Les sceaux et les statues de Mohenjo-Daro
Les graveurs et les sculpteurs des cités de la civilisation de l’Indus ont laissé de nombreux témoignages de leur talent entre 2500 avjc et 1800 avjc environ… Les artistes de Mohenjo-Daro et de Harappa façonnent des statuettes en terre cuite et quelques modèles en cuivre ou en bronze. Les artistes sculptent aussi des rondes bosses en pierre qui dégagent un mystérieux sentiment de plénitude… L’art des sceaux se rattache à un commerce sans doute florissant. Ces cachets portent des inscriptions et des décors empreints de vivacité…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2018 –

Sur une empreinte de sceau, un animal mythique semble veiller sur un objet peut-être cultuel, un petit autel ou un vase sacré…
LES GRAVEURS DE L’INDUS CRÉENT DES SCEAUX ORNÉS DE GLYPHES ET D’ANIMAUX
Retrouvés en grand nombre à Mohenjo-Daro, grande cité de la vallée de l’Indus, les sceaux facilitent les transactions marchandes. Des cachets de forme carrée portent le plus souvent un décor animalier ou une petite scène… Une forme d’écriture non déchiffrée accompagne parfois les motifs figuratifs…
Harappa et Mohenjo-Daro : des sceaux en stéatite cuite
À l’époque de la civilisation de l’Indus, les artistes gravent des sceaux et les décorent de représentations d’animaux ou de petites scènes… Ce décor s’accompagne parfois de quelques glyphes, des inscriptions non déchiffrées…

Les grandes cornes sont présentées de face et l’animal, de profil, rappelle le taureau brahmanique à double menton…
Au revers, les cachets portent un bossage perforé qui permet la suspension par un cordon… Des empreintes sur des poteries montrent que les sceaux servent à marquer des pièces… Le plus souvent, les artistes réalisent ces sceaux de 3 à 4 cm en stéatite cuite.
L’artiste sculpte finement cette pierre noire avant de l’enduire d’alcali et de la chauffer pour obtenir une teinte blanche. Il existe aussi quelques exemplaires en faïence : en céramique recouverte d’un enduit opaque et imperméable…
REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Le néolithique en Inde entre 7000 ans avjc et 3500 ans avjc – site de Mehrgarh (Inde du Nord) Civilisation urbaine de l’Indus entre 3500 avjc et 1800 avjc. – Villes de Harappa et de Mohenjo-Daro (Inde du Nord) Époque védique : entre 1500 avjc et IIIe siècle avjc Chronologie générale Les arts de l’Inde Ancienne
D’après un sceau décoré d’une petite scène et d’après un sceau orné d’un taureau, vers 2300 – 1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Les sceaux en stéatites de Mohen-Daro mesurent de 3 à 4 centimètres…
De l’importance de l’arbre sacré, le Pipal
Sur les sceaux, les animaux au modelé nuancé et réaliste sont toujours présentés de profil… Parmi les thèmes iconographiques de prédilection, on rencontre souvent le zébu et ses longues cornes, un mâle unicorne ou des unicornes et l’arbre sacré le Pipal (Ficus Religiosa)…
Un objet, peut-être sacré, est souvent placé devant l’animal unicorne… Plus rarement, on peut voir des éléphants ou des animaux fantastiques… Certains sceaux sont décorés de scènes avec ou sans personnages sur lesquelles l’arbre sacré semble jouer un rôle primordial…

L’animal semble veiller sur un objet peut-être cultuel…
Le Yogi, un personnage énigmatique et sacré
Sur certains sceaux, apparaît un mystérieux personnage masculin peut-être à trois faces appelé Yogi. Sa tête porte une coiffe à deux cornes ou en forme de trident. Assis sur un siège, trône ou tabouret, il est toujours présenté dans la même attitude…
Cette manière préfigure et évoque la posture de la méditation dans le Yoga, d’où le surnom du personnage… Il trône sur un siège entouré par des animaux qui évoquent une forme d’abondance vitale… Dans le monde culturel de l’Inde, le Yoga correspond à une gymnastique physique et à une technique de méditation qui permet d’accéder à une plus grande spiritualité…
D’après un sceau au Yogi coiffé d’un trident dans la posture de méditation ; et un sceau à deux unicornes et pipal ; Mohenjo-Daro, vers 2300 – 1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Le pipal, l’Arbre Sacré sous lequel vont méditer les plus grands maîtres spirituels de l’Inde… Voir aussi l’article 1 L‘arbre sacré, un symbole vivifiant
Un personnage cornu en posture de méditation
Le Yogi peut être entouré de quatre animaux… Sur l’un des sceaux, apparaît une antilope… Ce thème rappelle également l’iconographie du Maître des animaux que l’on rencontre dans l’Orient ancien et que l’on retrouve dans l’art celte avec les représentations du dieu Cernunnos.
Voir aussi les articles Des peuples néolithiques du Levant… au génie de Sumer et Les Eaux, la forêt, la nature… nourrissent l’âme celte
Le caractère sacré du personnage du Yogi est souligné par sa position propre à la méditation, par sa parure faite de nombreux bracelets et par l’importance donnée à son sexe, symbole de fertilité et d’énergie spirituelle….
D’après des empreintes de sceaux au Yogi, Mohenjo-Daro ; et un motif éléphant et glyphes, entre 2300 et 1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Méditation, pipal, gazelles et animaux animent l’art spirituel de l’Inde
La coiffe du Yogi rappelle le trident de Shiva (ou Çiva) et on retrouve sa posture dans l’iconographie du dieu hindou au VIIIe siècle apjc dans une niche qui représente Shiva Grand yogi, une sculpture de l’art Pallava, à Kanchipuram, au Tamil Nadu.
Voir aussi l’article L’époque védique, la poésie sacrée des hymnes
La position particulière du personnage en méditation sera adoptée par la suite pour représenter les dieux hindous et les saints bouddhiques… L’arbre pipal et la gazelle vont connaître également une longue postérité dans l’imagerie bouddhique… comme dans les nombreuses représentations de Bouddha sous l’arbre de l’éveil ou dans le parc aux gazelles…
D’après le graphisme d’un sceau au Yogi sur un tabouret ; un animal fantastique ; et le thème du Yogi à grandes cornes ; empreintes de sceaux Mohenjo-Daro, entre 2300 et 1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Empreint d’une aura sacrée, le personnage dit le Yogi se tient dans une posture qui rappelle celle de la méditation…
Les thèmes de la méditation, du pipal, des gazelles et des animaux pour accompagner les dieux ou les grands personnages du bouddhisme se retrouve à toutes les époques de l’art de l’Inde…
L’ART SENSUEL, PLEIN ET SEREIN DES ARTISTES DE MOHENJO-DARO
Les sculpteurs de l’Indus façonnent des personnages et des animaux. Des figures féminines aux silhouettes sveltes voire filiformes sont présentées debout, nues et parées. On travaille également le cuivre et le bronze avec des sculptures de femmes nues, à l’allure tout aussi fine, à la chute des reins marquée, dont le mouvement des hanches évoque la danse…

