Un livre : Le Très-Bas, de Christian Bobin
PAUSE LECTURE. Dans son roman poétique, spirituel et tendre, Le Très-Bas, l’écrivain français Christian Bobin nous conte la vie de François, né Giovanni di Pietro Bernardone, vers 1182, dans la ville italienne d’Assise, en Ombrie. Le fondateur de l’ordre des frères Mineurs – les franciscains – s’éteindra en ces mêmes lieux le 3 octobre 1226. Par la grâce de ses mots joyeux et de ses descriptions imagées, l’auteur met en lumière l’amour de soi, la douceur de vivre et le chant qui habite son personnage – il Poverello (le petit pauvre) –, pour qui c’est toute la Terre qui est sainte…
Par Maryse Marsailly (@blogostelle)
– 31 décembre 2018 –
Dédicace spéciale, à ma marraine…

Rien ne peut être connu du Très-Haut sinon par le Très-Bas, par ce Dieu à hauteur d’enfance
LE ROMAN
Nous sommes en 1182, raconte Christian Bobin, dans la ville d’Assise, en Italie, où naît le jeune François… Bercé par l’affection et l’attention maternelle de dame Pica, qui lui transmet les valeurs de l’amour, de la beauté et de la sainteté, l’enfant grandit, nourrit par ce trésor d’affection et d’attention maternelles. Son père, Pierre de Bernardone, est un prospère marchand-drapier…
Christian Bobin explique que nous savons peu de chose de l’enfance de François. Mais sa plume poétique nous conte son histoire… Telle une longue marche qui mène de l’insouciance de la jeunesse à la plus haute spiritualité, grâce au mystère du Très-Bas qui, lui seul, permet l’accès au Très-Haut…

Sur les traces du « Très-Bas »…
Christian Bobin évoque le monde du XIIIe siècle, où le commerce mène à la richesse, la guerre à la gloire et la prêtrise au Salut… Mais l’auteur nous emporte surtout sur les traces du Très-Bas. Ses mots mettent en lumière l’amour de soi et la douceur de vivre.
Se dessine alors un cheminement qui semble bien loin de celui des prêtres du Haut de leur chaire. L’auteur évoque L’attention humble aux humbles ainsi que l’attention vive de François à toutes les formes de vie… Dans ce roman, François d’Assise apparaît davantage comme un être profondément mystique plutôt que tel un homme d’église…

Une mère pieuse et aimante
Christian Bobin sublime son récit… Pierre de Bernardone veut nommer son fils François, un prénom qui évoque la France. Sa mère, Claire, (Dame Pica) préfère Jean, un prénom biblique, qui fait référence à Jean le Baptiste et à saint Jean l’évangéliste dans le Nouveau Testament...
Cette mère pieuse s’identifie en même temps à Marthe et à Marie : celle qui prépare la nourriture, qui s’affaire en permanence pour le bien de son hôte, Jésus, et celle qui médite, apparemment inactive, mais profondément recueillie… Dans le roman de Christian Bobin, la mère de François nourrit son enfant de son puissant amour maternel, de sa piété et de sa culture provençale…


D’après La Légende Dorée, de Jacques de Voragine, La Vierge à l’Enfant et L’Annonciation, traduction Jean de Vignay, vers 1404, vignette, enluminure, début Renaissance, France. (Marsailly/Blogostelle)
« La perspective du cœur »
Dans les récits médiévaux, les miniatures et les légendes de Jacques de Voragine, La perspective du cœur ramène aux éblouissements de l’enfance, à la joie de vivre, au merveilleux, à la simplicité profondément intime et vivante des dessins d’enfants… Comme aussi l’œil de l’amoureux, nous dit Christian Bobin, dont le le cœur (est) plein d’espérance dans les expressions de l’amour courtois du XIIIe siècle…

