Le Sacré en Inde. Le Mahâbhârata, une épopée mythique sacrément compliquée…

D’après l’épopée du Mahâbhârata, mythes hindous, hindouisme, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Le Mahâbhârata et ses multiples épisodes

Récit poétique et épique, le Mahâbhârata raconte la “grande” geste de la lignée Bhârata. Une guerre pour le pouvoir oppose deux clans : les Kaurava et les Pandava. Les Pandava reçoivent l’aide de Krishna, incarnation de Vishnu, qui enseigne au héros Arjuna La Bhagavad-Gîtâ. Composé de plus de 90 000 versets et 274 778 vers, le Mahâbhârata est peut-être le poème le plus long du monde. Le  Mahâbhârata se présente comme un livre de sagesse, censé contenir toute l’existence humaine…

Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– Dernière mise à jour octobre 2023 –

D’après le dieu Ganesh rédigeant le Mahâbhârata dicté par le rishi Vyâsa, aquarelle et or, XVIIe siècle, Mewar, Rajasthan, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le dieu Ganesh rédigeant le Mahâbhârata dicté par le rishi Vyâsa, aquarelle et or, XVIIe siècle, Mewar, Rajasthan, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Le MahâbhârataUne épopée mythique sacrément compliquée (1), L’excellence guerrière d’Arjuna se rattache aux dieux Indra et Shiva (2) et Au cœur du Mahâbhârata, Krishna enseigne à Arjuna la Bhagavad-Gîtâ, chant poétique et mystique (3)

LA « GRANDE GESTE » DES BHÂRATA

Le terme Bhârata (Bhârat) désigne l’Inde. Les Bhârata sont mentionnés dans le Rig-Véda, texte sacré (1028 hymnes en sanskrit) qui remonte à l’époque védique, entre 1500 et 800 ans avjc. Pandava et Kaurava descendent d’un même ancêtre, Bhârata. Les Pandava sont les fils du roi Pându et les Kaurava les fils du roi Dhritarâshtra, frère aîné aveugle de Pându. Tous appartiennent à la caste des guerriers, les kshatriya…

D’après Les armées Kaurava et Pandava, bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, 1700, aquarelle et rehauts d'or sur papier, Mewar, Rajasthan,  XVIIe-XVIIIe, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Les armées Kaurava et Pandava, bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, 1700, aquarelle et rehauts d’or sur papier, Mewar, Rajasthan,  XVIIe-XVIIIe, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Sur une illustration de Mewar, Duryodhana, chef de l’armée Kaurava, apparaît sous un parasol blanc au milieu de ses guerriers. Les Kaurava font face à leurs cousins Pandava menés par Krishna et Arjuna. Sur le champ de bataille de Kurukshetra, tous s’apprêtent aux début des hostilités…  

Le Mahâbhârata, qui comprend La Bhagavad-Gîtâ, aurait été rédigé en sanskrit entre le IVe siècle avjc et le IVe siècle. Mais le scénario mythique de cette épopée remonterait à une époque très ancienne de l’ère védique. Comme Le Barattage de la Mer de Lait et le Râmâyana, le Mahâbhârata figure parmi les grands mythes hindous fondateurs.

D'après la bataille de Kurukshetra, Krishna et Arjuna face à Karna, Mahâbhârata, 1820, aquarelle sur toile, Himachal Pradesh ou Jammu-et-Cachemire, XIXe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après la bataille de Kurukshetra, Krishna et Arjuna face à Karna, Mahâbhârata, 1820, aquarelle sur toile, Himachal Pradesh ou Jammu-et-Cachemire, XIXe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Pandava et Kaurava appartiennent à la caste des guerriers, les kshatriya. Les deux clans se disputent la royauté d’Hastinâpura, capitale de la lignée Kuru-Bhârata, dans la région de Delhi. Le récit de Mahâbhârata relate les épreuves traversées par les cinq frères Pandava et leurs cent cousins Kaurava pour la conquête du pays des Arya, situé au nord du Gange.