Une des rares représentations humaines façonnée en métal, cuivre ou bronze, par les artistes de la vallée de l’Indus : la nudité féminine, sensuelle, et le goût pour les parures sont des constantes dans l’art de l’Inde…
La ligne souple et gracieuse des corps féminins
Une statuette en bronze de Monhenjo-Daro, d’environ 11 cm est l’un des rares témoignages de sculpture anthropomorphe en métal provenant de la vallée de l’Indus… Les cheveux de cette silhouette filiforme sont remontés en chignon bas et large…
Son allure est magnifiée par une série de bracelets qui remonte du poignet à l’épaule et par un imposant pendentif… La ligne souple et gracieuse du corps contraste avec le traitement d’un visage aux traits plus épais et plus lourds. Ce type de visage rappelle le peuple des Dasas décrit dans le Rig-Veda… Les statuettes féminines en terre cuite arborent souvent d’extravagantes coiffures et des parures…
D’après une sculpture d’homme acéphale, en albâtre, hautes de 28 cm environ : ce personnage assis sur un talon, appartient à un groupe de statues d’hommes barbus, Mohenjo-Daro, vers 2300 – 1800 avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Des personnages masculins sculptés en ronde bosse
Les artistes de Mohenjo-Daro sculptent en ronde bosse (en trois dimensions) la pierre comme la stéatite… Les statuettes, souvent fragmentaires, représentent des hommes barbus… Parfois entier, ce type de personnage semble assis sur un talon…
Une statue acéphale en albâtre à l’aspect massif et stylisé montre un homme au ventre proéminent assis sur son talon, le genou relevé… Son torse porte un vêtement arrangé en diagonale. Des traces au niveau de la tête cassée montrent qu’il avait une barbe à l’origine. Cette sculpture provient d’un groupe de statues qui représentent toutes des hommes assis dans la même position…

Les sculptures expriment une plénitude…
Parmi les sculptures de Mohenjo-Daro, un buste en ronde bosse d’homme barbu porte les traces d’une pâte rouge, qui sans doute colore à l’origine les motifs tréflés de son vêtement…
Malgré sa taille modeste, environ 7 cm, cette sculpture en stéatite cuite dégage une impression de monumentalité…. Le personnage plutôt corpulent aux traits quasi géométriques semble pourtant animé par une intense vie intérieure… Ces œuvres expriment une plénitude à la fois physique et spirituelle…
Réflexion ou méditation…
Les yeux du personnage de type asiatique sont fermés… Cette attitude évoque une réflexion intérieure, une méditation ou peut-être même un exercice de contrôle de la respiration (Prana)… La sculpture dégage une présence dont il émane une plénitude à la fois physique et spirituelle…
D’après un buste d’homme barbu, ronde bosse, face et dos, stéatite cuite, Mohenjo-Daro, fin IIIe millénaire avjc, civilisation de l’Indus. (Marsailly/Blogostelle)
Puissance physique, sensualité, expression intérieure… distinguent les personnages sculptés de l’Inde ancienne. C’est l’une des constantes de l’art de l’Inde de mettre en lumière le dynamisme intérieur des sujets plutôt que de se concentrer sur leur exactitude anatomique…
La civilisation urbaine de l’Indus disparaît vers 1800 ans avjc… Catastrophes naturelles, inondations et invasions des peuples Aryens ont pu provoquer d’importantes transformations… jusqu’à l’avènement de l’époque védique…
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