Le Mariage mystique de François d’Assise représente trois figures féminines qui incarnent les trois vertus de l’ordre des frères Mineurs : obéissance, chasteté et pauvreté. François d’Assise passe l’anneau de mariage à Dame Pauvreté, symbole de la vertu franciscaine par excellence…
La simplicité d’un regard…
Le poète dans ce livre, c’est Christian Bobin lui-même, mais c’est aussi François, personnage, là, romanesque… Dont la spiritualité, à la fois très haute et très profonde, s’exprime dans l’exaltation joyeuse de la vie…
… dans la simplicité d’un regard sur autrui et sur la nature, dans une parole spontanée – qui est amour, qui est Dieu – s’affranchissant complètement des limites et des contraintes dogmatiques : Rien ne peut être connu du Très-Haut sinon par le Très-Bas, par ce dieu à hauteur d’enfance.
Mais Christian Bobin évoque aussi la condition des enfants au XIIIe siècle, quand la fleur n’est pas certitude du fruit… bien loin de certains enfants rois du XXe siècle qui, comme leurs parents, baignent dans un néant spirituel…


D’après François et le miracle du Crucifix de Saint-Damien, qui lui demande de rebâtir l’église ; et François d’Assise et la crèche de Noël de Greccio, 1295, Giotto Di Bondone, église supérieure de San Francesco d’Assise, Ombrie, XIIIe siècle, période médiévale. (Marsailly/Blogostelle)
Canonisé par le pape Grégoire IX en 1228, François d’Assise est inhumé dans la nouvelle basilique d’Assise, dont les fresques peintes par Giotto di Bondone (dit Giotto) s’inspirent de la légende et de la vie du saint, qui porte un même amour aux déshérités, aux animaux et à la Nature…
Des « bâtisseurs de pierres et de mots »
Le XIIIe siècle, c’est encore celui des bâtisseurs de pierres et de mots, celui des cathédrales, joyaux de l’architecture gothique. C’est aussi le siècle des cathédrales littéraires, telle La Somme théologique, de Thomas d’Aquin, rédigée par ce docteur de l’Église entre 1266 et 1273, une œuvre fondée à la fois sur la foi et sur la philosophie.
Le jeune François devient marchand…
À vingt ans, François devient marchand. Il est doué pour le commerce comme son père. Le jeune homme s’adonne à la fête, au vin, aux femmes, aux jeux… François, raconte Christian Bobin, se souvient seulement de son âme au moment des célébrations de Noël et de Pâques…
François cultive alors une croyance fabuleuse en l’existence de l’âme, comme pour celle de la licorne… Mais, explique Christian Bobin, l’amour de soi est à l’amour de dieu ce que le blé en herbe est au blé mûr…

Capturé, François se retrouve en prison…
Puis, comme la Salamandre qui ne vit que du feu, le vigoureux François vit du feu… La guerre éclate entre la République de Pérouse et Assise. François rêve alors de chevalerie, d’héroïsme et de gloire… Mais le jeune homme est capturé en 1202, et se retrouve en geôle – la main de dieu? …
François « chante »…
Là, pourtant, malgré la noirceur de sa prison, François vit cette épreuve dans la gaieté auprès de ses compagnons d’infortune… Il découvre même une joie jusqu’alors inconnue de lui, bien différente des plaisirs donnés par les ivresses de la vie mondaine… François chante…
Christian Bobin précise… Tel Jonas dans le ventre de la baleine (Ancien Testament), le véritable lieu n’est-il pas celui où nous espérons sans connaître ce que nous espérons… où nous chantons?… Puis François est libéré en 1203…



D’après la prédelle de saint François recevant les stigmates, de Giotto Di Bondone, avec Le Songe d’Innocent III, et Le Pape approuvant les règles de l’ordre, vers 1295 – 1300, période médiévale (Marsailly/Blogostelle)
Licorne, salamandre, grillon…
De retour à Assise, François tombe malade en 1204. Se produit alors une métamorphose de la licorne et de la salamandre en grillon (le grillon chante)… La nature du grillon, qui meurt en chantant, est d’aimer sa chanson… La mère de François soigne son fils malade… Il est temps de changer de vie, dit Christian Bobin, car la maladie c’est l’absence de chemin…
« Le Très-Bas qui chuchote… »
Au printemps 1205, c’est à nouveau la guerre, cette fois entre la papauté et l’empereur (Saint-Empire). François répond à l’appel du Pape et décide de se rendre dans la ville de Spolète… Mais les chroniques relatent comment Dieu arrête François sur sa route.
Dieu lui parle, raconte Christian Bobin : c’est Le Très-Bas qui chuchote à l’oreille du dormeur… Le Très-Bas parle autrement, il parle très bas, sa parole est comme un pépiement de moineau.