La lignée Bhârata

Selon les récits mythiques, Bhârata désignerait des petits royaumes. Les princes de ces contrées revendiquent leur appartenance à la lignée de Bhârata, lui-même descendant de Puru, ancêtre roi de “la dynastie lunaire”. Selon la tradition légendaire hindoue, Bhârata (ou Bhârat) est considéré comme le premier “souverain universel” de l’Inde…

D’après les Kaurava et les Pandava réunis pour un rituel de sacrifice, Mahâbhârata, miniature, 1820-1830, école de Purkhu, Kangra, Himachal Pradesh, XIXe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après les Kaurava et les Pandava réunis pour un rituel de sacrifice, Mahâbhârata, miniature, 1820-1830, école de Purkhu, Kangra, Himachal Pradesh, XIXe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

“Le roi Bhârata est le seizième descendant en ligne directe de Puru, fondateur de la lignée Paurava… Le roi Kuru, huitième descendant de Bhârata, est le fondateur de la branche Kaurava de la lignée Paurava.

Krishna, qui est un Yâdava (pasteur, berger), et les frères Pandava, qui sont des Kaurava, sont de la dynastie lunaire. » (Extraits choisis du Mahâbhârata Jean-Claude Pivin Livre 1 – Adi Parva Livre du commencement).

D’après Krisna- Yâdava, en berger jouant de la flûte, bois sculpté, panneau de char de Sarangapani, XVIIe siècle, Kumbakonam, Tamil Nadu, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Krisna- Yâdava, en berger jouant de la flûte, bois sculpté, panneau de char de Sarangapani, XVIIe siècle, Kumbakonam, Tamil Nadu, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les traditions mythiques de l’Inde ancienne évoquent deux grandes lignées légendaires : la lignée lunaire et la lignée solaire. Les héros du Mahâbhârata se rattachent à la lignée lunaire en tant que descendants de Bhârata. L’épopée du Râmâyana évoque, avec le prince Râma, la dynastie solaire de la lignée d’Ikshvâku. 

Voir aussi Le Sacré en Inde. L’épopée poétique du Râmâyana célèbre les exploits du prince Râma

D’après l'arbre généalogique de la dynastie royale Kuru d'Hastinâpur dans le Mahâbhârata, illustration Siméon Netchev, Encyclopédie de l'histoire du monde. (Marsailly/Blogostelle)
D’après l’arbre généalogique de la dynastie royale Kuru d’Hastinâpur dans le Mahâbhârata, illustration Siméon Netchev, Encyclopédie de l’histoire du monde. (Marsailly/Blogostelle)

Une illustration de Siméon Netchev dans l’Encyclopédie de l’histoire du monde montre la complexité de la généalogie de la dynastie royale Kuru d’Hastinâpur dans l’épopée du Mahâbhârata

Le centre de l’épopée du Mahâbhârata, comprenant plus de 90 000 versets, se déroule dans un monde où la vie de la société dépasse déjà le principe d’une organisation fondée sur la tribu et le pouvoir de son chef. Deux lignées Bhârata se battent pour un royaume…

Mais les éléments du Mahâbhârata qui nous sont parvenus contiennent davantage que le récit poétique d’une guerre mythique. Au fil du temps, parfois bien longtemps après la composition des écrits originels, de nombreux ajouts s’intercalent dans le récit. Le thème principal remonte probablement à de lointaines traditions orales…

D’après le Mahâbhârata, 78 miniatures, rouleau de 72 mètres de long x 13,5 centimètres de large, 1795, style tardif moghol ou Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Mahâbhârata, 78 miniatures, rouleau de 72 mètres de long x 13,5 centimètres de large, 1795, style tardif moghol ou Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Les textes épiques du Mahâbhârata exaltent les vertus de bravoure, de loyauté et d’héroïsme, même si parfois, les protagonistes utilisent des procédés très discutables pour parvenir à leur fin…   

