’éveil figurent Buddha lui-même. Dans un premier temps, la présence ou le prêche du Buddha est représenté par des symboles, comme ses empreintes de pieds. La doctrine bouddhique exalte les qualités de compassion…



D’après la Roue de la Loi bouddhique ou roue du Dharma, sculpture, VIIe siècle ; Les Empreintes du Buddha sculptées, art d’Amaravatî, dynastie Satavahana, Ier-IIe siècles, Inde ancienne ; et Roue de la Loi bouddhique, appelée aussi Roue du Dharma, art Dvâravatî, VIIIe siècle, art bouddhique, Thaïlande. (Marsailly/Blogostelle)
Voir aussi l’article Symbole universel, la roue tourne pour l’Univers…
La conception miraculeuse de Siddhârtha
Siddhârtha Gautama serait naît vers 560 avjc, ou au cours du VIe siècle avjc, près de la frontière actuelle entre l’Inde et le Népal. Il se serait éteint vers 480 avjc…
Son père règne sur une région dont la capitale se nomme Kapilavastu. Il appartient à la caste des Kshatriya, celle des rois, des princes et des guerriers. Sa mère, Mâyâ, meurt peu de temps après sa naissance.

La reine Mâyâ donne naissance à Buddha, qui vient au monde du flanc de sa mère. Une conception et une naissance miraculeuse…
La conception de Buddha est présentée comme miraculeuse, annoncée en rêve à sa mère qui a la vision d’un éléphant blanc. Jusqu’à l’âge de sept ans Siddhârtha est confié à sa tante, avant de recevoir une éducation spécifique à son rang et de se marier…
La quête spirituelle de Siddhârtha
Suite à une promenade hors du palais, Siddhârtha prend conscience de la condition humaine en souffrance. Il décide alors de renoncer au monde à l’âge de 29 ans et quitte en secret sa femme et son jeune fils.

L’épisode du Grand Départ inaugure la longue quête spirituelle qui mènera Buddha à l’Éveil.
Le prince Siddhârtha quitte son palais
Une nuit, Siddhârtha quitte le palais accompagné d’un serviteur porteur d’un parasol, symbole de noblesse. La doctrine bouddhique nomme cet épisode Le Grand Départ.
Le futur Buddha suit l’enseignement de deux maîtres brahmanes dans la Vallée du Gange. Cependant insatisfait, Siddhârtha poursuit sa quête spirituelle. Il tente ensuite une très dure ascèse pendant six ans, mais qui le laisse bredouille dans sa recherche de la Vérité…

Siddhârtha devient Buddha
L’Éveil sous un pipal à Bodhgayâ
Finalement, Siddhârtha entreprend une longue méditation à l’ombre d’un pipal à Bodhgayâ, dans la plaine du Bihar. Après quarante-neuf jours de méditation, le sage atteint l’Éveil. Siddhârtha Gautama devient Buddha, l’Éveillé. Bodhgayâ (actuel Gayâ), lieu de l’Éveil de Siddhârtha, est l’un des futurs hauts lieux saints du bouddhisme.
Buddha prononce ensuite son premier sermon dans le Parc aux Gazelles à Sârnâth, en Uttar Pradesh. Suite aux premières conversions, les premiers disciples du Buddha sont de plus en plus nombreux à le rejoindre…

Quatre lieux saints du bouddhisme
Les quatre hauts lieux du bouddhisme sont : Lumbini au Népal, reconnu comme lieu de naissance de Siddhârtha Gautama ; en Inde, Bodhgayâ où Siddhârtha atteint l’Illumination ; Sârnâth où il prodigue son premier prêche et Kushinagar, lieu de la grande Extinction du Buddha qui atteint le Nirvana…
Les quatre nobles vérités du Buddha
Buddha enseigne une Voie moyenne, entre la vaine jouissance et un renoncement ascétique excessif qui lui paraît stérile. L’Éveil lui révèle la nécessité de se libérer du cycle de la réincarnation et de la causalité…
La doctrine de Buddha traite de l’universalité de la souffrance, l’origine de la souffrance, le chemin spirituel pour parvenir à la libération et le but ultime, le Nirvâna. La tradition bouddhique cultive aussi la notion de compassion à un degré très élevé.