« Un rien décide de tout… »
Christian Bobin poursuit son roman… François rentre donc au pays… Parfois, un rien décide de tout : fini le commerce, fini la guerre, fini les vaines activités humaines… François chante, écrit l’auteur…
Le jeune marchand ne possède plus le mauvais sang de l’ambition. Pour le futur prêcheur, les filles, les amis mondains, le vin, les jeux… n’ont plus du tout la même saveur comparée à celle de la gaieté sans objet. François aspire maintenant à une jouissance plus grande…

Les artistes représentent Saint François portant une simple robe de bure (en grossière et rugueuse étoffe de laine) ceinturée par une corde à trois nœuds. Chacun des trois nœuds symbolise l’un des vœux prononcés par le frère franciscain : obéissance, pauvreté et chasteté.
François devient ermite..
Ainsi, l’été 1205, à 25 ans, François quitte les siens à l’occasion d’une célébration, renonçant à une vie de richesses et de mondanités. Il choisit d’embrasser la pauvreté et devient ermite. Ce n’est pas du monde qu’il sort, c’est de lui, précise Christian Bobin…
… Il va là où le chant ne manque jamais de souffle, là où le monde n’est plus qu’une seule note élémentaire tenue infiniment, une seule corde de lumière vibrant éternellement en tout, partout…

Le dépouillement…
La pauvreté et le dénuement attirent et révoltent à la fois François… Dans la léproserie d’Assise, devant la misère de ces êtres en guenilles de chair, seul le Très-Bas peut s’incliner aussi profondément avec autant de simple grâce…
… humblement, jusqu’à cette plaie… parce que la pauvreté est plaie. François comprend… Il sait où loge le Très-Bas : là où la vie manque de tout, là où la vie n’est plus rien que vie brute, merveille élémentaire, miracle pauvre…


D’après François d’Assise donnant sa tunique à un pauvre, 1295, Giotto Di Bondone, église supérieure de San Francesco d’Assise, Ombrie, XIIIe siècle ; et La Légende Dorée de Jacques de Voragine, La Pentecôte, les apôtres partent prêcher, enluminure, fin XIVe siècle, France ; période médiévale. (Marsailly/Blogostelle)
François pense qu’il est temps pour lui de mener une vie de prêcheur… Son père, qui n’approuve pas son choix, emporté par la colère, déshérite son fils. Devant son père et l’évêque, François se dépouille de ses vêtements…
… parce que dans le monde de l’esprit c’est en faisant faillite que l’on fait fortune… Comme Abraham, Moïse, David (Ancien Testament), qui ont perdu leurs vêtements et ont reçu, écrit Christian Bobin, l’infini dans le cœur mis à nu…,

« La vérité est bien plus dans le Bas que dans le Haut… »
Le futur fondateur de l’ordre franciscain disparaît de la ville… rebâtit une église : va et répare ma maison qui tombe en ruine. Christian Bobin évoque l’épisode du miracle du Crucifix de Saint-Damien.
Puis le romancier écrit : Il croît, le naïf, que la maison de Dieu c’est l’Église… Il obéit comme un enfant, à la lettre… En outre, François voyage, voyage… et se rend à Rome. Il s’approche au plus près des mendiants…
Le « Dieu universel » et la « Mère immense »
François devine à l’instinct que la vérité est bien plus dans le Bas que dans le Haut, dans le manque que dans le plein… et la vérité est un trésor que même la mort – cette pie voleuse – ne saura prendre…
Dans les pas de François, Christian Bobin nous ramène vers la simplicité pure de l’enfance, ce trésor en lequel se cache le Dieu universel et la Mère immense…