Les personnages, bienveillants ou malhonnêtes, relèvent tous les défis : ils éprouvent leur force dans des  combats, se mesurent dans des concours d’adresse, rivalisent dans des jeux de hasard. C’est ainsi que les Kaurava trichent et spolient leurs cousins Pandava qui perdent ainsi leur souveraineté. Une bataille effroyable s’ensuit…

D’après un concours d'archers, Mahâbhârata, peinture narrative, vers 1800, Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après un concours d’archers, Mahâbhârata, peinture narrative, vers 1800, Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Le nom Mahâbhârata se compose de “mahâ” et de “Bhârata ». En sanskrit, “mahâ” signifie “grand” mais aussi “totalité”, soit un ensemble qui inclut toute chose. Dans le premier livre (ou chant) du Mahâbhârata, il est dit…

“Pour tout ce qui concerne les buts de l’homme : la conformité au Dharma (norme ou ordre universel et cosmique), les richesses matérielles, le désir amoureux, la Délivrance (du cycle des réincarnations), ce qui se trouve dans ce texte se trouve aussi ailleurs. Ce qui n’y est pas n’existe nulle part.”

D’après le Mahâbhârata, rouleau de 72 mètres de long x 13,5 centimètres de large, 1795, style tardif moghol ou Kangra, Himachal Pradesh ; et des érudits hindous et musulmans traduisant le Mahâbhârata du sanskrit en persan, illustration du Razmnâma, 1598-1599, aquarelle, or et encre sur papier, artiste Sangha-Shankara, XVIe siècle, empereur Akbar, Inde moghole. (Marsailly/Blogostelle)

Le Mahâbhârata symbolise donc un “Tout” pour l’être humain en quête de sagesse. La guerre fratricide entre les Pandava et les Kaurava évoque par ailleurs la fin d’un monde. Une fin qui préfigure une renaissance selon la conception cosmique cyclique qui prévaut dans les traditions de l’hindouisme. 

D’après des érudits hindous et musulmans traduisant le Mahâbhârata du sanskrit en persan, illustration du Razmnâma, 1598-1599, aquarelle, or et encre sur papier, artiste Sangha-Shankara, XVIe siècle, empereur Akbar, Inde moghole. (Marsailly/Blogostelle)
D’après des érudits hindous et musulmans traduisant le Mahâbhârata du sanskrit en persan, illustration du Razmnâma, 1598-1599, aquarelle, or et encre sur papier, artiste Sangha-Shankara, XVIe siècle, empereur Akbar, Inde moghole. (Marsailly/Blogostelle)

Par ailleurs, Bhârat signifie « celui qui cherche la lumière », une expression qui renvoie à la vie spirituelle de chacun. Ainsi, la guerre mythique entre Pandava et Kaurava représente également pour les hindous la lutte intérieure à laquelle doit se livrer tout aspirant à la délivrance et à l’illumination.

Le récit du  Mahâbhârata précise que les protagonistes finissent tous par réaliser une ascension au Ciel, où ils retrouvent la sérénité… Sur un plan philosophique, les cinq frères Pandava évoquent les cinq sens. Leur épouse Draupadî incarne la nature à laquelle sont attachés les sens. 

D’après Krishna et son amante Radha, Les Dix avatars de Vishnu, aquarelle sur papier, début XIXe siècle, Jaipur, Rajasthan, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)D’après Krishna et son amante Radha, Les Dix avatars de Vishnu, aquarelle sur papier, début XIXe siècle, Jaipur, Rajasthan, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Krishna et son amante Radha, Les Dix avatars de Vishnu, aquarelle sur papier, début XIXe siècle, Jaipur, Rajasthan, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Les cent frères Kaurava renvoient eux aux attirances et diversions contre lesquelles les sens doivent lutter. Ce combat se déroule sous le regard de Krishna, observateur divin qui suit l’évolution des conflits et initie le héros Arjuna à la sagesse…