La Loi du Buddha repose sur quatre Nobles Vérités. 1 La constatation de la souffrance. 2 L’origine de la douleur causée par la Soif (liée au Désir) qui prend trois formes : la jouissance, l’existence, l’inexistence. 3 La suppression de la souffrance par la cessation des désirs 4 Une rigoureuse éthique indique la juste voie.
Buddha parcourt la vallée du Gange
Après avoir fondé une communauté, Buddha parcourt la vallée du Gange, en Uttar Pradesh. Durant quinze ans, Siddhârtha l’Éveillé dispense son enseignement appelé aussi Loi. Contrairement à l’Atman dans le brahmanisme, le concept d’une âme universelle et individuelle semble absente dans l’enseignement bouddhique qui se diffusera en Asie…
MAHÂVÎRA LE VICTORIEUX
À côté de la tradition védique et de la doctrine bouddhique, le jaïnisme représente l’un des plus importants courants spirituels de l’Inde ancienne. Son nom s’inspire du terme jina qui signifie victorieux. Cet épithète s’applique au fondateur du jaïnisme, Mahâvîra, un grand maître spirituel actif au VIe siècle avjc. Mahâvîra devient un jina et réforme le jaïnisme…

Le Kalpasûtra, livre rituel, raconte la vie de Mahâvîra, maître spirituel jaïn.
Mahâvîra exalte le dénuement et la non-violence absolue
Contemporain du Bouddha et dissident comme lui au regard de la tradition brahmanique, Vardhamâna porte le surnom de Mahâvîra, qui signifie Grand Héros. Il serait né vers 549 ou 540 avjc, à Vaisâlî, au Nord de l’Inde non loin du Népal (actuel Bihar)…
Ce maître spirituel prône un dénuement extrême et la non-violence absolue. Les Jaïns vivent quasi nus et survivent grâce à l’aumône. Mahâvîra est considéré comme le 24e Tirthankaras. Les Tirthankaras sont des êtres libérés qui aident autrui à atteindre la libération en leur servant de modèle et de maître spirituel…
Comme Buddha, Mahâvîra change de vie…
Comme pour Buddha, la vie et la doctrine de Mahâvîra sont connues grâce à des textes tardifs. Né dans une famille noble très aisée, dont la caste diffère selon les écrits, sa conception est parfois légendaire…

Mahâvîra atteint le Nirvanâ et la libération définitive du cycle des renaissances…
Mahâvîra reçoit une éducation selon son rang, se marie et a une fille. Les parents de Mahâvîra auraient été des adeptes du maître jaïn Pârçva. Ce personnage aurait vécu deux siècles et demi environ avant Mahâvîra. À la mort de ses parents, Mahâvîra décide de changer de vie et prend la robe monastique à l’âge de 28 ou 30 ans…
Mahâvîra vit en ascète « vêtu d’espace »
Treize mois après son engagement dans la voie monastique, Mahâvîra quitte tous ses vêtements pour vivre complètement nu, simplement vêtu d’espace… Il vit en ascète et survit grâce à la mendicité…
Sa nudité provoque parfois des moqueries… Mahâvîra parcourt la vallée du Gange pendant douze ans et, comme tous les ascètes de toutes les doctrines, il ne s’arrête qu’au moment de la mousson…

Transfiguré par l’Illumination Mahâvîra devient un jina
La treizième année de ses pérégrinations, Mahâvîra s’engage dans une longue et profonde méditation sous un arbre appelé Çala. Transfiguré par l’Illumination, Mahâvîra devient un jina, un vainqueur…
Durant trente ans, le maître spirituel chemine au Bihar et au Bengale pour dispenser son enseignement… De nombreuses conversions contribuent à former une vaste communauté de milliers de moines et davantage encore de nonnes. Selon la tradition, Mahâvîra atteint le Nirvana à 72 ans, vers 477 ou 468 avjc…