Une simple robe de bure et une cordelette
Pour se vêtir, François adopte une simple et rude tunique de bure ceinturée par une corde. Cet habit deviendra un symbole de l’ordre franciscain, fondé sur l’humilité et l’attention aux plus démunis…
Humilité vient du latin “humus” qui veut dire terre, la terre, précise Christian Bobin… L’humilité nous renvoie donc à la terre, à la nature… François rencontre un mendiant et lui demande de lui donner la bénédiction que son père lui refuse, avant de partir dans la forêt s’installer dans une cabane…
« La voix du Très-Bas… »
Christian Bobin poursuit son récit… François emprunte la voix du Très-Bas et jamais celle du Très-Haut – voix étant homonyme de voie, donc de chemin… Sur sa route, donc, François chante…
Comme un écho qui résonne, surgissant de l’enfance, l’amour s’identifie à la fois à l’amour maternel sans condition et à l’amour paternel qui devient colère… Mais l’infinie douceur comme l’infinie colère relèvent du même principe infini : l’amour…
Ainsi, dans le cœur et l’âme d’enfant du personnage (et par ricochet) le Très-Bas renvoie à l’amour maternel et le Très-Haut à l’amour paternel, lequel peut se manifester par la colère. La colère étant l’une des formes de l’amour…

François, les oiseaux et la Nature…
Le Très-Bas s’exprime à travers les humbles et pauvres gens, il se manifeste discrètement, dans de toutes petites choses, il se manifeste aussi dans la nature… Ainsi, dans le roman de Christian Bobin, le moineau s’associe au pain, le rouge-gorge au vin, l’alouette au chant et au Ciel…
Par ailleurs, dans la légende de François d’Assise, le frère prêcheur s’adresse aux oiseaux. Mais le saint homme est aussi homme-arbre, homme-fleur, homme-vent, homme terre… Dans la bible, c’est un oiseau, la colombe, qui annonce la présence des terres émergées après le Déluge.
« Sœur notre mère la Terre… »
Les eaux, les sols, les pierres, les plantes, les animaux et les êtres humains renvoient à l’histoire de la création dans la genèse, à la Terre retrouvée de Noé, à la Terre promise du peuple hébreu… et aussi à une Nature que saint François célèbre dans ses écrits…
François d’Assise évoque ainsi Messire Frère Soleil… Sœur Lune et les Étoiles… Frère Vent… Sœur Eau… frère Feu… Sœur notre mère la Terre, qui nous soutient et nous nourrit… (voir l’extrait du poème ci-dessous dans l’article)

« C’est toute la Terre qui est sainte… »
Selon le récit biblique, c’est l’Homme qui nomme les bêtes et tous les oiseaux du Ciel… Ainsi, dans le récit de Christian Bobin, quand François prêche aux oiseaux en leur parlant de Dieu, il s’adresse à eux, et les libère en quelque sorte d’une fatalité humaine pour les ramener vers l’absolu. Car, nommer est Parole, et la Parole est Amour…
L’absolu est le dieu universel des êtres humains, mais aussi celui des oiseaux, des animaux, de la nature dans son ensemble (le pape Jean-Paul II a fait de François d’Assise le saint patron des écologistes).
Pour François d’Assise c’est toute la Terre qui est sainte … Ailleurs, François évoque son corps, mon frère l’âne, dont il cherche à se détacher sans pour autant rejeter ce compagnon fraternel…