En fait Krishna, huitième avatar de Visnu, dieu préservateur et bienveillant, incarne à la fois une divinité prenant l’apparence d’un mortel et un prince Pandava déguisé en roturier… 

D’après Les Dix avatars de Vishnu autour de Krishna et son amante Radha, aquarelle sur papier, début XIXe siècle, Jaipur, Rajasthan, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Les Dix avatars de Vishnu autour de Krishna et son amante Radha, aquarelle sur papier, début XIXe siècle, Jaipur, Rajasthan, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La couleur noire de Krishna, renvoie à la fois à la peau des paysans et pasteurs brunie par le soleil mais aussi à la connaissance secrète et au pouvoir de la magie divine. Comme le bleu ou le vert, la couleur noire relève des codes couleurs dans la représentation des dieux hindous.

Un rishi nommé Vyâsa

L’épopée du Mahâbhârata est attribuée par la tradition hindoue à un grand sage, un rishi nommé Vyâsa, dont le nom renvoie au terme  “compilateur”. Ce récit mythique trouverait sa source à une époque très ancienne de l’ère védique (1500 avjc – IIIe siècle avjc). 

D’après Shiva, Parvati et leurs fils Ganesh et Kartikeya ou Skanda, vers 1750, peinture Pahari, école Basohli, Jammu-et-Cachemire, milieu XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Shiva, Parvati et leurs fils Ganesh et Kartikeya ou Skanda, vers 1750, peinture Pahari, école Basohli, Jammu-et-Cachemire, milieu XVIIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

La tradition légendaire raconte que le Mahâbhârata a été rédigé par Ganesh, dieu de la connaissance, sous la dictée du sage Vyâsa. Fils de Shiva et de Parvati, Ganesh à tête d’éléphant est le dieu de la connaissance, de l’intelligence et de la sagesse. Son frère  Kartikeya ou Skanda est dieu de l’armée divine et de la guerre.

Le nom sanskrit Vyâsa évoque l’idée de “compilation” et désigne une fonction à la fois spirituelle et intellectuelle. Originellement, les rishis sont considérés dans les traditions de l’Inde comme des sages inspirés, des “voyants”, des saints, des poètes… Étymologiquement, le rishi désigne un sage qui participe au Veda et “Veda” signifie “ La Connaissance”…

D’après Ganesh, divinité de la connaissance et scribe de l’épopée du Mahâbhârata selon la tradition, sculpture, art khmer, Angkor Thom, Jayavarman VII, fin XIIe-XIIIe siècle, Cambodge.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après Ganesh, divinité de la connaissance et scribe de l’épopée du Mahâbhârata selon la tradition, sculpture, art khmer, Angkor Thom, Jayavarman VII, fin XIIe-XIIIe siècle, Cambodge.  (Marsailly/Blogostelle)

Dans les faits, le Mahâbhârata, qui comprend dix-huit « parva » (chapitres ou livres), résulte vraisemblablement de l’œuvre collective et anonyme de plusieurs poètes. Élaborée durant plusieurs siècles, la forme actuelle du Mahâbhârata remonterait approximativement au Ve siècle.

Rédigée dans une langue encore très archaïque, cette épopée constitue la “Geste de Krishna” mais insère dans le corps de sa très longue histoire principale de très nombreuses digressions…

D’après Vyâsa contant l'histoire de Harishchandra à Janamejaya, descendant d’Arjuna, Mahâbhârata, peinture narrative, gouache, style Paithan, Andhra Pradesh-Karnataka, fin XIXe-début XXe siècle, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Vyâsa contant l’histoire de Harishchandra à Janamejaya, descendant d’Arjuna, Mahâbhârata, peinture narrative, gouache, style Paithan, Andhra Pradesh-Karnataka, fin XIXe-début XXe siècle, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle)

Une peinture narrative de style Paithan met en scène le sage Vyâsa racontant l’histoire du vertueux souverain Harishchandra au roi Janamejaya, un descendant du héros Arjuna. Le style Paithan correspond à des peintures utilisées pour la narration par des bardes itinérants. 