L’idée de l’âme individuelle, nommée jiva, est essentielle dans le jaïnisme pour atteindre la Connaissance. Les Trois Joyaux du jaïnisme sont La vue droite, La connaissance droite et La conduite droite.
Les Trois Joyaux du jaïnisme repose sur la droiture
La doctrine du jaïnisme traite de la transmigration des âmes, intimement liée au Karma (acte) des individus. Comme dans le bouddhisme, on retrouve la même aspiration à ne plus renaître…
Mais le jaïnisme reconnaît une âme universelle absente dans la doctrine bouddhique. Cette notion d’âme universelle existe dans la tradition des Upanishads védiques, c’est l’Atman, dans lequel aspire à se fondre le soi du pratiquant …

L’idée de l’âme individuelle, nommée Jiva dans le jaïnisme, est essentielle sur le chemin de la libération… C’est l’âme individuelle qui permet d’atteindre la connaissance indispensable à la délivrance…
L’ÉPOQUE VÉDIQUE S’ACHÈVE…
Finalement, la dernière Upanishad védique donne à l’âme universelle le nom de Rudra ou de Shiva (Çiva). Rudra et Shiva désignent alors une même et unique déité. Les dernières Upanishads védiques ont peut-être été rédigées sous la dynastie Maurya, dont le souverain Açoka se convertit au bouddhisme…

Conquête perse de Darius
Au cours de l’époque védique, au VIe siècle avjc dans l’Ouest de l’Inde, le roi perse Darius entreprend la conquête de l’Indus vers 517 avjc. Ce roi Achéménide conquiert les territoires du Sindh, au Penjab, qui deviennent une province de l’empire perse. Maintenue par des gouverneurs, appelés aussi satrapes, l’administration perse du Sindh est bien organisée…
Voir aussi l’article L’époque védique, la poésie sacrée des hymnes
Conquête grecque d’Alexandre Le Grand
Mais la dynastie des Achéménides est renversée par le Macédonien Alexandre Le Grand au IVe siècle avjc. Le conquérant grec franchit l’Indus en 326 avjc et enlève aux Perses la majorité de leur empire. Finalement, Alexandre conquiert toute la vallée de l’Indus avant de repartir vers 325 avjc… Il confie la gouvernance de ses territoires de l’Inde à deux préfets…
Au cours du IIIe siècle avjc, le chef de guerre Chandragupta (ou Çandragupta) finit par anéantir le pouvoir grec et fonde la dynastie Maurya en Inde du Nord. Plus tard, sous le règne de l’empereur Açoka, défenseur de la tolérance religieuse et converti au bouddhisme, l’art Maurya propage de nombreuses images bouddhique…
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Sommaire Les Arts de l’Inde ancienne
INDE ANCIENNE. Au cours de l’époque védique, entre 1500 avjc et le IIIe siècle avjc, sont rédigés en sanskrit : le Rig-Veda, les Brâhmana et les Upanishad (qui constituent le Vedanta). Et aussi de tradition védique : le Barattage de la Mer de Lait et le Mahâbhârata (IVe siècle avjc – IVe siècle) qui comprend La Bhagavad-Gîtâ (IVe – IIIe siècle avjc). Plus tardif : le Râmâyana, poème en sanscrit (IIIe siècle avjc – IIIe siècle).
Voir aussi RÉCITS MYTHIQUES HINDOUS. 1. Le Barattage de la Mer de Lait, récit cosmogonique hindou – 2. Le Râmâyana célèbre les exploits du prince Râma et Râma, héros divinisé du Râmâyana, libère le monde des démons – 3. Le Mahâbhârata une épopée mythique sacrément compliquée ; L’excellence guerrière d’Arjuna, grand héros du Mahâbhârata, se rattache aux dieux Indra et Shiva et Krishna enseigne à Arjuna la Bhagavad-Gîtâ, chant poétique et mystique
Mircea Eliade : Traité d’histoire des religions et Histoire des croyances et des idées religieuses