« Les hommes ont peur des femmes… »
Qu’est-ce qu’une femme? s’interroge Christian Bobin… Personne ne sait répondre à cette question, pas même Dieu qui, pourtant, les connaît pour avoir été engendré par elles, nourri par elles, bercé par elles…
L’auteur évoque la femme, la vie et dieu : c’est trois-là se tiennent de près, écrit-il… Il ajoute : les femmes sont la vie en tant que la vie est au plus près du rire de Dieu… Ainsi, elles ont la vie en garde pendant l’absence de Dieu…
Mais les Les hommes ont peur des femmes… Et parce que ce sont les hommes qui font les Églises, il est inévitable que les Églises se méfient des femmes… En outre, les Églises se méfient aussi de Dieu, cherchant à l’apprivoiser, comme elles le font aussi avec les femmes : en cherchant à contenir la vie en crue dans le lit bien sage des préceptes et des rites…



D’après Le Baptême du Christ, et triptyque de Jan des Trompes, détail, Marguerite Porète, de Gérard David, huile sur bois, retable vers 1502 – 1508, école flamande, début XVIe siècle ; et La Légende Dorée, Jacques de Voragine, sainte et livre, traduction Jean de Vignay, enluminure, 1404, France. (Marsailly/Blogostelle)
Marguerite et « la langue des moineaux… »
Christian Bobin mentionne Marguerite Porète, mystique condamnée pour hérésie par l’Église de Rome et brûlée place de Grève, en 1310, pour son livre Miroir des âmes simples et anéanties… Elle n’écrit pas en latin comme les hommes d’église, mais adopte le provençal des troubadours, qui est langue des moineaux… Par exemple, Marguerite Porète s’adresse au Loin-Près…
« Le camp des femmes, le rire de Dieu »
Parmi les propos de Marguerite, écrit le poète romancier, il n’y a rien que François d’Assise n’eût pu signer… Pourtant Lui fut sanctifié, Elle fut condamnée et brûlée… moins d’un siècle après la disparition du Saint.
Mais il est possible pour un homme, poursuit Christian Bobin, en sortant de lui-même et de sa peur, de rejoindre le camp des femmes, le rire de Dieu… D’ailleurs, nul plus que le Christ n’a tourné son visage vers les femmes…. En outre, dans les évangiles, du commencement à la fin, les femmes sont presque aussi nombreuses que les oiseaux…

« L’aujourd’hui éternel des vivants »
Christian Bobin raconte encore comment une douzaine d’hommes suivent les animaux auprès de François… Le franciscain invente une règle fondée sur une saine pauvreté, qui se distingue de la vie de cour du très haut pape.
Puis François d’Assise rencontre Claire, sa soeur, son double, dont le nom évoque la clarté, la lumière… François partage un amour spirituel intense avec cette jeune femme aimante, chère à son coeur. Le romancier poète conclut que leur amour préserve l’aujourd’hui éternel des vivants au-delà de la mort…
La figure de François d’Assise dans l’art
Les artistes peintres représentent François d’Assise dans le dépouillement et la simplicité, vêtu de sa robe de bure ceinturé par une corde. Ils s’inspirent souvent de sa biographie légendaire…
Ainsi, parmi les épisodes les plus inspirants, on peut voir François renonçant aux richesses et à la société mondaine, François en ermite, François dans le désert, François auprès des animaux et des oiseaux, François en prière, François recevant les stigmates de la Passion… Le saint est fréquemment représenté dans la nature…

Des biographies légendaires
Divers récits, rédigés après sa canonisation, se rapportent à la vie de François d’Assise, dont la règle est fondée sur une « saine pauvreté » et sur la fraternité… Le biographe du saint, Thomas de Celano – l’un des premiers franciscains (1215) à le suivre – compose un récit, en 1229, à la demande du pape Grégoire IX (pour le procès de canonisation de François).
Puis une Vita Secunda est rédigée vers 1245-1247. La version de Thomas de Celano comporte notamment l’épisode du saint parlant aux oiseaux… On attribue aussi à Thomas de Celano la rédaction, en prose, de la Vie de sainte Claire d’Assise, chère à François, peu après sa canonisation le 15 août 1255.