Les peintures narratives de style Paithan sont typiques de la zone frontalière Andhra Pradesh – Karnataka. (Et non, comme on le pensait auparavant, de la ville de Paithan, où à l’origine les premières collections de ces peintures ont été acquises). 

D’après Krishna avertissant Harishchandra, roi du Kosala (ou Koshala), de la visite du rishi Vishvamitra, Mahâbhârata, peinture narrative, gouache, style Paithan, Andhra Pradesh-Karnataka, fin XIXe-début XXe siècle, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Krishna avertissant Harishchandra, roi du Kosala (ou Koshala), de la visite du rishi Vishvamitra, Mahâbhârata, peinture narrative, gouache, style Paithan, Andhra Pradesh-Karnataka, fin XIXe-début XXe siècle, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle)

Les peintures narratives de style Paithan incluent les épopées hindoues, souvent avec des personnages locaux et des scènes interpolées (soit des ajouts n’appartenant pas au récit originel). Les scènes sont peintes de manière très stylisée, évoquant la tradition des ombres chinoises du Karnataka.

LES MULTIPLES ÉPISODES DU MAHÂBHÂRATA

Le Mahâbhârata nous conte sur plusieurs générations l’histoire de la lignée Kuru, descendants de Bhârata, roi d’Hastinâpura. Le thème central du récit est la rivalité pour la succession au trône entre deux fratries, Kaurava et Pandava, provoquant une guerre d’anéantissement fratricide. Le Mahâbhârata se compose de multiples épisodes, riches en personnages et en rebondissements…

D’après le Mahâbhârata, 78 miniatures, 1795, rouleau de 72 mètres de long x 13,5 centimètres de large, style tardif moghol ou Kangra, Himachal Pradesh, XVIIIe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le Mahâbhârata, 78 miniatures, 1795, rouleau de 72 mètres de long x 13,5 centimètres de large, style tardif moghol ou Kangra, Himachal Pradesh, XVIIIe siècle, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Les  lointains événements relatés dans le Mahâbhârata passent pour avoir été révélés à Vaishampâyana par son maître Vyâsa qui en est le compositeur. Le sage Vyâsa étant également l’ancêtre des deux partis adverses Pandava et Kaurava, cette “révélation” authentifie le récit…

Bhîsma (ou Devavrata), fils du roi Shantanu du royaume Kuru et de Gangâ, est le demi-frère de Vyâsa considéré comme “l’ancêtre”.  Ainsi, Bhîsma est le grand-oncle des Pandava et des Kaurava. Redoutable guerrier, Bhîsma prend le commandant des forces Kaurava pendant la guerre Kurukshetra opposant Pandava et Kaurava… 

Au commencement du Mahâbhârata le narrateur évoque ce qui se passe avant  la guerre fratricide qui oppose les Pandava et les Kaurava, tous de lignée Bhârata. Le roi Vichitravirya, aïeul des Kaurava et des Pandava, meurt sans héritier laissant deux veuves. 

La mère de Vichitravirya, Satyavati, demande alors à son fils Vyâsa de perpétuer la lignée Kuru – Bhârata, son demi-frère Bhîsma ayant fait vœu de célibat. Seul Vyâsa peut donc  donner des enfants aux jeunes veuves du roi Vichitravirya, Ambika et Ambalika.  

D’après Dhritarâshtra, roi Kaurava aveugle, et le conseiller Sanjaya lui relatant la bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, encre, gouache et or, manuscrit Panjabi, 1820 -1840, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Dhritarâshtra, roi Kaurava aveugle, et le conseiller Sanjaya lui relatant la bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, encre, gouache et or, manuscrit Panjabi, 1820 -1840, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Chacune des deux veuves de Vichitravirya donne ainsi naissance à un fils. Ambika, qui devant la laideur de Vyâsa ferme les yeux, met au monde un fils aveugle, Dhritarâshtra, futur père des cent fils Kaurava.

