La civilisation de l’Indus
Le berceau de la civilisation de l’Inde se trouve dans la vallée de l’Indus, située aujourd’hui au Pakistan, à l’Ouest de l’Inde. Les premières communautés néolithiques de ces régions annoncent la civilisation de l’Indus qui se distingue par son sens de l’organisation urbaine et ses cités construites en briques, à Mohenjo- Daro et à Harappa, au Penjab. Les artistes façonnent des figurines féminines nues et parées de bijoux….
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour novembre 2023 –

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Néolithique : vers 7000 – 3500 ans avjc – site de Mehrgarh (Inde du Nord) – Civilisation urbaine de l’Indus : 3500 – 1500 avjc, Harappa et Mohenjo-Daro (Inde du Nord) – Époque védique : vers 1500 avjc – IIIe siècle avjc. Chronologie Arts de l’Inde Ancienne
HABITAT, SÉPULTURES, TOUR DE POTIER ET MÉTALLURGIE DU CUIVRE À MEHRGARH
Une culture néolithique s’épanouit à partir de 7000 ans avjc dans le nord de l’Inde. On vit de la chasse, on se nourrit de céréales et on travaille la pierre, la poterie et la vannerie. Suite à une évolution comparable à ce qui ce passe chez les peuples du Proche-Orient, cette culture évolue et donne naissance à la civilisation urbaine de l’Indus, vers 3500 ans avjc…

Une poterie de Mehrgarh porte un décor de bovidé à la face étrange, rappelant la mystérieuse figure cornue des sceaux de Mohenjo-Daro
À Mehrgarh, on construit des maisons en briques crues
Occupé pendant environ 4000 ans, le site de Mehrgarh, au Penjab, situé actuellement au Pakistan, est encore actif entre 2600 ans avjc et 1900 ans avjc. Il est donc en partie contemporain de la nouvelle civilisation de l’Indus…
On y construit des petites maisons en briques crues d’environ 5 mètres sur 4 mètres qui comprennent en général 4 pièces. Les briques sont recouvertes d’un badigeon d’argile…
On entre dans la maison par le toit…
Les maisons néolithiques de Mehrgarh n’ont pas de porte donnant sur l’extérieur. Pour se protéger des animaux, on entre par les toits fabriqués en roseaux. Les habitations sont pourvues d’espaces de stockage des denrées, de silos à grains et d’objets en pierre.

Évolution des sépultures
Ce mode d’habitat perdure et va s’enrichir grâce à quelques innovations au VIe millénaire avjc… On aménage des chambres funéraires, on fabrique une céramique grossière et, vers 5500 avjc, on construit de plus en plus d’espaces cloisonnés, sans doute des silos de stockage collectif…
Les défunts sont inhumés auprès d’un dépôt funéraire
Dès le début de la période néolithique, vers 7000-6000 ans avjc, on enterre les morts, dans de simples fosses individuelles… Parés ou non de bijoux, les défunts sont couchés sur le côté en position fœtale, les genoux pliés et les mains près du visage…
Souvent, on dépose auprès des dépouilles des objets qui signalent une fonction ou un rang social… Par la suite, des nouveautés voient le jour aux VIe et Ve millénaires avjc dans la vie culturelle de l’Inde ancienne…

Des tombes et des petites chambres funéraires
Aux VIe et Ve millénaires avjc, les sépultures néolithiques sont désormais individuelles ou collectives… On dépose le défunt dans une tombe et les petites chambres funéraires se généralisent…
À côté du corps du mort couché sur le côté, un muret de briques crues isole la tombe d’un puits d’accès que l’on prend soin de combler après l’inhumation… Dans beaucoup de tombes, des objets de la vie quotidienne accompagnent les défunts. On dépose là des poteries en terre cuite sommairement modelées, des perles en stéatite et des objets en vannerie…
Une poterie de Mehrgarh à motif de gazelles et feuilles de Pipal (Ficus Religiosa) annonce le thème iconographique des gazelles et de l’arbre pipal qui va connaître une longue postérité, associé plus tard au personnage de Buddha (ou Bouddha)…

Métallurgie du cuivre et tour de potier
Au Ve millénaire et au début du IVe millénaire avjc (vers 3800 avjc), les populations néolithiques découvrent et développent la métallurgie du cuivre à Mehrgarh… Cette période est qualifiée de chalcolithique (de chalco : cuivre).
La maîtrise du travail du cuivre se précise et aboutit à un véritable artisanat… Dans le domaine de la poterie, une pâte devenue plus fine permet de façonner au tour de potier des céramiques de meilleure qualité… Parfois, on peut apercevoir sur les terres cuites les traces laissées par les rotations du tour…