Le « Miroir de perfection »
Par ailleurs, parmi les premiers compagnons de saint François, les frères Ange, Léon et Rufin consignent leurs souvenirs, pour rétablir leur vérité sur le message du fondateur de leur communauté.
Ces frères, de stricte obédience, dits les « Spirituels », rédigent le Miroir de perfection (1228), attribué à Frère Léon d’Assise, confesseur et infirmier de François. Ce document de la vie de François d’Assise est considéré comme le plus ancien et le plus fidèle, mais il évoque un homme spirituel malmené par l’Église officielle…


D’après François d’Assise, de Jan Van Eyck, et détail, vers 1430, Bruges, XVe siècle, Renaissance Flamande. (Marsailly/Blogostelle)
Une biographie officielle
En 1266, saint Bonaventure (Bonaventure de Bonaregio) – ministre général de l’ordre franciscain entre 1257 et 1274 et docteur de l’Église – impose une biographie officielle de la vie de François d’Assise : la Legenda major (Legenda maior en latin). Cette version est destinée à éclipser les précédentes hagiographies dues à Thomas Celano…
« Les petites fleurs de saint François »
Plus tard, vers 1370-1390, au XIVe siècle, Les Fioretti de saint François, ouvrage anonyme toscan, comporte 53 récits légendaires relatifs à saint François d’Assise et à ses compagnons, adaptation en toscan vulgaire des Actus beati Francisci et sociorum ejus, attribués à Ugolino di Monte Santa Maria.

Ce recueil contient quelques-unes des petites fleurs (fioretti), miracles et exemples de dévotion du glorieux petit pauvre messire saint François et de quelques-uns de ses frères et compagnons très dévots…
Saint François, dont le mode d’existence rappelle celui attribué au Christ, apparaît comme le saint le plus populaire du monde chrétien. Il figure parmi les saints personnages dont l’iconographie est la plus riche…
Les vingt-huit scène à la fresque de Giotto
Les fresques de Giotto peintes dans la basilique d’Assise s’inspirent de la Legenda Major, établie par le théologien Bonaventure de Bonaregio. Le cycle de Giotto, organisé en trois parties principales, se déploie en vingt-huit fresques-tableaux…



D’après François d’Assise en gloire sur un char de feu ; François obtenant l’approbation du pape Innocent III pour la règle des frères Mineurs ; et Le songe d’Innocent III, François d’Assise et l’église du Latran ; fresques de Giotto Di Bondone, vers 1295, église supérieure de San Francesco d’Assise, Ombrie, XIIIe siècle, période médiévale. (Marsailly/Blogostelle)
Sept scènes dépeignent la vie de François, depuis son renoncement à la vie mondaine jusqu’à la fondation de l’ordre des frères Mineurs. Puis, treize peintures illustrent des épisodes significatifs de la vie du saint jusqu’à sa disparition.
Les sept dernières représentations se déroulent après la disparition de François d’Assise, comme la scène où les frères aperçoivent François d’Assise en gloire sur un char de feu…
Biographie de François d’Assise
– 1181-1182 : naissance de François à Assise, en Ombrie. – Sa mère : Dame Pica. Son père : Pierre de Bernardone, marchand, fréquente les foires de Champagne, en France, et prénomme son fils Francesco, le Français. Son nom de baptême est Jean. – François côtoie la jeunesse noble et bourgeoise d’Assise. Il connaît la littérature courtoise, en français et en provençal.

– 1202 La Guerre éclate entre Pérouse et Assise. François est fait prisonnier. Il est libéré en 1203.
– 1204-1205 : le métier des armes tente le jeune François, qui songe à rejoindre un contingent pontifical, mais une maladie (1204) met un terme à ses projets… Saisi par le doute, François renonce à la vie mondaine et à la richesse… Il mène une vie d’ascèse…
-1208 : François reçoit la révélation de sa vocation de prêcheur. Sa réputation de Poverello, (Petit Pauvre) de répand … et de nombreux disciples le rejoignent, prêtres ou laïcs, qui forment la Fraternité des pénitents d’Assise et prêchent l’Évangile dans toute l’Ombrie.
– Le credo des premiers franciscains – les “frères mineurs”, (tout petits) – est fondé sur l’humilité et la pauvreté, dont le symbole est leur robe de bure, non teintée,et ceinturée par une simple corde (en France, on les nomme les cordeliers)…
– Les frères mineurs franciscains vivent uniquement grâce à l’aumône, comme la communauté des frères prêcheurs, fondée, à la même époque, par saint Dominique. Ce sont des frères mendiants, qui inaugurent un modèle religieux inédit.