De son côté, Ambalika pâlit en voyant le rishi et enfante Pându, “le pâle”, de constitution fragile, futur père des cinq Pandava dont le héros Arjuna… Par ailleurs, avec une  servante, Vyâsa engendre un troisième fils, Vidura, vigoureux et sage, qui devient le conseiller des rois Dhritarâshtra et Pându.

Selon les droits d’aînesse, le trône doit revenir à Dhritarâshtra, l’aîné Kaurava, mais un roi aveugle de naissance ne peut pas régner. Son frère Pându, souverain Pandava, est donc couronné…

D’après le roi Pandava Pându et son épouse  Kuntî, mère d’Arjuna, Mahâbhârata, miniature, vers 1690,  aquarelle et or, école Pahari-Mankot, Jammu-et-Cachemire, XVIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le roi Pandava Pându et son épouse  Kuntî, mère d’Arjuna, Mahâbhârata, miniature, vers 1690,  aquarelle et or, école Pahari-Mankot, Jammu-et-Cachemire, XVIIe siècle, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Avec sa femme Gândhârî, Dhritarâshtra engendre cent fils Kaurava. Les aînés sont Duryodhana, violent et envieux, et son frère Dushasana. Grâce à ses deux épouses, Kuntî et Mâdrî, Pându est le père des cinq frères Pandava, tous demi-dieux …

Les Pandava, fils divins du roi Pându

Des épisodes du Mahâbhârata racontent comment le roi Pându blesse un ascète sous la forme d’un cerf à la chasse et se retrouve sanctionné par une malédiction. Si le souverain s’unit à ses épouses, il va trépasser… 

Le roi Pându ne peut donc pas engendrer de fils sous peine de mourir. Cependant, sa première épouse, Kuntî, met à profit  le don qu’elle a reçu d’un brahmane et qui lui permet de demander à n’importe quel dieu de lui donner un fils…

D’après Le roi Pându et l’ascète Kindama, miniature, série dispersée du Mahâbhârata, Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Kuntî donne ainsi naissance à trois fils, tous des demi-dieux. L’aîné, Yudhishthira dit “Le sage”,  est fils de Dharma (Loi universelle et Norme cosmique). Avec le dieu du vent, Vâyu, elle engendre le puissant Bhîma. Kuntî donne ensuite naissance à Arjuna, héros du Mahâbhârata, fils du dieu de l’Orage Indra, souverain du panthéon védique.

D’après le héros Arjuna armé de son arc, fils de  Kuntî et du dieu Indra,  Mahâbhârata, XIIIe siècle, relief, Bhubaneswar, Orissa, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)
D’après le héros Arjuna armé de son arc, fils de  Kuntî et du dieu Indra,  Mahâbhârata, XIIIe siècle, relief, Bhubaneswar, Orissa, Inde ancienne. (Marsailly/Blogostelle)

Voir aussi l’article Les dieux Indra et Agni illuminent le Ciel védique

Par ailleurs, avant de devenir l’épouse de Pându, Kuntî avait déjà utilisé le don du brahman et avait mis au monde Karna, fils du dieu Soleil Sûrya, mais mis à l’écart de la lignée royale…

La deuxième épouse de Pându, Mâdrî, met à profit  elle aussi le pouvoir de Kuntî d’obtenir un fils des dieux et donne naissance à des jumeaux, Nakula et Sahadeva, issus des divins Ashvin, Nasatya et Dasra, fils du dieu soleil Sûrya dans le Rig-Veda. Nasatya et Dasra renvoient au cycle solaire et le nom “Ashvin” se rattache aux chevaux et cavaliers…