La céramique prend son essor
Des vestiges de fours, de tessons et de céramiques montrent que l’art de la poterie prend son essor… Les potiers néolithiques recouvrent ou non leurs poteries au décor brun d’un engobe.
L’engobe est une fine couche d’argile délayée. Pour embellir leurs céramiques, les artistes réalisent un décor brun, le plus souvent à motifs géométriques. On dessine aussi des animaux stylisés… Les artisans fabriquent également de nombreuses perles en stéatite, un matériau qui en cuisant prend une belle couleur blanche…
Statuettes féminines de Mehrgarh et de l’Indus
Au cours du IVe millénaire avjc, de nombreuses cités s’implantent dans la vallée de l’Indus et dans les régions environnantes… Grâce à son artisanat, la très ancienne Mehrgarh joue un rôle très important…
Nudité, parures, visage tubulaire et hanches rondes
Vers 3500 avjc, les artistes néolithiques de l’Inde façonnent des statuettes en terre cuite, rouge, verdâtre ou crème, qui mesurent seulement de 9 à 10 cm de haut et 3 à 4 cm de large… Ces silhouettes féminines nues et parées ont un visage tubulaire et se contentent d’un nez à peine esquissé par un pincement dans l’argile.

Des silhouettes parfois exubérantes
Comme en Europe au néolithique, on remarque la poitrine généreuse et les hanches larges des représentations féminines de l’Inde du Nord. Comme leurs consœurs européennes, les petites sculptures néolithiques de l’Inde ancienne évoquent le thème de la fécondité et de la fertilité…
Cependant, moins stéréotypées, les figures féminines de l’Inde néolithique affichent une touche au naturaliste parfois exubérant ou présentent des attitudes souvent très expressives… Le plus souvent, elles sont nues, parées et assises…

Certaines figurines de la Vallée de l’Indus sont très expressives, avec des cheveux ondulés ou relevés en chignons exubérants. Les bijoux habillent une nudité féminine aux seins lourds qui évoquent la maternité.. Ces demoiselles arborent souvent une très volumineuse coiffure et toujours une poitrine généreuse et des hanches larges…
Un modelé et des traits personnalisés…
Les artistes veillent à donner à chacune de leur statuette un modelé et des traits personnalisés… Traitement tubulaire de la tête, visage discret ou au contraire une coiffure très imposante, pas de bras ou des bras tout menus, des bras ramenés sur la poitrine, des yeux creux, des seins gonflés, des parures…

Certaines petites terres cuites représentent des femmes dont la coiffure volumineuse leur donne un aspect caricatural voire rigolo… Deux chignons imposants encadrent leur visage marqué par un nez et des yeux traités très sommairement…
Les premiers canons féminins de l’art de l’Inde
Les bras menus des statuettes sont souvent ramenés sur leur poitrine. Les seins sont volumineux et ronds et mis en valeur grâce à de larges parures pectorales. Les artistes soignent le rendu des coiffures complexes et des bijoux… Une touche de naturalisme plus ou moins forcé apporte parfois une note d’humour…

Les formes généreuses et la taille fine des silhouettes féminines sont des canons que l’on va retrouver au cours du temps dans l’art de l’Inde… Vers 2800-2600 avjc, on va rencontrer des statuettes de femmes qui portent un enfant… Plus fines, elles ont hérité du caractère très affirmé de leurs aînées…
Femme, préhistoire et néolithique : voir aussi les articles : Le Néolithique, civilisation de la pierre polie ; L’art paléolithique consacre la féminité et le monde animal et Les cultivateurs néolithiques sacralisent la Végétation
Le travail de la terre cuite se perfectionne au IIIe millénaire avjc
C’est au cours du IIIe millénaire avjc que la technique du tour rapide est mise au point. La production de la céramique se perfectionne… Les artistes ont maintenant les moyens de réaliser des poteries aux formes et aux décors de plus en plus variés…
Plus fine encore, la pâte grise est cuite à très haute température… Les potiers ont une prédilection pour les thèmes animaliers et le décor végétal… Ces artistes affectionnent le motif des feuilles de Pipal, le Ficus Religiosa, un arbre sacré dans l’Inde ancienne…

Une maternité néolithique…
Une statuette de femme debout porte un enfant. Sa silhouette menue et ses hanches étroites la distinguent des figurines de la période précédente, aux formes plantureuses.La jeune mère semble présenter son enfant, fière de sa maternité…
De simples trous circulaires forment ses yeux, son nez est là encore à peine esquissé, mais sa coiffure est soignée. Des traces de polychromie indiquent que la statuette, peinte à l’origine, a perdu ses couleurs…
Les silhouettes féminines s’affinent
Au IIIe millénaire avjc, le traitement des statuettes en terre cuite évolue également… Les formes des silhouettes féminines s’affinent et sont beaucoup moins opulentes…. On rencontre des silhouettes parfois frêles aux hanches étroites…
Certaines statuettes portent des traces de couleurs, comme du noir, du rouge et du jaune. Les artistes conservent leur goût pour les parures, comme les colliers à rang, les médaillons. Un soin particulier est donné au rendu de la coiffure, avec parfois des mèches qui retombent souplement, créant des volutes…