-1209-1210 : François d’Assise se rend à Rome pour obtenir l’approbation du pape Innocent III à une règle, reposant alors sur une compilation de textes sacrés. La fraternité s’installe à Rivotorto puis à la Portioncule.
– 1212, François d’Assise est rejoint par Claire (Claire Offreduccio di Favarone) à Portioncule. Jeune femme appartenant à la noblesse d’Assise, elle est la future fondatrice des sœurs clarisses. François l’installe à Saint-Damien.
– 1215-1223 : François d’Assise fonde un ordre religieux doté d’une première règle officielle. Puis une seconde règle officielle, en 1223, est approuvée par le pape Honorius III.
– À partir de 1217 : les franciscains portent la bonne parole hors d’Italie, et fondent des couvents en Angleterre, en France, en Allemagne, en Hongrie… surtout en ville. Ils partent aussi en mission jusqu’au Maroc, en 1219, où des frères sont massacrés. Malade, François est rentré à la Portioncule.
-1218-1219 : François d’Assise rejoint la cinquième croisade en Égypte (époque du pape Honorius II ), mais le franciscain condamne les violences qui suivent la prise de Damiette.

Au XVIIe siècle notamment, les artistes représentent de nombreuses vanités, dont le sujet pictural évoque la condition de l’être humain mortel, la précarité de la vie humaine et les vaines activités des hommes…
-1223 : François réside au couvent de Greccio, près d’Assise. À Noël, le franciscain inspire l’installation d’une crèche, avant de se retirer dans des ermitages où il mène une vie de plus en plus ascétique…
-1224-1226 : François d’Assise, souffrant, subit en outre une maladie des yeux. Il reçoit les stigmates de la Passion (plaies du Christ) et se consacre à l’écriture… Son poétique Cantique du frère Soleil – ou Cantique des créatures – exalte la Création divine. Il dicte son Testament, qui témoigne de son expérience spirituelle… Puis François meurt le 3 octobre 1226, à Assise…


D’après saint François d’Assise, dans la Divine Comédie de Dante, de Jusepe de Ribera, 1642, peintre espagnol, à Rome et à Naples, XVIIe siècle, période Baroque ; et François d’Assise et la croix, dessin, d’Etienne Parrocel, XVIe siècle, Renaissance. (Marsailly/Blogostelle)
Dans sa Divine Comédie, le poète Dante Alighieri (1265 – 1321) évoque François d’Assise parmi les saints dans les Cieux du Paradis (chant 11)… Voir aussi Qui êtes-vous Dante Alighieri? et Vie d’Artiste : Qui êtes-vous Dante Alighieri? (part II)
-1228 : François d’Assise est canonisé par le pape Grégoire IX. Il est inhumé sous la basilique inférieure d’Assise, à la croisée du transept. Cette nouvelle église, alors en construction, est consacrée en 1253 par le pape Innocent IV. En 1230, l’ordre franciscain rassemble environ de 3 000 frères…
– 1979 : le pape Jean-Paul II fait de saint François d’Assise le saint patron des écologistes.
Le Cantique de frère soleil
Extrait Il Cantico di frate sole… Très haut, tout puissant, bon Seigneur – à toi sont les louanges, la gloire et l’honneur, et toute bénédiction. – A toi seul, Très-Haut, ils conviennent ; et nul homme n’est digne de prononcer ton nom. – Loué soit-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures : spécialement Messire Frère Soleil qui donne le jour, et par qui tu nous éclaires ; il est beau et rayonnant avec une grande splendeur : de toi, Très-Haut, il est le symbole.

– Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Sœur Lune et pour les Étoiles ; dans le ciel tu les as créées, claires, précieuse et belles. – Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Frère Vent, pour l’air et les nuages, et le ciel pur, et tous les temps, par lesquels à tes créatures tu donnes soutien. – Loué soit-tu, mon Seigneur, pour Sœur Eau, qui est très utile et humble, précieuse et chaste…
– Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu, par qui tu éclaires la nuit ; il est beau et joyeux, robuste et fort. – Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Sœur notre mère la Terre, qui nous soutient et nous nourrit, et produit divers fruits avec les fleurs aux mille couleurs et l’herbe…

Dans ce poème, François d’Assise loue l’Univers, la Nature et mentionne les 4 éléments, Eau, Feu, Air, Terre… Comme l’a fait aussi, Hildegarde de Bingen dans son Livre des œuvres Divines, (1174), abbesse, femme de lettres et mystique allemande du XIIe siècle…
Voir aussi l’article Arts Roman et Gothique, introduction à l’Art du Moyen Âge, partie 1)
LA LÉGENDE DORÉE
Bloc-notes + Jacques de Voragine (vers 1228-1298), dominicain et archevêque de Gênes, est l’auteur de La Légende dorée (Legenda aurea, littéralement Légende d’or), rédigée entre 1250 et 1280, au XIIIe siècle.
Ce recueil rassemble les histoires légendaires et miraculeuses des saints et des martyrs chrétiens, auxquelles se mêlent des épisodes de la vie du Christ.


D’après Les Festes nouvelles et Le saint Voult de Luques, Nicodème et saint Augustin ; La Légende Dorée, Jacques de Voragine, traduction Jean de Vignay, 1401-1500, textes et miniatures enluminés, France, Renaissance. (Marsailly/Blogostelle)
L’opus alchimique, la matière et l’esprit
Certains ont vu aussi dans La Légende d’or une évocation de l’opus alchimique, dont la quête expérimentale et spirituelle est de transformer les métaux vils en or (ou le plomb en or), qui induit des transformations dans la matière comme dans l’esprit…
Ainsi, les différentes formes du martyre symbolisent à la fois le travail sur le métal et les épreuves initiatiques d’un cheminement spirituel…


D’après La Légende dorée, Jacques de Voragine, Marthe, page et détail, traduction Jean de Vignay, vignettes enluminées, 1401-1500 apjc, France, Renaissance. (Marsailly/Blogostelle)
De nombreux manuscrits de la Légende dorée…
Le manuscrit de la Légende dorée le plus ancien connu à ce jour, rédigé en 1282 au couvent de Prüfening (non loin de Ratisbonne, en Bavière), est le Codex Monacensis 13029, conservé à la Staatbibliothek de Munich, en Allemagne. De nombreux manuscrits de la Légende dorée, un ouvrage très populaire, sont réalisés à l’époque médiévale, illustrés de riches enluminures…
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Bon Jour Maryse
🙂
Je n’ai pas pu lire entièrement cette publication avec regret car très intéressant comme toujours… Je suis dans un coin de verdure où internet est très capricieux, seul le réseau tumblr ne pose pas de problème … ou alors est-ce WordPress qui est trop « lourd »
Peu importe, je reviendrai reprendre ma lecture
Je t’envoie ma chaleureuse amitié en ce début 2019 … en numérologie l’année du 3, de la trinité aux lumières de la créativité et des Arts d’expression que je te souhaite abondantes
A nos yeux pétillants pour une année durant
Bien à toi
(pour la petite anecdote, pour t’envoyer ce message j’ai du l’écrire puis le copier et coller sur ta page pour un envoi rapide :)) … vive le 21ème siècle)
A bientôt
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Merci beaucoup… au plaisir de lire encore vos poétiques envolées… Comme l’écrit Christian Bobin « l’âme est de la famille des oiseaux »… une belle année à vous pleine d’inspiration et de joies personnelles et littéraires…😊
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