D’après Yudhishthira, aîné des frères Pandava, Mahâbhârata, Divinités indiennes, deux albums-195 illustrations, 1720-1730, Andhra-Pradesh-Karnataka, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle) 
D’après Yudhishthira, aîné des frères Pandava, Mahâbhârata, Divinités indiennes, deux albums-195 illustrations, 1720-1730, Andhra-Pradesh-Karnataka, Inde du Sud. (Marsailly/Blogostelle) 

Malgré les risques encourus par sa malédiction, le roi Pandu finit par succomber à la tentation et s’unit à Mâdrî sa deuxième épouse. Le sort s’abat sur lui et il meurt. Pandu laisse ainsi ses héritiers dans une situation difficile.

À la mort de Pâṇḍu, ses fils étant trop jeunes, son frère Dhritarâshtra exerce le pouvoir malgré sa cécité. À leur majorité, les deux aînés de Dhritarâshtra, Duryodhana et Yudhishthira, revendiquent le trône. Et Duryodhana décide d’anéantir ses cousins Pandava par tous les moyens…

D’après Dhritarâshtra et son demi-frère Vidura, discussion au palais, Mahâbhârata, style Kangra, 1820, Himachal Pradesh, Inde Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Dhritarâshtra et son demi-frère Vidura, discussion au palais, Mahâbhârata, style Kangra, 1820, Himachal Pradesh, Inde Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Une illustration  du Mahâbhârata montre, dans la cour d’un palais, Karna en armure dorée offerte par son père Sûrya, Bhîma, demi-frère de Vyâsa, Yudhishthira, le maître d’arme Drona, Arjuna et les jumeaux Nakula et Sahadeva. En face des Pandava, se trouvent les Kaurava, Duryodhana et Ashwatthama. Dans le palais, Dhritarâshtra s’entretient avec son demi-frère Vidura.

Les cousins Pandava et Kaurava grandissent ensemble et reçoivent les enseignements des mêmes maîtres, Bhîma, Vidura et Droṇa.  Drona, brahmane et “maître d’armes”,  leur enseigne l’art de la guerre. Karna, demi-frère Pandava, se fait remarquer pour son adresse…

D’après Krishna et Arjuna face à Karna, bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, 1820, aquarelle sur toile, Himachal Pradesh ou Jammu-et-Cachemire, Inde du Nord.  (Marsailly/Blogostelle)
D’après Krishna et Arjuna face à Karna, bataille de Kurukshetra, Mahâbhârata, 1820, aquarelle sur toile, Himachal Pradesh ou Jammu-et-Cachemire, Inde du Nord.  (Marsailly/Blogostelle)

Mais Karna, fils de Kuntî et du dieu Soleil Sûrya, avait été élevé par un charretier après sa naissance. Il n’obtient pas le droit de s’opposer en duel à Arjuna parce qu’il n’appartient pas à la même caste (“varna”) que ses frères Pandava. 

Kuntî n’intervient pas et abandonne Karna, rejeté de la lignée Pandava… Très proche de son cousin Duryodhana, chef de file des cent fils Kaurava, Karna devient finalement un allié contre les Pandava qui l’ont exclu…

D'après Les Pandava à la cour royale de Drupada, père de Draupadî, Mahâbhârata, miniature,  1775-1800, aquarelle et or sur papier, Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)
D’après Les Pandava à la cour royale de Drupada, père de Draupadî, Mahâbhârata, miniature,  1775-1800, aquarelle et or sur papier, Kangra, Himachal Pradesh, Inde du Nord. (Marsailly/Blogostelle)

Des épisodes du Mahâbhârata racontent encore comment Arjuna, fils d’Indra, gagne la main de la princesse Draupadî, la mise à l’épreuve d’Arjuna par Shiva, le sacre de Yudhishthira, la révélation de la nature divine de Krishna, l’exil des Pandava après une fatidique partie de dés, le séjour incognito des Pandava à cour du roi Virâta… L’Ascèse d’Arjuna, Shiva et La Descente du Gange apparaissent sur les reliefs de Mahâbalipuram…