L’évolution de la statuaire et de la poterie de l’Inde néolithique va se poursuivre à l’époque de la civilisation de Mohenjo-Daro et avec le travail du métal. Mais le thème de la féminité nue et parée va se révéler comme une constante dans l’art de l’Inde…
LA CIVILISATION URBAINE DE L’INDUS
Entre 3500 et 1500 ans avjc environ, la nouvelle civilisation de l’Indus se rattache plus particulièrement à deux importantes cités du Penjab (actuel Pakistan) : Mohenjo-Daro fondée vers 2500 avjc et Harappa, fondée vers 2300 avjc. Les cités de la culture de l’Indus sont mystérieusement abandonnées vers 1800 avjc…

Des petits personnages expressifs et comme animés par une énergie intérieure…
Une intense activité commerciale et artistique
On édifie des villes dans la vallée de l’Indus… Ces constructions reposent sur un long passé dont les racines remontent au néolithique. On organise la cité en deux espaces : une ville basse, assez étendue pour abriter la population, et une ville haute qualifiée de citadelle, qui abrite probablement le centre des affaires officielles…

Un artisanat et un commerce florissant animent les cités… Certains sceaux remontent à l’époque de Mehrgarh, vers 3500 avjc, et témoignent d’une activité commerciale très dynamique dès le néolithique. Ce dynamisme va se poursuivre… Les artistes de l’époque de Mohenjo-Daro façonnent de nombreux sceaux, des statuettes, des vases…
La cité de Mohenjo-Daro
L’immense ville basse de Mohenjo-Daro
À Mohenjo-Daro, les constructeurs s’appuient sur une conception de l’espace en relation avec l’orientation… Le plan général de Mohenjo-Daro forme un quadrillage selon un axe Nord-Sud et un axe Est-Ouest…

Des poteries peintes dont le décor végétal ou les motifs d’oiseaux sont magnifiés par un graphisme soigné… et des figures pleines de vitalité, façonnées en terre cuite…
La ville basse qui abrite la population comprend plusieurs longues artères principales d’environ 10 mètres de large sur un axe Nord-Sud. Le tout est complété par une multitude de rues et de ruelles. Il existe déjà des normes de construction et des systèmes d’hygiène sanitaire. Ces savoirs se perpétuent sur plusieurs siècles…
Des puits et des caniveaux
Les fouilles archéologiques à Mohenjo-Daro ont révélé plusieurs niveaux superposés de rez-de-chaussée, l’élévation de parois pour des puits et l’usage de caniveaux…
Les eaux usées sont évacuées par l’intermédiaire d’un vaste réseau de caniveaux, qui sont encastrés dans la chaussée et à couvert. Dans une maison, on a également découvert des commodités munies d’un siège et des fosses de décantation et d’égout.

On construit le bassin rectangulaire de la ville haute de Mohenjo-Daro entre 2300 et 2000 avjc.
On construit des maisons en briques de terre cuite
À Mohenjo-Daro, on construit les murs des maisons à l’aide de briques cuites et jointoyées, c’est-à-dire ajustées avec précision au parement. Les toits sont sans doute plats. Les habitations n’ont pas de fenêtre sur l’extérieur. Les surfaces et le confort des maisons sont variables…
On rencontre des alignements de logements modestes, pourvus de deux pièces… Mais il existe aussi des quartiers qui regroupent des demeures plus vastes, dotées parfois d’un étage, et dont les pièces s’articulent autour d’une cour intérieure, des sortes de villas…

La ville basse de Mohenjo-Daro est alimentée en eau
Les maisons possèdent une salle de bain, un puits et des conduites en poterie. L’ensemble de la ville basse de Mohenjo-Daro est alimentée en eau grâce à de nombreux puits privés ou collectifs. Il existe un vaste réseau d’évacuation des eaux usées grâce à des caniveaux.
À l’origine, les caniveaux sont encastrés dans la chaussée et recouverts… Parmi les demeures, une riche maison possède une loge de gardien, des pièces réservées aux domestiques, un rez-de chaussée avec salle de bain et le puits dans une pièce attenante… Une conduite en poterie est installée dans un mur. L’étage supérieur construit en bois à l’origine disparu…

La ville haute de Mohenjo-Daro
La surélévation de la citadelle permet de rester au sec au moment des fortes inondations saisonnières et des crues de l’Indus… Les remblais sont en briques crues. La partie haute de la cité semble avoir une fonction officielle et comprend plusieurs grands édifices… Les grands bains semblent particulièrement importants…
Le bassin rectangulaire et ses dépendances sont installés entre 2300 et 2000 avjc. La ville haute est pourvue de larges rues qui délimitent des quartiers comme dans la ville basse. Une plate-forme de 200 mètres sur 400 mètres délimite un vaste espace de circulation. De nombreux sceaux et des sculptures ont été retrouvés à Mohenjo-Daro…

Poteries, statuettes en terre cuite et en métal, bijoux, pierres phalliques et sceaux témoignent de l’art de cette étonnante civilisation de l’Indus…, dont les graveurs et les sculpteurs ont laissé de nombreux témoignages de leur talent entre 2500 et 1800 ans avjc environ. Les artistes sculptent aussi des rondes bosses en pierre et l’art des sceaux se rattache à un commerce sans doute prospère…
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