La suite… L’excellence guerrière d’Arjuna, grand héros du Mahâbhârata, se rattache aux dieux Indra et Shiva

RÉCITS MYTHIQUES HINDOUS. 1. Le Barattage de la Mer de Lait, récit cosmogonique hindou – 2. Le Râmâyana célèbre les exploits du prince Râma et Râma, héros divinisé du Râmâyana, libère le monde des démons – 3. Le Mahâbhârata une épopée mythique sacrément compliquée ; L’excellence guerrière d’Arjuna, grand héros du Mahâbhârata, se rattache aux dieux Indra et Shiva et Au cœur du Mahâbhârata, Krishna enseigne à Arjuna la Bhagavad-Gîtâ, chant poétique et mystique (3)

Sommaire HISTOIRE DU SACRÉ

REPÈRES CHRONOLOGIQUES. Au cours de l’époque védique, entre 1500 avjc et le IIIe siècle avjc, sont rédigés en sanskrit : le Rig-Veda, les Brahmana et les Upanishad (qui constituent le Vedanta). Et aussi de tradition védique : le Barattage de la Mer de Lait et le Mahâbhârata (IVe siècle avjc – IVe siècle), qui comprend La Bhagavad-Gîtâ (IVe – IIIe siècle avjc). Plus tardif : le Râmâyana, poème en sanscrit (IIIe siècle avjc – IIIe siècle). 

Le Mahâbhârata comprend dix-huit « parva » (chapitres ou livres). 1. Adiparvan – Le Livre des commencements. 2. Sabhaparvan – Le Livre de l’assemblée. 3. Aranyakaparvan – Le Livre de la forêt. 4. Virataparvan – Le Livre de Virâta. 5. Udyogaparvan – Le Livre des préparatifs. 6. Bhishmaparvan – Le Livre de Bhîsma. 7. Dronaparvan – Le Livre de Drona. 8. Karnaparvan – Le Livre de Karna. 9. Shalyaparvan – Le Livre de Shalya. 10. Sauptikaparvan – Le Livre de l’attaque nocturne. 11. Striparvan – Le Livre des femmes. 12. Shantiparvan – Le Livre de l’apaisement. 13. Anushasanaparvan – Le Livre de l’enseignement. 14. Ashvamedhikaparvan – Le Livre du sacrifice royal. 15. Ashramavasikaparvan – Le Livre du séjour en forêt. 16. Mausalaparvan – Le Livre des pilons. 17. Mahaprasthanikaparvan – Le Livre du grand départ. 18. Svargarohanaparvan – Le Livre de la montée au paradis.

Citation Généalogie : Netchev, S. (26 août 2021). L’arbre généalogique de la dynastie Kuru dans le Mahabharata . Encyclopédie de l’histoire du monde. Extrait de worldhistory.org/image/14420/the-family-tree-of-the-kuru-dynasty-in-the-mahabha/

Mahâbhârata-Université d’Édimbourg – Numérisation des rouleaux du Mahâbhârata : The University of Edinburgh Centre for Research open.ed.ac.uk/mahabharata-scroll-digitisation/

BNF :  Le Mahâbhârata, poème épique de KRISHNA-DWAIPAYANA gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5820787t/f3.item.texteImage ; PDF Extraits choisis du Mahâbhârata Jean-Claude Pivin Livre 1 – Adi Parva Livre du commencement Jean-Claude Pivin mahabharata.fr/pdf/Livre%201.pdf

Publié par Maryse Marsailly

Blogostelle : Histoire de l'Art et du Sacré. Civilisations, chefs-d'œuvre, mythes, symboles..., tout un univers s'exprime dans les œuvres d'art.

Un avis sur « Le Sacré en Inde. Le Mahâbhârata, une épopée mythique sacrément compliquée… »

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